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29/06/2011 | LUXEMBOURG | N°27635

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 juin 2011, 27635


Tribunal administratif Numéro 27635 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 janvier 2011 1re chambre Audience publique du 29 juin 2011 Recours formé par Monsieur …et consort, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 19, L-5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 27635 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 janvier 2011 par Maître Olivier Lang,

avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mons...

Tribunal administratif Numéro 27635 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 janvier 2011 1re chambre Audience publique du 29 juin 2011 Recours formé par Monsieur …et consort, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 19, L-5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 27635 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 janvier 2011 par Maître Olivier Lang, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Serbie), et de son épouse Madame …, née le … à … (Serbie), agissant tant en leur nom personnel qu’au nom et pour compte de leurs enfants mineurs …, né le … à … (Allemagne) et …, née le … à … (Serbie), demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant d’une part, à la réformation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 22 novembre 2010 portant refus de leur demande de protection internationale et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 mars 2011 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maître Christine Freymuth, en remplacement de Maître Olivier Lang, et Madame le délégué du gouvernement Linda Maniewski en leurs plaidoiries respectives.

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Le 9 novembre 2010, Monsieur …et Madame …, accompagnés de leurs trois enfants mineurs …et …, ci-après dénommés « les consorts …», introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée « la loi du 5 mai 2006 ».

Les consorts …furent entendus séparément le 17 novembre 2010 par un agent du ministère des Affaires étrangères, Direction de l’Immigration, sur leur situation et sur les motifs se trouvant à la base de leur demande de protection internationale.

Par une décision du 22 novembre 2010, notifiée en mains propres le 8 décembre 2010, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ci-après dénommé « le ministre », informa les consorts …que leur demande de protection internationale avait été rejetée comme étant non fondée. Cette décision est libellée comme suit :

« […] J'ai l'honneur de me référer à vos demandes en obtention d'une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentées auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères en date du 9 novembre 2010.

En application de la loi précitée du 5 mai 2006, vos demandes de protection internationale ont été évaluées par rapport aux conditions d'obtention du statut de réfugié et de celles d'obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.

En mains les rapports d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères du 17 novembre 2010.

Monsieur, il résulte de vos déclarations que vous auriez quitté la Serbie une première fois de 1992 à 1998 pour vivre en Allemagne. Vous seriez reparti en Serbie pour vous marier et en 1999, vous seriez reparti en Allemagne. Vous seriez retourné en Serbie en 2002.

Vous auriez quitté la Serbie le 6 novembre 2010 pour venir au Luxembourg. Vous y avez déposé votre demande d'asile le 9 novembre 2010.

Vous exposez que, en tant que Rom, vous feriez l'objet de mauvais traitements de la part des Serbes. Plus particulièrement, en juillet 2009, les autorités de votre pays auraient fait démolir une partie de votre maison parce qu'elle avait été construite sans les autorisations requises et donc de façon illégale. A cette occasion, on vous placé deux jours en garde à vue.

Vous auriez aussi dû payer une amende de 600 euros.

De plus, comme cette maison ne serait pas très éloignée d'un bistrot, quinze jours avant votre départ, une bande de cinq jeunes gens ivres auraient fait irruption chez vous une nuit.

Ils auraient bu vos bouteilles d'alcool, vous aurait frappé et vous auraient forcé à chanter l'hymne serbe en vous traitant de « Rom ». Auparavant des pierres auraient aussi été jetées contre votre maison. Vous ajoutez aussi que votre fils ne serait pas bien traité à l'école, le maître lui tirant les cheveux et les oreilles parce qu'il ne faisait pas ses devoirs. Il n'aurait plus envie d'aller à l'école.

Vous auriez porté plainte à la police tant pour les jets de pierres que pour l'irruption des jeunes gens dans votre maison mais vous dites que rien n'aurait été fait. Vous n'auriez pas attendu le résultat pour partir parce que, d'après vous, la police ne fera rien. Vous ne feriez ni confiance à la police ni aux organisations de défense des Roms qui ne seraient là que pour « ramasser de l'argent. » En ce qui concerne vos revenus, vous dites que vous viviez de petits travaux au noir et que cela est normal « chez vous ».

Vous, Madame, vous confirmez les dires de votre mari. Vous confirmez aussi que vous avez porté plainte à la police mais vous ajoutez que vous pensiez que la police passerait tout de suite chez vous pour enquêter alors qu'après deux jours, rien ne s'était passé. Vous en concluez que la police ne ferait rien. Vous ajoutez que le maître d'école tapait souvent votre fils mais vous reconnaissez qu'il se conduisait mal en classe et ne faisait pas ses devoirs.

Finalement, vous dites que vous ne trouveriez pas de travail parce que vous seriez Rom.

Il y a d'abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs qui doivent établir, concrètement, que leur situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Or, les faits que vous alléguez ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécuté dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi précitée du 5 mai 2006.

