La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/09/2011 | LUXEMBOURG | N°27613

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 septembre 2011, 27613


Tribunal administratif Numéro 27613 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 janvier 2011 2e chambre Audience publique du 29 septembre 2011 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’inscription sur la liste des experts, traducteurs et interprètes assermentés

___________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 27613 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 4 janvier 2011 par Maître Pascale Millim,

avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mon...

Tribunal administratif Numéro 27613 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 janvier 2011 2e chambre Audience publique du 29 septembre 2011 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’inscription sur la liste des experts, traducteurs et interprètes assermentés

___________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 27613 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 4 janvier 2011 par Maître Pascale Millim, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à …, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 2 juin 2010 portant rejet de sa demande d’admission sur la liste des experts, traducteurs et interprètes assermentés, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 8 octobre 2010 suite au recours gracieux introduit en date du 31 août 2010;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 28 février 2011 par le délégué du gouvernement ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 1er avril 2011 par Maître Pascale Millim au nom de Monsieur … ;

Vu la lettre télécopiée, déposée au greffe du tribunal administratif le 26 avril 2011, par Maître Alexandre Chateaux, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, par laquelle il déclare avoir été mandaté par Monsieur … en remplacement de Maître Pascale Millim ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 2 mai 2011 par le délégué du gouvernement ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maître Vãnia Fernandes, en remplacement de Maître Alexandre Chateaux, et Monsieur le délégué du gouvernement Daniel Ruppert en leurs plaidoiries respectives.

___________________________________________________________________________

Par courrier du 2 janvier 2010, Monsieur … s’adressa au ministre de la Justice, désigné ci-après par « le ministre », afin d’être admis sur la liste des experts, traducteurs et interprètes assermentés en tant qu’« interprète traducteur en langue arabe, française et anglaise », en précisant qu’il aurait suivi des études universitaires à Luxembourg et à l’étranger qui lui auraient permis d’acquérir des connaissances théoriques et pratiques dans les trois langues et qui auraient enrichi son savoir-faire et le qualifieraient à devenir interprète traducteur.

Sur question afférente du ministre, le service CEDIES du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche lui précisa par courrier non daté concernant la demande de Monsieur … que : « (…) Le demandeur possède une qualification d’enseignement supérieur de niveau bac+2 en informatique. Il produit également une attestation de réussite d’une première année d’études en traduction/interprétariat sans toutefois justifier d’un diplôme universitaire final dans ce domaine. ».

Par décision du 2 juin 2010, le ministre refusa de faire droit à la demande de Monsieur …, aux motifs suivants :

« Je me réfère à votre demande en vue de votre admission sur la liste des experts, traducteurs et interprètes assermentés.

Après examen de votre dossier, il apparaît que vous ne disposez pas de diplôme spécialisé d’interprète ou de traducteur dans les langues pour lesquelles vous avez introduit votre demande, alors que le ministère exige un diplôme pour les demandes d’admission sur la liste des traducteurs et interprètes assermentés.

Vous ne disposez pas non plus d’un diplôme d’études post-secondaires qui a pu vous préparer à l’exercice de la profession de traducteur et d’interprète qui serait complété d’une expérience professionnelle largement reconnue dans le domaine de la traduction et de l’interprétariat pour la langue visée.

Par conséquent, j’ai le regret de vous informer que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande. (…) ».

Par courrier de son mandataire du 31 août 2010, Monsieur … fit introduire un recours gracieux contre la décision de refus précitée, en avançant qu’en date du 2 juillet 2010 le ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle lui aurait accordé un agrément pour enseigner l’anglais, le français et l’arabe dans le cadre de cours de formation pour adultes, et en énumérant les différents diplômes dont il serait titulaire.

