Tribunal administratif N° 27200 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 août 2010 3e chambre Audience publique du 15 juin 2011 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative en matière de traitement
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 27200 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 11 août 2010 par Maître Claude Pauly, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, fonctionnaire, éducatrice, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision implicite de refus résultant du silence gardé pendant plus de trois mois par le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative sur sa demande introduite le 17 février 2010 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 décembre 2010 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 13 janvier 2011 par Maître Claude Pauly au nom de la demanderesse ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 février 2011 ;
Vu les pièces versées en cause ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jessica Henriot, en remplacement de Maître Claude Pauly, et Madame le délégué du gouvernement Claudine Konsbrück en leurs plaidoiries respectives.
Madame …, fonctionnaire de l’Etat, est éducatrice au …, ci-après dénommé le « … ».
Par une lettre du 17 février 2010, le mandataire de Madame …, agissant tant au nom de celle-ci qu’en celui d’autres membres du personnel du …, s’adressa au ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative afin d’obtenir, d’une part, la confirmation que les nuits de permanence soient reconnues comme des heures de travail normales et à part entière et, d’autre part, la confirmation que ces nuits de permanence soient rémunérées de la même manière que les heures de travail régulières prestées la nuit. Le même courrier contenait également une demande de communication de son dossier sur la base de l’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes.
Ledit ministre ayant gardé le silence pendant plus de trois mois sur cette demande, hormis la demande de communication de son dossier, Madame … a fait introduire, par requête déposée le 11 août 2010 au greffe du tribunal administratif, un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision implicite de refus née du silence gardé pendant plus de trois mois par ledit ministre sur la demande introduite le 17 février 2010.
Aux termes de l’article 26 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, ci-après désignée par « le statut général », « les contestations auxquelles donneront lieu les décisions relatives à la fixation des traitements en principal et accessoires et des émoluments des fonctionnaires de l’Etat sont de la compétence du tribunal administratif statuant comme juge du fond ».
En l’espèce, il convient de relever que la demande présentée le 17 février 2010 au ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative tend non seulement à la reconnaissance du principe que les heures de permanence de nuit doivent être regardées dans leur totalité comme du temps de travail, mais tend également à obtenir la rémunération des heures de permanence de nuit comme des heures de travail de nuit.
S’il est vrai que les contestations ainsi soumises au tribunal concernent en premier lieu la reconnaissance des heures de permanence de nuit comme constituant dans leur intégralité du temps de travail au regard des dispositions du droit de l’Union européenne, il n’en demeure pas moins que cette reconnaissance est sollicitée en vue du paiement de la rémunération correspondante.
Dès lors, les contestations concernant la reconnaissance et la rémunération des heures de permanence de nuit ont également trait dans leur ensemble à la fixation des traitements en principal et accessoires du fonctionnaire de l’Etat concerné, de sorte que le tribunal est en principe compétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal. Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en tant qu’il est dirigé contre une décision implicite de refus du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative, en ce qui concerne la question de l’aménagement du temps de travail au … et plus particulièrement celle du respect des prescriptions en matière des horaires de travail et temps de repos telles que prévues aux articles 3, 4, 5 et 6 de la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, ci-après désignée « directive 93/104/CE », au motif que cette question relèverait de la compétence de la direction du … et du ministère de la Famille et de l’Intégration, et échapperait partant à celle du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative.
La demanderesse rétorque que la question de l’aménagement du temps de travail relèverait bien des attributions du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative. Pour étayer son affirmation, elle se fonde sur l’arrêté grand-ducal du 27 juillet 2009 portant constitution des Ministères, selon lequel l’administration du personnel de l’Etat et partant le calcul des rémunérations de ses agents relèveraient des attributions du ministère de la Fonction publique et de la Réforme administrative, pour en déduire que cette compétence renfermerait nécessairement également une compétence en matière de mise en œuvre des prescriptions en matière du temps de travail. Elle invoque, en ordre subsidiaire, l’article 1er du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, précité, pour soutenir que le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative n’aurait ni soulevé son incompétence pour connaître de la demande, ni n’aurait-il transmis la demande à l’autorité compétente en avisant la demanderesse, de sorte qu’il y aurait lieu d’admettre qu’il aurait implicitement reconnu sa compétence et que le recours ne serait pas irrecevable.
Il convient de relever que la demanderesse sollicite à travers le présent recours l’annulation d’une prétendue décision de refus implicite du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative au motif que les horaires de travail et les heures de repos obligatoires tels que définis aux articles 3, 4, 5 et 6 de la directive 93/104/CE ne seraient pas respectés dans son chef, dès lors qu’elle devrait prester des heures de travail qui excéderaient largement le cadre minimum imposé par le droit européen et national.
Or, une telle demande n’a pas figuré dans la demande présentée par la demanderesse au ministre de la Fonction Publique et de la Réforme administrative, suivant la lettre précitée du 17 février 2010, de sorte que le silence du ministre qui n’a pas été saisi d’une telle demande ne saurait être assimilé à l’édiction d’une décision implicite de refus de la demande.
