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20/07/2011 | LUXEMBOURG | N°28845

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 juillet 2011, 28845


Tribunal administratif Numéro 28845 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 juillet 2011 2e chambre Audience publique de vacation du 20 juillet 2011 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 28845 du rôle et déposée le 13 juillet 2011 au greffe du tribunal administratif par Maître Nic

ky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au...

Tribunal administratif Numéro 28845 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 juillet 2011 2e chambre Audience publique de vacation du 20 juillet 2011 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 28845 du rôle et déposée le 13 juillet 2011 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le 14 octobre 1984 à … (Algérie) et être de nationalité algérienne, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation d’un arrêté du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 24 juin 2011 portant prorogation de son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée supplémentaire d’un mois à partir de la notification de la décision en question;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 juillet 2011 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Madame le délégué du gouvernement Linda Maniewski en sa plaidoirie à l’audience publique de vacation du 20 juillet 2011.

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En date du 12 avril 2011, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ci-après dénommé « le ministre », refusa le séjour à Monsieur …, déclarant être né le 14 octobre 1984 à … en Algérie et être de nationalité algérienne, aux motifs qu’il n’était en possession ni d’un passeport ni d’un visa en cours de validité et qu’il ne disposait pas non plus d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois ou d’une autorisation de travail.

Par arrêté du même jour, le ministre ordonna la rétention administrative de Monsieur … au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de la décision en question, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois. Par jugement du tribunal administratif du 29 avril 2011, le recours en réformation introduit par Monsieur … contre cet arrêté du 12 avril 2011 fut déclaré sans objet.

La mesure de rétention précitée du 12 avril 2011 fut rapportée par un arrêté du ministre du 20 avril 2011 en considération de ce que l’intéressé avait déposé une demande de protection internationale. Par le même arrêté, il fut placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximale de trois mois sur base de l’article 10 (1) a) de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection.

En date du 26 avril 2011, Monsieur … s’adressa au ministre pour l’informer qu’il souhaitait retirer sa demande de protection internationale.

Par courrier de son mandataire du 27 avril 2011, Monsieur … informa le ministre de son intention de « quitter le Luxembourg pour retourner dans son pays d’origine ».

Par arrêté du 28 avril 2011, le ministre rapporta son arrêté précité du 20 avril 2011 et ordonna, à nouveau, le placement en rétention de Monsieur … au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximale d’un mois, sur base des articles 120 à 123 de la loi du 29 août 2008.

Ledit arrêté fut notifié à Monsieur … en date du 29 avril 2011 et prorogé par arrêté du ministre du 24 mai 2011.

Par jugement du 6 juin 2011, le tribunal administratif rejeta comme non fondé le recours en réformation introduit par Monsieur … contre l’arrêté précité du 28 avril 2011.

Par arrêté du 24 juin 2011, notifié en date du 27 juin 2011, le ministre prorogea pour une nouvelle durée d’un mois la mesure de rétention administrative prise à l’égard de Monsieur ….

Ledit arrêté est fondé sur les considérations et motifs suivants :

« Vu les articles 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu mes arrêtés notifiés en date des 29 avril et 27 mai 2011 décidant du placement temporaire de l’intéressé ;

Considérant qu’une demande d’identification a été adressée aux autorités algériennes en date du 3 mai 2011 ;

- que l’identification de l’intéressé par les autorités algériennes est en cours d’instruction ;

Considérant qu’en attendant le résultat des recherches quant à son identité, l’éloignement immédiat de l’intéressé est impossible en raison de circonstances de fait ;

Considérant qu’il y a nécessité de reconduire la décision de placement ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 13 juillet 2011, Monsieur …, a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle précitée du 24 juin 2011.

Etant donné que l'article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après dénommée « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement en rétention, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur soutient être placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière situé au sein du Centre Pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig et qu’il y serait soumis à un régime qui serait similaire voire identique à celui des détenus de droit commun, à l’exception du droit illimité à la correspondance et de la dispense de l’obligation de travail. Il fait encore valoir dans ce contexte que le règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne des établissements pénitentiaires s’appliquerait au Centre de séjour par application de l’article 5 du règlement grand-

ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière. Au vu de cette situation de fait et de droit, il estime qu’il n’existerait aucune « nécessité absolue » de le retenir dans ledit centre de séjour, alors qu’il ne présenterait aucun danger pour la sécurité et l’ordre publics.