D'une part, l'appartenance à une ethnie minoritaire n'entraîne pas d'office la reconnaissance du statut de réfugié.

D'autre part, en l'espèce, je relève que vous vous plaignez de mauvais traitements en tant que Rom mais que les faits que vous invoquez ne sauraient être assimilés à des persécutions ethniques. D'abord, le fait de voir une partie de votre maison, illégalement construite, détruite et de devoir payer une amende ne saurait être assimilé à une persécution :

toute maison illégalement construite fait, en règle générale, l'objet d'une démolition et peut entrainer le payement d'une amende.

Les troubles de voisinage dû à la présence d'un café près de chez vous ne sont pas non plus assimilables à des persécutions. Même si l'intrusion de jeunes gens éméchés chez vous est condamnable, je constate que vous avez porté plainte à la police, que celle-ci vous a accueilli normalement et qu'elle a enregistré votre plainte. Le fait que des agents ne soient pas venus enquêter dans les deux jours de l'incident chez vous ne saurait être assimilé à une discrimination et encore moins à une persécution. Il en va de même pour les jets de pierre qui, eux aussi, ont fait l'objet d'une plainte enregistrée. La notion de protection de la part des autorités du pays d'origine n'implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violences, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d'une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion. Or, tel est le cas ici puisque vos plaintes ont été reçues. A cela s'ajoute que des personnes privées ne sauraient être considérées comme agents de persécution au sens de la Convention de Genève et de la loi modifiée du 5 mai 2006.

En ce qui concerne les claques reçues par votre fils, rien ne prouve qu'elles auraient une connotation raciste, d'autant qu'il est reconnu que votre fils se conduit mal à l'école et ne fait pas ses devoirs. Quant au fait, Madame, de ne pas avoir trouvé de travail, vous estimez qu'il est du à votre appartenance à l'ethnie rom, mais je relève aussi que vous êtes pratiquement illettrée, ce qui limite votre insertion sur le marché du travail. Comme vous reconnaissez que votre famille vivait de petits boulots, il n'est pas exclu que des motifs économiques sous tendent vos demandes. Or, des motifs économiques ne sauraient servir de base pour vous conférer le statut de réfugié.

Depuis la chute du régime Milosevic, la situation des minorités s'est fortement améliorée en Serbie. Ainsi, parallèlement à l'adoption de la loi sur la protection des minorités nationales en 2002, les Roms ont été reconnus en tant que groupe ethnique. Aussi, la nouvelle constitution serbe de novembre 2006 interdit toute forme de discrimination directe et indirecte de membres de communautés ethniques et autres ou de minorités. Les actes de discriminations contre les minorités sont donc considérés comme étant illégaux. A côté des dispositions constitutionnelles, des lois interdisent explicitement la discrimination des minorités ethniques. En mars 2009, une loi anti-discrimination a été promulguée et un commissaire à l'égalité des chances a été mis en place début 2010. On peut donc en conclure que la Serbie est un Etat multiethnique dont la politique intérieure est stable et qui proscrit les discriminations. Selon les documents consultés, toutes les minorités nationales jouissent aujourd'hui en Serbie des mêmes droits que les citoyens serbes.

En ce qui concerne plus généralement la situation des Roms en Serbie, il résulte de nos recherches que, s'il est vrai qu'il existe encore dans l'esprit des populations des clichés négatifs vis-à-vis des Roms, les difficultés ou discriminations dont ils pourraient faire l'objet ne sont pas d'une intensité telle qu'elles constituent des persécutions au sens de la Convention de Genève. A cet effet, il convient de citer les conclusions d'un rapport autrichien : « Serbien hat seit dem Jahre 2000, also nach dem Sturz Milosevic's stufenweise ein normatives und institutionnelles Rahmenwerk zur Verbesserung der sozio-ökonomischen Situation der Roma in Serbien errichtet. Die gesetzlichen Rahmenbedingungen, die Serbien zur Frage der Roma Integration eingeführt hat, sind eine umfassende Mischung nationaler und internationaler Gesetze, wobei zahlreiche internationale und regionale Menschenrechtsabkommen ratifiziert und in nationales Recht übernommen wurden… D.h, man kann den serbischen Behörden, der serbischen Regierung keinesfalls den Willen absprechen, sich um die Anliegen der Roma und deren vordringlichsten Probleme zu kümmern". A cet effet, il est aussi intéressant de citer les conclusions de l'Operational Guidance Note Serbia de la UK Border Agency qui ne nie certes pas les discriminations sociales vécues par les Roms, mais: «However, in general this discrimination does not amount to persecution and the authorities are willing to offer sufficiency of protection although the effectiveness of this protection may be limited by the actions of individual police officers/government officials… Therefore the majority of claims from this category are unlikely to qualify for a grant of asylum or Humanitarian Protection and are likely to be ciearly unfounded.

