Tribunal administratif N° 27557 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 décembre 2010 3e chambre Audience publique du 5 juillet 2011 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre du Développement durable et des Infrastructures en matière de permis à points
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 27557 du rôle et déposée le 6 décembre 2010 au greffe du tribunal administratif par Maître Dogan Demircan, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation sinon à la réformation d’une décision du ministre du Développement durable et des Infrastructures du 29 octobre 2010 prononçant la suspension de son droit de conduire un véhicule automoteur pour une durée de douze mois ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 mars 2011 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Dogan Demircan et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Guillou-Jacques en leurs plaidoiries respectives.
Par arrêté ministériel du 29 octobre 2010, le ministre du Développement durable et des Infrastructures constata que le capital de points affecté au permis de conduire de Monsieur … était épuisé et prononça la suspension du droit de conduire un véhicule automoteur pour une durée de douze mois.
Par requête déposée en date du 6 décembre 2010 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation sinon en réformation contre l’arrêté ministériel précité du 29 octobre 2010.
Aucun texte de loi ne prévoyant un recours au fond en la présente matière, seul un recours en annulation a pu être introduit à l’encontre de la décision ministérielle litigieuse. Il s’ensuit que le tribunal doit se déclarer incompétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre subsidiaire.
Le recours en annulation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, est dès lors recevable.
A l’appui de son recours, le demandeur soutient qu’il n’aurait pas été informé des différentes réductions antérieures de points dont est affecté son permis de conduire, ce qui constituerait une violation de l’article 2bis de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques, ci-après dénommée « la loi du 14 février 1955 ». Il conclut partant à l’annulation de la décision litigieuse pour violation d’une formalité substantielle prévue par la loi. Il souligne encore qu’il aurait besoin de son permis de conduire dans la mesure où il habiterait à … et qu’il travaillerait à … où il terminerait son travail à des heures très tardives et que les moyens de transport commun seraient très limités.
Le délégué du gouvernement rétorque que la réduction de points constituerait une sanction administrative intervenant de plein droit à chaque fois que les conditions d’application sont réunies sans que le ministre dispose d’un pouvoir d’appréciation. Par ailleurs, la réduction à zéro du capital de points dont est doté un permis de conduire entraînerait automatiquement la suspension du droit de conduire pour une durée de douze mois. Il souligne que contrairement aux affirmations du demandeur, ce dernier aurait été averti, conformément aux dispositions du règlement grand-ducal du 26 août 1993 relatif aux avertissements taxés, aux consignations pour contrevenants non résidents ainsi qu’aux mesures d’exécution de la législation en matière de mise en fourrière des véhicules et en matière de permis à points des déductions de points consécutives, ceci par courrier recommandé, mais que les envois auraient été retournés au ministère avec la mention « non réclamé », à l’exception de l’envoi du 9 juin 2009 qui porterait la mention « parti ». Il conclut partant au rejet du recours.
Aux termes de l’article 2bis, paragraphe 3 de la loi du 14 février 1955 : « La perte de l’ensemble des points d’un permis de conduire entraîne pour son titulaire la suspension du droit de conduire. (…) Cette suspension est constatée par un arrêté pris par le ministre des Transports (…) ».
Il résulte de cette disposition que la suspension du droit de conduire est la conséquence légale de la perte de l’intégralité des points du permis de conduire, intervenant de plein droit et liant le ministre. La décision portant suspension du droit de conduire se limite partant à tirer la conséquence légale des décisions antérieures ayant procédé à la réduction de points du capital dont est doté le permis de conduire, tout en constituant une décision indépendante desdites décisions antérieures qui sont susceptibles de faire l’objet d’un recours autonome.
Cependant, alors même que la décision portant suspension du droit de conduire et la décision portant réduction ou constatant l’épuisement de l’intégralité des points dont est doté un permis de conduire, constituent des décisions indépendantes susceptibles de faire l’objet de recours contentieux autonomes, la décision portant suspension du droit de conduire ne peut se baser sur les décisions portant réduction et constatant la perte de l’ensemble des points du permis de conduire que pour autant que ces dernières soient opposables à l’administré, de sorte que les décisions concernées ont pu sortir leurs effets à l’égard de l’administré et que ce dernier ait été en mesure d’introduire un recours à leur encontre.
Les décisions portant réduction et constatant la perte de l’ensemble des points d’un permis de conduire sont rendues opposables à l’administré par leur notification. Les dispositions du Code de la route relatives à la notification de ces décisions ne conditionnent cependant pas la régularité de la procédure suivie et partant la légalité de la décision de retrait de points, mais elles ont pour seul objet de rendre opposables la décision à l’administré concerné et ainsi de déclencher le délai dont il dispose pour introduire un recours contentieux à son encontre.1 En l’espèce, il convient tout d’abord de relever que le demandeur a dirigé son recours exclusivement à l’encontre de l’arrêté du ministre du 29 octobre 2010 portant suspension de son droit de conduire et non point contre les décisions antérieures, l’ayant informé des réductions subséquentes de points affectés à son permis de conduire, qui constituent des décisions préalables et distinctes de la décision déférée et susceptibles de faire l’objet d’un recours autonome.
