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07/11/2011 | LUXEMBOURG | N°28673

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 novembre 2011, 28673


Tribunal administratif N° 28673 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 mai 2011 1re chambre Audience publique du 7 novembre 2011 Recours formé par la société …, s.a., …, contre trois décisions du bourgmestre de la commune de Steinfort, en matière d’urbanisme

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 28673 du rôle et déposée le 27 mai 2011 au greffe du tribunal administratif par Maître Anne FERRY, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme … s.a., actuellement en état de fail

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Tribunal administratif N° 28673 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 mai 2011 1re chambre Audience publique du 7 novembre 2011 Recours formé par la société …, s.a., …, contre trois décisions du bourgmestre de la commune de Steinfort, en matière d’urbanisme

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 28673 du rôle et déposée le 27 mai 2011 au greffe du tribunal administratif par Maître Anne FERRY, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme … s.a., actuellement en état de faillite, ayant été établie et ayant eu son siège social à L-…, représentée par son curateur, ayant été inscrite au registre du commerce et des sociétés de Luxembourg, sous le numéro …, tendant à l’annulation d’une décision du bourgmestre de la commune de Steinfort du 11 août 2010 refusant de lui accorder l’autorisation de construire pour l’aménagement d’un dépôt à ciel ouvert sur la parcelle inscrite au cadastre de la commune de Steinfort, sous le numéro …, section C à …, d’un arrêté de fermeture de chantier du bourgmestre de la commune de Steinfort du 30 septembre 2010 et d’une injonction de remise en pristin état les lieux prise en date du 30 septembre 2010 par le bourgmestre de la commune de Steinfort ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Martine LISE, demeurant à L-4067 Esch-sur-Alzette, du 6 juin 2011, portant signification de la prédite requête à l’administration communale de Steinfort, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonction;

Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif par Maître Steve HELMINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’ordre des avocats à Luxembourg, pour le compte de l’administration communale de Steinfort en date du 7 juin 2011 ;

Vu le mémoire en réponse de Maître Steve HELMINGER, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 7 novembre 2011, pour le compte de l’administration communale de Steinfort ;

Vu l’acte de reprise d’instance, ainsi que la constitution de nouvel avocat à la Cour déposés au greffe du tribunal administratif par Maître Yann BADEN en date du 25 avril 2012, en sa qualité de curateur de la société anonyme … s.a. ;

Vu les pièces versées et notamment les décisions attaquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Zurita PERALTA, en remplacement de Maître Yann BADEN et Maître Steve HELMINGER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 7 mai 2012.

______________________________________________________________________________

Suite à une demande lui adressée en date du 22 septembre 2008 par la société anonyme … s.a., ci-après « la société … », le ministre délégué au Développement durable et aux Infrastructures, par décision du 28 avril 2010, autorisa cette dernière, en vertu de la loi modifiée du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, à procéder à l’aménagement d’un dépôt à ciel ouvert sur la parcelle cadastrale n°… de la section C à …, commune de Steinfort, tout en limitant les quantités de matériaux à déposer sur ladite parcelle et en assortissant son autorisation d’une limite temporelle fixée à décembre 2020.

Par courrier du 22 juin 2010 la société … s’adressa à l’administration communale de Steinfort afin d’obtenir également l’autorisation de la commune pour l’aménagement du dépôt en question.

Par décision du 5 juillet 2010, le ministre délégué au Développement durable et aux Infrastructures modifia et remplaça sa décision du 28 avril 2010 en raison d’une erreur matérielle contenue dans cette dernière décision relative à la surface concernée par l’aire de dépôt.

Par décision du 11 août 2010, le bourgmestre refusa de faire droit à la demande lui ainsi adressée par la société …, décision libellée comme suit:

« En réponse à votre demande en obtention de l’autorisation de la commune pour l’aménagement d’un dépôt sur la parcelle cadastrale No. … de la section C à …, commune de Steinfort et faisant référence aux entrevues que nous avons eues en date des 29 juin et 14 juillet 2010 à ce sujet, compte tenu également de la discussion et des réflexions faites lors de la réunion de travail du Conseil communal en date du 29 juillet 2010 quant au dépôt projeté, nous devons vous informer que la commune de Steinfort n’est pas en mesure de donner une suite favorable à votre demande.