Finalement, la Suisse, la France et l'Allemagne considère à présent la Serbie comme un pays d'origine sûr.

Ainsi, vos récits dénotent-ils davantage un sentiment d'insécurité commun aux minorités qu'une vraie crainte de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.

En outre, vos récits ne contiennent pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, les faits invoqués à l'appui de vos demandes ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Suivant le même raisonnement que celui développé plus haut, les faits que vous alléguez et votre sentiment d'insécurité ne justifient pas la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire.

Vos demandes en obtention d'une protection internationale sont dès lors refusées comme non fondées au sens de l'article 19§1 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.

La présente décision vaut ordre de quitter le territoire. […] » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 10 janvier 2011, les consorts …ont fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision précitée du ministre du 22 novembre 2010 par laquelle ils se sont vus refuser la reconnaissance d’un statut de protection internationale, et un recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision.

1. Quant au recours tendant à la réformation de la décision de refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées, le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle déférée est recevable pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les demandeurs exposent qu’ils seraient de confession religieuse musulmane et appartiendraient à la minorité rom de Serbie. Ils habiteraient une petite maison unifamiliale à …où la famille de Monsieur …aurait été installée depuis des générations. Monsieur …aurait grandi à …et y aurait fréquenté l’école où il aurait été maltraité, humilié et rabaissé par les autres enfants en raison de ses origines ethniques. Les consorts …relatent que leurs enfants subiraient le même sort à l’école. Ils soutiennent qu’ils auraient quitté la Serbie parce qu’ils auraient été discriminés, insultés, humiliés et menacés dans ce pays et parce qu’ils auraient voulu offrir une meilleure vie à leurs enfants.

Ils précisent qu’ils souffriraient depuis leur enfance de tels harcèlements et intimidations et qu’ils n’auraient ainsi pas eu droit à une scolarisation normale en raison de leur origine rom. Ils auraient également subi des discriminations, des insultes, des provocations dans la vie de tous les jours. Ils ajoutent qu’il leur serait impossible de trouver un emploi du fait de leur origine rom et que l’administration de l’emploi leur ferait comprendre que les emplois éventuellement disponibles seraient réservés aux Serbes. Par ailleurs, à l’occasion de fêtes locales, des habitants serbes auraient détérioré les décorations, renversé les aliments et injurié les personnes présentes.

Les demandeurs invoquent également des difficultés qu’ils auraient rencontrées pour se faire soigner dans la mesure où les médecins auraient exigé des pots-de-vin en échange de soins et qu’ils devaient se contenter d’une auscultation dédaigneuse et sommaire au stéthoscope, de sorte que ce n’aurait été qu’au Luxembourg que les médecins auraient trouvé des cailloux dans les reins de Madame ….

Ils font en outre valoir que le second étage de leur maison, certes construit illégalement, aurait été détruit par les autorités en août 2009 pour les chasser du centre ville afin de pouvoir y réaliser un projet immobilier. Comme le demandeur aurait tenté de s’opposer à la destruction de leur maison, des policiers l’auraient frappé violemment dans le dos et l’auraient arrêté pour le placer en garde à vue pour deux jours. Ils admettent que le terrain sur lequel leur maison aurait été construite ne leur appartiendrait pas officiellement, mais il se serait trouvé dans la famille depuis de nombreuses générations. Toutes les autres familles de leur quartier seraient dans la même situation, mais seules les familles rom n’auraient pas pu régulariser leur situation. Ils auraient à maintes reprises tenté de régulariser leur situation, sans succès, alors que leur voisins non rom auraient pu devenir propriétaires du terrain occupé par usucapion. Ils estiment qu’ils auraient été choisis pour servir d’exemple à tous les Rom vivant dans leur rue et que les autorités auraient décidé de chasser. Même si le projet immobilier n’avait pas abouti, les autorités serbes persisteraient dans leurs efforts pour délocaliser les Rom en dehors de la ville.

En avril 2010, les demandeurs auraient décidé de quitter la Serbie pour se réfugier en Suisse, mais ils auraient été déboutés de leur demande d’asile et seraient retournés dans leur pays d’origine le 3 juin 2010. Peu de temps après leur retour de Suisse, ils se seraient réveillés au milieu de la nuit par des cris en provenance de la rue. Le bruit et les insultes ne les auraient pas inquiétés davantage, mais un individu se serait mis à jeter des pierres et qu’il aurait atteint la chambre des enfants. Quand le demandeur se serait rendu à la police pour dénoncer les faits et pour porter plainte, on lui aurait dit que la police s’en occuperait, mais jamais rien n’aurait été entrepris. Ainsi, les jets de pierre auraient continué et au quotidien rien n’aurait changé, dans la mesure où les demandeurs auraient été insultés à chaque déplacement.

