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11/07/2011 | LUXEMBOURG | N°27367

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 juillet 2011, 27367


Tribunal administratif Numéro 27367 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 octobre 2010 2e chambre Audience publique du 11 juillet 2011 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Classes moyennes et du Tourisme en matière d’autorisation d’établissement

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 27367 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 octobre 2010 par Maître Elisabeth Machado, avocat à la Cour, inscri

te au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à …, te...

Tribunal administratif Numéro 27367 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 octobre 2010 2e chambre Audience publique du 11 juillet 2011 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Classes moyennes et du Tourisme en matière d’autorisation d’établissement

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 27367 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 octobre 2010 par Maître Elisabeth Machado, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à …, tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Classes moyennes et du Tourisme du 26 mars 2010 et d’une décision confirmative du même ministre du 12 juillet 2010 portant toutes les deux révocation des autorisations d’établissement n° … et … délivrées en date des 19 juillet 1999 et 12 septembre 2003 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 janvier 2011 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif par Maître Elisabeth Machado pour compte de Monsieur … le 11 février 2011 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Maximilien Krzyston en remplacement de Maître Elisabeth Machado, et Monsieur le délégué du gouvernement Daniel Ruppert en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 24 novembre 2009, le ministre des Classes moyennes et du Tourisme, ci-après dénommé « le ministre », adressa une lettre recommandée à Monsieur … l’informant que selon l’avis qu’elle avait rendu en date du 6 décembre 2004, la commission consultative prévue aux articles 2 et 3 de la loi modifiée du 28 décembre 1988 1. réglementant l'accès aux professions d'artisan, de commerçant, d'industriel ainsi qu'à certaines professions libérales; 2. modifiant l'article 4 de la loi du 2 juillet 1935 portant réglementation des conditions d'obtention du titre et du brevet de maîtrise dans l'exercice des métiers, ci-après désignée par « la loi du 28 décembre 1988 », avait estimé que Monsieur … ne remplissait plus les garanties d’honorabilité professionnelle et ce, en raison de son implication dans les faillites des sociétés …, … et … de sorte qu’il aurait l’intention de procéder à la révocation des autorisations n° … et … pour défaut d’honorabilité conformément aux dispositions des articles 2 et 3 de la loi précitée. Il donna à Monsieur … la possibilité de prendre position par rapport à ce projet de décision dans un délai de huit jours.

Ce courrier ministériel fut suivi d’un courrier du mandataire de Monsieur … du 27 novembre 2009 qui requit du ministre la transmission du dossier administratif aux fins de prise de position. Alors qu’il n’avait pas encore reçu le dossier sollicité, le mandataire de Monsieur Oliveira prit position par rapport au courrier ministériel du 24 novembre 2009 par un courrier du 3 décembre 2009. Il ressort du dossier que le courrier a été envoyé mais le délégué conteste l’avoir reçu.

Ledit dossier administratif fut envoyé le 17 décembre 2010 au mandataire de Monsieur ….

Par décision du 26 mars 2010, en l’absence de réponse de la part de l’intéressé, le ministre révoqua les autorisations d’établissement n° … et … délivrées respectivement le 19 juillet 1999 et le 12 septembre 2003 aux motifs que les agissements de Monsieur …mettent en cause son honorabilité professionnelle.

Ce courrier ministériel fut suivi d’une prise de position de l’intéressé transmise au ministre en date du 30 mars 2010 aux termes de laquelle il contesta formellement la révocation desdites autorisations, il informa le ministre qu’il avait transmis son dossier à son mandataire et il affirma qu’il s’était toujours tenu à la disposition du ministre pour un entretien.

Le ministre invita alors l’intéressé à s’expliquer lors d’un entretien qui eut lieu au ministère des Classes moyennes et du Logement en date du 7 mai 2010.

Le mandataire de Monsieur … adressa au ministre par lettre recommandée du 25 juin 2010 un recours gracieux contre la décision précitée du 26 mars 2010.

