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23/11/2011 | LUXEMBOURG | N°28773

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 novembre 2011, 28773


Tribunal administratif Numéro 28773 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 juin 2011 3e chambre Audience publique du 23 novembre 2011 Recours formé par Madame … et consorts, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 28773 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 juin 2011 par Maître Olivier Lang, avocat à la Cour, ins

crit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … à … (Ko...

Tribunal administratif Numéro 28773 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 juin 2011 3e chambre Audience publique du 23 novembre 2011 Recours formé par Madame … et consorts, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 28773 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 juin 2011 par Maître Olivier Lang, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … à … (Kosovo), agissant en son nom propre et en sa qualité de représentant légal de sa fille mineure …, née le … à … (Macédoine) et de Monsieur …, fils majeur de Madame …, né le … à …, les trois demeurant actuellement à L-…, tendant, d’une part, à la réformation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 16 mai 2011 portant refus de leur demande de protection internationale et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 octobre 2011 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Christine Freymuth, en remplacement de Maître Olivier Lang, et Monsieur le délégué du gouvernement Guy Schleder en leurs plaidoiries respectives.

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Le 31 mai 2010, Madame …, agissant en son nom propre et en sa qualité de représentant légal de sa fille mineure …, et son fils majeur, Monsieur …, ci-après désignés par « les consorts … », introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée « la loi du 5 mai 2006 ».

En date du même jour, les consorts … furent entendus par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur leur identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

Madame … fut entendue les 10 mars et 14 avril 2011 et son fils, Monsieur …, fut entendu le 5 mai 2011 par un agent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration sur leur situation et sur les motifs se trouvant à la base de leur demande de protection internationale.

Par décision du 16 mai 2011, notifiée par lettre recommandée le 18 mai 2011, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ci-après dénommé « le ministre », informa les consorts … de ce que leur demande de protection internationale avait été rejetée comme étant non fondée. Cette décision est libellée comme suit :

«J'ai l'honneur de me référer à vos demandes en obtention d'une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentées auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères en date du 31 mai 2010.

En application de la loi précitée, vos demandes de protection internationale ont été évaluées par rapport aux conditions d'obtention du statut de réfugié et de celles d'obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.

En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 31 mai 2010, ainsi que les rapports d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères des 10 mars 2011, 14 avril 2011 et 5 mai 2011.

Il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire que vous avez déjà déposé une demande de protection internationale au Luxembourg en date du 9 juin 2009 mais étant donné que vous avez été en possession d'un visa émis par les autorités allemandes vous avez été transférés en Allemagne le 17 août 2009. Vous ne seriez restés qu'une vingtaine de jours en Allemagne et seriez retournés au Kosovo le 12 septembre 2009. Vous n'auriez pas déposé une demande d'asile en Allemagne. Madame, vous précisez avoir voulu retourner au Kosovo pour «réessayer » d'y vivre. Les choses n'ayant pas changé, vous auriez à nouveau quitté le Kosovo le 27 mai 2010 à bord d'une camionnette moyennant le paiement de 4500 euros. Vous auriez laissé vos passeports serbes au Kosovo. Vous présentez des cartes d'identité émises par l'UNMIK le 30 juillet 2008, respectivement le 4 septembre 2008 à Pristina.

Madame, il résulte de vos déclarations que vous seriez serbe du Kosovo et que vous auriez habité au village de Mogilla, commune de Vitina. Vous n'auriez plus habité avec votre ancien époux depuis six ans mais vous ne seriez officiellement divorcée que depuis 2010. De 1992 jusqu'à votre départ en 2009 vous auriez travaillé en tant qu'employée administrative au sein d'une école. Vous précisez que votre famille posséderait beaucoup de terrains et que vous auriez une vie aisée au Kosovo.

Vous dites avoir vécu comme dans un « ghetto » à Mogilla, vous ne pourriez pas circuler librement. Avant le conflit de 1999, Mogilla aurait été un village serbe, maintenant il n'y aurait plus que 15% de serbes. Vous n'auriez pas osé sortir de la maison ou prendre un bus de Mogilla à Vitina. Vous précisez que des serbes assureraient des voyages entre Mogilla, Vitina et Vranje, sous surveillance de la KFOR. Vous ne pourriez pas aller chez un médecin. Vous dites d'une manière générale qu'il n'y aurait qu'un seul médecin au Kosovo et que le prochain hôpital se trouverait à Vranje en Serbie à 50 km de votre village. Vous auriez peur que votre fils soit kidnappé ou votre fille violée. Vous ajoutez qu'en 1999 votre parrain aurait été assassiné et qu'en 2000 la maison voisine aurait été détruite. De même, en 2003 un cousin maternel et un ami auraient été tués par des albanais. Vous pensez que ce dernier aurait été victime d'un trafic d'organes auquel le premier ministre kosovar aurait été mêlé. Pour toutes ces raisons vous auriez peur de laisser sortir votre fils ou de circuler dans la rue.

Votre fils aurait été frappé par des albanais à deux reprises en 2009 et des personnes auraient jeté des pierres sur votre maison, vous pensez parce que deux de vos cousins paternels travailleraient à la police. Vous ajoutez que des oncles auraient travaillé en tant que policiers au Kosovo et seraient partis en Serbie en 1999-2000. Vous n'auriez pas osé porter plainte par peur, les serbes n'auraient plus aucun droit. De même, un voisin vous aurait dit de retourner en Serbie lorsqu'il aurait vu votre chaîne en croix et des chauffards qui passeraient par votre village vous insulteraient. Pour vous, il n'y aurait pas de perspective ou d'avenir au Kosovo. Il y aurait beaucoup de coupures d'électricité, notamment pour les jours de fête serbes. De même vous seriez divorcée, mère célibataire. Vous devriez prendre des antidépresseurs depuis 2001.

Monsieur, il résulte de vos déclarations que vous auriez quitté le Kosovo en raison des problèmes avec les albanais. Autour de vous il n'y aurait que des albanais et ils vous insulteraient. Vous auriez peur d'eux. Vous auriez été agressé par des albanais en 2005 et en 2008. Ils auraient menacé de vous tuer si vous ne quittiez pas le Kosovo et vous auraient insulté en raison de votre ethnie. Vous dites ne pas pouvoir porter plainte contre les albanais, vous n'auriez pas confiance dans la police et ils ne voudraient pas vous protéger. Vous auriez peur de vous faire tuer ou d'être kidnappé. De même vous faites état d'insultes et vous confirmez les dires de votre mère.

La reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs qui doivent établir, concrètement, que leur situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Madame, Monsieur, force est de constater que même à supposer vos dires comme vrais, les faits que vous alléguez, ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécutés dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er section 1, § 2 de la Convention de Genève, ainsi que les articles 31 et 32 de la loi modifiée du 5 mai 2006. En effet, dans un premier temps il y a lieu de soulever que la situation générale des membres de la minorité ethnique serbe est certes difficile, mais elle n'est cependant pas telle que tout membre serait de ce seul fait exposé à des persécutions au sens de la Convention de Genève. Selon la jurisprudence de la Cour administrative une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur risque de subir des traitements discriminatoires.

Madame, en ce qui concerne les faits qui auraient eu lieu en 1999, 2000 et 2003, ils sont trop éloignés dans le temps pour pouvoir fonder une demande en obtention d'une protection internationale en 2011 d'autant plus que la situation au Kosovo a bien été différente en 1999 à 2004 et n'est absolument plus comparable à celle actuelle de mai 2011. En effet, même le document de l'UNCHR du 9 novembre 2009 dresse le constat d'une amélioration de la sécurité au Kosovo, avec une diminution des crimes à l'encontre des membres des communautés minoritaires. Il estime que « since the March 2004 attacks, which targeted Kosovo Serbs, Roma and Ashkali there have not been serious incidents of violence reported against minorities on that scale ». Malgré le fait que quelques problèmes persistent les autorités kosovares ont fait des efforts « to ensure respect for human rights ». A cela s'ajoute que les incidents dont vous avez fait état n’ont pas touché votre situation personnelle.

Madame, vous faites notamment état de peur et d'appréhension de ne pas pouvoir circuler librement au Kosovo. Vous auriez peur de prendre un bus ou de vous déplacer. Vous auriez peur que vos enfants soient kidnappés ou violés.