Quant aux conditions de scolarisation de leur enfant aîné, les demandeurs font valoir qu’il serait maltraité par ses camarades de classe et par son instituteur. Il serait en effet fréquent que son instituteur se permettrait de le frapper s’il ne comprenait pas quelque chose ou s’il avait omis ou mal fait ses devoirs, de sorte que ses résultats scolaires seraient catastrophiques. Ils se seraient décidés d’aller se plaindre auprès de la direction de l’école, mais on se serait contenté de leur dire qu’ils mentent et qu’il serait inutile de se plaindre ailleurs dans la mesure où de toute manière personne ne les croira.

Puis, le 30 octobre 2010, un groupe de personnes alcoolisées aurait fait irruption dans leur maison. Ils les auraient insultés, ils auraient fouillé la maison à la recherche d’une bouteille d’alcool et d’effets de valeurs et ils auraient ordonné à Monsieur …de chanter des chansons de partisans serbes en menaçant de le tuer s’il ne s’exécuterait pas sur le champ.

Comme il n’aurait pas su chanter l’hymne serbe, un des individus l’aurait frappé sur la tête avec une violence telle qu’il serait tombé par terre et les cinq hommes se seraient mis à le ruer de coups de pieds sous le regard des autres membres de la famille. Le lendemain, le demandeur se serait rendu à la police pour dénoncer les agissements et porter plainte. Après avoir décrit l’incident aux policiers et après avoir montré ses plaies, ces derniers lui auraient expliqué qu’ils venaient voir ce qu’ils pourraient faire. Les demandeurs auraient été cependant convaincus que la police ne ferait rien, comme elle n’aurait rien fait lorsqu’ils auraient été agressés la première fois. En effet, les jours suivants, les demandeurs auraient constaté que la police ne serait pas déplacée sur les lieux et ils auraient décidé de quitter la Serbie.

En droit, les demandeurs relèvent que le ministre ne semblerait pas mettre en cause la crédibilité de leur récit, de sorte que les faits invoqués, y compris les mauvais traitements de leur fils à l’école, seraient données en l’espèce. Ils soulignent d’autre part qu’il conviendrait d’analyser leur situation individuelle dans le contexte général de leur pays d’origine dans lequel elle s’inscrit, conformément à l’article 26 (3), a), b), c) de la loi du 5 mai 2006, et non pas, tel qu’indiqué par le ministre dans sa décision litigieuse, de faire dépendre l’analyse de leur demande de protection internationale surtout de leur situation individuelle particulière, alors que la situation générale du pays d’origine et la situation particulière du demandeur d’asile seraient indissociablement liées l’une à l’autre. Ils critiquent ainsi le ministre de ne pas avoir appréhendé les faits qu’ils invoquent à l’appui de leur demande de protection internationale dans le cadre du contexte général qui prévaut en Serbie, notamment eu égard à la situation de la minorité des Rom.

Ainsi, la lecture de la décision déférée permettrait de se rendre compte que le ministre aurait évacué les faits relatés à la hâte en les considérant de manière abstraite, sans les appréhender dans le cadre du contexte général dans lequel ils se seraient produits. En effet, la destruction de leur maison n’aurait pas été analysée sur la toile de fond de l’illégalité du projet étatique et de la discrimination dont ils auraient été les victimes dans la mesure où ils auraient été pris comme exemple pour intimider les autres Rom ayant également construit illégalement. Le ministre n’aurait pas non plus analysé l’efficacité des plaintes déposées au vu du fonctionnement du système judiciaire serbe et de la protection à laquelle ils pouvaient s’attendre, ni la discrimination quasi institutionnalisée des Rom en Serbie.

Ils reprochent ensuite au ministre de s’être appuyé sur des rapports établis par des administrations d’autres pays, et notamment l’Autriche et le Royaume Uni, au motif que ces rapports ne seraient par essence pas objectifs.

Concernant la situation générale prévalant actuellement en Serbie, les demandeurs exposent que les droits de l’homme des Rom y seraient systématiquement violés, et ils renvoient à cet égard notamment à un rapport d’Amnesty International de 2010, intitulé « Laissés pour compte : Violations des droits fondamentaux des Roms en Europe ». Ils font valoir que les Rom de Serbie seraient victimes d’exclusions, d’agressions et de discriminations et notamment en ce qui concerne l’accès à l’éducation, à l’emploi et aux soins de santé. D’autre part, le « European Roma Rights Centre » et Amnesty International auraient état dans divers articles et rapports, d’évictions immobilières dont ferait l’objet les membres de la minorité rom. Amnesty International décrirait également dans ces articles l’impossibilité pour les Rom de Serbie de régulariser leur situation immobilière, bien que des dispositions réglementaires auraient été prévus dès 2009. Les demandeurs en concluent que le ministre aurait dû procéder à l’évaluation individuelle de leur demande en considérant leur histoire particulière et en relevant les liens qui existeraient indubitablement entre celle-ci et la situation générale telle que décrite. Les éléments dont le ministre se serait emparé ne seraient pas pertinents au regard de leur histoire personnelle, de sorte que la décision déférée serait contraire à l’article 26 (3) a), b), et c) de la loi du 5 mai 2006.