Le ministre adressa alors en date du 12 juillet 2010 à Monsieur … une lettre confirmant la décision de révocation du 26 mars 2010, libellée comme suit :

« Par la présente, j'ai l'honneur de me référer à vos autorisations sous rubrique et plus particulièrement à votre lettre du 30 mars 2010. Votre demande a fait entre temps l'objet d'un réexamen de la part de la commission prévue à l'article 2 de la loi d'établissement du 28 décembre 1988, modifiée le 4 novembre 1997 et le 9 juillet 2004.

Le résultat m'amène à vous informer que selon l'avis de la commission consultative votre argumentation ne saurait être retenue.

Le 15 juillet 2004, le Ministère a refusé votre demande d'autorisation en se basant sur le défaut d'honorabilité professionnelle qui résulterait de votre implication dans diverses faillites, dont, entre autres, celle de la société ….

Cette décision de refus fut réitérée par le Ministère le 13 décembre 2004.

Finalement, votre défaut d'honorabilité professionnelle fut confirmé par le Tribunal administratif dans son jugement du 6 juillet 2005 (cf. copie en annexe).

Votre défaut d'honorabilité professionnelle est donc clairement et définitivement acquis depuis que cette décision est coulée en force de chose jugée.

Etant donné que votre honorabilité professionnelle est compromise depuis lors, vous ne satisfaites plus aux conditions légales requises pour obtenir ou détenir une autorisation d'établissement.

Le défaut d'honorabilité subsiste tant que vous ne présenterez pas des éléments nouveaux permettant de considérer que vous êtes de nouveau honorable.

En l'espèce, tel n'est malheureusement pas le cas.

Par décision du Tribunal correctionnel de Diekirch du 16 février 2006, vous avez été condamné pour infraction à la loi d'établissement (cf. copie en annexe).

Par ailleurs, vous avez, en ayant recours à des personnes interposées, continué vos activités dans les sociétés …, … et …, toutes établies à votre domicile privé.

La société … a été déclarée en faillite le … (…€ de dettes auprès du CCSS, …€ auprès de la TVA).

La société … a été déclarée en état de faillite le … (…€ de dettes auprès du CCSS, …€ auprès de la TVA).

La société …, même si elle n'est pas encore en faillite accumule déjà les dettes (…€ de dettes auprès du CCSS).

En nom personnel, vous présentez actuellement …€ de dettes auprès de la TVA et …€ auprès du CCSS.

Finalement, vos dossiers ont été saisis par les autorités judiciaires dans le cadre de l'affaire des qualifications professionnelles falsifiées, ce qui permet de présumer que vous êtes également impliqué dans cette affaire.

Depuis que vous avez perdu son (sic) honorabilité professionnelle en …, vous n'avez donc rien fait qui permettrait de considérer que vous êtes de nouveau honorable. Au contraire, vous avez eu recours à des personnes interposées pour continuer ses (sic) activités ; vous avez continué à accumuler les dettes auprès des créanciers publics ; vous avez multiplié les faillites et avez été condamné pour infraction à la loi d'établissement.

Vous avez ainsi été impliqué dans les faillites des sociétés  …,  …,  …,  …,  …,  ….

La faillite de la société … ne semble plus qu'être une question de temps.

En tout, vous avez accumulé des dettes qui dépassent le million d’Euros. Les créanciers publics se retrouvent parmi les principales victimes de vos agissements.

Au vu des développements qui précèdent, votre défaut d'honorabilité professionnelle est donc toujours d'actualité.

Vous apparaissez comme un danger public, dont les agissements portent gravement préjudice, tant à vos fournisseurs, qu'aux créanciers publics.

Vous devez par conséquent rester écarté du monde des affaires.

La révocation de vos dernières autorisations d'établissement en nom personnel se justifie donc pleinement.

