Tribunal administratif N° 27546 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 décembre 2010 3e chambre Audience publique du 12 juillet 2011 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Intérieur et à la Grande Région en matière de discipline
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 27546 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 3 décembre 2010 par Maître Michel Molitor, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Intérieur et à la Grande Région du 3 septembre 2010, confirmant la peine disciplinaire de l’avertissement prononcée à son égard par décision du directeur général de la Police grand-ducale du 21 juin 2010 ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 25 février 2011 par Maître Annick Wurth, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, lequel mémoire a été notifié par acte d’avocat à avocat au mandataire de Monsieur … en date du 28 février 2011 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 24 mars 2011 par Maître Michel Molitor au nom de Monsieur …, lequel mémoire a été notifié en date du même jour par acte d’avocat à avocat au mandataire de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu le mémoire en duplique, déposé au greffe du tribunal administratif le 21 avril 2011 par Maître Annick Wurth au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, lequel mémoire a été notifié en date du même jour par acte d’avocat à avocat au mandataire de Monsieur … ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Nadine Bogelmann, en remplacement de Maître Michel Molitor, et Maître Annick Wurth en leurs plaidoiries respectives.
Par décision du 2 octobre 2008, le directeur général de la Police grand-ducale, ci-après désigné par « le directeur général », prononça à l’égard de Monsieur …, … de la Police grand-
ducale, la sanction disciplinaire de la réprimande.
Par courrier de son mandataire du 9 octobre 2009, Monsieur … releva appel auprès du ministre de la Justice contre la prédite décision du directeur général.
Par décision du 13 novembre 2008, ledit ministre confirma la décision précitée du directeur général.
Par jugement du tribunal administratif du 18 novembre 2009 (inscrit sous le numéro 25441 du rôle), la prédite décision du ministre de la Justice fut annulée pour avoir été prise sur base d’une procédure administrative viciée, le tribunal ayant retenu que Monsieur … n’avait pas eu accès à l’intégralité de son dossier administratif.
En date du 9 décembre 2009, le ministre de l’Intérieur et à la Grande Région, entretemps en charge du dossier, ci-après désigné par « le ministre », en se référant au prédit jugement du 18 novembre 2009, demanda au directeur général de reprendre l’enquête en transmettant l’intégralité du dossier à Monsieur ….
Par décision du 21 juin 2010, le directeur général prononça la sanction disciplinaire de l’avertissement à l’égard de Monsieur ….
Par courrier de son mandataire du 24 juin 2010, Monsieur … releva appel auprès du ministre, qui confirma la sanction disciplinaire de l’avertissement par une décision du 3 septembre 2010, dans les termes suivants :
« Maître, Par courrier du 24 juin 2010 vous avez relevé appel au nom et pour le compte de Monsieur … contre une décision du Directeur général de la Police du 21 juin 2010 prononçant à son encontre la peine disciplinaire de l’avertissement.
L’appel est recevable pour avoir été introduit dans le délai prévu par la loi. Je le considère toutefois comme non fondé pour les motifs qui suivent.
Vous invoquez l’illégalité de la décision du 21 juin 2010 au motif que la décision du Directeur du 2 octobre 2008 n’ayant pas été retirée ni annulée, l’avertissement s’ajouterait à la réprimande prononcée à l’encontre de votre mandant, ce qui reviendrait à une double sanction disciplinaire.
Je ne puis partager cet avis alors que la décision ministérielle rendue sur appel en date du 13 novembre 2008 s’est substituée à la décision du Directeur général de la police du 2 octobre 2008 arrêtant la peine de la réprimande, et que son annulation par le tribunal administratif a emporté annulation de la décision directoriale.
Vous soutenez ensuite que la peine dont appel se cumulerait avec la nomination de Monsieur … à la Direction Organisation, Méthode, Emploi laquelle revêtirait un caractère répressif dans la mesure où elle aurait porté atteinte à la réputation de celui-ci.
Cet argument doit également être écarté au motif que, en dehors du fait que votre mandant a accepté ladite nomination sans émettre de contestation, la nomination en soi à une fonction plus prestigieuse n’a pas entraîné pour lui de conséquences dommageables.
Le moyen tiré d’une prétendue violation de l’article 22 alinéa 2 de la loi modifiée du 16 avril 1979 ayant pour objet la discipline dans la force publique est partant à rejeter.
Vous affirmez par ailleurs que Monsieur … n’aurait toujours pas eu accès au dossier administratif dans son intégralité en arguant qu’il ignorerait toujours comment le rapport … est in fine parvenu à la connaissance du Ministre et quels ont été les faits précis à la base de sa nomination.
Cet argument ne saurait valoir étant donné que l’examen des pièces de la procédure révèle qu’en date du 29 décembre 2009 Monsieur … a signé une attestation par laquelle il a déclaré avoir reçu une copie intégrale du dossier de l’enquête disciplinaire.
Les informations dont vous faites état n’ont pas trait à la procédure ayant abouti à la peine disciplinaire, mais à la nomination de Monsieur … à la Direction Organisation, Méthode, Emploi, à une décision administrative partant qui est intervenue bien des mois avant l’ouverture de la procédure disciplinaire. Un défaut de communication de pièces dans le cadre de la décision de nomination ne saurait affecter la régularité de la procédure disciplinaire.