Le délégué du gouvernement n’a pas pris position par rapport à ce premier moyen.

Aux termes de l’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008: « lorsque l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 ou d’une demande de transit par voie aérienne en vertu de l’article 127 est impossible en raison de circonstances de fait, ou lorsque le maintien en zone d’attente dépasse la durée de quarante-huit heures prévue à l’article 119, l’étranger peut, sur décision du ministre être placé en rétention dans une structure fermée.

(…) ». Conformément au paragraphe (3) du même article 120, « la décision de placement visée au paragraphe (1) qui précède, peut en cas de nécessité être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois ».

Abstraction faite de la considération que la condition de la nécessité absolue ne figure pas à l’article 120 précité comme condition devant se trouver nécessairement à la base d’une mesure de prorogation d’une mesure initiale de placement, il échet de retenir encore que ledit article 120 ne prévoit aucune condition quant à la dangerosité, que ce soit pour la sécurité ou l’ordre publics, dans le chef de la personne visée par la mesure de rétention administrative pour justifier la légalité de celle-ci.

Il s’ensuit que l’argumentation développée par le demandeur dans sa requête introductive d’instance quant au défaut de présenter un quelconque danger pour l’ordre ou la sécurité publics pour conclure à une violation de l’article 120 précité n’est pas pertinente, à défaut par ladite disposition légale de prévoir une telle condition.

Au-delà de cette conclusion, il échet de retenir que l’article 120 de la loi du 29 août 2008 autorise le ministre à prendre une mesure de placement à l’encontre d’un étranger se trouvant en situation irrégulière afin de le mettre à la disposition du gouvernement dans les limites et les conditions de la loi, au cas où l’exécution d’une mesure d’éloignement à son encontre est impossible en raison de circonstances de fait.

En l’espèce, il échet de constater que le demandeur ne conteste pas remplir les conditions légales pour qu’une mesure de rétention administrative ait pu être prise à son encontre.

S’il est vrai que le demandeur décrit d’une manière sommaire le régime auquel il serait soumis au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, il n’en demeure pas moins qu’il n’indique en aucune manière en quoi ce régime ne serait pas approprié à son cas d’espèce, de sorte qu’à défaut de disposer d’éléments afférents, ayant trait à la situation personnelle du demandeur, le tribunal n’est pas en mesure de prendre position par rapport à ses affirmations générales lui soumises.

Au vu de l’ensemble des développements qui précèdent, le premier moyen est à écarter pour ne pas être fondé.

En deuxième lieu, le demandeur reproche au ministre d’avoir adressé une demande d’identification aux autorités algériennes, alors qu’il aurait indiqué, au cours de sa détention préventive dans le cadre d’un vol à l’étalage, avoir sa « résidence habituelle en France dans la localité de …». Il estime encore dans ce contexte qu’il n’aurait pas séjourné de manière durable sur le territoire luxembourgeois, mais qu’il n’y aurait été que de « passage », de sorte qu’il y aurait lieu de l’expulser vers la France.

Le délégué du gouvernement soutient que le demandeur n’aurait pas apporté un commencement de preuve de ce qu’il bénéficierait d’une autorisation de séjour en France, de sorte que cette affirmation resterait à l’état de pure allégation.

Le reproche tiré d’un défaut de diligences appropriées adressé aux autorités luxembourgeoises du fait d’avoir contacté les autorités algériennes au lieu de s’être adressé aux autorités françaises est à rejeter pour ne pas être fondé, étant donné que le demandeur n’a indiqué ni une adresse exacte où il résiderait « habituellement » en France, ni la légalité dudit séjour en France, de sorte qu’au vu de ses explications vagues et imprécises, le ministre a valablement pu faire abstraction de démarches auprès des autorités françaises afin d’obtenir la reprise du demandeur et a pu s’adresser à bon droit aux seules autorités algériennes en considération de ce que le demandeur indique lui-même être de nationalité algérienne.