La présente décision peut faire l'objet d'un recours par voie d'avocat à la Cour endéans trois mois auprès du Tribunal Administratif (…). ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 12 octobre 2010, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation des décisions ministérielles précitées du 26 mars 2010 et du 12 juillet 2010.

Etant donné que l’article 2 dernier alinéa de la loi du 28 décembre 1988 dispose que le tribunal administratif statue comme juge d’annulation en matière d’octroi, de refus ou de révocation d’autorisation d’établissement, seul un recours en annulation a pu être introduit contre les actes attaqués par le recours sous examen lequel est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur expose dans un premier temps que contrairement aux affirmations du ministre, il aurait fait répondre par lettre de son mandataire du 3 décembre 2009 au courrier du ministre du 29 novembre 2009 lui enjoignant de prendre position sous huitaine quant à son intention de révoquer les autorisations d’établissement litigieuses. Ensuite, le demandeur fait valoir que dans sa décision confirmative de révocation des autorisations d’établissement visées du 12 juillet 2010, le ministre ne se serait plus basé sur l’avis de la commission consultative du 6 décembre 2004 mais qu’il aurait admis qu’il n’aurait fait que confirmer le défaut d’honorabilité du demandeur du fait qu’il aurait été condamné par le tribunal correctionnel de Diekirch par un jugement du 16 février 2006, qu’il aurait été soupçonné « d’être impliqué de fait » dans les société …., … et … ainsi que … et que ses dossiers auraient été saisis dans le cadre « de l’affaire des faux diplômes », ce qui aurait laissé présumer son implication dans ledit scandale.

En droit, il rétorque quant aux faits retenus par le ministre pour justifier la révocation des autorisations litigieuses que son implication dans les faillites des sociétés …, …, … et …. ne serait pas démontrée. Quant aux faillites des sociétés …, …, il fait valoir qu’il n’aurait pas lui-même exercé le poste de gérant dans ces sociétés mais que ce poste aurait été occupé par des personnes tierces. Enfin, il soutient que son implication dans la faillite de la société … resterait à l’état de pure allégation. Quant à sa condamnation par le Tribunal de Diekirch, il expose que l’infraction commise « était […] minime, contrairement à ce que laisse entendre le ministre, alors qu’[il] n’a écopé que d’une amende ». Enfin, quant à la saisine de ses dossiers dans le cadre de l’information judiciaire ouverte au sujet des faux diplômes, il réfute avoir été personnellement impliqué dans cette affaire. Le demandeur reproche également en substance un défaut de motivation à la décision ministérielle déférée en ce qu’elle se serait basée sur des faits inexacts, manifestement trop anciens et d’une gravité insuffisante pour remettre en cause son honorabilité professionnelle au regard de sa longue carrière professionnelle. A l’appui de son argument, le demandeur se réfère à un avis favorable quant à son honorabilité professionnelle pris à l’unanimité par la commission consultative du 29 janvier 2007 et il en conclut que la question de son honorabilité professionnelle aurait été définitivement tranchée de manière positive par ledit avis du 31 janvier 2007. Le demandeur critique enfin le ministre pour s’être basé dans sa décision de révocation du 26 mars 20100 sur un avis ancien de la commission consultative du 6 décembre 2004 ce qui l’aurait contraint à revoir son argumentation dans sa décision confirmative du 12 juillet 2010.

Le délégué du gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation et que la décision ministérielle de refus serait motivée à suffisance. Quant à la question de la prise de position du mandataire du demandeur du 3 décembre 2009, le délégué du gouvernement conteste avoir accusé réception d’un tel courrier. Il soutient cependant que les droits de la défense du demandeur n’auraient pas été violés en ce que ce dernier aurait pu faire valoir ses arguments lors de l’entrevue qui se serait tenue au ministère des Classes moyennes et du Tourisme et qu’il aurait pu compléter son argumentation dans le cadre de son recours gracieux du 25 juin 2010 qui donna lieu à une nouvelle décision du ministre du 12 juillet 2010.