Or, en ce qui concerne la liberté de mouvement, selon un rapport du UK Home Office du 12 février 2007 « There is sufficiency of protection for Kosovan Serbs within Serb enclaves or when specifically under KFOR protection and UNMIK/KPS/KFOR are able and willing to provide protection for those that fear persecution and ensure that there is a legal mechanism for the detection, prosecution and punishment of persecutory acts ». Il ressort du rapport du Secrétaire Général de novembre 2008 que « les enquêtes sur la liberté de circulation menées par le Service de police du Kosovo (SPK) indiquent que plus de 96% des minorités se rendent à l'extérieur de leur zone de résidence. (…). D'après l'étude sur la pérennité des retours, menée par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, la liberté de circulation ne constitue pas une vive préoccupation pour les minorités (…)». Dans son paragraphe « Bewegungsfreiheit» le rapport du Bundesasylamt autrichien (BAA) de novembre 2009 intitulé « Minderheiten im Kosovo : Die Kosovo-Serben » estime que « Busverbindungen der UNMIK, sogenannte "humanitäre Busse", stellen grundsätzlich den Kontakt der Kosovo - Serben aus den einzelnen serbischen Enklaven mit dem nördlichen Teil von Kosovska Mitrovica respektive nach Serbien sicher. Alle Enklaven sind heute mit einem System von Buslinien verbunden, welche in der Regel gut funktionieren und den Kontakt zur Aussenwelt gewährleisten. Eine im April 2009 verfasste Studie zum Funktionieren dieser humanitären Buslinien für "non majority communities" und "other vulnerable populations" zeigte, dass diese Dienstleistung mittlerweile unter der Leitung der kosovarischen Regierung vergleichsweise gut funktioniert und dass die Benutzer mit den gebotenen Dienstleistungen zufrieden sind. Vereinzelt werden diese Busse unterwegs in kosovo -

albanischen Dörfern – primär von Kindern und Jugendlichen – mit Steinen beworfen.

Diesbezügliche Vorkommnisse werden vielfach der KFOR, nicht jedoch der KP gemeldet. Die Interventionsmöglichkeiten bleiben jedoch auch aufgrund des Umstandes, dass es sich (bewusst) um jugendliche Täter handelt, eher beschränkt ». Votre liberté de circulation n'est donc uniquement ressentie comme étant limitée. En effet, il ressort de vos propres déclarations que vous auriez beaucoup peur et n'oseriez pas sortir.

Précisons également que selon un rapport de l'OSCE de septembre 2009 sur la commune de Vitina de septembre 2009 il ressort que « The estimated total population is around 59,800.

The majority is Kosovo Albanian followed by approximately 3,300 Kosovo Serbs, 60 Kosovo Croats and 20 Kosovo Roma. There are two entirely Kosovo Serb villages (Vrbovac/Vérboc and Grncar/Gernqarë) and three ethnically mixed villages (Mogillê/Mogilla, Binçë/Binac and Klokot/Kllokot). According to the 1991 census, 7,002 Kosovo Serbs, 4,331 Kosovo Croats and 373 Kosovo Roma lived in the municipality; many of them fled in 1999. As for return figures, according to the UNHCR, from 2000 to mid-2009, 358 Kosovo Serbs, 19 Kosovo Roma and 18 Kosovo Ashkali have returned to the municipality. Moreover, after the conflict in fYROM in 2001, about 20,000 refugees fled to Viti/Vitina, and to date, around 300 persons are still residing there.

All Kosovo Serbs displaced during and after the March 2004 riots have returned to the municipality. There is, however, a high rate of non-Albanian communities departures from the municipality. [Source: municipality of Viti/Vitina; UNHCR (un-official) estimates August 2009]».

Madame, vous ajoutez également ne pas pouvoir vous rendre chez un médecin, il n'existerait qu'un seul médecin au Kosovo et pour vous faire soigner vous devriez vous rendre à Vranje en Serbie, situé à 50 km de votre village.

Il y a lieu de souligner qu'il ressort du rapport de l'OSCE sur la commune de Vitina, votre commune d'origine que «Health. The main medical facility located in Viti/Vitina town is a basic health care centre with a 32-bed capacity, which employs a total of 142 workers, including 12 Kosovo Serbs. In addition, there is a network of 13 outpatient facilities in the villages which provide basic health care and first aid services to the residents. The Kosovo Serb health care facilities operate solely under the authority of the Serbian authorities and employ 26 staff (only Kosovo Serbs). [Source: Viti/Vitina municipality; municipal communities office in Vrbovac/Vërboc] ». Ce constat est donc en opposition de vos déclarations.

Précisons également que la commune de Vitina est avoisinante de la commune de Gnjilane. Selon de (sic) rapport de l'OSCE de septembre 2009 sur la commune de Gnjilane en ce qui concerne les institutions médicales et l'accès des serbes à celles-ci : « The regional hospital is based in Gjilan/Gnjilane and maintains 538 staff members. There are 318 employees [Kosovo Albanian (269), Kosovo Serb (36), Kosovo Turk (10), and others (3)] providing primary services through a network of one main and 17 smaller family medicine centres, and 15 family medicine clinics. For secondary treatment, many Kosovo Serbs prefer to travel outside Kosovo or Gracanica/Graçanicë and Mitrovica/Mitrovicë. The municipality also has two psychiatric institutions. [Source: municipal department of health and community office] ». Vous auriez donc pu vous rendre à Gnjilane pour recevoir des soins médicaux.

Madame, Monsieur, vous faites état de menaces, d'insultes et de jets de pierres de la part d'albanais ou de votre voisin. De même, Monsieur, vous faites état de deux agressions en 2005 et 2008 de jeunes albanais. Madame, vous situez ces événements en 2009. Or ces faits, même pris dans leur ensemble, ne sont pas d'une gravité telle pour fonder une demande en obtention d'une protection internationale. A cela s'ajoute que des albanais non autrement identifiés ou un voisin ne sauraient être considérés comme agents de persécution au sens de la Convention de Genève et de la loi modifiée du 5 mai 2006. En effet, en application de l'article 28 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection au cas de l'espèce, il ne ressort pas de vos rapports d'entretien que l'Etat ou d'autres organisations gouvernementales présentes sur le territoire de votre pays ne peuvent ou ne veulent pas vous accorder une protection. En effet, il résulte de vos déclarations que vous ne vous seriez pas adressés à la police ou à une autre institution parce que vous auriez peur. De même, vous dites que cela n'aurait servi à rien et que la police ne voudrait pas vous protéger. Or, en l'espèce il ne ressort pas de vos déclarations que la police aurait refusé ou seraient (sic) dans l'incapacité de vous fournir une protection quelconque. A défaut de s'adresser à une autorité quelconque on ne saurait conclure à un défaut ou un refus de protection. A cela s'ajoute qu'il ressort du rapport de l'OSCE cité plus haut que dans la commune de Vitina des serbes sont présents dans le corps policier : «Security presence. The Kosovo police station in Viti/Vitina municipality has 115 officers: 84 Kosovo Albanians, 29 Kosovo Serbs, and two Kosovo Croats; 103 male and 12 female. In July 2007, two police sub-stations were opened in Vrbovac/Vërboc and Pozheran/Pozaranje. There are also four EULEX police monitors. As for the international military presence, United States KFOR is in charge of the area ».

De manière générale en ce qui concerne la représentation des minorités dans la société kosovare, il y a lieu de citer le rapport du 24 novembre 2008 du Secrétaire Général sur la Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo selon lequel les serbes sont bien représentés dans toutes les institutions démocratiques. Selon le rapport du Bundesasylamt autrichien (BAA) de novembre 2009: « Der multiethnische Charakter der kosovarischen Gesellschaft soll sich laut Angaben in den verschiedensten Verfassungsbestimmungen auch in den öffentlichen Institutionen widerspiegeln. So gehörten 12% der Angestellten im Rechtssystem ethnischen Minderheiten an, 8% davon der serbischen Gemeinschaft. Auch im Strafvollzug gehörten 14% der Angestellten einer ethnischen Minderheit an, 10% von ihnen der serbischen.

Im Bereich der Staatsbediensteten sind derzeit etwa 11,5% auf zentraler und etwa 12% auf lokaler Ebene angestellt. Von den etwa 7.000 Kosovo Police Beamten gehören derzeit etwa 15,5% ethnischen Minderheiten an, wobei etwa 10% davon zu den Kosovo-Serben zu zählen sind.

Darüber hinaus werden der serbischen Minderheit und auch den jeweils anderen anerkannten Minderheiten fixe Parlamentssitze in der kosovarischen Versammlung garantiert. So werden etwa den Serben im Parlament, unabhängig von etwaigen Wahlergebnissen zehn Sitze zuerkannt».

En ce qui concerne les coupures d'électricité dont vous faites état, il y a lieu de soulever que d'une manière générale le Kosovo connaît des difficultés d'approvisionnement en électricité et que les coupures d'électricité sont choses courantes dans tous les villes ou villages.

Par tout ce qui précède force est donc de constater que la situation des minorités est devenue plus stable. En règle générale, celles-ci ne doivent plus craindre des attaques directes contre leur sécurité. Plus particulièrement, les serbes commencent à bénéficier de la liberté de mouvement. S'il est vrai que leur situation économique est encore peu favorable dans les villes, ils ont accès à l'enseignement et aux soins de santé. De même, en ce qui concerne l'indépendance du Kosovo, les positions radicalement opposées des serbes et albanais sur la question engendrent certes une certaine tension au niveau politique. Cependant, les rapports de l'UNMIK continuent de constater une diminution considérable des crimes susceptibles d'avoir été motivés par des considérations ethniques et une amélioration constante de la situation sécuritaire en général.

Même le récent document de l'UNCHR (sic) du 9 novembre 2009 dresse le constat d'une amélioration de la sécurité au Kosovo ces six derniers mois, avec une diminution des crimes à l'encontre des membres des communautés minoritaires. Il estime que « since the March 2004 attacks, which targeted Kosovo Serbs, Roma and Ashkali there have not been serious incidents of violence reported against minorities on that scale ». Malgré le fait que quelques problèmes persistent les autorités kosovares ont fait des efforts « to ensure respect for human rights ».