Par courrier du 8 octobre 2010, le ministre confirma sa décision de refus aux motifs suivants : « Suite à votre demande pour figurer sur la liste des experts, traducteurs et interprètes assermentés, j’ai le regret de vous informer que je maintiens la décision du 2 juin 2010 pour les raisons y énoncées alors que « seule une formation spécialisée en tant qu’interprète et/ou traducteur qualifie les personnes intéressées pour être inscrit sur la liste des experts assermentés » (T.A. 15 septembre 2010 no 26607 du rôle). (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 4 janvier 2011, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision précitée du ministre du 2 juin 2010 portant rejet de sa demande d’admission sur la liste des experts, traducteurs et interprètes assermentés, ainsi que de la décision confirmative du même ministre du 8 octobre 2010 suite au recours gracieux introduit en date du 31 août 2010.

Ni la loi du 7 juillet 1971 portant en matière répressive et administrative, institution d’experts, de traducteurs et d’interprètes assermentés et complétant les dispositions légales relatives à l’assermentation des experts, traducteurs et interprètes, désignée ci-après par « la loi du 7 juillet 1971 », ni aucune autre disposition légale, ne prévoyant un recours au fond en matière d’inscription sur les listes d’experts, de traducteurs et d’interprètes assermentés, seul un recours en annulation a pu être introduit par le demandeur.

Le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours le demandeur met d’abord en cause la légalité externe des décisions déférées, au motif qu’elles ne seraient pas motivées à suffisance de droit dans la mesure où elles n’indiqueraient aucune base légale. Il conclut à une violation de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, désigné ci-après par le « règlement grand-ducal du 8 juin 1979 ».

Le délégué du gouvernement répond que le défaut d’indication d’une base légale par l’administration dans une décision administrative n’en entrainerait pas l’annulation dès lors que les raisons fournies seraient suffisamment explicites pour permettre au destinataire de la décision de les rattacher à la disposition légale visée par l’administration. Il conteste par ailleurs que les décisions déférées ne contiendraient qu’une motivation stéréotypée puisqu’elles énonceraient expressément que le demandeur ne dispose pas d’un diplôme final de traduction, ni d’un diplôme d’études post-secondaires complété d’une expérience professionnelle largement reconnue dans le domaine de la traduction et de l’interprétariat et préparant à l’exercice de la profession de traducteur. Enfin, il ajoute que la décision serait basée sur la loi du 7 juillet 1971 en vertu de laquelle le ministre pourrait désigner des experts, traducteurs et interprètes assermentés.

Aux termes de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 : « Toute décision doit baser sur des motifs légaux. La décision doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, lorsqu’elle : - refuse de faire droit à la demande de l’intéressé ; (…) » L’existence d’une motivation et l’indication de ladite motivation est donc une des conditions essentielles de la validité d’un acte administratif. Toutefois, l’administration peut utilement produire ou compléter les motifs postérieurement à la décision prise et même pour la première fois au cours de la phase contentieuse1.

En l’espèce, les décisions déférées relèvent que le demandeur ne dispose pas d’un diplôme spécialisé d’interprète ou de traducteur dans les langues pour lesquelles il a introduit une demande d’inscription sur la liste des experts, traducteurs et interprètes assermentés et qu’il ne dispose pas d’un diplôme d’études post-secondaires qui aurait pu le préparer à l’exercice de la profession de traducteur et d’interprète qui serait complété d’une expérience professionnelle largement reconnue dans le domaine de la traduction et de l’interprétariat pour la langue visée. Par ailleurs, le délégué du gouvernement a utilement complété en cours de procédure contentieuse les motifs à la base des décisions déférées en prenant position quant aux diplômes dont est titulaire le demandeur et en précisant que les décisions déférées sont fondées sur la loi du 7 juillet 1971.

Il s’ensuit qu’outre toute considération quant au bien-fondé de l’argumentation avancée par le ministre, il s’est conformé aux dispositions de l’article 6 du règlement grand-

1 cf. Cour adm. 20 octobre 2009, n° 25738C du rôle, disponible sur : www.ja.etat.lu ducal du 8 juin 1979, en indiquant tant les circonstances de fait que la cause juridique à la base de sa décision. Le moyen du demandeur tiré d’une indication insuffisante de la motivation des décisions déférées est partant à rejeter.