Cependant, dans la mesure où le demandeur conteste que les décisions de retrait de points antérieures lui aient été notifiées et dans la mesure où la décision portant suspension du droit de conduire ne peut se baser sur les décisions portant réduction et constatant la perte de l’ensemble des points d’un permis de conduire que pour autant que ces dernières soient opposables à l’administré, il y a lieu d’analyser si lesdites décisions ont été notifiées au demandeur.
L’article 2bis, paragraphe 2, dernier alinéa, de la loi du 14 février 1955 dispose que : « Toute réduction de points donne lieu à une information écrite de l’intéressé sur la ou les infractions à l’origine de la réduction de points ainsi que sur le nombre de points dont le permis de conduire concerné reste affecté. Les modalités de cette information sont arrêtées par règlement grand-ducal ».
Les modalités de l’information visées à l’article 2bis, précité, sont règlementées à l’article 15, paragraphe 1er, du règlement grand-ducal du 26 août 1993 qui dispose que:
« Le ministre des Transports procède à l’imputation des points retirés et en informe l’intéressé endéans les huit jours ouvrables à compter des communications prévues aux articles 13 et 14.
1 Trib. adm. 27 octobre 2010, n° 26965 du rôle, disponible sur www.ja.etat.lu Cette information est faite sous pli fermé et recommandé dans le cas de déduction de points ».
Il se dégage de ces dispositions qu’une décision portant réduction de points est valablement notifiée à l’intéressé si elle lui est envoyée par courrier recommandé.
En l’espèce, il ressort des pièces du dossier administratif que le demandeur a fait l’objet d’une décision du ministre en date du 20 juin 2006 l’informant du retrait de deux points du capital de points affecté à son permis de conduire, d’une décision du 17 août 2006 l’informant du retrait de deux points, d’une décision du 18 décembre 2006 l’informant du retrait de deux points, d’une décision du 9 juin 2009 l’informant du retrait de deux points, d’une décision du 20 janvier 2010 l’informant du retrait de deux points, ainsi que d’une décision du 27 octobre 2010 l’informant du retrait de quatre points et retenant un nombre de points restants nul. Il se dégage encore des pièces du dossier administratif que ces décisions ont toutes été notifiées moyennant lettre recommandée à la poste et que les envois recommandés ont tous été retournés à l’expéditeur avec la mention « non réclamé», à l’exception de celui du 9 juin 2009 qui a été retourné à l’expéditeur avec la mention « parti ».
Force est dès lors de constater que le demandeur n’a pas réclamé les envois recommandés qui lui ont été envoyés auprès des services postaux. Or, sous peine de vider le mécanisme des notifications postales régulièrement faites de toute sa substance, la notification d’une décision ministérielle est réputée faite le jour du dépôt de l’avis de passage laissé par l’agent des postes à l’adresse du demandeur. Il y a partant lieu de retenir que tous les envois recommandés, à l’exception de celui du 9 juin 2009, ont été valablement notifiés au demandeur.
Quant à la notification de la décision du 9 juin 2009 portant retrait de deux points, il ressort des éléments du dossier que l’envoi recommandé afférent a été retourné au ministère en date du 10 juin 2009 avec la mention que le destinataire serait parti de son ancienne adresse y indiquée à …. Il y a partant lieu de retenir que la décision du 9 juin 2009 n’a effectivement pas été notifiée à l’intéressé.
Cette circonstance est cependant sans incidence sur la légalité de la décision déférée portant suspension du droit de conduire, étant donné que suivant les informations ministérielles produites en cause, toutes les réductions de points antérieures à celle pertinente faisant l’objet direct de l’information donnée se retrouvent à chaque fois reproduites à nouveau, de sorte que de fois en fois l’intéressé est informé des réductions antérieurement encourues. Il y a lieu de relever qu’en l’espèce, à travers l’information suivant envoi recommandé du 20 janvier 2010, dont la notification a été ci-avant jugée régulière, le demandeur a non seulement été informé de la perte de deux points pour une infraction du 1er décembre 2009, mais encore des pertes antérieures et notamment de celle portant sur deux points ayant trait à un avertissement taxé relatif à l’infraction du 26 février 2009 ayant fait l’objet de la notification non utile du 9 juin 2009. De même, à travers l’information moyennant envoi recommandé du 27 octobre 2010 portant sur une réduction de quatre points, les réductions de points antérieures, dont celle du 9 juin 2009, ont été rappelées au demandeur suivant le même libellé que celui des notifications originaires.
Il s’ensuit que depuis la notification utilement intervenue en date du 20 janvier 2010, la possibilité de recourir par rapport à la réduction de deux points du 9 juin 2009 avait été donnée de façon suffisante au demandeur, de sorte que le délai de recours de trois mois avait commencé à courir.
Il suit de ce qui précède que toutes les réductions de points du permis de conduire ont été valablement notifiées au demandeur, de sorte que l’unique moyen du demandeur tiré d’un défaut d’information sur les retraits antérieurs de points en violation de l’article 2bis de la loi du 14 février 1955 doit être rejeté pour manquer en fait.
Aucun autre moyen n’ayant été invoqué en cause, le recours en annulation est à rejeter comme non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond, le dit non justifié et en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
Martine Gillardin, vice-président, Annick Braun, juge, Andrée Gindt, juge, et lu à l’audience publique du 5 juillet 2011 par le vice-président, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Martine Gillardin Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 05.07.2011 Le Greffier du Tribunal administratif 5