En effet, la parcelle n’est définie par le Plan d’Aménagement Général de la commune de Steinfort ni comme étant une zone industrielle, ni une zone d’activités économiques ni une zone réservée pour la décharge de déchets inertes.

S’y ajoutent les réclamations répétées que les voisins ont adressées à la commune suite aux inconvénients provoqués par le bruit des camions ainsi que par la poussière que font tourbillonner les véhicules surtout en déchargeant les matériaux inertes.

Nous vous sommons donc de remettre le terrain ayant le No. cadastral … en son pristin état et ce jusqu’au 15 septembre 2010 au plus tard ».

Par courrier recommandé en date du 10 septembre 2010, la société … sollicita un entretien auprès de l’administration communale de Steinfort.

En date du 30 septembre 2010, elle se vit notifier un arrêté de fermeture de chantier par l’administration communale de Steinfort basé sur les considérations suivantes :

« (…) Considérant que le dépôt se trouve en zone agricole suivant les dispositions du plan d’aménagement général de la Commune de Steinfort ;

Considérant qu’un dépôt à ciel ouvert est soumis à l’autorisation du bourgmestre en vertu de l’article 61 du règlement sur les bâtisses sur la commune de Steinfort voté définitivement par le conseil communal en date du 22 avril 2010 ;

Vu le courrier de la Commune de Steinfort du 11 août 2010, portant non-autorisation de l’aménagement sollicité d’un dépôt sur la parcelle cadastrale N°… de la section C à …, Commune de Steinfort ;

Considérant encore que les travaux de décharge n’ont pas été arrêtés à ce jour ;

Considérant partant qu’il y a urgence (…) ».

En date du même jour, le bourgmestre de la commune de Steinfort fit parvenir une injonction de remise en pristin des lieux à la société ….

Par courrier adressé en date du 17 décembre 2010 la société … introduisit, par l’intermédiaire de son mandataire, un recours gracieux contre les trois décisions susmentionnées.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 mai 2011, la société … a fait introduire un recours en annulation contre les prédites décisions du bourgmestre de la commune de Steinfort.

Aucune disposition légale ne prévoit de recours au fond en la présente matière, de sorte que seul un recours en annulation a pu être introduit contre lesdites décisions datées respectivement des 11 août et 30 septembre 2010.

Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi est recevable.

A l’appui de son recours, la demanderesse fait plaider que l’activité de dépôt sur la parcelle litigieuse serait soumise à la seule autorisation du ministre ayant l’Environnement dans ses attributions, étant donné qu’en vertu de l’article 11 (3) de la loi du 19 janvier 2004, ledit ministre aurait le pouvoir d’autoriser l’aménagement de dépôts de matériaux en zone verte au sens de la même loi. La demanderesse estime que dans la mesure où elle se serait vue délivrer l’autorisation ministérielle requise, aucune autorisation de la part de l’administration communale de Steinfort n’aurait été nécessaire. Ainsi, elle estime que ce serait à tort que le bourgmestre a retenu dans sa décision du 11 août 2010 que le dépôt à ciel ouvert ne serait pas autorisable pour être situé en zone agricole et non pas en zone industrielle, respectivement en zone d’activité économique ou encore en zone réservée pour la décharge de déchets inertes, alors que ce serait justement parce que ladite parcelle ne serait pas située en zone industrielle mais ferait partie d’une zone dite verte qu’une demande en autorisation aurait été introduite auprès du ministre seul compétent. La société … en conclut qu’admettre que la commune aurait compétence pour autoriser une activité de dépôt reviendrait à vider la disposition légale applicable, de même que la décision ministérielle, de toute substance et elle soutient que les règles communales ne sauraient entrer directement en conflit avec les pouvoirs édictés au profit du ministre dans le cadre de la loi du 19 janvier 2004, comme ce serait le cas en l’espèce.

La demanderesse fait encore plaider qu’il aurait appartenu à la commune de former recours à l’encontre de la décision ministérielle du 28 avril 2010, ce que celle-ci aurait cependant omis de faire de sorte que l’autorisation ministérielle serait coulée en force de chose décidée et de ce fait, dûment opposable aux décisions entreprises.

A titre subsidiaire, la demanderesse met en exergue le fait que ce serait précisément la finalité suivie par elle dans le cadre non d’une construction ou d’un aménagement mais dans le cadre de son activité de dépôt et précisément sur base de la loi visée par le plan d’aménagement général, à savoir la loi du 19 janvier 2004, qu’elle a obtenu autorisation en l’espèce.