Quant au bien-fondé des décisions déférées, le demandeur, né à … et de nationalité française, fait valoir qu’il disposerait des qualifications suffisantes pour pouvoir être inscrit sur la liste des experts, traducteurs et interprètes assermentés. Il explique que par arrêté du 22 février 2006, le ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle aurait reconnu équivalent au diplôme luxembourgeois de fin d’études secondaires, son « diplôme de baccalauréat » émis le 6 août 2000 par le ministre de l’Education nationale de la République algérienne démocratique et populaire appuyé par le diplôme universitaire de technologie de l’université du Luxembourg. Le demandeur affirme encore que par décision du 2 juillet 2010 du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle il aurait été agrée pour enseigner l’anglais, le français et l’arabe dans le cadre de cours conventionnés pour adultes, ce qu’il aurait d’ailleurs indiqué au ministre dans le cadre de son recours gracieux, mais dont le ministre aurait fait abstraction dans sa décision confirmative du 8 octobre 2010. Il estime que s’il est agréé à enseigner les langues française, anglaise et arabe, il devrait également pouvoir exercer la fonction de traducteur et d’interprète concernant lesdites trois langues. Le demandeur fait encore valoir qu’au cours de l’année scolaire 1998/1999 il aurait suivi une première année universitaire en interprétariat et traduction, avec la combinaison linguistique arabe – français – anglais, à l’Université d’Alger. Au cours de l’année scolaire 1999/2000 il aurait suivi des cours de français auprès de l’Institut britannique de Paris de l’Université de Londres. De plus, il serait titulaire d’un diplôme universitaire de technologie (D.U.T.) en matière de gestion de la faculté de droit, d’économie et de Finance, section gestion et informatique délivré par l’Université du Luxembourg en 2005, ce qui correspondrait à un diplôme d’études post-secondaires de niveau « bac+2 ». Enfin, le demandeur affirme qu’au cours de l’année scolaire 2005/2006, il aurait suivi une formation de 600 heures dispensée en langue anglaise par l’Open University Luxembourg Lifelong learning ainsi que des cours en langue luxembourgeoise de niveau 1 organisés par la Ville de Luxembourg. Le demandeur estime que si le ministre exige en principe que les candidats à l’inscription sur la liste des experts, traducteurs et interprètes assermentés présentent un diplôme d’études supérieures spécialisées en matière de traduction et d’interprétariat pour les langues concernées, cette condition pourrait être remplacée par une exception dûment établie résultant d’une qualification non sanctionnée par des diplômes et se basant le cas échéant sur une expérience professionnelle largement reconnue. Le demandeur estime qu’il remplirait cette dernière condition dans la mesure où il aurait été agréé pour dispenser des cours de langues dans le cadre de la formation pour adultes, ce qui établirait sa maîtrise des langues française, anglaise et arabe.

Le délégué du gouvernement répond en substance que, d’un côté, le demandeur ne disposerait d’aucun diplôme universitaire final dans le domaine de la traduction et de l’interprétariat et que, d’un autre côté, il ne disposerait pas non plus d’une expérience professionnelle dans ledit domaine. Il soutient par ailleurs que les décisions déférées reposeraient sur des critères objectifs, à savoir les besoins des destinataires des prestations de spécialistes assermentés, ainsi que les qualifications professionnelles raisonnablement exigibles, de sorte que les décisions déférées ne sauraient encourir le reproche d’être manifestement disproportionnées.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur soutient qu’il serait exposé à l’arbitraire de l’administration, dans la mesure où, d’un côté, le ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle l’aurait agréé pour dispenser des cours en langue arabe, française et anglaise dans le cadre de la formation d’adultes et que, d’un autre côté, le ministre aurait refusé de l’inscrire sur la liste des experts, traducteurs et interprètes assermentés en tant qu’interprète et traducteur pour les mêmes trois langues, à savoir, les langues arabe, française et anglaise. Or, le ministre ne devrait pas pouvoir poser plus de conditions que celles posées par le ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle, d’autant plus que contrairement aux décisions déférées, la décision du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle portant agrément du demandeur à enseigner le français, l’anglais et l’arabe serait basée sur un règlement grand-ducal. Le demandeur ajoute que depuis le 15 septembre 2010 il enseignerait les trois langues précitées dans le cadre de cours organisés par l’association sans but lucratif « Du pain pour chaque enfant ». Le demandeur soutient encore qu’il existerait une différence de traitement entre les experts inscrits sur la liste des experts, traducteurs et interprètes assermentés.