Il y a lieu de citer le rapport récent du Secrétaire général sur la Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo du 10 juin 2009 déjà cité: « Dans l'ensemble, la situation en matière de sécurité au Kosovo est demeurée relativement calme. Toutefois, une série d'incidents se sont produits à Kroi i Vitakut/Brdjani, dans la partie nord de Mitrovicë/Mitrovica, où d'anciens résidents albanais du Kosovo ont commencé, malgré l'opposition de résidents serbes, à reconstruire leurs maisons qui avaient été détruites en 1999». De même le dialogue entre les autorités kosovares et de Belgrade ont réussi de dessiner quelques succès supplémentaires. Ainsi selon le rapport « Des progrès ont été accomplis sur la voie d'un accord et de l'adoption de solutions dans le domaine de la protection du patrimoine culturel serbe au Kosovo. En avril et mai, des experts de la MINUK se sont entretenus avec les principales parties prenantes, dont des organisations internationales qui s'occupent de cette question, en vue de trouver une formule de coopération acceptable pour les autorités de Belgrade et de Pristina et l'Église orthodoxe serbe. En ce qui concerne le secteur de la justice, des représentants de la MINUK et d'EULEX ont rencontré, le 8 avril, des autorités serbes à Belgrade. Les discussions ont porté sur les éléments d'une feuille de route relative à la réaffectation de juges et de procureurs locaux au tribunal de Mitrovica. On a enregistré quelques progrès dans la constitution d'une commission formée de cadres locaux, chargée d'inventorier les dossiers en instance au tribunal, en guise de mesure de confiance. Par ailleurs, des représentants de la MINUK ont poursuivi les consultations avec les responsables politiques serbes des municipalités du nord sur la normalisation du fonctionnement du système judiciaire dans le nord du Kosovo.

En attendant, des juges et des procureurs d'EULEX traitent les affaires urgentes du tribunal de Mitrovica ».

Toujours selon le même rapport du Secrétaire général « Le nombre de retours librement consentis, constaté en 2009, augmente graduellement, même s'il reste très limité et toujours en deçà des chiffres de 2008. D'après les estimations du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), 137 membres de communautés déplacés, dont 24 Kosovars, 30 Serbes du Kosovo et 54 Roms, Ashkali et Tziganes, sont rentrés au Kosovo de leur plein gré entre janvier et avril. Au cours de la période considérée, 936 personnes ont été contraintes de rentrer au Kosovo, en provenance de l'Europe occidentale, soit une augmentation de 27,3 % par rapport à 2008, pour la même période. Dans ce groupe 40 personnes appartiennent à des communautés minoritaires ». De même « plus de 660 familles, totalisant 3 100 personnes, ont exprimé le désir de rentrer en 2009. Le Ministère est maintenant plus réceptif aux demandes de retour et mieux outillé pour aérer ces mouvements grâce à la mise au point de sa base de données sur les retours.

Le Ministère des communautés et des retours met en oeuvre six projets de retours organisés qui devraient permettre le retour de 143 familles serbes du Kosovo dans les municipalités de Vushtrri/Vucitrn, Prizren, Klinë/Klina, Istog/Istok, Novoberdë/Novo Brdo et Pristina. En outre, en 2009, 23 familles qui sont rentrées ont bénéficié d'une aide à la reconstruction de leur logement, tandis que 45 autres logements devraient être reconstruits avant la fin de l'année dans le cadre d'un programme de retours intitulé « Partenariats durables pour l'aide au retour des minorités au Kosovo » (Sustainable Partnerships for Assistance to Minority Returns in Kosovo), administré par le PNUD et financé par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord et le Ministère des communautés et des retours. Par ailleurs, 180 autres familles bénéficieront d'une aide au retour dans le cadre du projet intitulé « Retour et réintégration au Kosovo » (Return and Reintegration to Kosovo), financé conjointement par la Commission européenne, le Ministère des communautés et des retours et le PNUD. Une centième famille serbe du Kosovo est revenue dans la ville de Kliné/Klina depuis les premiers retours urbains enregistrés au Kosovo en février 2005 ».

Il y a lieu à nouveau de citer le dernier rapport de la Commission européenne « Kosovo Under UNSCR 1233/99 2009 Progress Report » du 14 octobre 2009 qui relève d'une manière générale le progrès réalisé par les autorités kosovares permettant ainsi à la KFOR de réduire ses effectifs (« In recognition of the evolving situation in Kosovo, KFOR has initiated a gradual reduction of its presence in theatre ») et constatant une stabilité politique et le fonctionnement des structures gouvernementales. Ainsi, le rapport estime entre autre que « The Constitution of Kosovo is in line with European standards, which require stability of institutions guaranteeing democracy, the rule of law, human rights and respect for and protection of minorities » et « The Kosovo authorities continued their effort to improve the protection, integration and representation of minority communities. The planned census needs to be organised and conducted in a way enabling the widest possible participation to ensure it reflects accurately the situation of all communities in Kosovo. The Community Consultative Council has been inaugurated and meets regularly. The Serb community is represented by five members, the Turkish and the Bosnian communities by three members each, the Roma, Ashkali, Egyptian and Gorani communities by two members each and the Montenegrin community by one member ». De même, « The Law on the Constitutional Court has been adopted. The six Kosovan judges, including two representatives of minority communities, were nominated by the Assembly in May and appointed by the President in June ».

Même, si des efforts restent à faire notamment en ce qui concerne la sécurité au Nord du Kosovo (région dont vous n'êtes pas originaire), l'efficacité du système judiciaire, la participation des serbes dans les institutions kosovares étant donné que ces derniers restent plus attirés par les institutions parallèles serbes et la consolidation de la situation des minorités ethniques et de leurs droits, le constat indéniable d'une évolution positive au Kosovo, également reconnu par les cours et tribunaux administratifs ne saurait être mis en cause.

Soulevons également que le rapport estime également que des efforts sont à faire par les serbes du Kosovo en ce qui concerne leur participation dans les institutions étatiques notamment dans le système judiciaire ( « The Kosovo Serbs also need to take proactive and constructive steps in this regard ») et la promotion et l'application des droits de l'homme (« However, the mechanisms to ensure their implementation are not yet in place. Some municipal human rights units are not operational, in particular in Kosovo Serb majority municipalities, which are reluctant to cooperate with the central authorities. The Ombudsman office has only limited oversight as regards Serbian parallel structures »).

Enfin, citons à nouveau le rapport du Bundesasylamt allemand (BAA) de novembre 2009 selon lequel « Die Sicherheitslage im Kosovo hat sich trotz einiger Zwischenfälle in den serbischen Gebieten als stabil erwiesen. Mit einem offenen Aufflammen von kriegerischen Auseinandersetzungen ist derzeit nicht zu rechnen ». De même ce rapport estime que « Trotz vieler gegenteiliger Behauptungen haben sich jedoch die demokratischen Strukturen gefestigt, der Staat ist fähig, exekutive Aufgaben durchzuführen und auch durchzusetzen. Mittlerweile steigt das Vertrauen der Bevölkerung in die staatlichen Institutionen wieder, das zu einem relativ entspannten Klima in grossen Teilen des Landes beiträgt. Allerdings bleiben einige Problembereiche bestehen, besonders z.B. im Justizwesen, auf dem Gebiet der Korruption und der organisierten Kriminalität und in der wirtschaftlichen Entwicklung ».

En ce qui concerne la jurisprudence dans la matière, il y a lieu de citer un jugement du Tribunal administratif numéro de rôle 25136 du 7 mai 2009: « Au regard de ces conclusions du prédit rapport (rapport de la commission européenne du 5 novembre 2008), qui résulte d'une analyse de la situation au Kosovo suite à la déclaration d'indépendance, prenant également en compte la manière selon laquelle les nouvelles mesures législatives des autorités kosovares sont appliquées, le tribunal arrive à la conclusion que l'évolution de la situation sécuritaire au Kosovo depuis la déclaration d'indépendance est nettement dans le sens de l'amélioration, même si l'absence d'incident majeur à origine ethnique notée dans ledit rapport n'empêche pas qu'il subsiste certaines tensions sur le terrain.

Cette conclusion n'est pas énervée par l'argumentation des demandeurs, fondée sur le rapport précité du UK Home office du 22 juillet 2008, selon laquelle la protection des Serbes dans les enclaves dépendrait du bon vouloir des autorités en place. En effet, le même rapport conclut à propos des Serbes que s'il existe toujours des incidents d'harcèlement et d'intimidation à l'encontre des Serbes, ceux-ci ne seraient pas suffisamment graves pour justifier l'octroi du statut de réfugié et que les victimes résidant dans des enclaves peuvent solliciter la protection de la part de l'UNMIK ou du KPS (point 3.10.11.). D'autre part, le simple fait que des policiers serbes ont démissionné de leurs postes à la suite de la déclaration d'indépendance ne permet pas d'affirmer que les autorités en place ne seraient pas disposées ou capables de venir en aide aux Serbes ».