Considérant finalement que les faits retenus à charge de votre mandant sont établis au terme de l’instruction, qu’ils ne sont pas prescrits et qu’ils sont adéquatement sanctionnés par un avertissement, je confirme la décision du Directeur général de la police du 21 juin 2010 prononçant à l’encontre de Monsieur … la peine disciplinaire de l’avertissement. (…) ».
Par requête déposée le 3 décembre 2010 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision confirmative du ministre du 3 septembre 2010.
Conformément à l’article 30 de la loi modifiée du 16 avril 1979 ayant pour objet la discipline dans la Force Publique, désignée ci-après par « la loi du 16 avril 1979 », un recours en réformation n’est prévu en matière de discipline concernant des membres de la Police grand-ducale que dans les cas où la peine prononcée dépasse la compétence du chef de corps.
Il se dégage de l’article 25, paragraphe II de la loi du 16 avril 1979 que « le droit d’appliquer au personnel policier du corps de la Police et de l’Inspection générale de la Police les peines disciplinaires appartient (…) 3. au directeur général de la Police et à l’Inspecteur général de la Police, chacun pour ce qui est du personnel sous ses ordres, pour les peines sub 1 à 3 (…) ». L’article 19 de la même loi énonçant les peines de discipline prévoit sub 1 plus particulièrement la peine de l’avertissement.
Il est constant en l’espèce que la sanction disciplinaire infligée à Monsieur … par décision du directeur général est celle de l’avertissement, de sorte qu’elle tombe sous la compétence du chef de corps.
Ni l’article 29 de la loi du 16 avril 1979 instaurant la procédure d’appel ainsi désignée contre les décisions du chef de corps ayant prononcé une peine disciplinaire relevant de son domaine de compétence, ni aucune autre disposition légale ou réglementaire ne prévoyant un recours de pleine juridiction en la matière, seul un recours en annulation a pu être introduit en l’espèce.
Le recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.
A l’appui de son recours, le demandeur invoque en premier lieu, après avoir exposé les faits de l’espèce, divers moyens ayant trait à la légalité externe de la décision déférée.
Ainsi, il invoque une violation des dispositions relatives à la communication, sinon à la mise à disposition de l’intégralité de son dossier administratif, ceci en application de l’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après désigné par « le règlement grand-
ducal du 8 juin 1979 », sinon à titre subsidiaire en vertu de l’article 4 de la loi du 16 avril 1979.
Le demandeur soutient ainsi en substance que toujours à l’heure actuelle, le dossier en sa possession serait incomplet, malgré diverses demandes de sa part tendant à la communication intégrale de son dossier. Plus particulièrement, le dossier en sa possession ne lui permettrait pas de connaître les faits précis, respectivement les rumeurs à la base de son déplacement du poste de directeur de l’Ecole de Police vers celui de directeur de la Direction Organisation, Méthode et Emploi de la Police grand-ducale en date du 22 février 2008. En l’occurrence, il ne disposerait que des éléments imprécis et généraux contenus dans la réponse du ministre à une question parlementaire n° 2341 posée dans ce contexte. De plus, il n’aurait toujours pas été informé par quel moyen et à quelle occasion, le rapport du 1er commissaire divisionnaire … du 29 février 2008 était parvenu au ministre de la Justice en fonction à l’époque de la décision. Pourtant celui-ci y aurait fait référence lors d’une entrevue avec le comité de l’association des cadres supérieurs de la police en mars 2008 en indiquant audit comité qu’il aurait dû prononcer le 22 février 2008 la « sanction » du déplacement à son encontre suivant ce rapport daté du 29 février 2008. Pareillement, dans son rapport du 2 juillet 2010, le directeur général ferait de nouveau référence à ce rapport.
Le demandeur ajoute que ce défaut de communication porterait atteinte à ses droits de la défense et au principe du contradictoire.
Il invoque ensuite une violation de l’article 31 point 2, dernier alinéa de la loi du 16 avril 1979, consacrant l’obligation d’instruire à charge et à décharge, ainsi qu’une violation de ses droits de la défense et du principe du contradictoire.
A cet égard, il souligne avoir communiqué en date du 27 mai 2008 une liste de 16 personnes susceptibles d’apporter des éléments importants, mais dont l’audition aurait été refusée, tel que cela se dégagerait du rapport provisoire du 3 juin 2008 de l’Inspection générale de la Police (IGP). Il aurait ainsi dû s’adresser au ministre par courrier du 27 janvier 2010 pour solliciter un complément d’enquête en communiquant une liste de 8 témoins, lesquels auraient finalement été entendus entre février et mars 2010.
En troisième lieu, le demandeur invoque la prescription des faits lui reprochés, sinon un non-respect de la procédure disciplinaire.
Ainsi, sur le fondement de l’article 46 de la loi du 16 avril 1979, prévoyant un délai de prescription d’un an, le demandeur soutient que les faits antérieurs au 1er juillet 2007, date à laquelle serait intervenue le premier acte d’instruction au sens du prédit article 46, seraient prescrits.
Il en conclut que sur les quatre faits lui reprochés, trois seraient prescrits au 1er juillet 2007 et que tout au plus seul le quatrième reproche, à savoir celui de ne pas avoir insisté à ce que les contrôles effectués soient inscrits en bonne et due forme dans le rapport journalier, ne serait pas prescrit.