En deuxième lieu la demanderesse se prévaut de l’absence de toute construction soumise à autorisation du bourgmestre sur la parcelle litigieuse, en expliquant que l’article 61 du règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites de la commune de Steinfort, viserait l’obligation de solliciter une autorisation de construire pour toute installation de dépôts de tout genre, et en soutenant que le fait de stocker temporairement des matériaux ne pourrait pas être qualifié d’installation au sens des dispositions dudit article. Par ailleurs, aucune installation en dur n’aurait été érigée sur la parcelle litigieuse et aucune construction n’aurait été entreprise sur ladite parcelle, de sorte que la motivation des décisions attaquées, en ce qu’elle serait basée sur l’article 61 du règlement des bâtisses, tomberait à faux.

La demanderesse conteste ensuite l’argumentation du bourgmestre selon laquelle son activité de dépôt entraînerait des inconvénients pour les voisins, en affirmant d’une part, que ce reproche n’aurait pas été relaté de façon précise, et que de l’autre côté, sa parcelle serait une parcelle isolée sans voisins directs. Par ailleurs, elle estime qu’un tel motif ne permettrait de toute façon pas d’asseoir légalement les décisions de refus, étant donné que seules des considérations d’ordre purement urbanistique devraient être prises en compte.

La société … souligne encore que ce serait à tort que le bourgmestre a, dans son arrêté de fermeture de chantier du 30 septembre 2010, fait état de « travaux de décharge », alors qu’elle ne se livrerait pas à une activité de décharge mais uniquement à du stockage temporaire de matériaux inertes de type roches, pierres, concassage naturel de carrière, graviers, sable, en vue d’un recyclage, respectivement réemploi de ces matériaux. De même, elle fait valoir que tant l’arrêté de fermeture de chantier, que l’injonction de remise en pristin état ordonneraient à l’article 3 de leurs dispositifs respectifs l’affichage des décisions notamment « sur le chantier », alors qu’il n’existerait pas de chantier en l’espèce, mais uniquement une aire de stockage temporaire des matériaux susvisés en vue d’un recyclage ou réemploi et ceci tant dans l’intérêt de l’entreprise que dans l’intérêt général, de sorte que la commune se méprendrait quant à l’activité escomptée sur ladite parcelle et que les décisions seraient infondées.

Finalement elle affirme agir dans un but d’intérêt général qui aurait été totalement occulté par la commune. Ainsi elle soutient que l’activité de dépôt de matériel inerte sur la parcelle litigieuse en vue d’un tri / recyclage/ réemploi aurait une finalité qui dépasserait son simple intérêt privé mais revêtirait un caractère d’intérêt général, le but étant notamment le recyclage de matériaux, participant ainsi à la préservation de l’environnement naturel. Elle en conclut que l’installation du dépôt sur la parcelle en zone agricole et verte serait légale eu égard tant aux dispositions de la loi du 19 janvier 2004 que des dispositions communales.

La commune rétorque que la parcelle litigieuse serait, d’après le plan d’aménagement général de la commune de Steinfort, située en zone agricole et non pas de zone industrielle, zone d’activités économiques, ou zone réservée pour la décharge des déchets inertes spécialement prévue pour la décharge des déchets inertes et elle explique que les zones agricoles seraient réservées en vertu de l’article 2.1 de la partie écrite du plan d’aménagement général de la commune à l’agriculture au sens général du terme, et ne comporteraient que les constructions indispensables à l’exploitation agricole et aux logements des exploitants, de leur famille et de leur personnel et, sous certaines conditions des installations d’accueil du tourisme à la ferme, respectivement d’activités récréatives de plein air, ainsi que des constructions ou aménagements qui ont pour finalité de servir l’intérêt général ou l’utilité publique, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

