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13/09/2011 | LUXEMBOURG | N°28847

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 septembre 2011, 28847


Tribunal administratif N° 28847 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 juillet 2011 Audience publique extraordinaire du 13 septembre 2011 Recours formé par Madame … …, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 28847 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 juillet 2011 par Maître Nicky Stoffel, avo

cat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …...

Tribunal administratif N° 28847 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 juillet 2011 Audience publique extraordinaire du 13 septembre 2011 Recours formé par Madame … …, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 28847 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 juillet 2011 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … …, née le … à … (Polje / Monténégro), agissant tant en son nom propre qu’au nom de ses enfants mineurs …, née le …à …, …, né le … à …, …, né le … à Luxembourg et …, née le … à …, tous de nationalité monténégrine et demeurant actuellement ensemble à …, tendant 1) à l’annulation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 28 juin 2011 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation de la décision du même ministre du 28 juin 2011 refusant de faire droit à sa demande de protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 août 2011 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Bouchra Fahime-Ayadi, en remplacement de Maître Nicky Stoffel, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Guillou-Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 7 septembre 2011.

Le 31 décembre 1998, Madame … … et son époux, Monsieur …, agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs enfants mineurs … et …, introduisirent une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Par décision du 23 mai 2001, le ministre de la Justice les informa que leur demande avait été refusée comme non fondée. Le recours contentieux qu’ils introduisirent à l’encontre de la décision ministérielle précitée fut définitivement rejeté par un arrêt de la Cour administrative du 28 mai 2002, inscrit sous le numéro 14650C du rôle.

Le 13 juillet 2001, les époux … firent introduire une demande tendant à l’obtention d’une autorisation de séjour qui leur fut refusée par décision conjointe du ministre de la Justice et du ministre du Travail et de l’Emploi du 30 décembre 2002.

En 2004, les époux … rentrèrent au Monténégro avec leurs enfants.

Le 21 juin 2011, Madame … …, entretemps divorcée de son époux, agissant tant en son nom propre qu’au nom de ses enfants mineurs …, introduisit de nouveau auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères, Direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, désignée ci-après par « la loi du 5 mai 2006 ».

Le 22 juin 2011, Madame … fut entendue par un agent de la Police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Le même jour, elle fut entendue par un agent du ministère des Affaires étrangères, Direction de l’Immigration, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 28 juin 2011, notifiée à l’intéressée le 29 juin 2011, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, désigné ci-après par « le ministre », informa Madame … qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et que sa demande avait été refusée comme non fondée. Ladite décision est libellée de la façon suivante :

« J'ai l'honneur de me référer à votre nouvelle demande en obtention d'une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentée auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères en date du 21 juin 2011.

Il ressort de votre dossier que vous avez déjà déposé une demande d'asile en date du 24 décembre 1998, demande qui fût refusée par décision du 29 juin 2001. La décision de refus fût confirmée par arrêt de la Cour administrative en date du 28 mai 2004 et vous êtes retournée au Monténégro le 18 septembre 2004. Vous aviez invoqué à la base de cette demande le fait que votre ex-époux aurait reçu un pré-appel l'avertissant de son recrutement imminent. Ne voulant pas être envoyé au Kosovo et vous sachant enceinte, vous (sic) ex-époux aurait décidé de quitter le Monténégro. Vous ajoutez avoir quitté le Monténégro en « raison de la guerre ».

Vous déposez une nouvelle demande de protection internationale en date du 21 juin 2011 et avez été entendue le lendemain.

Vous invoquez à la base de votre nouvelle demande de protection que vous auriez quitté le Monténégro pour des raisons d'ordre purement économiques. Vous seriez divorcée depuis 2004 et vous élèveriez vos enfants seule en ayant comme seule ressource financière des aides sociales de 115 euros. Vous n'auriez pas assez de moyens financiers, vos voisins auraient dû vous aider. Vous ne faites pas état d'autres raisons qui vous auraient poussées à quitter le Monténégro.

En vertu des dispositions de l'article 20§1 de la loi modifiée du 5 mai 2006, je vous informe qu'il est statué sur le bien-fondé de votre demande de protection internationale dans le cadre d'une procédure accélérée parce qu'il apparaît que vous tombez sous un des cas prévus au paragraphe (1), à savoir :

a) « le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n'a soulevé que des questions sans pertinence ou d'une pertinence insignifiante au regard de l'examen visant à déterminer s'il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale; » b) « il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale; » c) « le demandeur provient d'un pays d'origine sûr au sens de l'article 21 de la présente loi; ».