Quant à leur situation individuelle, les demandeurs soutiennent qu’ils rempliraient les conditions pour se voir accorder le statut de réfugié en raison de leur appartenance à la minorité rom de Serbie au sens de l’article 32 (1) a) de la loi du 5 mai 2006, au motif qu’ils auraient été victimes de discriminations en matière d’éducation, d’accès à l’emploi et d’accès à la santé. Ils auraient par ailleurs fait l’objet de plusieurs agressions physiques dont une très grave, ainsi que d’humiliations, d’insultes et de provocations répétées de la part des Serbes.

Ils reprochent au ministre d’avoir retenu que le fait d’avoir été évincés de leur possession immobilière ne saurait être assimilé à une persécution, dans la mesure où cette conclusion ferait abstraction du fait que l’administration du cadastre aurait refusé de régulariser leur situation à une époque où elle l’aurait fait pour d’autres habitants serbes non rom de la rue et qui avaient à l’origine construit leurs maisons dans les mêmes conditions que les demandeurs.

Les demandeurs estiment par ailleurs que les faits à l’appui de leur demande de protection internationale constitueraient des persécutions telles que prévues à l’article 31 (2) a) et b) de la loi du 5 mai 2006.

Quant aux motifs des persécutions allégués, les demandeurs font valoir qu’ils craignent d’être persécutés en raison de leur race aux termes de l’article 32 (1) de la loi du 5 mai 2006.

Ils relèvent que leur situation économique en Serbie serait enviable et qu’ils réussiraient de se débrouiller tant bien que mal étant donné qu’ils auraient disposé de revenus et auraient eu la chance de pouvoir habiter dans une maison qui aurait appartenu depuis des générations à leur famille, pour contester avoir fui la Serbie pour des raisons économiques. S’il serait exact que la demanderesse n’aurait pas trouvé de travail, cette situation serait la conséquence directe des discriminations dont ils auraient fait l’objet toute leur vie en raison de leur appartenance à la minorité rom.

Les actes dont les demandeurs font état seraient suffisamment graves du fait de leur nature respectivement du fait de leur caractère répété pour constituer des persécutions au sens de la loi du 5 mai 2006 et constitueraient des violations graves des droits fondamentaux de l’homme dont notamment le droit de ne pas être soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.

Ils reprochent ensuite au ministre d’avoir retenu que les auteurs des agissements dont ils font état ne seraient pas à considérer comme des agents de persécution au sens de la Convention de Genève et de la loi du 5 mai 2006 et d’avoir retenu qu’ils n’auraient pas démontré que l’Etat serbe ne peut ou ne veut pas leur accorder une protection contre les persécutions qu’ils disent craindre. Ils font valoir dans ce contexte qu’ils ne seraient pas en mesure d’affirmer si leurs plaintes avaient été suivie du moindre effet, au contraire le fait qu’aucune suite n’aurait été donné à ces plaintes démontrerait à suffisance l’absence de protection à laquelle ils seraient confrontés en Serbie contre les persécutions d’agents non étatiques. Il aurait par ailleurs appartenu au ministre de rechercher avant tout si l’Etat serbe était capable d’offrir une protection appropriée, avant de pouvoir exiger de leur part qu’ils démontrent que les autorités sont incapables de leur assurer une protection.

En se référant au rapport annuel 2010 sur la Serbie d’Amnesty International, les demandeurs insistent sur le fait que le système judiciaire serbe ne serait pas en mesure de leur offrir une protection et que les Rom ne seraient pas protégés en Serbie notamment lorsqu’ils feraient directement l’objet de persécutions de la part d’autorités étatiques qui bénéficieraient d’une impunité.

Les demandeurs soutiennent ensuite que tous les mauvais traitements dont ils auraient été victimes risqueraient certainement de se reproduire s’ils venaient à être renvoyés dans leur pays d’origine et que le ministre n’aurait pas rapporté la preuve de l’existence de bonnes raisons de penser que ces persécutions ne se reproduiront pas, conformément à l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006.

En ordre subsidiaire, les demandeurs affirment qu’ils rempliraient les conditions pour se voir accorder le bénéfice de la protection subsidiaire. Ils estiment qu’ils rempliraient les conditions prévues à l’article 37 b) de la loi du 5 mai 2006. A cet égard, ils font également état de l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006, pour soutenir que l’existence d’une crainte fondée de subir des atteintes graves serait démontrée par les atteintes graves dont ils auraient déjà été victimes en Serbie.