Lorsque le juge administratif est saisi d’un recours en annulation, il a le droit et l’obligation d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée et de contrôler si cette décision n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ou pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger des intérêts privés1.

Concernant en premier lieu le reproche du demandeur tiré de l’absence de motivation des décisions ministérielles attaquées en ce qu’elles se baseraient sur des faits inexacts, manifestement trop anciens et d’une gravité insuffisante pour remettre en cause l’honorabilité professionnelle du demandeur au regard de sa longue carrière, dont l’examen est préalable, il échet de rappeler qu’en application de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux et une décision refusant de faire droit à la demande de l’intéressé doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et les circonstances de fait à sa base. Il convient encore d’y ajouter qu’en la présente matière, aux termes de l’article 2 alinéa 3 de la loi du 28 1 Cf. Cour adm. 4 mars 1997, n° 9517C du rôle, Pas. adm. 2010, V° Recours en annulation, n° 17 et autres références y citées.

décembre 1988, « lorsque l’autorisation est refusée, la décision ministérielle doit être dûment motivée » et de l’alinéa 4 de cette même loi « l’autorisation peut être révoquée pour les motifs qui en auraient justifié le refus ».

En l’espèce, force est de constater qu’il se dégage des décisions ministérielles querellées que la révocation des autorisations d’établissement est basée sur un défaut d’honorabilité professionnelle dans le chef de l’intéressé. Les deux décisions litigieuses, qui doivent être considérées comme un tout indissociable, précisant expressément qu’elles ont été prises suite à un réexamen de la commission consultative visée à l’article 2 de la loi du 28 décembre 1988 et indiquant de manière détaillée les arguments sous-tendant ledit reproche, n’encourent pas de reproche quant à l’indication d’une motivation suffisante au regard des exigences légales de motivation. S’y ajoute que le demandeur ne saurait valablement reprocher au ministre de s’être basé sur un avis de la commission consultative datant du 6 décembre 2004 et énonçant partant des faits « trop anciens » au motif que la décision confirmative du ministre du 12 juillet 2010 est basée sur un avis de ladite commission pris en date du 8 juillet 2010.

Il s’ensuit que le moyen tiré du défaut d’indication suffisante des motifs des décisions critiquées doit être rejeté.

Le tribunal relève que la question de la réception par le ministre de la prise de position du mandataire du demandeur datée du 3 décembre 2009 est sans pertinence au motif que les droits de la défense du demandeur n’ont pas été violés en ce qu’il a pu faire valoir ses arguments lors de l’entrevue qui se s’est tenue au ministère des Classes moyennes et du Tourisme et qu’il a, par ailleurs, pu compléter son argumentation dans le cadre de son recours gracieux du 25 juin 2010 qui donna lieu à une nouvelle décision du ministre du 12 juillet 2010.

Quant à la légalité interne de la décision sous examen, il échet de rappeler qu’aux termes de l’article 2, alinéa 4 de la loi du 28 décembre 1988 « l’autorisation peut être révoquée pour les motifs qui en auraient justifié le refus » de sorte qu’il appartient, en l’espèce, au tribunal de vérifier si les motifs invoqués par l’autorité administrative pour justifier la révocation de l’autorisation d’établissement sont de nature à entraîner un refus d’autorisation.

Les conditions d’octroi d’une autorisation sont fixées à l’article 3 alinéas 1er de la loi d’établissement, qui dispose pour les personnes physiques que: « l’autorisation ne peut être accordée à une personne physique que si celle-ci présente les garanties nécessaires d’honorabilité et de qualification professionnelles », l’honorabilité s’appréciant, en vertu du dernier alinéa dudit article 3 « sur base des antécédents judiciaires du postulant et de tous les éléments fournis par l’enquête administrative ».