En tout état de cause, les faits exposés ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécutée dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi précitée du 5 mai 2006. En effet, il ressort très clairement de vos déclarations que les raisons pour lesquelles vous auriez quitté votre pays d'origine seraient exclusivement d'ordre économique. Vous ne faites pas état de persécutions ou de problèmes personnels.

A cela s'ajoute que selon l'article 1 (1) du règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d'origine sûrs au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection, votre pays d'origine, le Monténégro doit être considéré comme pays d'origine sûr au sens de l'article 21 de la prédite loi, les conditions du point c) de l'article 20§1 étant donc également remplies.

Je constate ainsi que vous n'alléguez aucun fait susceptible d'établir raisonnablement une crainte de persécution en raison d'opinions politiques, de race, de religion, de nationalité ou d'appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.

En outre, vous n'invoquez pas non plus des motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi précitée du 5 mai 2006. En effet, selon le même raisonnement que celui appliqué à l'évaluation de votre demande de protection internationale, des raisons économique et plus particulièrement le fait que vous n'ayez pas assez de moyens pour vivre avec vos enfants ne justifient pas la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire parce qu'ils n'établissent pas que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 20 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.

La présente décision vaut ordre de quitter le territoire.

Contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d'une procédure accélérée, un recours en annulation est ouvert devant le tribunal administratif.

Contre la décision de refus de la demande de protection internationale prise dans le cadre d'une procédure accélérée, un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif.

Contre l'ordre de quitter le territoire, un recours en annulation est ouvert devant le tribunal administratif. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 13 juillet 2011, Madame …, agissant tant en son nom propre qu’au nom de ses enfants mineurs …, a fait introduire un recours tendant 1) à l’annulation de la décision précitée du ministre du 28 juin 2011 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation de la même décision du ministre dans la mesure où elle refuse de faire droit à sa demande de protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision.

1) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, un recours en annulation a valablement pu être introduit contre la décision déférée du ministre de statuer sur la demande de protection internationale de la demanderesse dans le cadre d’une procédure accélérée. Le recours en annulation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

La demanderesse reproche au ministre d’avoir retenu à tort que son récit rentrait dans une des hypothèses énumérées à l’article 20 (1), a), b) et c) de la loi du 5 mai 2006 et de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée. Elle estime à ce titre que les faits soulevés à la base de sa demande de protection internationale seraient pertinents au regard de l’examen visant à déterminer si elle remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale. Ainsi, elle aurait été obligée de quitter son pays d’origine une seconde fois puisqu’elle y aurait été contrainte de vivre avec ses enfants dans des conditions dégradantes et humiliantes, dans la mesure où elle aurait pu trouver ni un emploi, ni un logement décent. La demanderesse estime par ailleurs que le ministre resterait en défaut d’expliquer en quoi il apparaîtrait clairement qu’elle ne remplirait pas les conditions requises pour bénéficier de la protection internationale. Enfin, elle estime que si le Monténégro était déclaré comme étant un pays d’origine sûr par un règlement-grand-ducal de 2007, cette circonstance devrait faire l’objet d’une évaluation régulière compte tenu des indications factuelles données par les demandeurs d’asile en provenance de ce pays.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre aurait à juste titre statué sur la demande de protection internationale de la demanderesse dans le cadre d’une procédure accélérée, puisque, d’une part, elle n’aurait avancé que des motifs économiques à l’appui de sa demande, de sorte qu’elle n’aurait soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen de sa demande, que, d’autre part, il apparaîtrait clairement qu’elle ne remplirait pas les conditions pour bénéficier du statut conféré par la protection internationale et qu’enfin, la demanderesse proviendrait d’un pays d’origine sûr et qu’un examen individuel de la situation personnelle de la demanderesse aurait été effectué.

Aux termes de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 : « Le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants:

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale;

b) il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale;

c) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la présente loi ; (…) ».

En vertu de l’article 2 a), la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

A ce sujet, la notion de « réfugié » est définie par l’article 2 c) de ladite loi du 5 mai 2006 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays (…) », tandis que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » est définie par l’article 2 e) de la même loi comme tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir des atteintes graves et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays.

Force est de constater que tant la notion de « réfugié » que celle de personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire impliquent nécessairement des persécutions ou des atteintes graves, ou à tout le moins un risque de persécution ou d’atteintes graves dans le pays d’origine.