Selon un arrêt de la Cour administrative du 28 avril 2009 sous le numéro de rôle 24892C qui retient que : « Par rapport à la demande de protection internationale prise en ses volets du statut de réfugié et du statut de la protection subsidiaire, la Cour a autorisé les parties à prendre position sur la situation actuelle au Kosovo - entrevue à la fois d'un point de vue général et du point de vue particulier de la minorité serbe - en ce qu'elle conditionne tant, au niveau de la demande en reconnaissance du statut de réfugié, la subsistance d'une crainte justifiée de subir des persécutions à l'heure actuelle et la question de l'existence de bonnes raisons, au sens de l'article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006, permettant de conclure que les persécutions éventuellement subies dans le passé par les appelants ne se reproduiront plus, qu'au niveau de la demande en obtention du statut de la protection subsidiaire, la subsistance d'un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de ladite loi.

Or, concernant la situation générale du Kosovo et, en particulier, celle de ses minorités, la Cour a constaté, sur base de rapports et de documents largement identiques ou similaires à ceux invoqués en l'espèce, dans des arrêts récents (v. notamment Cour adm. 18 décembre 2008, n° 24853C du rôle, disponible sur http://www.ja.etat.lu 24853C.doc ; 31 mars 2009, n° 25279C du rôle, disponible sur http://www.ja.etat.lu/25279C.doc) que s'il est vrai que la situation sécuritaire actuelle au Kosovo en général et celle des minorités ethniques, dont la minorité serbe, en particulier demeure difficile, elle n'est cependant pas telle que tout membre d'une minorité ethnique serait de ce seul fait exposé à des risques de mauvais traitements.

Au contraire, les autorités nationales, en coopération avec l'Union européenne, déploient de sérieux efforts pour instaurer et consolider l'Etat de droit et protéger de manière efficace les minorités ethniques. S'il est vrai que les institutions du Kosovo ne répondent pas aux standards d'une démocratie occidentale ayant fait ses preuves, il importe en revanche de souligner qu'il existe une réelle volonté de se conformer aux standards de l'Union européenne et que la collaboration avec les institutions européennes est acceptée voire recherchée par les autorités kosovares.

Dans une matière comme le respect des droits de l'homme qui dépend très étroitement de l'évolution de la situation politique dans un pays et est de ce chef sujette à de constantes fluctuations, il y a lieu de porter un regard particulier aux tendances — positives ou négatives — qui se dessinent au vu de l'évolution la plus récente. Or, dans le cas du Kosovo, l'évolution est nettement dans le sens de l'amélioration. Dans ce contexte, il est particulièrement important de noter que les incidents motivés par des raisons ethniques ont fortement diminué en 2008 voire ont disparu.

Il y a lieu d'ajouter qu'outre les autorités kosovares et communautaires, des forces internationales veillent au maintien de l'ordre, la MINUK orientant même désormais ses principaux efforts vers des minorités non albanaises.

Eu égard à ces éléments, la situation générale actuelle au Kosovo n'est pas telle que les personnes qui y résident, y compris celles appartenant à des minorités ethniques, devraient craindre de la part des autorités des traitements inhumains et dégradants. Elles ne sont pareillement pas fondées à admettre que les autorités en place ne seraient ni disposées, ni capables de les protéger contre des violations de leurs droits de la part de groupes de la population ou d'individus non étatiques.

Eu égard à cette conclusion dégagée par rapport à la situation générale au Kosovo et retenue déjà à l'égard d'autres membres de la communauté serbe originaires de la municipalité de Gnjilane (cf. Cour adm. 18 décembre 2008, n° 24853C du rôle, prévisé), la Cour est amenée à retenir que les appelants ne sauraient valablement se prévaloir, en raison de la seule situation générale au Kosovo, de la subsistance d'une crainte justifiée de subir des persécutions à l'heure actuelle ou de l'absence de bonnes raisons, au sens de l'article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006, permettant de conclure que les persécutions éventuellement subies dans le passé ne se reproduiront plus, tout comme ils ne peuvent légitimement invoquer, au niveau de la demande en obtention du statut de la protection subsidiaire, la subsistance d'un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de ladite loi.

Si suivant la toile de fond ainsi retenue concernant la situation actuelle au Kosovo, l'absence de craintes de persécution dans le chef des minorités ethniques et plus particulièrement des Serbes au Kosovo est à retenir en règle générale, cette conclusion n'empêche cependant pas la vérification d'éléments de fait à établir dans le cas particulier allant dans le sens d'une crainte de persécution justifiée.

Cependant, les faits avancés par les intimés, tenant à des insultes et intimidations, à des restrictions à leur liberté de mouvement, deux agressions par des Albanais et la perte de l'enfant de Madame …, se situent tous dans le cadre de la situation générale après la guerre au Kosovo et des difficultés de cohabitation entre les différentes ethnies au Kosovo, dont le rapport de l'UNHCR de juin 2006, invoqué par les intimés et mis à la base de son appréciation de la situation actuelle par le tribunal, est encore le reflet, mais ces faits ne tiennent pas à des qualités ou d'autres éléments particuliers aux intimés qui seraient encore de nature à les exposer à l'heure actuelle à un risque réel de persécutions ou à un risque concret de subir des atteintes graves au sens de l'article 37 de la loi du 5 mai 2006 nonobstant l'évolution favorable de la situation générale depuis le rapport susvisé de l'UNHCR retenue ci-avant.

Il s'ensuit que, sur base des développements qui précèdent et de l'évaluation de la situation suivant la documentation la plus récente, la Cour ne partage pas les conclusions du tribunal concernant les risques de persécution auxquels les intimés, en tant que membres de la minorité serbe, seraient exposés actuellement. » Par tout ce qui précède force est donc de conclure que vos motifs traduisent donc plutôt un sentiment général d'insécurité qu'une crainte de persécution. Or, un sentiment général d'insécurité ne constitue pas une crainte fondée de persécution.

Ainsi, vous n'alléguez aucun fait susceptible de fonder raisonnablement une crainte de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays.

Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.

En outre, vos récits ne contiennent pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.

En effet, les faits invoqués à l'appui de vos demandes ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptibles de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Etant donné que les faits invoqués à la base de votre demande de protection internationale ne sauraient être actuellement admis comme justifiant à suffisance une crainte de persécution ; dès lors, et a fortiori, l'absence matérielle de crainte actuelle fondée s'impose également en ce qui concerne la demande tendant à obtenir la protection subsidiaire.

En effet, vous ne faites tous les deux pas état d'un jugement ou d'un risque de jugement vous condamnant à la peine de mort. Par ailleurs, la constitution kosovare du 8 avril 2008 interdit dans son article 25-2 la peine de mort. Vous ne faites également pas état de risque réel de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants ou de risques réels émanant d'une violence aveugle résultant d'un conflit armé interne ou international.

En s'appuyant sur tous les rapports et jurisprudence cités la situation actuelle au Kosovo ne saurait être considérée comme conflit armé interne ou international.

Vos demandes en obtention d'une protection internationale sont dès lors refusées comme non fondées au sens de l'article 19§1 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.

La présente décision vaut ordre de quitter le territoire. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 20 juin 2011, les consorts … ont fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision précitée du ministre du 16 mai 2011, par laquelle ils se sont vu refuser la reconnaissance d’un statut de protection internationale, et un recours tendant à l’annulation de la décision du même jour, incluse dans le même document, portant à leur égard l’ordre de quitter le territoire.

1. Quant au recours tendant à la réformation de la décision de refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées, seul un recours en réformation a pu être dirigé contre la décision ministérielle déférée.

Le recours en réformation est recevable pour avoir par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les demandeurs déclarent être originaires de Mogilla, village kosovar situé dans la commune de Vitina, et appartenir à la minorité serbe du Kosovo. Ils déclarent que jusqu’au conflit de 1999, leur famille n’aurait connu aucun problème. Après le conflit de 1999, leur vie aurait cependant changé de manière radicale en ce qu’à partir de ce moment, il serait devenu impossible pour une personne d’origine serbe de se déplacer librement sans risquer sa vie. A ce titre, les demandeurs font état de l’assassinat du parrain de la demanderesse, qui aurait été membre de la police serbe au Kosovo. Dans ce même contexte, ils font état de ce que la maison de leur voisin aurait été incendiée et entièrement détruite par des Albanais en 2000, ce qui aurait amené la famille voisine à fuir le Kosovo. Cette même période aurait également marqué le début d’une pénurie en électricité, d’une absence de transport en commun, ainsi qu’une impossibilité d’accéder aux soins médicaux, et ceci jusqu’à leur départ du Kosovo. A cet égard, les demandeurs font état du décès du père de la demanderesse en mai 2001.

Celui-ci aurait été victime d’un infarctus, mais n’aurait pu obtenir des soins médicaux, étant donné qu’ils n’auraient pas eu accès à un hôpital de leur province puisque seuls les Albanais auraient eu le droit de s’y rendre, tandis que l’hôpital accessible le plus proche se serait trouvé à Vranje en Serbie, auquel ils n’auraient cependant pas pu se rendre puisque la frontière était bloquée par l’UCK. Lors de l’enterrement du père, la famille aurait dû être escortée vers le cimetière par la KFOR, tandis que des Albanais auraient proféré des insultes et auraient jeté des pierres durant la cérémonie. Les demandeurs soutiennent que jusqu’à aujourd’hui, la situation serait inchangée en ce que les Albanais résidant dans les alentours du cimetière s’acharneraient toujours systématiquement sur les familles serbes en deuil.