En troisième lieu, le demandeur reproche au ministre de ne pas avoir accompli les diligences et démarches appropriées pour l’éloigner dans les plus brefs délais du territoire luxembourgeois, en faisant état de ce que depuis qu’une demande d’identification a été adressée par les autorités luxembourgeoises aux autorités algériennes en date du 3 mai 2011, aucune précision ne ressortirait du dossier administratif quant aux suites y réservées. Ainsi, rien ne permettrait de présumer que son identification et la délivrance d’un laisser-passez en sa faveur puissent avoir lieu dans un bref délai. Il conclut de ces éléments une absence de diligence de la part du ministre, qui établirait que les conditions en vue de prononcer la prolongation d’une mesure de rétention administrative ne seraient pas remplies en l’espèce. Il estime ainsi que le ministre aurait commis une violation de la loi en ne faisant pas état et en n’étant pas en mesure de documenter les démarches qu’il estime être requises et qu’il serait en train d’exécuter afin d’écourter au maximum sa privation de liberté.

Enfin, dans le cadre de ce deuxième moyen, le demandeur soutient encore que le ministre ne serait pas en mesure de démontrer qu’il pourrait effectivement procéder à l’exécution de la mesure d’éloignement prise à son encontre, en insistant sur le fait que les résultats des démarches effectuées par les autorités luxembourgeoises n’auraient toujours pas abouti à la délivrance d’un laisser-passez par les autorités de son pays d’origine.

Le délégué du gouvernement conteste un défaut de diligences dans le chef du ministre, en se référant aux démarches accomplies par lui auprès des autorités algériennes.

La durée légale de rétention est fixée à l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, qui permet au ministre, dans l’hypothèse où l’exécution d’une mesure d’éloignement est impossible en raison de circonstances de fait, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, étant entendu que le paragraphe (3) du même article permet au ministre de reconduire, en cas de nécessité, la décision de placement à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois. La durée légale maximale de la rétention est, ainsi, fixée à quatre mois.

Une impossibilité de procéder à l’éloignement immédiat d’un étranger en raison de circonstances de fait est vérifiée notamment lorsque ce dernier ne dispose pas des documents d’identité et de voyage requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise de l’intéressé. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention.

Le demandeur se trouvant de manière non contestée en situation irrégulière au pays et étant par ailleurs démuni de documents de voyage et d’identité, les conditions permettant de recourir à une mesure de placement ne sauraient être utilement remises en cause en l’espèce.

Il ressort des pièces du dossier administratif que le ministre a décidé de proroger la décision de placement du demandeur au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière afin de pouvoir poursuivre les démarches précédemment entamées en vue de faire établir l’identité du demandeur et de se faire délivrer les documents de voyage, lesquelles ont été rendues difficiles en raison du comportement du demandeur qui a, à un certain moment de la procédure, introduit une demande d’asile, retirée quelques jours plus tard.

En l’espèce, force est de constater qu’il ressort des pièces du dossier que les autorités ministérielles ont sollicité dès le 3 mai 2011 des renseignements de la part du Consulat de la République Algérienne Démocratique et Populaire quant à l’identité du demandeur. Cette première démarche a été suivie d’une réponse dudit Consulat en date du 13 mai 2011 accusant réception de la demande et informant qu’un suivi y sera réservé. Des rappels téléphoniques et écrits ont été adressés par le ministre au consulat en dates des 24 mai, 8 juin, 29 juin et 12 juillet 2011. A cette dernière date, le Consulat répondit que les recherches en vue de l’identification du demandeur étaient toujours en cours.

Au vu des diligences ainsi concrètement entreprises par les autorités luxembourgeoises auprès des autorités algériennes, qui ont raisonnablement pu être supposées compétentes et du fait que les démarches des autorités ont été ralenties par le défaut de collaboration du demandeur, le reproche d’un défaut de diligences formulé par le demandeur à l’appui de son recours laisse d’être fondé.

Dans l’attente de résultats de la part desdites autorités, la prorogation de la mesure initiale de placement constitue une nécessité de sorte que le moyen tiré de la violation de l’article 120 (3) de la loi du 29 août 2008 laisse d’être fondé.

Au vu de l’ensemble des développements qui précèdent, et à défaut d’autres moyens invoqués en cause, le recours est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Claude Fellens, premier juge, Françoise Eberhard, premier juge, et lu à l’audience publique de vacation du 20 juillet 2011 à 16.15 heures par le premier vice-

président, en présence du greffier Arny Schmit .

s. Arny Schmit s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 20.7.2011 Le Greffier du Tribunal administratif 6


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 28845
Date de la décision : 20/07/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2011-07-20;28845 ?

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