Le délégué du gouvernement répond dans son mémoire en duplique que la décision du ministre et celle du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle relèveraient de textes juridiques et de prémisses différents. Tandis que les décisions déférées reposeraient sur la loi du 7 juillet 1971, permettant au ministre de désigner des experts, traducteurs et interprètes, celle du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle reposerait sur la loi du 19 juillet 1991 portant création d’un service de la formation des adultes et donnant un statut légal au Centre de langues Luxembourg, ainsi que sur le règlement grand-ducal du 31 mars 2000 ayant pour objet de fixer les modalités des contrats conventionnant des cours pour adultes et les conditions d’obtention d’un label de qualité et d’une subvention.

Aux termes de l’article 1er de la loi du 7 juillet 1971 « le ministre de la Justice peut, en matière répressive et administrative, désigner des experts, des traducteurs et des interprètes assermentés, chargés spécialement d’exécuter les missions qui leur seront confiées par les autorités judiciaires et administratives.

Il pourra les révoquer en cas de manquement à leurs obligations ou à l’éthique professionnelle ou pour d’autres motifs graves. La révocation ne pourra intervenir que sur avis du procureur général d’Etat et après que l’intéressé aura été admis à présenter ses explications ».

En matière d’inscription sur la liste des experts, traducteurs et interprètes assermentés, le ministre est donc juge de l’opportunité d’accorder, voire de refuser l’inscription, à condition que son appréciation repose sur des critères objectifs et s’opère d’une manière non arbitraire. Le juge de l’annulation vérifie à cet égard les faits formant la base de la décision administrative qui lui est soumise et examine si ces faits sont de nature à justifier la décision.

Cet examen amène le juge à vérifier si les faits à la base de la décision sont établis, cette vérification pouvant s’étendre le cas échéant au caractère proportionnel de la mesure prise par rapport aux faits établis, mais elle est cependant limitée aux cas exceptionnels où une flagrante disproportion des moyens laisse entrevoir un usage excessif du pouvoir par cette autorité.

Ainsi, loin d’être discrétionnaire, la faculté du ministre de désigner des candidats à figurer sur la liste des experts, traducteurs et interprètes assermentés, est liée par des critères objectifs, tenant, outre les besoins des destinataires des prestations de spécialistes assermentés en question, notamment aux qualifications professionnelles raisonnablement exigibles, ainsi qu’à l’honorabilité requise de la part d’un auxiliaire de la justice2.

En l’espèce, en vertu des décisions déférées le ministre refuse à Monsieur … l’inscription sur la liste des experts, traducteurs et interprètes assermentés au motif qu’il ne disposerait pas d’un diplôme spécialisé d’interprète et de traducteur concernant les langues française, anglaise et arabe.

Quant à la condition imposée d’être titulaire d’un diplôme d’études supérieures spécialisées dans la matière dans laquelle l’inscription sur la liste en tant qu’expert, traducteur ou interprète est sollicitée, le tribunal constate qu’elle est objectivement justifiée dans la mesure où le diplôme d’enseignement supérieur spécialisé constitue un moyen d’appréciation approprié de la compétence des candidats à l’inscription sur la liste des experts3.