Les évènements ainsi décrits par les demandeurs auraient entraîné que la demanderesse souffre d’une dépression toujours présente à l’heure actuelle.

Les demandeurs font ensuite état d’une recrudescence des violences de la part de la population albanaise à l’égard des Serbes au courant de l’année 2003. Ainsi, un cousin maternel aurait été assassiné par des Albanais pendant qu’il cultivait ses champs. Un petit commerce appartenant à un oncle paternel de la demanderesse aurait été pris d’assaut par un groupe d’Albanais, incident pendant lequel un jeune garçon serbe aurait été blessé par balle.

Pareillement, un ami d’enfance de la demanderesse aurait été « massacré » par des Albanais durant la même époque. Depuis ces évènements, la famille des demandeurs resterait confinée à leur domicile, craignant de se déplacer, dans la mesure où le pourcentage de la population albanaise aurait augmenté. Ils soutiennent encore qu’à chaque déplacement, ils feraient l’objet d’insultes et de menaces de la part des Albanais.

Les demandeurs font également valoir qu’après que l’époux de la demanderesse ait abandonné la famille en 2005, la situation d’insécurité aurait augmenté dans la mesure où en tant que mère célibataire, la demanderesse aurait constitué une cible très facile.

Ils font encore état d’un incident ayant eu lieu en 2005, durant lequel le demandeur, âgé alors de 13 ans, aurait été surpris par un groupe de cinq Albanais qui l’auraient d’abord insulté en raison de son appartenance à la minorité serbe, puis l’auraient frappé à l’aide de battes en bois, tout en le menaçant de mort dans l’hypothèse où il s’adresserait à la police ou aux forces internationales. Les demandeurs affirment encore qu’ils n’auraient pas pu faire soigner les blessures du demandeur suite à cette agression, puisqu’ils n’auraient pu utiliser les transports en commun sous la surveillance des forces internationales qu’à des heures fixes de la journée, tandis que l’attaque aurait eu lieu en soirée, et qu’ils n’auraient pas osé se rendre à Vranje en Serbie à leur propre risque et péril en voiture, sans escorte. Les demandeurs soulignent qu’ils auraient dû continuer à vivre retirés dans leur maison et que pour se rendre au travail et à l’école, ils ne se seraient déplacés que sous l’escorte de la KFOR. Même à leur domicile, ils auraient été constamment sous leurs gardes, dans la mesure où leur maison serait située au bord d’une route empruntée quotidiennement par des Albanais qui auraient jeté des pierres vers leur maison, respectivement les auraient provoqués, menacés ou auraient prodigué des insultes à leur égard.

Leurs conditions de vie se seraient encore aggravées suite à la proclamation de l’indépendance du Kosovo en février 2008, suite à laquelle les troupes internationales de la KFOR se seraient retirées, impliquant que les insultes et les agressions se seraient intensifiées.

Les demandeurs soutiennent enfin que deux incidents auraient été alors déterminants dans leur décision de quitter leur pays d’origine.

Ainsi, ils font état de ce que le bus scolaire emprunté par le demandeur aurait été attaqué par des Albanais à l’aide de pierres.

D’autre part, à l’âge de 16 ans, le demandeur aurait été tabassé à coups de pied et de poings par un groupe de jeunes Albanais qui l’auraient également insulté et auraient proféré des menaces de mort à son égard s’il ne décidait pas de quitter le Kosovo.

Suite à cette deuxième agression, les demandeurs auraient encore limité davantage leurs déplacements et n’auraient quitté la maison qu’en extrême nécessité. Ils auraient fait en permanence l’objet de jets de pierres et d’insultes, incidents auxquels s’ajouteraient des coupures d’électricité délibérées et ciblées de la part des Albanais.

Ils donnent encore à considérer qu’ils n’auraient pas pu s’adresser à la police pour porter plainte au motif qu’ils craindraient que la situation allait s’empirer s’ils s’étaient adressés à la police qui, à l’époque, aurait été composée exclusivement de membres d’origine albanaise et, d’autre part, puisque le bureau de police le plus proche se trouverait à Vitina et qu’il serait impossible de s’y déplacer dans la mesure où le poste de police aurait été situé dans un quartier albanais. Ils précisent encore qu’en date du 9 juin 2009, ils auraient déposé une première demande d’asile au Luxembourg, mais qu’ils auraient été transférés en Allemagne en août 2009 puisqu’ils auraient voyagé à l’aide d’un visa accordé par l’ambassade allemande. Après 20 jours en Allemagne, la demanderesse aurait décidé de retourner volontairement au Kosovo.

Néanmoins, à leur retour, la situation n’aurait pas changé. Ainsi, leur voisin direct porterait des insultes à leur égard à chaque fois qu’il les apercevait. Ce serait ainsi qu’ils auraient à nouveau quitté leur pays d’origine pour déposer une demande de protection internationale au Luxembourg en date du 31 mai 2010.

Les demandeurs soulignent encore que la demanderesse serait psychologiquement affectée en raison des évènements subis depuis 1999 et elle se trouverait de ce fait en traitement auprès d’un spécialiste en psychiatrie.

Enfin, les demandeurs font état d’un nouvel évènement survenu en juin 2011. La mère de la demanderesse serait en effet décédée des suites d’un infarctus, dans des circonstances comparables au décès de son père en mai 2001. Ainsi, le beau-frère de la demanderesse aurait dû emprunter la route vers l’hôpital situé au nord de Mitrovica, situé à 60 km, tandis qu’à 10 minutes de leur maison se trouverait l’hôpital de Vitina et à 20 minutes l’hôpital de Gnjilane. Or, ces deux hôpitaux seraient « dans les faits et les mentalités albanaises et serbes de la région » réservés aux Albanais. La mère de la demanderesse serait ainsi décédée sur le chemin vers l’hôpital de Mitrovica.

En droit, les demandeurs font valoir qu’il appartiendrait au ministre d’apprécier leur situation individuelle dans le contexte général de leur pays d’origine dans lequel elle s’inscrirait.

A cet égard, ils reprochent au ministre d’avoir fait abstraction de ce que la demanderesse est une femme serbe seule au Kosovo, ayant deux enfants à sa charge, situation qui l’exposerait d’autant plus aux violences en raison de sa vulnérabilité due à sa situation et due au déshonneur jeté sur elle lorsque son mari l’a abandonnée. Les demandeurs reprochent encore au ministre de ne pas avoir fait référence à ses troubles psychologiques qui trouveraient leur source dans son passé traumatisant des dernières douze années. L’approche du ministre serait ainsi contraire à l’article 26 (3) de la loi du 5 mai 2006. Par ailleurs, au vu des exigences de l’article 26 (3), précité, le ministre n’aurait pas pu retenir que les faits survenus en 1999, 2000 et 2003 seraient trop éloignés dans le temps. De même, le ministre aurait violé l’article 26 (3) b) en estimant que les incidents dont elle aurait été témoin ne toucheraient pas à sa situation personnelle. D’autre part, le ministre aurait fait abstraction de la situation pertinente générale, à savoir du fait que la demanderesse a vécu durant onze ans dans un village se vidant de ses habitants serbes, le fait qu’il n’y aurait aucun corps de police dans son village et que les forces de la KFOR se seraient retirées suite à la déclaration d’indépendance, et la situation générale des femmes seules et membres de la minorité serbe. Les demandeurs font encore état du rapport de l’UNHCR du 9 novembre 2009 dont le ministre devrait tenir compte en vertu de l’article 18 b) de la loi du 5 mai 2006.

Les demandeurs se réfèrent encore à un document publié par l’Organisation Suisse d’Aide aux Réfugiés du 24 novembre 2004 qui permettrait de prendre conscience du sort réservé aux femmes seules dans la société kosovare. Il en serait de même d’un document publié par le Refugee Documentation Center (Ireland) du 12 octobre 2010, intitulé « Information on violence and rape against women». Les demandeurs reprochent encore au ministre d’avoir fait référence à des rapports décrivant la situation telle qu’elle existait avant 2009, en soulignant que ledit ministre ne produirait pas de document se référant à la situation actuelle. A cet égard, les demandeurs invoquent encore le rapport le plus récent de l’OSCE intitulé « Community profile 2010 » suivant lequel la situation sécuritaire au Kosovo resterait « périlleuse ». Enfin, les demandeurs soutiennent que les deux rapports du Bundesasylamt et du UK Home Office cités par le ministre devraient être appréhendés avec circonspection puisqu’ils manqueraient d’objectivité et d’impartialité. Les demandeurs invoquent encore le rapport du parlementaire suisse Dick Marty intitulé « Le traitement inhumain de personnes et le trafic illicite d’organes humains au Kosovo ». Les demandeurs en concluent que ministre se serait basé sur des rapports trop anciens et dont le contenu prêterait à caution.

Les demandeurs soutiennent remplir les conditions pour se voir reconnaître le statut de réfugié politique, en précisant que les actes de persécution dont ils craignent faire l’objet seraient constitués par des violences mentales qu’ils auraient endurées pendant les onze dernières années et provoquées par les insultes et menaces permanentes dont ils auraient fait l’objet. Le demandeur aurait déjà à deux reprises été victime de violences physiques, soit en 2005 et en 2008. La demanderesse et sa fille auraient limité au maximum leurs déplacements et leurs sorties pour ne pas s’exposer à un danger réel de faire l’objet de viols ou de kidnapping. Enfin, ils craindraient de faire l’objet d’une atteinte à leur vie puisqu’ils auraient déjà été menacés à plusieurs reprises.