Le demandeur donne encore à considérer que s’il devait être retenu que la prescription de trois ans serait applicable en l’espèce, l’avis du conseil de discipline aurait été requis en vertu de l’article 46 de la loi du 16 avril 1979, de sorte que la procédure disciplinaire serait illégale du fait de ce manquement.
Le demandeur soutient ensuite qu’il aurait fait l’objet d’une double sanction disciplinaire en ce qu’il aurait fait l’objet à la fois d’une décision prononçant la peine de la réprimande et de la peine de l’avertissement. Le demandeur soutient que suite au jugement du tribunal administratif du 18 novembre 2009, précité, ayant annulé la décision du ministre de la Justice du 13 novembre 2008, l’autorité administrative dont la décision avait été annulée aurait dû redresser l’irrégularité ayant justifié l’annulation et aurait ensuite dû prendre une nouvelle décision confirmative ou infirmative par rapport à la décision du directeur général du 2 octobre 2008 ayant prononcé la peine de la réprimande sur base des éléments de fait et de droit retenus par le juge administratif. Or, malgré le renvoi du dossier devant le ministre de la Justice, aucune décision n’aurait été prise par ce dernier. Ainsi, dans la mesure où la décision du directeur général du 2 octobre 2008 n’aurait été ni annulée par le tribunal administratif, ni retirée par l’autorité administrative compétente, cette décision existerait toujours dans l’ordre juridique interne et constituerait dès lors une première sanction disciplinaire prononcée à son égard, qui se cumulerait alors avec la peine de l’avertissement ayant été confirmée par la décision du ministre qui fait l’objet du présent recours.
Le demandeur soutient encore que cette première sanction disciplinaire de la réprimande resterait illégale « du fait de l’ensemble des éléments précédemment invoqués » par lui « à l’encontre de la décision du directeur général de la police grand-ducale du 2 octobre 2008, et notamment dans l’appel contre cette décision auprès du ministre de la Justice en date du 9 octobre 2008, dans la requête devant le tribunal administratif en date du 26 février 2009, dans son courrier au ministre de l’Intérieur et à la Grande Région en date du 27 janvier 2010 et dans la décision attaquée ».
Face à l’affirmation du ministre que l’annulation par le tribunal administratif de la décision du ministre de la Justice prise sur appel en date du 13 novembre 2008 aurait emporté annulation de la décision directoriale du 2 octobre 2008 ayant arrêté la peine de la réprimande, le demandeur soutient que dans la mesure où l’annulation se serait fondée sur une irrégularité de procédure, il n’aurait pas appartenu à l’autorité administrative de recommencer la procédure ab initio, mais il lui aurait seulement appartenu de corriger cette erreur qui s’est produite en cours de procédure, de sorte que l’autorité administrative aurait dû se placer dans la situation existante avant la décision du ministre de la Justice du 13 novembre 2008 et réexaminer les motifs de la décision du directeur général du 2 octobre 2008. Or, en reprenant l’enquête depuis le début, l’autorité administrative ne se serait pas conformée au jugement d’annulation.
A titre subsidiaire, le demandeur conclut à l’existence d’un cumul illégal de la décision de sa nomination au poste de directeur de la Direction Organisation, Méthode et Emploi de la Police grand-ducale avec la décision attaquée ayant confirmé la sanction disciplinaire de l’avertissement.
Le demandeur conclut ensuite à une insuffisance de la motivation de la décision attaquée, ceci en violation de l’article 29, alinéa 1er de la loi du 16 avril 1979. Plus particulièrement, il soutient que la décision critiquée ne contiendrait aucun élément précis quant à l’existence et quant à la prescription des faits lui reprochés.
A titre très subsidiaire, le demandeur prend position par rapport aux faits à la base de la sanction disciplinaire prononcée à son encontre.
Il appartient au tribunal de déterminer la suite du traitement des moyens et arguments des parties compte tenu de la logique juridique dans laquelle ils s’insèrent, sans être lié par l’ordre dans lequel les moyens ont été présentés par les parties, l’examen des moyens tenant à la légalité externe devant précéder l’examen des moyens ayant trait à la légalité interne.
Il convient dès lors d’examiner de prime abord le moyen fondé sur une communication incomplète du dossier administratif.
Le demandeur invoquant deux dispositions légales ayant trait à l’accès au dossier administratif par l’intéressé, il échet de prime abord de déterminer le texte légal applicable en la matière.
Aux termes de l’article 4 de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse, en exécution de laquelle le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 a été pris : « Les règles établies par le règlement grand-ducal visé à l’article premier1 s’appliquent à toutes les décisions administratives individuelles pour lesquelles un texte particulier n’organise pas une procédure spéciale présentant au moins des garanties équivalentes pour l’administré ».
Il y a dès lors lieu d’analyser l’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, ainsi que le texte particulier en matière de discipline de la force publique, à savoir l’article 4 de la loi du 16 avril 1979.
Aux termes de l’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 : « Tout administré a droit à la communication intégrale de son dossier relatif à sa situation administrative, chaque fois que celle-ci est atteinte, ou susceptible de l’être, par une décision administrative prise ou en voie de l’être. (…) ».
L’article 4 de la loi du 16 avril 1979 dispose à son tour : « Le militaire de l’Armée et le personnel policier du corps de la Police et de l’inspection générale de la Police a le droit de prendre connaissance de son dossier personnel, même après la cessation de ses fonctions.