Le délégué du gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et que leur recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

En ce qui concerne tout d’abord la demande de reconnaissance du statut de réfugié, l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006 précise que le terme de « réfugié » s’applique à « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

Le tribunal, statuant en tant que juge du fond en matière de demandes de protection internationale, doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur de protection internationale, tout en prenant en considération la situation générale, telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance.

Dans ce contexte, les demandeurs, en se prévalant de l’article 26 (3) a), b) et c) de la loi du 5 mai 2006, font grief au ministre d’avoir pris en considération surtout leur situation individuelle sans tenir compte du contexte général dans laquelle elle s’insère.

L’article 26 (3) dispose ce qui suit :

« Le ministre procède à l’évaluation individuelle d’une demande de protection internationale en tenant compte des éléments suivants:

a) tous les faits pertinents concernant le pays d’origine au moment de statuer sur la demande, y compris les lois et règlements du pays d’origine et la manière dont ils sont appliqués;

b) les informations et documents pertinents présentés par le demandeur, y compris les informations permettant de déterminer si le demandeur a fait ou pourrait faire l’objet de persécution ou d’atteintes graves;

c) le statut individuel et la situation personnelle du demandeur, y compris des facteurs comme son passé, son sexe et son âge, pour déterminer si, compte tenu de la situation personnelle du demandeur, les actes auxquels le demandeur a été ou risque d’être exposé pourraient être considérés comme une persécution ou une atteinte grave ».

Ce moyen laisse cependant d’être fondé, étant donné qu’il appert à la lecture de la décision déférée que le ministre a analysé tant la situation particulière des demandeurs que la situation générale prévalant actuellement en Serbie et notamment la situation des rom à la lumière des informations dont il a disposé au moment de la prise de sa décision. Le simple fait que le ministre a indiqué dans sa décision que la situation du demandeur de protection internationale dépendrait surtout de sa situation particulière ne permet pas de conclure qu’en l’espèce, le ministre aurait fait fi du contexte général dans lequel s’insère la situation individuelle du demandeur d’asile. En effet, force est au tribunal de constater que le ministre a analysé les problèmes invoqués par les demandeurs à la lumière de la situation générale prévalant actuellement en Serbie et notamment de la situation de la minorité rom.

Quant à la destruction du premier étage de la maison des demandeurs et la garde à vue du demandeur qui s’en est suivie, force est au tribunal de constater que la maison était construite illégalement, de sorte que la décision des autorités serbes de la détruire n’est pas a priori à considérer comme étant discriminatoire. S’il est exact que les demandeurs relatent que des personnes de leur quartier auraient bénéficié d’une régularisation de leur situation, faveur qui leur aurait été refusée, il ressort du rapport d’entretien que les demandeur ne se sont pas tournés vers le ministère des affaires des minorités et qu’ils n’ont pas saisi les tribunaux pour faire analyser la légalité de la mesure prise à leur encontre, de sorte qu’en l’état actuel de l’instruction de l’affaire il n’apparaît pas que les autorités étatiques du pays d’origine des demandeurs ne sont pas capables ou ne sont pas disposées à accorder aux demandeurs une protection adéquate contre les actes pris par les autorités communales de leur ville d’origine. Or, en l’absence d’éléments suffisants permettant au tribunal de conclure que les autorités de l’Etat d’origine ne sont pas disposées ou ne sont pas capables d’offrir une protection adéquate, les faits invoqués ne sauraient être qualifiés de persécutions.

Il en est de même du fait que le demandeur a été placé en garde à vue après avoir injurié et menacé les agents qui avaient détruit le premier étage de leur maison. En effet, si cette garde à vue s’était avérée discriminatoire ou arbitraire, le demandeur aurait pu saisir la justice pour que cette dernière contrôle la légalité de la mesure critiquée, or, il ne ressort d’aucun élément du dossier que le demandeur ait entrepris des démarches en ce sens.

En ce qui concerne l’intrusion des cinq individus dans leur maison, si le caractère raciste de leurs actes est donné en l’espèce et quand bien même que le tribunal est amené à conclure que ces actes sont suffisamment graves pour être qualifiés de persécutions, il n’en reste pas moins que les demandeurs ont pu porter plainte contre ces actes. Si les demandeurs estiment que la plainte ne portera pas de fruits, force est cependant au tribunal de constater que les demandeurs ont quitté leur pays d’origine en date du 6 novembre 2010 soit à peine une semaine après les faits invoqués, de sorte que l’inefficacité du système policier et judiciaire ne ressort pas des éléments soumis au tribunal.