Quant au motif des persécutions, les demandeurs précisent que celles-ci seraient motivées, d’une part, par leur appartenance à la minorité serbe, et, d’autre part, par le statut de femme seule au Kosovo de la demanderesse. Ils estiment que les actes dont ils font état seraient suffisamment graves tant par leur nature que par leur caractère répété. L’ensemble des actes subis par eux pourrait également être considéré comme une accumulation suffisamment grave de diverses mesures au sens de l’article 31 (1) b) de la loi du 5 mai 2006, et, enfin, ces faits constitueraient des violations graves des droits fondamentaux de l’homme.

Quant à la question de la protection dont ils pourraient bénéficier dans leur pays d’origine, les demandeurs font valoir que les forces internationales auraient quitté leur village et la région suite à la proclamation de l’indépendance du Kosovo en février 2008, et qu’aucune station de police n’existerait à Mogilla. Ainsi, aucune aide ne pourrait leur être apportée en cas d’agression.

Par ailleurs, l’état d’extrême fragilité psychologique de la demanderesse l’aurait empêchée de s’adresser à la police kosovare de Vitina ou Gniljane pour demander une protection.

Les demandeurs font valoir qu’ils ne pourraient s’attendre à aucune protection des autorités de leur pays d’origine en se référant à différents rapports internationaux épinglant plus particulièrement un système judiciaire inefficace. Les demandeurs citent encore des passages du rapport du parlementaire suisse Dyck Marty adopté par l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe qui permettrait de comprendre les raisons pour lesquelles les demandeurs n’auraient pas recherché la protection des autorités du Kosovo. Les demandeurs concluent que le Kosovo ne répondrait nullement aux exigences de l’article 29 (2) de la loi du 5 mai 2006, et que ni les autorités kosovares, ni les organisations internationales présentes au Kosovo ne seraient en mesure d’apporter une protection effective au sens de l’article 29 (2), précité.

La demanderesse fait encore état de craintes de persécution par association et soutient que le ministre aurait dû considérer sa situation personnelle puisqu’elle vivrait seule avec ses enfants dans un village vidé de ses habitants serbes, sans qu’ils puissent compter sur l’aide de quelqu’un.

D’autre part, le ministre aurait dû rapprocher sa situation aux évènements dramatiques ayant touché des membres de leur famille, respectivement certains de leurs proches et, enfin, le ministre aurait dû tenir compte du fait que des femmes d’origine serbe de Mogilla et de la région auraient été violées par des Albanais.

Les demandeurs s’emparent encore de la présomption de l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006.

Le délégué du gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et conclut ainsi au rejet du recours.

Il convient de rappeler qu’aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 c) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

Le tribunal, statuant en tant que juge du fond en matière de demandes de protection internationale, doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, tout en prenant en considération la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par les demandeurs lors de leurs auditions respectives, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle fondée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leurs opinions politiques ou de leur appartenance à un certain groupe social au sens de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006.

Les demandeurs, originaires du village de Mogilla, commune de Vitina au Kosovo, et appartenant à la minorité des Serbes, font état de craintes de persécutions en raison de leur origine ethnique et en raison du fait que la demanderesse vit seule avec ses enfants au Kosovo.

En ce qui concerne la situation générale régnant actuellement au Kosovo et plus particulièrement la situation sécuritaire de la minorité serbe, celle-ci demeure certes difficile, mais n’est pas telle que tout membre de la minorité serbe serait de ce seul fait exposé à des persécutions au sens des dispositions de la Convention de Genève et de la loi du 5 mai 2006.

A cet égard, il convient plus particulièrement de se référer au rapport de novembre 2009 de l’UNHCR et à celui de la Commission européenne d’octobre 2009, invoqués en l’espèce.

Il ressort du dernier rapport de l’UNHCR de novembre 2009 que même si les Serbes en situation de minorité peuvent être considérés comme formant un groupe soumis à un certain risque, selon la région dans laquelle les personnes concernées habitent, force est de constater que l’UNHCR met l’accent essentiellement sur l’appréciation de la situation individuelle de chaque demandeur d’asile (cf. point III, page 17 du rapport de novembre 2009). Le tribunal constate encore que le rapport de l’UNHCR se fonde en partie sur le rapport de la Commission européenne d’octobre 2009. Force est cependant de relever que s’il est vrai qu’il ressort de ce rapport que les standards d’une démocratie occidentale ne sont pas encore atteints et que la situation sécuritaire des minorités au Kosovo est fragile, il n’en reste pas moins qu’il se dégage de ce rapport, tout comme d’ailleurs du précédent rapport de la Commission européenne sur le Kosovo d’octobre 2008, que globalement des efforts ont été déployés pour améliorer la situation.

Plus particulièrement, quant à la question du respect des droits de l’homme, la Commission relève que si « the institutional framework for the observance of international human rights norms in Kosovo needs to be significantly strengthened », il n’en reste pas moins que « overall, there has been some progress in this area, notably the adoption of the human rights strategy and action plan ». Si la Commission déplore, tel que relevé par l’UNHCR dans son rapport, un défaut de mécanismes garantissant l’exécution du prédit plan d’action, ce reproche vise essentiellement les municipalités à majorité serbe (« (…) in particular in Kosovo Serb majority municipalities, which are reluctant to cooperate with the central authorities. The Ombudsman office has only limited oversight as regards Serbian parallel structures »). Il se dégage encore du prédit rapport que la Constitution kosovare est conforme aux standards européens (page 6 du rapport) et que des dispositions garantissant la non-discrimination ont été incluses dans le plan d’action pour le respect des droits de l’homme 2009-2010 qui a été mis en place, même s’il est vrai que des efforts concrets doivent encore être déployés (page 15 du rapport). S’il est vrai que selon la Commission, le système judiciaire au Kosovo est toujours faible, il n’en reste pas moins que des efforts ont été faits notamment par la mise en place de juges et de membres du parquet dans le cadre du développement de la mission EULEX (pages 10 et 11 du rapport). Il ressort encore dudit rapport que « the Kosovo authorities continued their effort to improve the protection, integration and representation of minority communities » (page 16 du rapport) et que « Kosovo has made partial progress as regards policing. The basic legislative framework is in place. Kosovo Police has managed well its public order functions (page 46 du rapport).

D’autre part, il ne ressort pas des éléments d’appréciation soumis au tribunal que d’une manière générale, la situation des femmes célibataires soit telle qu’elles risquent des actes de persécutions au Kosovo.

La conclusion ci-avant retenue quant à la situation de la minorité serbe et des femmes au Kosovo n’est pas énervée par les sources citées par les demandeurs.

Plus particulièrement, force est de constater que le rapport de l’Organisation Suisse d’Aide aux Réfugiés du 24 novembre 2004 cité par les demandeurs, plus ancien en date que les rapports précités de l’UNHCR et de la Commission européenne, n’est pas de nature à refléter la situation actuelle des femmes au Kosovo et à contredire la conclusion ci-avant retenue sur la situation générale du Kosovo. Le rapport du Refugee Documentation Center (Ireland) du 12 octobre 2010 cité par le demandeur ne permet pas non plus de conclure à une situation particulièrement alarmante des femmes d’origine serbe au Kosovo, dans la mesure où ledit rapport fait essentiellement référence à des violences domestiques, respectivement à la question de l’égalité des sexes.

Quant au rapport de l’OSCE de 2010 cité par les demandeurs, s’il est vrai que ce rapport fait état de divers incidents à l’égard de membres de la communauté serbe, ce même rapport fait également état des réactions des autorités face à ces incidents (« the responses by central- and local-level institutions and Kosovo police following the incidents targeting Kosovo Serbs have improved since last year »). Il convient encore de relever que ce même rapport relève une certaine représentation serbe dans la police (« Kosovo Serb officers are present in all Kosovo police stations in the region with the exception of Ferizaj/Urosevac. One third of the total number of police officers in the Viti/Vitina station are Kosovo Serbs »), même s’il est vrai que ledit rapport admet que les membres de la minorité serbe dans la région de Gnjilane manquent de confiance dans la police serbe. Il s’ensuit que le rapport précité de l’OSCE ne permet pas non plus de retenir que d’une manière générale tout membre de la minorité serbe au Kosovo soit victime de persécutions. Il en est de même du rapport du parlementaire suisse Marty, même s’il est vrai qu’il épingle un certain nombre de déficiences du système politique et judiciaire kosovar.