Ceci étant, si le seul fait d’avoir été impliqué dans une faillite n’entraîne pas nécessairement et péremptoirement le défaut d’honorabilité professionnelle dans le chef d’un demandeur d’une autorisation d’établissement, toujours est-il que des faits permettant de conclure dans le chef d’un dirigeant d’entreprise à l’existence d’actes personnels portant atteinte à l’honorabilité professionnelle, constituent des indices suffisants pour refuser l’autorisation sollicitée2.

2 v. trib. adm. 5 mars 1997, Pas. adm. 2010, V° Autorisation d’établissement n° 160 et autres références y citées Les éléments fournis par un curateur de faillite, le procureur général d’Etat et le procureur d’Etat constituent une base suffisante pour apprécier l’honorabilité professionnelle d’une personne, même en l’absence de poursuites pénales3.

En l’espèce, étant rappelé que le tribunal statue en tant que juge de la légalité, c’est-à-dire que sa mission n’inclut pas l’appréciation des faits, mais la vérification de l’exactitude matérielle des faits et leur nature à motiver légalement les décisions litigieuses, force est de constater que s’il est vrai qu’un volet des éléments relevés par le ministre pour estimer que l’honorabilité professionnelle de l’intéressé était entachée remonte à son implication dans la faillite de la société anonyme … prononcée par jugement du tribunal d’arrondissement de Luxembourg du … qui conduit à la constatation par le ministre du défaut d’honorabilité du demandeur, lequel fut définitivement confirmé par le tribunal administratif dans son jugement du 6 juillet 2005 (n° 19464 du rôle)4, force est de constater que depuis cette date le demandeur a persisté à adopter un comportement qui va à l’encontre des critères retenus comme caractérisant l’honorabilité professionnelle.

En effet, il ressort des pièces soumises à l’examen du tribunal que postérieurement audit jugement du tribunal administratif du 6 juillet 2005 se prononçant sur le défaut d’honorabilité du demandeur, alors que l’on aurait pu s’attendre de sa part à un comportement répondant aux critères d’honorabilité professionnelle, le demandeur se fait dans un premier temps condamner par décision du Tribunal correctionnel de Diekirch du 16 février 2006 pour infraction à la loi d’établissement.

Par la suite, dans le cadre d’une nouvelle demande d’autorisation d’établissement introduite par lui le 17 janvier 2008 en vue de l’exercice de l’activité de « construction, couvreur, vente des articles de la branche », - laquelle demande n’aboutira par ailleurs pas - il indique avoir été en mesure d’exercer une influence significative sur la gestion ou l’administration des entreprises suivantes, à savoir d’une part la société à responsabilité limitée … (de … à …) et d’autre part la société … (de … à …), ces deux sociétés ayant par ailleurs leur siège social à la même adresse que celle du domicile privé du demandeur. Or, il ressort des pièces soumises à l’examen du tribunal que la société à responsabilité limitée … s’était vue octroyer notamment deux autorisations d’établissement délivrées au nom de la dénommée …, épouse du demandeur.