La commune renvoie encore à l’article 61 de son règlement sur les bâtisses lequel imposerait notamment une autorisation de construire pour toute installation de dépôt de tout genre, de sorte que contrairement aux affirmations de la demanderesse, l’installation de celle-ci serait soumise à l’approbation du bourgmestre. Elle rappelle qu’en analysant une demande en autorisation de construire, le bourgmestre devrait impérativement vérifier la conformité de la demande par rapport à la règlementation urbanistique en vigueur et elle soutient qu’un tel dépôt à ciel ouvert ne serait tout simplement pas autorisable en zone agricole telle que définie au plan d’aménagement général de la commune de Steinfort. L’administration communale de Steinfort soutient par ailleurs que le principe de « compétence concurrente » serait reconnu de manière constante par la jurisprudence et permettrait qu’une décision prise par le ministre de l’Environnement sur base d’une législation spécifique soit refusée par l’administration communale sur base d’une autre législation. Elle fait plaider qu’aucune voie de recours n’aurait été prévue dans l’autorisation délivrée par le ministre de l’Environnement, de sorte qu’elle pourrait former à tout moment un recours contre cette autorisation.

La commune estime en outre qu’il résulterait sans équivoque du courrier de la demanderesse du 22 juin 2010 qu’un chantier avait été entamé, sans aucune autorisation communale, ce qui résulterait également des photos versées en cause, et que ce faisant, la partie requérante aurait violé la règlementation urbanistique communale en vigueur, de sorte qu’en vertu de l’article 73 du règlement sur les bâtisses, le bourgmestre aurait été en droit d’interdire toute continuation de travaux non autorisés sur la base de ce règlement et d’ordonner la fermeture du chantier en question. Elle en conclut qu’elle aurait refusé à bon droit de faire suite à la demande d’autorisation pour l’aménagement de la parcelle litigieuse en ce que celle-ci ne répondrait pas aux critères du plan d’aménagement général et engendrerait des troubles de voisinage. Finalement, elle se prévaut de ce même article pour soutenir que si les constructions ont été érigées en contravention au règlement sur les bâtisses, leur destruction devrait être ordonnée conformément aux dispositions légales et réglementaires en vigueur, de sorte que le bourgmestre aurait à juste titre demandé la remise en l’état pristin du terrain.

Il résulte des développements de part et d’autre que la parcelle litigieuse est située d’après la partie graphique du plan d’aménagement général de la commune de Steinfort en zone agricole.

Dans la mesure où il s’agit d’une zone dans laquelle, en vertu de l’article 5 de la loi modifiée du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, toute construction est soumise à autorisation du ministre ayant l’environnement dans ses attributions, c’est à bon droit que la demanderesse a sollicité une autorisation de la part dudit ministre pour procéder à l’aménagement de son dépôt, autorisation qu’elle a obtenue en date du 28 avril 2010.

Néanmoins, il y a lieu de rappeler qu’il ressort des dispositions de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, et plus particulièrement de ses articles 1er et 5, que le plan d’aménagement d’une commune est appelé à couvrir l’ensemble du territoire de la commune et à déterminer l’affectation de toutes les zones du territoire communal. Il en résulte que le pouvoir de police des autorités communales en matière de bâtisses et la faculté que la loi leur accorde de réglementer l’aménagement du territoire de la commune s’étend à l’ensemble de ce territoire. D’un autre côté, en ce qui concerne la construction en zone verte au sens de la loi précitée du 19 janvier 2004, l’obligation de requérir de la part du ministre compétent l’autorisation de construire est uniquement basée sur des considérations relatives à la protection de la nature, à l’exclusion de toutes autres, notamment de celles relatives au maintien de la sécurité publique et à l’observation des règles d’urbanisme. Il en découle que le pouvoir de police des autorités communales en matière de bâtisses et la faculté que la loi leur accorde de réglementer l’aménagement du territoire de la commune ne sont donc nullement entamés par la loi concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, ces prérogatives du pouvoir local restant pleines et entières. En effet, les dispositions de la loi précitée du 19 janvier 2004 qui confèrent un pouvoir d’appréciation et de décision au ministre de l’Environnement ne sauraient empêcher que le pouvoir communal puisse être investi, sur base de textes régissant la matière communale, de pouvoirs propres et distincts. Le bourgmestre, ainsi que le ministre ayant dans ses attributions la protection de l’environnement, ont donc, notamment dans les zones situées en dehors des agglomérations, des compétences concurrentes, chacune de ces autorités administratives agissant dans la sphère de sa compétence propre et en application de ses lois et règlements spécifiques, de sorte qu’elles doivent tirer autorité des normes et conditions qui relèvent de leurs sphères de compétence respectives1.