Il s’ensuit que les éléments d’appréciation soumis au tribunal ne permettent pas de conclure que la situation actuelle au Kosovo soit telle que tout membre de la minorité serbe soit de ce seul fait exposé à des persécutions au sens de la loi du 5 mai 2006, et ne permettent ainsi pas d’invalider la conclusion du ministre quant à la situation générale au Kosovo. Dans ce contexte, il convient encore de relever que le simple fait d’appartenir à une minorité ethnique ne suffit pas à lui seul pour établir à suffisance de droit une crainte de persécution personnelle, de sorte que le seul constat fait par l’UNHCR que la minorité serbe du Kosovo peut être considérée comme un groupe à risque, sous réserve de l’évaluation individuelle de chaque cas, ne permet pas de conclure que la demanderesse, du fait de son appartenance à cette minorité, puisse automatiquement prétendre au statut de réfugié. Il en de même de la situation générale des femmes serbes au Kosovo. Les demandeurs n’ont en effet pas soumis au tribunal des éléments permettant de retenir que de manière générale, en raison du fait que la demanderesse élève seule ses enfants, elle soit exposée à un risque particulier de persécutions.

Il convient dès lors d’examiner si, en l’espèce, compte tenu de la situation particulière des demandeurs, les événements dont ils font état sont susceptibles de justifier dans leur chef une crainte fondée de persécution au sens de la loi du 5 mai 2006.

La demanderesse fait état de menaces et d’insultes générales, de jets de pierres et de coupures d’électricité. Par ailleurs, elle fait état de divers incidents graves, à savoir l’assassinat de son parrain en 1999, le fait que la maison voisine ait été incendiée en 2000, les circonstances du décès de son père en 2001, l’assassinat d’un cousin en 2003 et l’attaque du commerce d’un oncle et l’assassinat d’un ami d’enfance également en 2003 et, enfin, les circonstances du décès de sa mère en 2011. Son fils fait état de deux attaques de jeunes albanais ayant eu lieu respectivement en 2005 et en 2008, ainsi que d’une attaque par des jets de pierre du bus scolaire, également survenue en 2008.

Le tribunal est amené à retenir que c’est à juste titre que le ministre a retenu que les incidents de 1999, 2000 et de 2003 sont trop éloignés dans le temps au regard de l’évolution de la situation sécuritaire au Kosovo pour fonder encore actuellement une demande en obtention d’une protection internationale. En effet, si les incidents ainsi relatés sont d’une gravité indéniable et s’il est parfaitement compréhensible que de ce fait, la demanderesse soit traumatisée, ces incidents s’inscrivent dans le contexte du conflit de 1999, respectivement sont à voir dans le contexte général de l’immédiate après-guerre. Or, avec l’écoulement du temps et l’amélioration de la situation générale au Kosovo, telle qu’elle a été retenue ci-avant, il y a de bonnes raisons de penser que ces incidents ne se reproduiront pas à l’heure actuelle dans le même contexte, de sorte que ces faits ne sont plus de nature à justifier encore à l’heure actuelle l’octroi dans le chef des demandeurs du statut de réfugié, et que les demandeurs sont ainsi mal fondés à invoquer la présomption de l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006 sur le fondement de ces événements.

En ce qui concerne les menaces et insultes générales, les jets de pierres, tout comme les coupures d’électricité, celles-ci sont certes condamnables, mais s’analysent en substance en des harcèlements de la part de membres de la majorité albanaise au Kosovo, lesquels ne sont pas suffisamment graves pour pouvoir retenir dans le chef des demandeurs l’existence d’une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève justifiant la reconnaissance du statut de réfugié.

Les demandeurs se plaignent encore d’atteintes à leur liberté de mouvement, dans la mesure où ils auraient été forcés de limiter leurs déplacements au strict minimum par crainte d’être insultés, respectivement que les enfants soient kidnappés ou violés. Au-delà du constat retenu ci-avant que les menaces générales dont ils font état et qui seraient à l’origine d’une restriction de leur liberté de mouvement ne sont pas d’une gravité suffisante, de sorte que la crainte mise en avant de ce fait s’analyse en substance en un sentiment général d’insécurité, force est de relever que le Secrétaire général sur la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo, dans son rapport du 5 avril 2010, retient que « malgré des incidents isolés, les membres de communautés minoritaires circulent en général librement au Kosovo » (n° 34, page 9 dudit rapport cité par le délégué du gouvernement). En tout état de cause, il ne ressort pas des déclarations des demandeurs que leur liberté de circulation aurait été restreinte au point de leur rendre la vie intolérable dans leur pays d’origine.

Quant aux incidents subis par le demandeur, force est de constater que ceux-ci, si condamnables soient-ils, ne revêtent pas non plus, tant pris individuellement, qu’entrevues dans le contexte des insultes dont font état les demandeurs, une gravité telle qu’ils puissent être qualifiés de persécutions.

Il convient plus particulièrement de relever le fait que les demandeurs sont, après avoir fui le Kosovo en 2009, retournés volontairement au Kosovo après deux mois, sans qu’ils aient fait état d’un événement nouveau de nature à faire admettre que la vie leur soit intolérable dans leur pays d’origine. En effet, les demandeurs font uniquement état de ce que les insultes générales auraient continué après leur retour. Or, tel qu’il a été retenu ci-avant, des insultes ne sont pas d’une gravité telle qu’elles puissent être qualifiées d’actes de persécution. Ils font en outre état des circonstances du décès de la mère de la demanderesse, dont les demandeurs déduisent en substance une impossibilité d’accès aux soins de santé. Or, il se dégage tant du rapport de l’OSCE sur la commune Vitina, que de celui sur la municipalité de Gnjilane cités par le délégué du gouvernement que des infrastructures médicales sont disponibles et que dans les centres médicaux respectifs travaillent également un certain nombre de personnel d’origine serbe. Si le rapport sur Gnjilane retient que les personnes d’origine serbe préfèrent souvent s’adresser à des hôpitaux en dehors du Kosovo, laissant supposer une certaine méfiance des personnes d’origine serbe à l’égard des institutions médicales kosovares dominés par les albanais, méfiance qui se dégage aussi des déclarations de la demanderesse lors de ses auditions, il ne se dégage pas de ces rapports que l’accès aux soins médicaux soit interdit aux personnes d’origine serbe.

Au vu de ce qui précède, force est au tribunal de constater que tous les incidents relatés par les demandeurs sont certes condamnables, mais ne revêtent cependant pas une gravité telle qu’ils justifieraient, dans le chef des demandeurs, une crainte fondée de persécution dans son pays d’origine.

Si certes, en vertu de l’article 31 (1) a) et b) de la loi du 5 mai 2006 invoqué par les demandeurs, des actes peuvent être qualifiés de persécution par leur accumulation, il est néanmoins requis, dans cette hypothèse, que ces actes, pris dans leur globalité, revêtent un degré de gravité certain pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme. Tel n’est cependant pas le cas en l’espèce, dans la mesure où les actes mis en avant par les demandeurs ne sauraient être considérés, même pris dans leur globalité, comme suffisamment graves pour pouvoir être qualifiés d’actes de persécution.

Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que les faits invoqués ne sont pas suffisamment graves - même pris globalement - pour pouvoir être qualifiés comme des actes de persécution, il devient sans pertinence d’examiner les moyens des demandeurs fondés sur la présomption de l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006 ou encore la question de savoir si, d’une manière générale, une protection suffisante leur est offerte dans leur pays d’origine. Quant aux événements graves ayant eu lieu entre 1999 et 2003, tel que cela a été retenu ci-avant, compte tenu de l’évolution de la situation sécuritaire au Kosovo, ces incidents ne permettent pas non plus aux demandeurs d’invoquer la présomption de l’article 26 (4), précité.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a rejeté la demande en reconnaissance du statut de réfugié des demandeurs.

Quant au volet de la décision litigieuse portant refus dans le chef des demandeurs d’un statut de protection subsidiaire, il échet de rappeler qu’aux termes de l’article 2 e) de la loi du 5 mai 2006, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 37 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Les demandeurs estiment que les faits à l’origine de leur demande justifieraient l’octroi de la protection subsidiaire, en faisant état de la présomption de l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006, tout en soulignant encore que le fait de vivre dans la crainte constante de faire l’objet d’atteintes graves constituerait pour eux une véritable torture, sinon un traitement inhumain et dégradant au sens de l’article 3 de la Convention européenne des Droits de l’Homme (CEDH).

Au vu des conclusions dégagées ci-avant au sujet de la demande en reconnaissance du statut de réfugié et plus particulièrement au vu des considérations ayant trait à l’appréciation de la gravité des faits dont font état les demandeurs, respectivement au caractère sérieux des craintes invoquées, force est de constater que les risques invoqués par les demandeurs de subir des traitements inhumains ou dégradants de la part de la communauté albanaise du Kosovo ne sont pas suffisamment sérieux et avérés pour justifier l’octroi du statut de protection subsidiaire, alors que les actes invoqués par les demandeurs, même pris dans leur globalité, ne revêtent pas un degré de gravité suffisante pour pouvoir être qualifiés de traitements inhumains ou dégradants au sens de l’article 37 précité. Plus particulièrement, les demandeurs restent en défaut d’établir qu’en cas de retour au Kosovo, ils risqueraient la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des actes susceptibles d’être analysés comme des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre leur vie ou leur personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

D’autre part, tel qu’il vient d’être retenu ci-avant, la demanderesse n’est pas non plus fondée à se prévaloir de la présomption de l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006.

Il se dégage de tout ce qui précède et en l’absence d’autres éléments, que c’est à juste titre que le ministre a retenu que les demandeurs n’ont pas fait état de motifs sérieux et avérés permettant de croire qu’ils courent le risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 et qu’il leur a partant refusé l’octroi d’une protection subsidiaire au sens de l’article 2 e) de ladite loi.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a, au terme de l’analyse de la situation des demandeurs, déclaré la demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée.