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 20 de la loi du 5 mai 2006, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée notamment lorsqu’il apparaît clairement que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons de nature à justifier dans son chef dans son pays de provenance une crainte justifiée de persécution pour les motifs y énumérés, à savoir du fait de sa race, de sa religion, de ses opinions politiques, de sa nationalité ou de son appartenance à un certain groupe social, respectivement un risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la même loi.

En l’espèce, il ressort des déclarations de la demanderesse telles qu’actées au rapport d’audition que l’unique raison l’ayant poussée à quitter son pays d’origine était sa situation financière difficile, dans la mesure où elle aurait dû élever ses enfants toute seule et n’aurait disposé comme unique revenu que des aides sociales de 115 euros par mois. Les voisins auraient dû l’aider pour subvenir aux besoins de ses enfants. Sur la question de l’agent du ministère des Affaires étrangères si, à part la situation économique difficile, il n’existait aucune autre raison pour laquelle elle aurait quitté son pays d’origine, la demanderesse répond : « Non. C’est la seule raison. La situation économique, la pauvreté, les enfants qui partent à l’école mais n’ont pas d’argent pour acheter un sandwich. Donc c’est une situation qui est difficile. Les enfants de l’école ne veulent pas être amis avec mes enfants. Ils les évitent. Ils les insultent. » Force est dès lors au tribunal de constater que les motifs avancés par la demanderesse à la base de sa demande de protection internationale sont exclusivement d’ordre économique et ne font pas état dans son chef dans son pays de provenance d’une crainte justifiée de persécution pour les motifs énumérés par la loi du 5 mai 2006, à savoir du fait de sa race, de sa religion, de ses opinions politiques, de sa nationalité ou de son appartenance à un certain groupe social, respectivement d’un risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la même loi.

Il suit des considérations qui précèdent que le ministre a valablement pu considérer que les motifs avancés par la demanderesse à l’appui de sa demande de protection internationale sont sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen de sa demande et qu’il apparaît clairement que la demanderesse ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, au sens de l’article 20 (1) a) et b) de la loi du 5 mai 2006.

Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée étant énumérées à l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 de manière alternative et non point cumulative et dans la mesure où le tribunal vient de constater que les conditions énumérées aux points a) et b) dudit article sont remplies en l’espèce, le ministre a valablement pu statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée.

Le recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est partant à rejeter pour ne pas être fondé.

2) Quant au recours tendant à la réformation de la décision portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, une demande en réformation a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

La demanderesse reproche au ministre d’avoir fait une interprétation erronée de ses déclarations. Ainsi, sa demande ne serait pas basée sur des motifs économiques, mais sur des persécutions qu’elle aurait subies dans son pays d’origine. Elle précise qu’elle n’aurait pas pu trouver de travail, malgré toutes ses démarches, et qu’elle n’aurait pas disposé de logement décent mais aurait été contrainte de vivre avec ses enfants dans un container. Or, le fait de ne pas trouver d’emploi et la condition précaire générale dans laquelle seraient maintenus les anciens exilés rentrés chez eux constituerait un motif de persécution suffisamment grave pour quitter son pays d’origine. La demanderesse ajoute qu’elle subirait une discrimination en raison de sa première fuite vers le Luxembourg, de ce fait elle serait considérée comme une paria et verrait toutes ses demandes rejetées ou ignorées par les services administratifs de l’Etat monténégrin.

Le délégué du gouvernement estime pour sa part que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation de la demanderesse, de sorte que celle-ci serait à débouter de son recours.

Il échet de prime abord de rappeler qu’aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de «protection internationale» se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire et qu’en vertu de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « réfugié » est définie comme tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays.

En l’espèce, l’examen des faits et motifs invoqués par la demanderesse à l’appui de sa demande en obtention d’une protection internationale dans le cadre de son audition, ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse, amène le tribunal à conclure qu’il apparaît clairement qu’elle ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale.