Plus particulièrement quant à la qualification de Monsieur …, le tribunal est amené à constater de prime abord que contrairement aux affirmations du demandeur il ne ressort pas des pièces versées en cause qu’il a accompli avec succès au cours de l’année scolaire 1999/2000 un cours de français auprès de l’Institut britannique de Paris et qu’il a accompli avec succès au cours de l’année scolaire 2005/2006 un cours de 600 heures auprès de la Open University Luxembourg, Lifelong Learning Center, mais uniquement qu’il a été inscrit et qu’il a payé les frais d’inscription auxdits cours. Par ailleurs, s’il ressort des pièces versées en cause que le demandeur est titulaire du Diplôme universitaire de Technologie en Gestion, délivré par l’université du Luxembourg le 12 juillet 2005, ainsi que d’un certificat attestant qu’il a participé durant l’année 2005/2006 aux cours de langue luxembourgeoise dispensés par la Ville de Luxembourg, force est de constater que lesdits diplôme et certificat ont été dispensés dans des disciplines complètement étrangères à celles pour lesquelles le demandeur a sollicité son inscription sur la liste des experts, traducteurs et interprètes assermentés. Dès lors, lesdits diplôme et certificat ne correspondent pas à un diplôme final d’études supérieures spécialisé dans la matière de traduction ou d’interprétation.

Par ailleurs, s’il ressort des pièces versées en cause et notamment d’un certificat émis par le ministre de l’Enseignement supérieur et à la Recherche que le demandeur a accompli avec succès la première année d’études universitaires en interprétariat et traduction, combinaison linguistique : arabe – français – anglais auprès de la Faculté des Lettres et des Langues, département d’interprétariat et de traduction de l’université d’Alger au cours de l’année scolaire 1998/1999, ledit diplôme n’atteste cependant que l’accomplissement d’une première année universitaire en matière de traduction et d’interprétariat. Le demandeur ne verse aucune pièce en cause attestant qu’il disposerait d’un titre ou d’un diplôme final d’études supérieures spécialisées d’interprète ou de traducteur.

Outre le fait que le demandeur ne dispose pas d’un diplôme universitaire final en matière de traduction et d’interprétariat, force est au tribunal de constater que si eu égard aux pièces versées en cause, il est constant que le demandeur dispose d’une certaine maîtrise des langues française, arabe et anglaise, il ne ressort toutefois pas desdites pièces et il n’est partant pas établi en cause, que ses connaissances dans lesdites trois langues sont suffisantes pour disposer de la capacité de traduire et d’interpréter fidèlement notamment des textes ou des déclarations simultanément d’une des trois langues vers une autre langue, alors que ces 2 cf. trib. adm. 17 mai 1999, n°11018 du rôle, Pas. adm. 2010, V° Experts, n° 2 et autres références y citées.

3 cf. trib. adm. 17 mai 1999, n°11018 du rôle, Pas. adm. 2010, V° Experts, n° 3 et autres références y citées.

exigences sont normalement requises pour exécuter les missions confiées aux experts, traducteurs et interprètes assermentés, par les autorités judiciaires et administratives.

Par ailleurs, force est au tribunal de constater qu’une qualification non sanctionnée par des diplômes, mais reposant sur une expérience professionnelle largement reconnue peut constituer un critère d’appréciation en vue de l’inscription sur la liste des experts assermentés, à condition que le candidat établisse, pièces à l’appui, qu’il dispose de l’expérience professionnelle alléguée. Or, en l’espèce, le demandeur ne justifie pas d’une telle expérience professionnelle en tant que traducteur ou interprète, étant précisé que le fait qu’il dispense depuis une année des cours de langue arabe dans le cadre de la formation continue pour adultes organisée par l’association sans but lucratif « Du pain pour chaque enfant », ne correspond pas à une expérience professionnelle dans le domaine spécifique de l’interprétariat et de la traduction, mais uniquement dans celui de l’enseignement et plus particulièrement de l’enseignement de la langue arabe.