Par voie de conséquence, l’exigence légale d’une autorisation du ministre ayant la protection de l’environnement dans ses attributions sous l’égide de la prédite loi du 19 janvier 2004 pour aménager le dépôt sur la parcelle litigieuse, reste sans incidence sur la légalité, respectivement la nécessité, d’un permis de construire de la part du bourgmestre, étant donné que le bourgmestre n’est admis qu’à vérifier si un projet respecte les conditions relevant de sa sphère de compétence, à savoir la réglementation de l’urbanisme et de la police des bâtisses, et n’est ni admis, ni tenu de prendre égard à la question de savoir si le ministre ayant la protection de l’environnement dans ses attributions a déjà exercé sa compétence distincte d’autorisation conformément aux prévisions de ladite loi du 19 janvier 2004 et s’il a effectivement délivré l’autorisation en question.

Au vu de ce qui précède le tribunal ne saurait suivre le raisonnement de la demanderesse selon lequel le fait d’admettre que la commune ait compétence pour autoriser le dépôt en question reviendrait à vider l’article 5 de la loi du 19 janvier 2004, respectivement la décision ministérielle 1 Trib. adm. 13 juillet 2005, n°19077 du rôle, Pas. adm. 2011, V° Environnement, n°12.

de toute substance, étant donné qu’il résulte des développements qui précédent que tant le ministre ayant la protection de l’environnement dans ses attributions, que le bourgmestre émettent chacun une décision distincte et indépendante de celle de l’autre, dans sa sphère de compétence propre et d’après les dispositions légales ou réglementaires déterminant cette sphère de compétence. La même conclusion s’impose en ce qui concerne l’affirmation selon laquelle les règles communales ne sauraient entrer directement en conflit avec les pouvoirs dont dispose le ministre en vertu de la loi du 19 janvier 2004, étant donné que le tribunal vient de retenir que le bourgmestre et le ministre ayant la protection de l’environnement dans ses attributions disposent des compétences concurrentes. De même, l’affirmation de la demanderesse, relative au fait que la commune n’aurait pas introduit de recours contre la décision ministérielle du 28 avril 2010, respectivement du 5 juillet 2010, manque de pertinence, étant donné que l’existence-même de ladite décision ministérielle n’est pas de nature à préjudicier au pouvoir décisionnel propre du bourgmestre en ce qui concerne la délivrance d’une autorisation en vue de l’aménagement du dépôt litigieux.

Au vu des considérations qui précèdent, c’est à tort que la demanderesse soutient que le bourgmestre n’aurait pas compétence à autoriser l’activité de dépôt litigieuse, de sorte que le moyen afférent est à rejeter pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne le moyen de la demanderesse relatif à l’absence de toute construction soumise à autorisation du bourgmestre, force est au tribunal de constater que le règlement sur les bâtisses de la commune de Steinfort prévoit en son article 61 que:

« Sans préjudice d’autres dispositions légales et réglementaires en vigueur existant en la matière, une autorisation est notamment requise:

pour toute construction nouvelle, pour toute démolition d’une construction existante, pour tout changement de destination et d’affectation d’une construction existante, pour tout agrandissement, exhaussement et transformation d’une construction existante, pour toute autre modification de l’aspect extérieur, du volume, des murs extérieurs, des ouvertures, de la structure portante, de la toiture d’une construction existante, pour tout recouvrement intégral ou partiel de toiture ou de façade, pour toute construction ou aménagement incorporé au sol, pour toute installation d’auvents, de marquises, d’enseignes lumineuses, de panneaux publicitaires et autres éléments semblables en bordures des voies et des places publiques, pour toute construction ou toute modification de clôtures de toute nature, le long des voies publiques et le long des limites séparatives de parcelles, exceptées les clôtures végétales, pour toute construction de puits, de citernes à eau ou autres, de silos à fourrage, de fosses à fumier et à purin et autres éléments semblables, pour toute construction de réservoirs destinés au stockage de combustibles liquides, de produits chimiques ou autres produits dangereux, pour toute installation de dépôts de tout genre, pour toute construction de grills et de barbecues non accolés, fixes et réalisés en dur, pour tous travaux substantiels de déblaiement et de remblayage et toute construction d’ouvrages de soutènement, pour tout aménagement de rues, de trottoirs et de parkings, pour toute construction de piscines, de plans d’eau et d’étangs, pour tout montage d’échafaudages à une distance inférieure ou égale à 5,00 m de la bordure de la voie publique (rue et trottoirs), pour toute construction temporaire d’une durée minimum de trois mois, notamment pour toute installation de tentes utilisées à des fins commerciales, culturelles ou sportives et ouvertes au public, pour toute pose et tout renouvellement de raccordements aux réseaux d’approvisionnement collectifs (eau potable, eaux usées et autres.) Tous les services publics ainsi que les administrations sont également assujettis à l’obligation précitée ».