Quand aux prétendues discriminations vécues par le fils des demandeurs à l’école et la difficulté pour les demandeurs de trouver un emploi, force est au tribunal de constater que ces faits ne sont pas assez graves pour être qualifiés de persécutions au sens de la loi du 5 mai 2006. Eu égard à ces considérations, force est au tribunal de constater que les demandeurs n’ont pas apporté des éléments suffisants qui permettraient de retenir que les difficultés invoquées par eux en relation avec leur accès au marché du travail, l’éducation ou aux soins de santé soient assimilables par leur gravité ou leur systématicité à une persécution au sens des articles 2 c) et 31 (1) de la loi du 5 mai 2006.

Force est encore au tribunal de constater que les documents cités par les deux parties font certes état d’une situation dans laquelle les Rom sont exposés à des discriminations et à des exclusions sociales en Serbie. Il ressort toutefois des explications du délégué du gouvernement que la situation des Rom a changé ces dernières années. En effet, il ressort d’un rapport du Bundesamt für Migration und Flüchtlinge allemand de juin 2010 que la Serbie a entrepris des efforts pour améliorer les conditions de vie de la population rom, notamment par l’adoption d’une loi contre les discriminations en mars 2009 et l’adoption d’une stratégie pour l’amélioration de la situation des Rom, même si la réalisation de cette initiative est encore à ses débuts. Le même rapport retient que les Rom ne font pas l’objet d’une persécution systématique de la part des autorités serbes, même si des violences verbales ou des agressions physiques de la part de personnes privées et notamment de membres de groupes d’extrême droite ne peuvent pas être exclues. Le rapport note par ailleurs les conditions de vie précaires de la communauté rom et les difficultés à trouver un logement décent. Il ressort encore de ce rapport que les Rom, à condition d’être déclarés et de disposer de papiers d’identité, ont droit à une couverture sociale et à des soins de santé, à des indemnités de chômage et de pension, et à l’éducation. Quant à l’accès aux soins de santé, le rapport retient que les Rom, lorsqu’ils ont accès au système de santé étatique, bénéficient des mêmes droits que la majorité de la population et que les traitements discriminatoires ne vont pas jusqu’au refus de soins, mais se limitent en règle générale à des comportements désobligeants. Dans ce contexte, le délégué du gouvernement a encore cité le rapport du Commissaire aux droits de l’homme du 11 mars 2009 qui a constaté les efforts réalisés par la Serbie pour améliorer l’accès aux soins de santé de la communauté rom.

Il ressort en outre du rapport intitulé « Operational Guidance Note Serbia » de la UK Border Agency de septembre 2008, dont un extrait est cité par le délégué du gouvernement, que les discriminations envers les Rom n’atteignent en général pas le niveau de persécution et que les autorités sont disposées à offrir une protection suffisante même si l’efficience de la protection peut être limitée par les actes individuels de certains policiers.

Ce constat n’est pas énervé par l’allégation des demandeurs selon laquelle les rapports ci-avant mentionnés du Bundesamt für Migration und Flüchtlinge et de la UK Border Agency ne proviendraient pas de sources fiables en ce qu’ils ont été établis par des agences gouvernementales et ne seraient partant pas objectifs. En effet, il ne suffit pas d’alléguer l’absence d’objectivité de ces rapports, mais il incombe aux demandeurs de démontrer concrètement l’inexactitude de ces rapports, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce.

Au vu de ces éléments, si la situation générale en Serbie, nonobstant une certaine amélioration et une volonté affichée des autorités serbes d’améliorer les conditions de vie des Rom, reste difficile pour les membres de cette minorité ethnique, il ne ressort ni des éléments du dossier ni des arguments des parties que cette situation générale serait telle que tout membre de la minorité rom peut valablement se prévaloir de raisons de craindre d’être persécuté du seul fait de son origine ethnique.

Il s’ensuit que les demandeurs n’ont pas démontré qu’en cas de retour en Serbie, ils seraient personnellement victimes, en raison de leur origine rom, de discriminations ou autres mauvais traitements d’une gravité suffisante, que ce soit par leur nature ou que ce soit par leur accumulation, pour pouvoir être assimilés à des persécutions au sens de la loi du 5 mai 2006.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a rejeté la demande en reconnaissance du statut de réfugié des demandeurs.

Quant au volet de la décision litigieuse portant refus dans le chef des demandeurs d’un statut de protection subsidiaire, il échet de rappeler qu’aux termes de l’article 2 e) de la loi du 5 mai 2006, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 37 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c) « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Le tribunal constate que les demandeurs fondent leur demande d’une protection subsidiaire sur les mêmes faits que ceux exposés à la base de leur demande de reconnaissance du statut de réfugié.

Or, au vu des conclusions dégagées ci-avant au sujet de la demande en reconnaissance du statut de réfugié, dans la mesure où il a été jugé que les faits et motifs invoqués par les demandeurs manquent de fondement sinon de gravité, il y a lieu de retenir qu’il n’existe pas davantage d’éléments susceptibles d’établir, sur la base des mêmes événements ou arguments, qu’il existerait de sérieuses raisons de croire qu’ils encourraient, en cas de retour dans leur pays d’origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 précité, à savoir la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants. Par ailleurs, il ne ressort ni du dossier ni des arguments des parties que la situation qui prévaut actuellement en Serbie correspond à un contexte de violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international au sens de l’article 37 précité.