Il résulte en effet sans équivoque des déclarations de la demanderesse telles qu’actées au rapport d’audition que celle-ci ne subissait aucune persécution au moment où elle a quitté le Monténégro, la demanderesse n’ayant quitté son pays que dans le seul but d’améliorer ses conditions de vie. En effet, tel que retenu ci-avant, sur question spécifique de l’agent du ministère des Affaires étrangères, elle a insisté que l’unique raison l’ayant amenée à quitter son pays d’origine était d’ordre économique. La demanderesse a précisé que son unique revenu consistait en une aide sociale de 115 euros par mois et qu’après avoir payé le loyer de l’appartement d’un montant de 50 euros, il ne lui restait que 65 euros pour subvenir à ses besoins ainsi qu’à ceux de ses quatre enfants. Les motifs à la base de la demande de protection internationale de la demanderesse sont donc exclusivement d’ordre économique.

Ces constatations ne sont pas énervées par les affirmations du mandataire de la demanderesse qui explique que la pauvreté à laquelle la demanderesse aurait été soumise serait due à des discriminations que devraient subir tous les anciens exilés du Monténégro qui seraient retournés dans leur pays. En effet, force est au tribunal de constater, d’une part, que la demanderesse elle-même n’a à aucun moment précisé au cours de son audition d’avoir subi des discriminations dans son pays d’origine en raison du fait qu’elle y serait retournée après l’avoir quitté pour le Luxembourg et, d’autre part, que le mandataire de la demanderesse se limite à affirmer de manière générale qu’elle aurait été discriminée et que « toutes ses demandes [auraient été] rejetées ou ignorées par les services administratifs de l’Etat Monténégrin », sans préciser concrètement quelles auraient été les difficultés apparemment rencontrées, ainsi que les discriminations apparemment subies par la demanderesse dans son pays d’origine. A défaut de précisions concrètes de la part du mandataire de la demanderesse relatives à d’éventuelles discriminations subies et au vu des déclarations claires de la demanderesse actées au rapport d’audition, force est au tribunal de constater que la demanderesse n’a fait valoir que des motifs purement économiques à la base de sa demande de protection internationale sans faire état et sans établir des raisons de nature à justifier dans son chef dans son pays de provenance une crainte justifiée de persécution pour les motifs énumérés à l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006, à savoir du fait de sa race, de sa religion, de ses opinions politiques, de sa nationalité ou de son appartenance à un certain groupe social.

En ce qui concerne le refus du ministre d’accorder à la demanderesse le bénéfice de la protection subsidiaire, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 2, e) de la loi du 5 mai 2006, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire», « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 37 de la même loi énumère en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Force est de constater à cet égard, d’une part, que l’article 37 de la loi modifiée du 5 mai 2006 parle de traitements ou de sanctions « infligées », tandis que l’article 28 de la même loi énumère les acteurs des persécutions et des atteintes graves, de sorte à nécessiter une intervention, une responsabilité humaine et à exclure de son champ d’application l’éventualité d’ « atteintes graves » lorsqu’aucun acteur ne peut en être tenu responsable. Il en résulte que l’état de précarité ou de pauvreté, à lui seul, en l’absence de toute circonstance permettant de déduire qu’il aurait été infligée ou qu’il résulterait d’une intervention directe ou indirecte humaine, ne constitue pas un motif valable d’obtention de la protection subsidiaire au sens de la loi du 5 mai 2006.

Partant, le recours en réformation est également à rejeter comme étant non fondé en ce qu’il est dirigé à l’encontre de la décision ministérielle refusant au demandeur le bénéfice de la protection subsidiaire.

3) Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée du 28 juin 2011 a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

Aux termes de l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2. o) de la loi du 5 mai 2006 la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire».

En l’espèce, la demanderesse sollicite l’annulation de la décision portant ordre de quitter le territoire, au motif que la décision portant refus de reconnaissance d’une protection internationale devrait être réformée.

Le tribunal vient, tel que développé ci-dessus, de retenir que la demanderesse n’a à aucun moment fait état d’une crainte justifiée de persécution au sens de la loi du 5 mai 2006, ni d’atteintes graves telles que définies à l'article 37 de la même loi, de sorte que compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée portant ordre de quitter le territoire.

Partant, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en annulation contre la décision ministérielle du 28 juin 2011 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée :

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation contre la décision ministérielle du 28 juin 2011 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 28 juin 2011 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler,premier vice-président, Martine Gillardin, vice-président, Françoise Eberhard, premier juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 13 septembre 2011, à 15h00, par le premier vice-

président en présence du greffier de la Cour administrative Anne-Marie Wiltzius, greffier assumé.

s.Anne-Marie Wiltzius s.Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 13 septembre 2011 Le greffier assumé du tribunal administratif 10


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 28847
Date de la décision : 13/09/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2011-09-13;28847 ?

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