Il peut en obtenir des extraits se rapportant à sa formation.
Le dossier personnel du militaire de l’Armée et du personnel policier du corps de la Police et de l’Inspection générale de la Police doit contenir toutes les pièces qui le concernent. Ne peut figurer au dossier aucune mention faisant état des opinions politiques, philosophiques ou religieuses de l’intéressé. (…) » Une analyse des deux dispositions légales précitées, amène le tribunal à constater que les mesures de protection instaurées par l’article 4 de la loi du 16 avril 1979, prévoyant 1 Article 1er de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse : « Le Grand-
Duc est habilité à édicter un corps de règles générales destinées à réglementer la procédure administrative non contentieuse. (…) ».
notamment la prise de connaissance par l’intéressé de son dossier, muni de toutes les pièces le concernant, constituent une procédure spéciale présentant au moins des garanties équivalentes pour l’administré, comparée à celle issue du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes et notamment de son article 11, de sorte que ce dernier n’est pas appelé à s’appliquer en la matière de la discipline dans la force publique, tel que cela a d’ailleurs été retenu dans le jugement précité du 18 novembre 2009 ayant annulé la décision du ministre de la Justice du 13 novembre 2008 ayant confirmé la peine disciplinaire de la réprimande à l’égard de Monsieur ….
Le demandeur estime que malgré le jugement précité du 18 novembre 2009, il n’aurait toujours pas eu accès à l’intégralité de son dossier, malgré ses demandes afférentes.
Face au reproche fondé sur une communication lacunaire du dossier administratif, l’Etat du Grand-Duché relève de prime abord que la nomination du demandeur à la fonction de directeur de la Direction Organisation, Méthode et Emploi de la Police grand-ducale ne constituerait pas une sanction mais une promotion, le traitement étant resté le même, la fonction pouvant être considérée comme plus prestigieuse que celle de directeur de l’Ecole de Police. Il souligne encore que la décision de nomination n’aurait jamais été attaquée par le demandeur. Il fait valoir que l’information que le ministre de la Justice en fonction le 2 février 2008 ait pu recevoir de Monsieur … n’aurait eu aucune incidence sur la procédure disciplinaire puisqu’il n’existerait aucune pièce y relative dans le dossier administratif de Monsieur … et que cette information n’aurait jamais été considérée dans le cadre de l’affaire disciplinaire intervenue des mois après sa nomination à d’autres fonctions. Le moyen serait dès lors à écarter puisque une pareille pièce n’aurait jamais figuré dans son dossier.
L’article 4 de la loi du 16 avril 1979 impose expressément, outre le fait que le policier doit pouvoir prendre connaissance de son dossier personnel, que le dossier doit contenir toutes les pièces qui le concernent. En imposant que tout militaire et policier a droit de prendre connaissance de l’intégralité de son dossier, ledit article traduit le souci de faire connaître les éléments du dossier à l’intéressé dans l’optique de la transparence, du dialogue et de la collaboration accrus entre les administrés et les administrations à la base de la prise des décisions administratives individuelles. En effet, au stade préalable à la décision administrative la prise de connaissance du dossier administratif dans son intégralité est d’une importance cruciale pour l’administré, en ce qu’elle lui permet non seulement de préparer utilement sa défense, mais surtout de faire connaître son point de vue à l’autorité administrative et de lui signaler d’éventuels éléments supplémentaires en sa faveur ne figurant pas au dossier et risquant ainsi d’échapper à l’autorité lors de la prise de la décision. Dès lors, le droit d’accès au dossier tend d’une part à prévenir les abus qui peuvent consister de la part d’une administration à insérer dans un dossier des appréciations sur la personnalité ou les convictions politiques, philosophiques ou religieuses de l’administré2 et, d’autre part, à garantir à l’administré la possibilité de prendre au préalable position par rapport à la décision projetée en toute connaissance de cause ce qui présuppose qu’il dispose de tous les éléments de son dossier administratif pouvant amener l’autorité à agir.
En l’espèce, il est constant en cause que le demandeur a sollicité l’accès à son dossier administratif.
2 Roger Nothar et Steve Helminger, La procédure administrative non contentieuse, service central de législation, Luxembourg 2002, p. 237.