Il s’ensuit que c’est à juste titre que le ministre a refusé d’accorder aux demandeurs la protection subsidiaire au sens de l’article 2 e) de ladite loi.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a, au terme de l’analyse de la situation des demandeurs, déclaré la demande de protection internationale comme non justifiée.

Le recours en réformation est partant à rejeter comme étant non fondé.

2. Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, un recours sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être introduit lequel recours est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Les demandeurs soutiennent en premier lieu que si la décision de refus d’octroi du statut de protection internationale encourait la réformation, l’ordre de quitter devrait également être annulé.

En ordre subsidiaire, ils concluent à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire, au motif qu’il violerait de façon autonome tant l’article 129 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration que l’article 3 de la CEDH. Les demandeurs soutiennent que ce n’est pas parce qu’ils ont été déboutés de leur demande de protection internationale qu’ils ne seraient pas exposés à un risque de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Serbie. Ils font valoir que le champ d’application de l’article 3 de la CEDH serait plus large que celui de l’article 2, c) et e), de la loi du 5 mai 2006. Ils considèrent que le degré du risque de faire l’objet de mauvais traitements exigé pour obtenir la reconnaissance d’une protection internationale serait beaucoup plus élevé que celui requis pour interdire l’éloignement de l’étranger vers le pays dans lequel ce risque existe et que l’on ne saurait automatiquement conclure qu’un demandeur de protection internationale débouté ne puisse pas faire valablement état d’un risque de traitements inhumains ou dégradants dans son pays d’origine qui interdirait son éloignement vers ce pays. Les demandeurs donnent encore à considérer qu’ils auraient établi ce risque grâce à un faisceau d’indices, constitué par tous les mauvais traitements dont ils auraient été victimes et par l’absence de protection de la part des autorités contre ces mauvais traitements. Enfin, ils soutiennent que l’article 3 de la CEDH, combiné à l’article 129 de la loi précitée du 29 août 2008, poserait un principe absolu d’interdiction de refoulement vers un pays où la personne concernée risque de faire l’objet de traitements contraires à l’article 3 de la CEDH.

Aux termes de l’article 19 (1) de la loi du 5 mai 2006, une décision négative du ministre en matière de protection internationale vaut ordre de quitter le territoire.

Il résulte de cette disposition que l’ordre de quitter le territoire constitue une conséquence automatique de la décision de refus de protection internationale. Il s’ensuit que dans le cadre d’un recours en annulation dirigé contre un ordre de quitter le territoire pris par application des dispositions de la loi du 5 mai 2006, la légalité de cette décision ne peut être attaquée que pour un vice qui lui est propre, et non pas pour tenir indirectement en échec le refus de protection internationale.

Pour ce qui est des moyens d’annulation fondés notamment sur les prétendues violations des articles 129 de la loi modifiée du 29 août 2008, précitée, et 3 de la CEDH, ceux-ci sont inopérants, étant donné que le caractère automatique de l’ordre de quitter le territoire, retenu par le législateur à travers les dispositions claires et précises de l’article 19 (1) de la loi du 5 mai 2006 en cas de rejet d’une demande de protection internationale, implique que la légalité de l’ordre de quitter le territoire ne saurait être remise en cause que pour un vice qui lui est propre et qu’il ne saurait être question d’admettre que les demandeurs tiennent indirectement en échec le refus de protection internationale.1 Ainsi, sans préjudice de ce que les dispositions invoquées puissent, le cas échéant, être pertinentes en dehors de demandes de protection internationale dans d’autres procédures, toujours est-il que, dans le cadre d’une décision de refus de protection internationale, l’ordre de quitter le territoire n’en constitue que la conséquence automatique et légale.

Or, en l'espèce, les demandeurs n'ont pas soulevé de moyen relatif à la légalité intrinsèque de l'ordre de quitter le territoire, de sorte que le recours en annulation introduit à son encontre est à rejeter comme n'étant pas fondé.

Partant, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

1 Cf Cour adm. 18 janvier 2011, n° 27370C du rôle, publié sous http://www.justice.public.lu/fr/jurisprudence/juridictions-administratives reçoit en la forme le recours principal en réformation contre la décision ministérielle portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en annulation contre la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 29 juin 2011 par :

Marc Sünnen, premier juge, Claude Fellens, premier juge, Michel Turk, juge suppléant, en présence du greffier Michèle Hoffmann.

s. Michèle Hoffmann s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 30 juin 2011 Le Greffier du Tribunal administratif 14


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 27635
Date de la décision : 29/06/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2011-06-29;27635 ?

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