Dans le cadre de son mémoire en réplique, le demandeur a estimé de manière très vague et générale que les décisions de refus déférées seraient discriminatoires eu égard à la différence de traitement existant entre les différents interprètes et traducteurs inscrits sur la liste des experts, traducteurs et interprètes assermentés. A l’audience des plaidoiries, le mandataire du demandeur a ajouté à ce sujet que certains interprètes et traducteurs inscrits sur la liste des experts, traducteurs et interprètes assermentés ne disposeraient pas d’un diplôme final d’études supérieures spécialisées d’interprète ou de traducteur, mais uniquement d’un diplôme final sanctionnant des études supérieures de langue.

Tel que le tribunal vient de le préciser, l’article 1er de la loi du 7 juillet 1971 prévoit que le ministre peut, en matière répressive et administrative, désigner des experts, des traducteurs et des interprètes assermentés, chargés spécialement d’exécuter les missions qui leur seront confiées par les autorités judiciaires et administratives.

En l’absence de critères déterminant positivement les conditions à remplir pour pouvoir être inscrit sur la liste des experts, traducteurs et interprètes assermentés, le ministre est investi par la loi d’un pouvoir discrétionnaire à cet égard dont l’exercice n’échappe cependant pas pour autant entièrement au contrôle des juridictions administratives, dans la mesure où le ministre ne saurait verser dans l’arbitraire pour permettre ou refuser l’inscription sur la liste des experts, traducteurs et interprètes assermentés. En effet, si le contrôle juridictionnel propre à un recours en annulation ne saurait en principe aboutir à priver l’autorité administrative de son pouvoir d’appréciation, il n’en reste pas moins que, confronté à une décision relevant d’un pouvoir d’appréciation étendu, le juge administratif, saisi d’un recours en annulation, est appelé à vérifier, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, si les faits sur lesquels s’est fondée l’administration, sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute et s’ils sont de nature à justifier la décision, de même qu’il peut examiner le caractère proportionnel de la mesure prise par rapport aux faits établis, en ce sens qu’au cas où une disproportion devait être retenue par le tribunal administratif, celle-ci laisserait entrevoir un usage excessif du pouvoir par l’autorité qui a pris la décision. Un tel usage excessif du pouvoir peut se traduire notamment par une violation du principe général d’égalité des administrés devant la loi.

Quant à la condition imposée d’être titulaire d’un diplôme d’études supérieures spécialisées dans la matière dans laquelle l’inscription sur la liste en tant qu’expert, traducteur ou interprète est requise, le tribunal vient de retenir qu’elle est objectivement justifiée dans la mesure où le diplôme d’enseignement supérieur spécialisé constitue un moyen d’appréciation approprié et objectif de la compétence des candidats à l’inscription sur la liste des experts. De même, le tribunal vient de retenir qu’une qualification non sanctionnée par des diplômes, mais reposant sur une expérience professionnelle largement reconnue peut constituer un critère d’appréciation approprié des connaissances et qualifications d’un candidat en vue de son inscription sur la liste des experts, traducteurs et interprètes assermentés. De plus, le tribunal vient de constater qu’en l’espèce, le demandeur ne dispose ni d’un diplôme final d’études universitaires en traduction ou interprétariat, ni d’une expérience professionnelle en tant que traducteur ou interprète. Il s’ensuit qu’en l’espèce, les faits sur lesquels s’est fondé le ministre, sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute et qu’ils sont de nature à justifier objectivement la décision, de sorte qu’aucun usage excessif de son pouvoir ne saurait être reproché au ministre.