Force est cependant au tribunal de constater qu’il se dégage des pièces du dossier, ensemble les explications fournies par la partie étatique en cours d’instance, que le demandeur a reçu communication de l’intégralité de son dossier administratif. En effet, suite à l’annulation de la décision du ministre de la Justice ayant confirmé la sanction disciplinaire de la réprimande au motif que le demandeur n’avait reçu communication que d’un dossier administratif incomplet, le ministre a, par courrier du 9 décembre 2008, invité le directeur général de communiquer au demandeur l’intégralité de son dossier. Il se dégage d’une attestation du 29 décembre 2009, signée par le demandeur lui-même, que celui-ci a reçu communication de l’intégralité du dossier administratif. Cette signature était certes accompagnée de réserves. Or, ces réserves qui, de manière générale, se réfèrent notamment à une nullité et à des irrégularités de procédure, ne sont pas de nature à admettre la thèse du demandeur qu’il n’aurait pas reçu communication de l’intégralité de son dossier. Le tribunal constate encore que les contestations du demandeur pour justifier son affirmation d’avoir reçu un dossier incomplet tournent essentiellement autour de la question de savoir de quelle manière le ministre a eu connaissance du rapport du 1er commissaire divisionnaire … du 29 février 2008 en rapport avec la décision du ministre concernant son déplacement. Au-delà du constat que les interrogations ainsi soulevées par le demandeur ayant exclusivement trait à son déplacement du poste de directeur de l’Ecole de Police vers celui de directeur de la Direction Organisation, Méthode et Emploi de la Police grand-ducale sont dénuées de pertinence, étant donné que cette décision est distincte de la procédure disciplinaire engagée contre le demandeur et ne fait d’ailleurs pas l’objet du présent litige, de sorte qu’une pièce y relative, à supposer qu’elle existe, ne fait pas partie du dossier administratif devant être communiqué au demandeur en rapport avec la décision déférée ayant confirmé la sanction disciplinaire de l’avertissement, force est de constater qu’eu égard aux contestations de la partie étatique sur l’existence d’une pièce autre que celles communiquées au demandeur, ce dernier reste en défaut de justifier son affirmation que le dossier en sa possession serait incomplet.
Il s’ensuit que le moyen fondé sur une communication incomplète du dossier administratif est à rejeter comme étant non fondé.
Le demandeur invoque ensuite une violation de l’article 31. 2 de la loi du 16 avril 1979 imposant au chef hiérarchique procédant à l’instruction d’instruire à charge et à décharge, au motif que des témoins dont il avait sollicité l’audition auraient été entendus tardivement.
L’Etat du Grand-Duché souligne que le demandeur n’aurait pas précisé en quoi cette disposition aurait été violée.
S’il est vrai qu’il se dégage des éléments du dossier qu’une demande tendant à l’audition d’un certain nombre de témoins formulée par le demandeur n’a pas eu de suite, le tribunal constate cependant, tel que cela a été relevé par la partie étatique, que les témoins ont finalement été entendus en février, respectivement en mars 2010. La seule circonstance avancée par le demandeur dans son mémoire en réplique que cette audition a eu lieu 21 mois après qu’il en a fait la demande, n’est pas de nature à vicier, au regard de l’obligation d’instruire à charge et à décharge, la procédure ayant abouti à la décision actuellement déférée, qui est d’ailleurs postérieure à l’audition des témoins qui dès lors a pu être prise en compte par le directeur général, respectivement par le ministre. Pareillement, l’affirmation du demandeur que certains témoins dont il a demandé l’audition auraient déjà été entendus par l’IGP en 2008, sans qu’il en ait été informé, et celle que ces témoignages n’auraient pas été intégrés dans le dossier de l’IGP, affirmation qui d’ailleurs est formellement contestée par la partie étatique, n’est pas de nature à faire conclure à l’existence d’une impartialité de l’autorité chargée de mener l’instruction disciplinaire, dans la mesure où les témoins dont l’audition a été sollicitée ont été entendus. Enfin, les termes du courrier de Monsieur … du 29 février 2008 adressé à l’IGP, que le demandeur critique dans son mémoire en réplique, ne sont pas de nature à conforter l’argumentation du demandeur que l’instruction aurait été menée uniquement à charge.
Il s’ensuit que le moyen afférent est à rejeter pour ne pas être fondé.
Le demandeur invoque ensuite une insuffisance de motivation de la décision attaquée, ceci en violation de l’article 29, alinéa 1er de la loi du 16 avril 1979, en reprochant au ministre de ne pas avoir pris position par rapport à son moyen d’appel lié à l’existence et à la prescription des faits.
Si l’article 29, alinéa 1er de la loi du 16 avril 1979 requiert que la décision prononçant une sanction disciplinaire soit motivée, une éventuelle insuffisance de motivation n’est cependant pas automatiquement de nature à entraîner l’annulation ou la réformation de la décision. La sanction de l’obligation de motiver une décision administrative consiste en principe dans la suspension des délais de recours. La décision reste valable et l’administration peut produire ou compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois devant le juge administratif.
Contrairement à ce qui est soutenu par le demandeur, la décision elle-même, vue ensemble avec la décision du directeur général du 21 juin 2010 qu’elle confirme, ensemble encore les explications fournies par la partie étatique en cours d’instance, contient une motivation suffisante au regard des exigences de l’article 29, alinéa 1er, précité, plus particulièrement par rapport aux moyens avancés à l’appui de l’appel. La seule circonstance que le ministre a déclaré, par référence à la décision du directeur général ayant prononcé la sanction disciplinaire de l’avertissement, que les faits sont établis et non prescrits, et n’a de ce fait pas fait droit aux moyens afférents du demandeur n’est pas de nature à conclure à une insuffisance de motivation, étant précisé par ailleurs qu’une motivation sommaire, qui est suffisante au regard des exigences tenant à l’indication des motifs, est, le cas échéant, susceptible d’être sanctionnée dans le cadre de l’examen de la réalité et du bien-fondé des motifs. C’est encore à tort que le demandeur soutient dans son mémoire en réplique que la décision attaquée ne contiendrait aucune référence précise aux faits reprochés, aux règles qu’il aurait enfreintes et aux dispositions légales applicables à la procédure, dans la mesure où ces précisions se dégagent à suffisance de la décision du directeur général que la décision déférée est venue confirmer et à laquelle elle se réfère.