Le recours en réformation est partant à rejeter comme étant non fondé.

2. Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire contenu dans une décision statuant sur une demande de protection internationale, le recours en annulation introduit contre pareil ordre contenu dans la décision déférée du 16 mai 2011 est recevable pour avoir été, par ailleurs, introduit dans les formes et délai de la loi.

Les demandeurs soutiennent en premier lieu que si la décision de refus d’octroi du statut de protection internationale encourt la réformation, l’ordre de quitter devrait également être annulé.

En ordre subsidiaire, ils concluent à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire, au motif qu’il violerait de façon autonome tant l’article 129 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration que l’article 3 de la CEDH. Les demandeurs estiment en effet que le champ d’application de ces dispositions serait plus large que celui de l’article 2 c) et e) de la loi du 5 mai 2006. Ils considèrent que le degré du risque de faire l’objet de mauvais traitements exigé pour obtenir la reconnaissance d’une protection internationale serait beaucoup plus élevé que celui requis pour interdire l’éloignement de l’étranger vers le pays dans lequel ce risque existe et que l’on ne saurait automatiquement conclure qu’un demandeur de protection internationale débouté ne puisse pas valablement faire état d’un risque de traitements inhumains ou dégradants dans son pays d’origine qui interdirait son éloignement vers ce pays.

Les demandeurs soutiennent que la situation de détresse dans laquelle ils seraient plongés en cas de retour au Kosovo, mêlée au sentiment d’angoisse de subir des mauvais traitements, serait constitutive d’un traitement inhumain et dégradant. Ils soutiennent encore que l’article 3 de la CEDH, combiné à l’article 129 de la loi précitée du 29 août 2008, poserait un principe absolu d’interdiction de refoulement vers un pays où la personne concernée risque de faire l’objet de traitements contraires à l’article 3 de la CEDH.

Enfin, les demandeurs soutiennent que l’ordre de quitter le territoire serait à annuler au motif qu’il ne serait assorti d’aucun délai, en violation de l’article 7 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, ci-après désignée par « la directive 2008/115/CE ».

Aux termes de l’article 19 (1) de la loi du 5 mai 2006 dans sa version applicable au jour de la prise de la décision litigieuse, une décision négative du ministre en matière de protection internationale vaut ordre de quitter le territoire.

Il résulte de cette disposition que l’ordre de quitter le territoire constitue la conséquence légale et automatique de la décision de refus de protection internationale. Il s’ensuit que dans le cadre d’un recours en annulation dirigé contre un ordre de quitter le territoire pris par application des dispositions de la loi du 5 mai 2006, la légalité de cette décision ne peut être attaquée que pour un vice qui lui est propre, et non pas pour tenir indirectement en échec le refus de protection internationale.

Il se dégage des conclusions ci-avant retenues par le tribunal que le ministre a refusé à bon droit d’accorder aux demandeurs un statut de protection internationale, de sorte qu’il a également pu valablement émettre l’ordre de quitter le territoire.

Pour ce qui est des moyens d’annulation fondés notamment sur les prétendues violations des articles 129 de la loi modifiée du 29 août 2008, précitée, et 3 de la CEDH, ceux-ci sont inopérants, étant donné que le caractère automatique de l’ordre de quitter le territoire, retenu par le législateur à travers les dispositions claires et précises de l’article 19 (1) de la loi du 5 mai 2006 en cas de rejet d’une demande de protection internationale, implique que la légalité de l’ordre de quitter le territoire ne saurait être remise en cause que pour un vice qui lui est propre et qu’il ne saurait être question d’admettre que les demandeurs tiennent indirectement en échec le refus de protection internationale (cf. Cour adm. 18 janvier 2011, n° 27370C du rôle, disponible sur http://www.justice.public.lu/fr/jurisprudence/juridictions-administratives).

Ainsi, sans préjudice de ce que les dispositions invoquées puissent, le cas échéant, être pertinentes en dehors de demandes de protection internationale dans d’autres procédures, toujours est-il que, dans le cadre d’une décision de refus de protection internationale, l’ordre de quitter le territoire n’en constitue que la conséquence automatique et légale.

Il s’ensuit que les moyens fondés sur une violation des articles 129 de la loi modifiée du 29 août 2008, précitée, et 3 de la CEDH sont à rejeter comme non fondés.

Quant à la violation alléguée de l’article 7, paragraphe 1er de la directive 2008/115/CE, il convient, avant tout examen au fond dudit moyen, d’analyser si la disposition invoquée de la directive européenne est directement applicable en droit national, c'est-à-dire si elle peut produire un effet direct et, le cas échéant, être appliquée en lieu et place du droit national existant, à savoir de la loi du 5 mai 2006.

A cet égard, il échet de rappeler qu’une directive européenne ne peut bénéficier d’un effet direct que dans les seules hypothèses où un Etat membre aurait omis de transposer la directive en droit interne, qu’il aurait procédé à une transposition incomplète ou qu’il aurait adopté des mesures non conformes à la directive. Par ailleurs, l’effet direct en droit national d’une directive européenne ne peut être invoqué et le juge n’est obligé de l’appliquer qu’à partir du moment où la directive exprime une obligation claire, précise et inconditionnelle, ne supposant aucune mesure d'exécution, ni de la part des institutions communautaires, ni de la part des Etats et sans laisser un pouvoir discrétionnaire à l'Etat membre chargé de sa transposition en droit national. Dès lors, le juge national est tenu d’écarter la norme nationale et d’appliquer la directive européenne en présence de dispositions législatives ou administratives qui ne seraient pas conformes à une obligation inconditionnelle et suffisamment précise de la directive.1 En ce qui concerne la directive 2008/115/CE, il échet d’abord de constater qu’en vertu de son article 20, le délai accordé aux Etats membres pour procéder à sa transposition en droit national a expiré le 24 décembre 2010. Il est constant qu’au moment de la prise de la décision litigieuse, à savoir le 16 mai 2011, ladite directive n’a pas encore été transposée en droit national luxembourgeois, la transposition n’étant intervenue qu’à travers la loi du 1er juillet 2011 modifiant la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration et la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection.

Les demandeurs reprochent au ministre d’avoir adopté la décision déférée en violation de l’article 7, paragraphe 1er de la directive 2008/115/CE.

L’article 7, paragraphe 1er,de la directive 2008/115/CE dispose que : « La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. Les États membres peuvent prévoir dans leur législation nationale que ce délai n’est accordé qu’à la suite d’une demande du ressortissant concerné d’un pays tiers. Dans ce cas, les États membres informent les ressortissants concernés de pays tiers de la possibilité de présenter une telle demande. » 1 Trib. adm. 16 mai 2011, n° 27060 du rôle, disponible sur www.ja.etat.lu Cette disposition, prévoyant en termes non équivoques que l’ordre de quitter le territoire doit être assorti d’un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, ne suppose aucune mesure supplémentaire en vue de son exécution. En effet, ladite disposition est claire, précise et inconditionnelle dans la mesure où elle ne laisse pas de marge d’appréciation aux autorités nationales quant à l’obligation d’instaurer un délai pour le départ volontaire, et que leur application ne suppose aucune intervention supplémentaire d’une autorité dotée d’un pouvoir normatif discrétionnaire.

Dès lors que la disposition invoquée de la directive 2008/115/CE remplit les conditions exigées pour qu’elle puisse produire un effet direct, le tribunal est tenu de procéder à son application immédiate et directe, de sorte qu’il est amené à vérifier si la décision déférée est conforme à cette disposition européenne.

L’article 19 de la loi du 5 mai 2006, dans sa version applicable à la date de la décision en cause, ne prévoit pas que l’ordre de quitter le territoire doit être assorti d’un délai approprié pour le départ volontaire du demandeur d’asile débouté et est partant incompatible avec l’article 7, paragraphe 1er de la directive 2008/115/CE.

En l’espèce, force est au tribunal de constater que l’ordre de quitter le territoire attaqué n’est pas assorti d’un délai de retour approprié. Dès lors, la décision déférée du 16 mars 2011 portant ordre de quitter le territoire méconnaît l’article 7, paragraphe 1er de la directive 2008/115/CE, de sorte qu’elle encourt l’annulation.

Eu égard à l’issue du litige, il y a lieu de faire masse des frais et de les imposer pour moitié aux demandeurs et pour moitié à l’Etat.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 16 mai 2011 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision ;

au fond, le déclare justifié ;

partant annule le volet la décision ministérielle du 16 mai 2011 relatif à l’ordre de quitter le territoire ;

donne acte aux demandeurs qu’ils déclarent bénéficier de l’assistance judiciaire ;

fait masse des frais et les impose pour moitié aux demandeurs et pour moitié à l’Etat.

Ainsi jugé par :

Martine Gillardin, vice-président, Annick Braun, premier juge, Andrée Gindt, juge, et lu à l’audience publique du 23 novembre 2011 par le vice-président, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Martine Gillardin Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 24.11.2011 Le Greffier du Tribunal administratif 25


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 28773
Date de la décision : 23/11/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2011-11-23;28773 ?

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