Force est de constater que l’article 61 du règlement sur les bâtisses précité utilise la notion de construction tantôt au sens d’une action (p.ex. les travaux de déblai et de remblai) tantôt en son sens de résultat d’une telle action (« nouvelle construction »), de sorte qu’il convient de retenir que cette notion englobe tant différentes actions que le résultat définitif de telles actions, la notion d’ »installations » quant à elle n’est utilisée qu’au sens d’une action, c’est-à-dire en tant que synonyme d’un aménagement, et non au sens du résultat matériel d’une telle action.

Or, en l’espèce, s’il est certes vrai que la demanderesse n’a pas procédé à une nouvelle construction au sens d’une édification d’un ouvrage durable et solide, ou encore d’une installation en dur, il n’en reste pas moins qu’elle envisage d’aménager un dépôt, un tel aménagement correspondant nécessairement à une action telle que visée à l’article 61 précité. Par ailleurs, il résulte des pièces versées en cause, et plus particulièrement des photos produites par l’administration communale de Steinfort que la demanderesse a créé, pour accueillir les matériaux inertes, une surface plane et solide réalisée nécessairement par des travaux de déblai A cet égard, il convient encore de constater que l’article 61 précité ne soumet pas les remblais et déblais à autorisation, c’est-à-dire le résultat d’actions modifiant le sol naturel, mais l’action même de remblayer ou de déblayer - la disposition visant explicitement les travaux de déblai et de remblai - de sorte que le sort ultérieur de tels travaux, à savoir qu’ils soient provisoires ou définitifs - n’a pas d’incidence sur la nécessité d’une autorisation.

Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de retenir que la demanderesse, contrairement à ses affirmations, envisage, respectivement procède à l’installation d’un dépôt au sens de l’article 61 du règlement des bâtisses de la commune de Steinfort, de sorte que le moyen afférent relatif à une non-application dudit article laisse d’être fondé.

La demanderesse soutient encore que ce serait à tort que le bourgmestre a motivé son refus par les nuisances dont les voisins auraient fait état, motivation qui ne permettrait pas d’assoir légalement la décision de refus de la commune.

Or, il résulte de la lecture combinée de la décision du bourgmestre du 11 août 2010, ainsi que de l’arrêté de fermeture de chantier et de l’injonction de remise en pristin état du 30 septembre 2010, que le bourgmestre a basé son refus d’accorder l’aménagement du dépôt litigieux sur la non-conformité d’une telle installation avec les dispositions réglant la zone agricole et que c’est uniquement à titre superfétatoire qu’il a fait allusion aux inconvénients dont les voisins avaient fait état, le bourgmestre ayant en effet pris soin de préciser, dans sa décision du 11 août 2011, que les réclamations lui ainsi adressées s‘ajouteraient au fait que le dépôt en question n’est pas situé dans une zone, qui d’après le plan d’aménagement général, permettrait la réalisation d’une telle installation, de sorte que le moyen afférent laisse également d’être fondé.

En ce qui concerne le moyen de la demanderesse selon lequel le bourgmestre aurait fait état, dans son arrêté de fermeture de chantier déféré, de travaux de décharge bien qu’elle ne s’adonnerait pas à de tels de travaux, il y a lieu de retenir que pour réaliser une activité de stockage sur la parcelle litigieuse, il est non seulement nécessaire de transporter les matériaux inertes sur place, mais il faut également décharger les matériaux en question en vue de leur stockage dans le dépôt en question, de sorte que c’est à bon droit que le bourgmestre a fait état de « travaux de décharge », lesdits termes étant à interpréter au vu du constat du bourgmestre tel que contenu dans sa décision du 11 août 2011, selon lequel les camions de la demanderesse créeraient des nuisances « en déchargent les matériaux inertes », la demanderesse ne contestant d’ailleurs pas avoir d’ores et déjà stocké de tels matériaux inertes dans le dépôt.