Il s’ensuit que le moyen fondé sur une insuffisance de motivation est à rejeter.
Le demandeur invoque ensuite la prescription des faits lui reprochés.
La partie étatique donne à considérer que le droit disciplinaire de la force publique serait autonome par rapport au droit disciplinaire de la fonction publique, d’une part, et par rapport au droit pénal, d’autre part, de sorte que la faute disciplinaire soit déterminée selon des critères propres.
L’Etat souligne ensuite que la décision litigieuse serait basée sur un ensemble de faits, lesquels, même s’ils ne constitueraient pas des infractions pénales, seraient des fautes disciplinaires caractérisées par un comportement contraire au principe de la discipline militaire, telle que définie par la prédite loi du 16 avril 1979 et plus particulièrement par ses articles 2, 3, paragraphes 5, 9, paragraphes 1 et 12. Le demandeur se serait rendu coupable d’une succession d’actes et de faits répréhensibles commis sur un long laps de temps. En droit pénal, cette attitude serait qualifiée d’infractions continues successives qui se renouvelleraient constamment avec tous les éléments constitutifs.
La partie étatique en conclut que la prescription n’aurait commencé à courir en l’espèce qu’à partir du jour où le comportement indélicat du demandeur aurait pris fin. Or, son attitude et son comportement n’auraient jamais cessé avant son départ de l’Ecole de Police.
L’Etat donne encore à considérer que même si les poursuites disciplinaires proprement dites n’auraient été entamées que le 1er juillet 2008, des actes d’instruction auraient été accomplis à la demande du ministre dès le 29 février 2008, quand il a demandé à ce que la lumière soit jetée sur les faits susceptibles de justifier l’engagement d’une procédure disciplinaire, de sorte que ces mesures auraient valablement interrompu la prescription prévue par l’article 46, alinéa 4 de la loi du 16 avril 1979.
L’Etat fait enfin valoir que même si la plupart des faits précis se situeraient avant le 28 février 2007, le demandeur aurait pourtant omis pendant des années de vérifier et d’insister à ce que les inscriptions soient notées en bonne et due forme dans les rapports journaliers et de prescrire des règles précises concernant cet outil de travail.
Il convient de relever que la prescription de l’action disciplinaire et des peines disciplinaires relèvent de la même idée qu’en droit pénal, à savoir que les fautes doivent être punies dans un temps proche de leur commission et relève aussi du principe que le fonctionnaire sanctionné doit pouvoir poursuivre sa carrière sans que celle-ci soit entachée indéfiniment d’un stigmate dû à un manquement à la discipline remontant à loin dans le temps.
L’article 46 de la loi du 16 avril 1979 dispose que : « Les infractions dont la gravité comporte, de l’avis de l’autorité investie du pouvoir disciplinaire, une peine, pour l’application de laquelle l’avis du conseil de discipline n’est pas requis, se prescrivent par une année. (…) La prescription prend cours à partir du jour où la faute a été commise ; elle est interrompue par tout acte d’instruction ou de poursuite disciplinaires », étant précisé que par application de l’article 33 de la même loi, l’avis du conseil de discipline est requis pour l’application plus particulièrement aux militaires de carrière des peines supérieures à l’amende d’un cinquième d’une mensualité brute du traitement de base.
En l’espèce, il se dégage de l’application combinée des articles 33 et 46 de la loi du 16 avril 1979 ainsi que des faits de l’espèce, à savoir que la sanction disciplinaire de l’avertissement, qui, en vertu de l’article 19 de la même loi, constitue une sanction inférieure à celle de l’amende, a été prononcée à l’encontre de Monsieur …, que l’avis du conseil de discipline n’était pas requis dans l’affaire sous analyse, et n’a d’ailleurs pas été sollicité.
Partant, il y a en principe lieu de faire application de la prescription d’une année.
Quant à la question de l’existence d’actes interruptifs de la prescription, il convient de relever que malgré le fait que les poursuites disciplinaires proprement dites n’ont été entamées qu’en date du 1er juillet 2008 par la notification du début d’une enquête disciplinaire à Monsieur …, il échet néanmoins de constater qu’en l’espèce des actes d’instruction ont été entrepris déjà antérieurement, soit au 29 février 2008, date à laquelle le ministre de la Justice a chargé l’IGP de mener une enquête au sujet d’allégations concernant un comportement inapproprié du demandeur, enquête qui a finalement abouti à un rapport n° 280/2008 du 28 mai 2008 de l’IGP. Dès lors, contrairement à ce qui est soutenu par le demandeur, le premier acte d’instruction ou de poursuite disciplinaire n’est pas à situer au 1er juillet 2008, mais au 29 février 2008, le courrier de cette date du ministre de la Justice étant à considérer comme un acte d’instruction au sens de l’article 46 de la loi du 16 avril 1979.