Dans le même contexte, il convient encore de préciser que si le mandataire du demandeur a développé au cours de l’audience des plaidoiries le moyen fondé sur une différence de traitement entre les candidats à inscrire sur la liste des experts, traducteurs et interprètes assermentés, ledit moyen est resté vague, dans la mesure où le mandataire du demandeur s’est référé de manière générale aux qualifications de personnes inscrites sur la liste des experts, traducteurs et interprètes assermentés, sans préciser concrètement les différences entre les qualifications desdites personnes et celles du demandeur. Par ailleurs, concernant le seul cas concret auquel le mandataire du demandeur s’est référé, d’un côté, il est resté en défaut de soumettre au tribunal une quelconque pièce, susceptible d’illustrer concrètement la discrimination alléguée, mettant de la sorte le tribunal dans l’impossibilité de vérifier les affirmations avancées et, d’un autre côté, il a exclusivement insisté sur le fait que la personne à laquelle il faisait référence et qui était inscrite sur la liste des experts, traducteurs et interprètes assermentés en tant qu’interprète et traducteur ne disposerait pas, à sa connaissance, d’un diplôme final d’études supérieures en matière d’interprétariat et de traduction, sans pour autant se prononcer sur la question de la qualification professionnelle éventuelle de ladite personne, de sorte qu’aucune comparaison entre les qualifications de ladite personne et celles du demandeur ne saurait être effectuée.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le moyen du demandeur relatif à une différence de traitement est à rejeter pour ne pas être fondé.

Enfin, quant à l’affirmation du demandeur selon laquelle il serait soumis à l’arbitraire de l’administration, dans la mesure où, d’un côté, le ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle l’aurait agréé pour dispenser des cours en langues arabe, française et anglaise dans le cadre de la formation pour adultes, tandis que, d’un autre côté, le ministre refuserait de l’inscrire sur la liste des experts, traducteurs et interprètes assermentés, le tribunal constate que c’est à juste titre que le délégué du gouvernement précise que les décisions précitées émanant des deux ministres sont fondées sur des textes légaux et ayant des finalités distinctes. En effet, l’agrément pour dispenser des cours dans le cadre de la formation d’adultes ne se confond pas avec une inscription sur la liste des experts, traducteurs et interprètes assermentés, étant donné que ledit agrément, respectivement l’inscription sur la liste des experts, traducteurs et interprètes assermentés donnent droit à l’exercice de deux fonctions distinctes, à savoir celle d’enseignant de langues respectivement celle de traducteur ou interprète. Ainsi, les conditions à remplir pour être agréé à enseigner dans le cadre des formations pour adultes et celles à remplir pour être inscrit sur la liste des experts, traducteurs et interprètes assermentés sont distinctes et sont fixées par différents textes légaux, à savoir, la loi du 19 juillet 1991 portant création d’un service de la formation des adultes et donnant un statut légal au centre de langues Luxembourg respectivement la loi du 7 juillet 1971. Dès lors, aucune incohérence ne saurait être constatée entre la décision du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle agréant le demandeur à dispenser des cours de langue dans le cadre de la formation pour adultes et les décisions déférées du ministre refusant d’inscrire le demandeur sur la liste des experts, traducteurs et interprètes assermentés, étant donné que les deux décisions sont fondées sur des dispositions légales différentes. Le moyen afférent est partant à rejeter pour ne pas être fondé.

Par conséquent, il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le ministre a valablement pu retenir que compte tenu des pièces versées en cause par le demandeur, celui-ci ne présentait pas la qualification professionnelle requise pour permettre son admission sur la liste des experts, traducteurs et interprètes assermentés. Ainsi, le ministre n’a pas excédé les limites de son pouvoir d’appréciation dans le cadre des attributions lui conférées par la loi du 7 juillet 1971 et il a donc légalement pu refuser l’inscription de Monsieur … sur la liste des experts, traducteurs et interprètes assermentés.

Le recours est partant à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties;

reçoit le recours en annulation en la forme;

au fond, le dit non justifié, partant en déboute;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Françoise Eberhard, premier juge, Anne Gosset, juge, et lu à l’audience publique du 29 septembre 2011 par le premier vice-président, en présence du greffier assumé Sabrina Knebler s. Sabrina Knebler s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 29 septembre 2011 Le Greffier assumé du Tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 27613
Date de la décision : 29/09/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2011-09-29;27613 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award