De même, et si le bourgmestre a effectivement ordonné, dans son arrêté de fermeture de chantier, ainsi que dans son injonction de remise en pristin état, l’affichage de la décision en question sur le chantier, il y a lieu de retenir d’une part, qu’une telle mention ne saurait en tout état de cause entraîner l’annulation des décisions litigieuses, étant donné qu’il s’agit uniquement d’une question de modalité de publication desdites décisions, et plus particulièrement du lieu d’affichage prescrit, et non pas d’une question touchant à la légalité de la forme ou du fond des décisions, question seule susceptible d’entraîner l’annulation de ces mêmes décisions, et d’autre part, qu’au vu des travaux de déblais qui ont nécessairement dû être effectués pour la réalisation de la surface de stockage, et des travaux subséquents de stockage mêmes, il y a nécessairement eu un chantier sur la parcelle litigieuse au sens de travaux en cours, de sorte que le moyen afférent est à rejeter pour ne pas être fondé.

Finalement, et en ce qui concerne le moyen de la demanderesse relatif au fait que son activité de dépôt de matériel inerte sur la parcelle litigieuse serait autorisable en zone agricole pour être conforme à l’article 2.1 de la partie écrite du plan d’aménagement général de la commune de Steinfort, il y a lieu de constater que ledit article dispose que :

« Les zones agricoles sont destinées à l’agriculture au sens général du terme. Elles ne comportent que les constructions indispensables à l'exploitation agricole et au logement des exploitants, de leur famille et de leur personnel.

Elles peuvent également comporter des installations d'accueil du tourisme à la ferme, pour autant que celles-ci fassent partie intégrante d'une exploitation agricole dont elles ne constituent qu’une activité strictement accessoire.

Elles peuvent être exceptionnellement destinées aux activités récréatives de plein air pour autant qu'elles ne mettent pas en cause de manière irréversible la destination de la zone. Pour ces activités récréatives, les actes et travaux ne peuvent y être autorisés qu'à titre temporaire sauf à constituer la transformation, l'agrandissement ou la reconstruction d'un bâtiment existant.

Les abris de chasse et de pêche y sont admis, pour autant qu'ils ne servent pas, même à titre temporaire, comme résidence ou local de commerce.

En outre, y sont admis les constructions ou aménagements qui ont pour finalité de servir l'intérêt général ou l'utilité publique conformément aux dispositions de la loi modifiée du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles.

Des maisons d’habitation existantes servant aux besoins d’une seule famille, même si elles ne remplissent pas toutes les conditions imposées aux nouvelles constructions, pourront subir des transformations et des agrandissements à condition que ceux-ci n’en altèrent pas le caractère ni la destination ».

Il résulte de la disposition réglementaire qui précède que les zones agricoles sont en principe réservées à l’agriculture au sens général du terme, et ne comportent de ce fait que les constructions indispensables à l’exploitation agricole et aux logements des exploitants, de leur famille et de leur personnel et, sous certaines conditions des installations d’accueil du tourisme à la ferme, respectivement d’activités récréatives de plein air, ainsi que des constructions ou aménagements qui ont pour finalité de servir l’intérêt général ou l’utilité publique.

En ce qui concerne plus précisément la finalité d’intérêt général sur laquelle se base la demanderesse pour soutenir que le dépôt serait autorisable en zone agricole, le tribunal ne saurait suivre le raisonnement de la société …, alors que même s’il est possible d’admettre que l’activité de stockage de celle-ci peut éventuellement, de manière tangeante et incidente, servir l’intérêt général, il n’en reste pas moins que l’activité en question est principalement faite dans le cadre de l’exploitation commerciale de la société …, de sorte que le moyen relatif à une prétendue conformité de l’aménagement d’un dépôt en zone agricole laisse également d’être fondé.

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le recours en annulation est à déclarer non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours en annulation recevable en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne la partie demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 7 novembre 2012 par :

Marc Sünnen, vice-président, Thessy Kuborn, premier juge, Alexandra Castegnaro, juge, en présence du greffier Michèle Hoffmann s. Hoffmann s. Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 7/11/2012 Le Greffier du Tribunal administratif 11


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 28673
Date de la décision : 07/11/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2011-11-07;28673 ?

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