C’est à tort que la partie étatique soutient que la prescription commencerait à courir uniquement au jour où le comportement reproché au demandeur aurait pris fin, soit au plus tôt à son départ du poste de directeur de l’Ecole de Police. En effet, eu égard au fait que l’article 46 de la loi du 16 avril 1979 marque le point de départ de la prescription au jour où la faute a été commise, et eu égard au fait que d’après le libellé des reproches tels que retenus dans la décision du directeur général du 21 juin 2010, ceux-ci ne sont pas rattachés à un comportement continu et général du demandeur qui se serait poursuivi jusqu’à son déplacement, tel que cela est présenté par la partie étatique au cours de la présente instance, mais à une série de trois événements bien précis, qui se seraient tous déroulés entre avril et juillet 2006, sans qu’il soit fait état d’un quelconque incident qui serait produit encore ultérieurement. Ainsi, à défaut de précision quant à un événement similaire qui se serait produit ultérieurement, ou du moins d’indication rétraçable par des éléments concrets du dossier que ce comportement se serait poursuivi jusqu’à la cessation des fonctions de directeur de l’Ecole de Police, le tribunal ne saurait retenir l’existence d’un comportement fautif continu ou continué.
Eu égard à la date du premier acte d’instruction ayant interrompu la prescription, les faits antérieurs au 29 février 2007 sont prescrits et ne sauraient partant être pris en compte pour justifier la sanction disciplinaire ayant été prise. Il s’agit en l’occurrence des faits qui se seraient déroulés entre avril et juin 2006, entre mars et juillet 2006 et en date du 23 juin 2006.
Quant au reproche de ne pas avoir « insisté à ce que des contrôles effectués soient inscrits en bonne et due forme dans le rapport journalier, ce qui aurait permis de retracer avec précision les reproches faits, et en n’ayant, en tant que directeur de l’école, pas prescrit de règles précises concernant cet outil de travail », il est certes vrai que ce reproche n’est pas rattaché à une date précise. Néanmoins, dans la mesure où ledit reproche est, suivant son libellé, à rattacher au comportement général et continu du demandeur postérieurement aux prédits contrôles par rapport auxquels un comportement indélicat lui a été reproché, qui a nécessairement continué jusqu’au moment de la cessation de ses fonctions de directeur de l’Ecole de Police, soit, d’après les explications du demandeur, jusqu’au 1er mars 2008, et à défaut de contestations plus circonstanciées du demandeur quant à la réalité de l’acquisition de la prescription par rapport à ce dernier reproche, il y a lieu de retenir qu’à la date du premier acte d’instruction le 29 février 2008, ce reproche n’était pas couvert par la prescription d’un an.
Le demandeur soutient encore avoir fait l’objet d’une double sanction, ceci à plusieurs égards.
Ainsi, il soutient en premier lieu que la sanction de l’avertissement qui fait l’objet du présent recours serait appliquée cumulativement avec la sanction de la réprimande ayant été prononcée à son encontre en date du 2 octobre 2008 et qui n’aurait pas disparu de l’ordonnancement juridique suite au jugement précité du tribunal administratif du 18 novembre 2009.
La partie étatique conclut au rejet de ce moyen.
Il convient de relever que le tribunal administratif, dans son jugement du 18 novembre 2009, a retenu qu’à défaut de communication de l’intégralité du dossier administratif suite à la demande afférente formulée par le demandeur préalablement à la prise de la décision initiale du 2 octobre 2008 par le directeur général et ayant prononcé la sanction disciplinaire de la réprimande, la décision du ministre du 13 novembre 2008 ayant statué sur appel a été prise sur base d’une procédure viciée. En conséquence de la conclusion ainsi retenue par le tribunal, le ministre a, par courrier du 9 décembre 2009, invité le directeur général de « reprendre l’enquête en transmettant l’intégralité du dossier à Monsieur … ». Il se dégage encore des éléments du dossier que suite à la communication du dossier à Monsieur …, il a notamment été procédé à l’audition de témoins supplémentaires, le demandeur a eu l’occasion de présenter ses observations et un nouveau rapport a été rédigé par le directeur général adjoint de la Police grand-ducale. Dans la mesure où le tribunal administratif a conclu à l’existence d’une procédure viciée puisque l’intégralité du dossier administratif n’avait pas été communiquée au demandeur aboutissant ainsi à une violation des droits de la défense, c’est à bon droit que le ministre ne s’est pas borné, comme l’entend le demandeur, à statuer à nouveau sur l’appel dont il était saisi contre la décision du directeur général du 2 octobre 2008, mais, au contraire, a pris le soin de faire en sorte que la procédure soit reprise pour permettre à Monsieur … de présenter sa défense après avoir reçu communication de l’intégralité du dossier administratif. C’est suite à ce complément d’instruction, que le directeur général a alors en date du 21 juin 2010 prononcé la sanction disciplinaire de l’avertissement. S’il est vrai que le tribunal administratif n’a pas annulé la sanction de la réprimande prononcée par le directeur général du 2 octobre 2008, annulation qu’il ne pouvait d’ailleurs pas prononcer sous peine de statuer ultra petita dans la mesure où il n’a été saisi que d’un recours contre la décision confirmative du ministre du 13 novembre 2008, et s’il est encore vrai que ni le ministre, ni le directeur général n’ont formellement rapporté ladite décision du 2 octobre 2008, il n’en reste pas moins qu’il se dégage à la fois du libellé de la décision du 21 juin 2010 par laquelle le directeur général a prononcé la sanction de l’avertissement, et de la chronologie des actes d’instruction entrepris pour tenir compte du jugement du tribunal administratif, qu’implicitement, mais nécessairement la sanction de la réprimande a été rapportée et que dans l’intention du directeur général et du ministre ayant statué sur appel, la sanction de l’avertissement est censée remplacer celle de la réprimande. Il s’ensuit que la sanction de l’avertissement n’a pas été prononcée de façon cumulative avec celle de la réprimande, de sorte que le moyen afférent est à rejeter pour ne pas être fondé. Il convient encore d’ajouter que dans la mesure où la sanction de la réprimande a disparu, il devient sans pertinence d’examiner les explications du demandeur ayant trait à des prétendues irrégularités dont cette décision serait entachée.