Suite à l’implication de la dénommée … dans la faillite de la société à responsabilité limitée …, la commission consultative estima que cette dernière n’était plus honorable professionnellement. La dite société fut déclarée en faillite le 28 novembre 2008. Partant, le demandeur est particulièrement mal venu à minimiser son rôle dans la gestion et l’administration de ladite société en affirmant qu’il n’y aurait pas exercé le rôle de gérant alors qu’il indique dans le formulaire de déclaration à sa demande d’autorisation d’établissement du 17 janvier 2008 avoir été en mesure d’exercer une influence significative sur la gestion et l’administration de cette société dont il n’a pas échappé au tribunal que son siège social était localisé à son adresse privée, pour laquelle son épouse disposait de deux autorisations d’établissement et dont la faillite a été prononcée le …. Dans ce contexte, il échet de rappeler qu’il est de l’essence même de la procédure d’autorisation préalable – et a fortiori de la procédure de révocation – d’assurer la 3 v. trib. adm. 22 mars 1999, Pas. adm. 2010, V° Autorisation d’établissement n° 163 et autres références y citées 4 disponible sur www.jurad.etat.lu sécurité du commerce et de protéger les citoyens contre des commerçants malhonnêtes ou incapables5. En l’espèce, force est de constater qu’ayant été personnellement impliqué dans la faillite de la société anonyme …, en … ayant entraîné un défaut d’honorabilité dans son chef confirmé par décision du tribunal administratif précité, le comportement du demandeur s’est par la suite caractérisé par une attitude systématiquement peu respectueuse des lois qui règlementent l’exercice de sa profession en ce qu’il a non seulement été condamné par le tribunal d’arrondissement par le jugement précité mais encore exercé une influence significative dans l’administration et la gestion de la société précitée tombée en faillite. A eux seuls, ces faits constituent des fautes d’une gravité incontestable de nature à constituer une violation flagrante et caractérisée des conditions d’honorabilité professionnelle posées à l’article 3 de la loi du 28 décembre 1988 sans qu’il ne soit nécessaire d’examiner plus en avant les autres faits reprochés au demandeur.

Il échet encore de relever afin de dresser un tableau complet de la situation du demandeur qu’il n’est pas contesté que les faillites précitées ont entraîné une accumulation importante de dettes auprès des créanciers publics alors que cette circonstance ne concorde pas avec les agissements honnêtes de la profession tel que le relève, en l’espèce, le Procureur d’Etat du Parquet du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, section économique et financière, dans son rapport du 17 mars 2008 lorsqu’il énonce que « les arriérés importants notamment auprès des créanciers publics s’analysent comme un moyen irrégulier voire frauduleux, pour maintenir le crédit et pour rester à même de payer les dépenses courantes, ainsi que les créanciers qui n’acceptent plus de délais de paiement, et ce avec des fonds qui n’appartiennent pas à la société » de sorte que l’ensemble des faits reprochés au demandeur constituent des fautes d’une gravité incontestable de nature à constituer une violation flagrante et caractérisée des conditions d’honorabilité professionnelle posées à l’article 3 de la loi du 28 décembre 1988 sur base desquelles le ministre compétent a pu, sans outrepasser les limites de son pouvoir d’appréciation estimer qu’elles étaient de nature à entraîner la révocation des autorisations d’établissement visées.

Par conséquent, c’est à bon droit que le ministre a révoqué lesdites autorisations d’établissement, cette conclusion n’étant en rien ébranlée par les éléments mis en avant par le demandeur qui ne sont pas de nature à compenser les faits et manquements épinglés à juste titre par l’autorité ministérielle.

Au vu des développements qui précèdent, le recours est à rejeter pour ne pas être fondé.

Enfin, force est de constater que le demandeur ne justifie ni la nature ni les motifs de sa demande d’allocation d’une indemnité de procédure de … euros. Or, une demande d'allocation d'une indemnité de procédure qui omet de spécifier concrètement la nature des sommes exposées non comprises dans les dépens et qui ne précise pas concrètement en quoi il serait inéquitable de laisser des frais non répétibles à charge de la partie gagnante est à rejeter, la simple référence à l'article de loi applicable n’étant pas suffisante à cet égard6.

5 trib. adm. 12 mars 1997 Pas. adm. 2010, V° Autorisation d’établissement n° 162 et autres références y citées 6 Cour adm. 1er juillet 1997, n° 9891C du rôle, Pas. adm. 2010, V° Procédure contentieuse, Frais, n°822 Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

rejette la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure formulée par le demandeur ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Françoise Eberhard, premier juge Anne Gosset, juge, et lu à l’audience publique du 11 juillet 2011 par le premier vice-président, en présence du greffier assumé Sabrina Knebler.

s. Sabrina Knebler s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 11 juillet 2011 Le Greffier assumé du Tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 27367
Date de la décision : 11/07/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2011-07-11;27367 ?

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