D’autre part, le demandeur conclut à l’existence d’une double sanction, en qualifiant sa nomination au poste de directeur de la Direction Organisation, Méthode et Emploi de la Police grand-ducale de sanction disciplinaire, qualification qu’il déduit d’un prétendu non respect de l’obligation de consulter le militaire de carrière au sujet des propositions d’emploi qui le concernent telle qu’elle est inscrite à l’article 4 de la loi du 16 avril 1979 et de la référence faite par le ministre de la Justice de l’époque dans sa réponse à une question parlementaire à propos des reproches soulevés à l’encontre du demandeur, à sa nomination à d’autres fonctions par mesure de précaution suite à des rumeurs concernant un comportement inapproprié de sa part. Le demandeur conclut encore au caractère répressif de la nomination puisqu’elle aurait entraîné des conséquences dommageables pour lui, tout en soulignant, d’une part, que pour la nomination audit poste aucune ancienneté spécifique ne serait requise, tandis que pour la fonction de directeur de l’Ecole de Police, la condition préalable serait celle de revêtir le grade de 1er commissaire divisionnaire, et, d’autre part, que l’effet médiatique des discussions autour de sa nomination aurait porté atteinte à sa réputation et à son honneur, ainsi qu’à ceux de sa famille.
La partie étatique conclut au rejet de ce moyen.
Le moyen du demandeur se résume en substance à l’affirmation que sa nomination serait irrégulière en ce qu’elle constituerait en réalité une sanction disciplinaire déguisée.
Force est au tribunal de constater, tel que cela a été relevé à juste titre par la partie étatique, que le demandeur a accepté sa nomination et n’a d’ailleurs introduit aucun recours contentieux contre cette nomination, de sorte que cette décision a acquis autorité de chose décidée. Compte tenu du caractère irrévocable de cette décision et eu égard à la présomption de légalité attachée aux décisions administratives individuelles, le demandeur ne saurait plus utilement aboutir dans ses prétentions à voir qualifier sa nomination de sanction disciplinaire déguisée.
Il s’ensuit que le moyen fondé sur l’existence d’une double sanction par rapport à sa nomination est pareillement à rejeter pour ne pas être fondé.
Enfin, le demandeur prend position quant aux faits lui reprochés. Quant au reproche ayant trait aux rapports journaliers à effectuer, qui, tel que cela a été retenu ci-dessus, est le seul des différents faits mis à charge du demandeur qui n’est pas prescrit, le demandeur conteste en substance la réalité et le bien-fondé du reproche en soulignant qu’il aurait mis en place un règlement interne imposant au chef de permanence la rédaction d’un rapport journalier et qu’il aurait sans cesse veillé au respect de ce règlement, en renvoyant à des réunions précises lors desquelles il aurait insisté sur la rédaction de tels rapports. Il ajoute qu’il aurait encore initié un groupe de travail ayant pour mission de proposer des amendements au règlement existant.
Force est au tribunal de constater que la partie étatique, si elle prend position dans son mémoire en réponse par rapport aux contestations du demandeur au sujet des reproches ayant trait à un comportement indélicat, n’a pas pris position par rapport aux contestations ayant trait à la rédaction de rapports journaliers et à l’établissement de règles précises en la matière.
Lorsque le juge administratif est saisi d’un recours en annulation, il a le droit et l’obligation d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée et de contrôler si cette décision n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ou pour violation de la loi ou des formes destinés à protéger des intérêts privés.
Compte tenu des contestations du demandeur quant à la matérialité des faits, et eu égard au fait que ces contestations n’ont pas été rencontrées par la partie étatique, le tribunal est amené à retenir que la matérialité des faits n’a pas été établie en l’espèce.
Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que parmi les quatre séries de faits reprochés à Monsieur …, les trois premières telles qu’elles sont libellées dans la décision du directeur général du 21 juin 2010 sont prescrites, et, d’autre part, que la quatrième série de reproches n’est pas avérée dans les faits, la décision attaquée du ministre du 3 septembre 2010 encourt l’annulation.
Quant à la demande en obtention d’une indemnité de procédure d’un montant de 5.000 euros, formulée par le demandeur sur le fondement de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, celle-ci est à rejeter les conditions n’en étant pas remplies.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond, le déclare justifié ;
partant, annule la décision du ministre de l’Intérieur et à la Grande Région du 3 septembre 2010 et renvoie le dossier devant ledit ministre en prosécution de cause ;
rejette la demande en obtention d’une indemnité de procédure formulée par le demandeur ;
condamne l’Etat aux frais.
Ainsi jugé par :
Martine Gillardin, vice-président, Annick Braun, juge, Andrée Gindt, juge, et lu à l’audience publique du 12 juillet 2011 par le vice-président, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Martine Gillardin Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 12.07.2011 Le Greffier du Tribunal administratif 14