Le recours en réformation est dès lors irrecevable en tant qu’il est dirigé contre une prétendue décision de refus implicite concernant le respect des horaires de travail et de repos pour défaut d’objet. Il s’ensuit que les développements afférents tout comme le moyen d’irrecevabilité du délégué du gouvernement et la problématique de l’autorité compétente invoqués dans ce contexte sont à écarter pour défaut de pertinence.
Le recours en réformation est à déclarer recevable pour le surplus pour avoir, par ailleurs, été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi.
Quant au fond, la demanderesse expose qu’elle serait éducatrice au … qui hébergerait les mineurs y placés aussi la nuit, de sorte que sa présence serait également requise durant la nuit. Elle explique que le service de nuit exigerait de l’éducateur assurant la surveillance de se trouver sur le lieu de travail où il disposerait des installations nécessaires pour dormir, de sorte à être immédiatement disponible en cas de besoin. Elle critique ainsi le refus du ministre de reconnaître cette présence nocturne comme un travail de nuit régulier, nonobstant le fait que les éducateurs seraient fréquemment amenés à se lever pendant la nuit pour répondre aux sollicitations des mineurs. Elle reproche également au ministre de considérer les heures de permanence de nuit comme des « nuits dormantes », rémunérées qu’à moitié, au lieu de les considérer comme du temps de travail et de les rémunérer comme tel. Elle renvoie ensuite aux tractations ayant eu lieu depuis plusieurs années entre des représentants du personnel du …, la direction du … et le gouvernement.
En droit, la demanderesse invoque les articles 2, 3, 5 et 6 de la directive 93/104/CE qui aurait été modifiée par une directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, telle qu’interprétée, selon elle, par la Cour de justice des Communautés européennes, aujourd’hui Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 3 octobre 2000, … (C-303/98), du 9 septembre 2003, … (C-
151/02), et du 1er décembre 2005, … (C-14/04). Cette jurisprudence aurait retenu que la directive 93/104/CE établirait trois critères d’après lesquels il y aurait lieu de définir le temps de travail, à savoir que l’employé se trouve sur les lieux du travail, à la disposition de l’employeur et dans l’exercice de son activité ou de ses fonctions. La CJUE distinguerait ainsi entre deux catégories de gardes, celle où le travailleur doit être physiquement présent en un lieu désigné par l’employeur et disponible à cet endroit, et celle où le travailleur n’est pas obligé d’être physiquement présent en un lieu désigné par l’employeur, mais uniquement joignable pour répondre à d’éventuels appels de l’employeur. D’après la demanderesse, il résulterait de la jurisprudence de la CJUE que pour les travailleurs de garde physiquement présents sur les lieux du travail, les heures de garde devraient être comptabilisées dans leur totalité comme des heures de travail. Par ailleurs, la CJUE aurait retenu que la directive 93/104/CE devrait être interprétée en ce sens qu’elle s’opposerait à la réglementation d’un Etat membre qui permettrait une compensation des seules périodes de garde pendant lesquelles le travailleur a effectivement accompli une activité professionnelle.
La demanderesse soutient encore que la jurisprudence de la CJUE serait applicable en l’espèce, en faisant valoir qu’elle se trouverait à la disposition de son employeur pendant les tournées dormantes, ceci dans l’exercice de son activité, et qu’elle se trouverait physiquement présente sur les lieux désignés par l’employeur, de sorte qu’il y aurait lieu de qualifier les heures de nuit dormantes comme du temps de travail au sens de la directive 93/104/CE.
Elle soutient ensuite que les heures de travail prestées pendant les tournées dormantes devraient être rémunérées de la même manière que les heures de travail de nuit normalement prestées. Si elle admet que les directives ne traitent pas expressément de la question de la rémunération, elle estime cependant, au vu de la jurisprudence de la CJUE selon laquelle il y aurait lieu de comptabiliser les heures de garde comme du temps de travail, qu’il y aurait lieu de les rémunérer de la même manière. Dans ce contexte, elle fait encore valoir que le règlement grand-ducal du 27 juillet 1992 portant fixation des conditions et modalités d’attribution d’une prime d’astreinte aux fonctionnaires de l’Etat, ci-après désigné par le « règlement grand-ducal du 27 juillet 1992 », serait contraire aux directives ainsi qu’à la jurisprudence de la CJUE prémentionnées en ce qu’il traiterait expressément de la rémunération d’« une période de simple disponibilité » « sans activité professionnelle », alors que la CJUE, dans les arrêts … et …, précités, aurait justement écarté ces notions. En l’absence de disposition nationale conforme au droit de l’Union européenne qui permettrait d’opérer une distinction entre les heures de travail nocturnes normales et les heures dormantes, il y aurait lieu de les rémunérer de la même façon, à savoir de rémunérer les heures de garde de nuit comme du temps de travail.
La demanderesse soutient en outre que la décision du gouvernement de vouloir payer une rémunération inférieure pour les tournées de nuit ne serait non seulement illégale, mais également discriminatoire au sens de l’article 10bis de la Constitution.
En ordre subsidiaire, la demanderesse formule encore au dispositif de sa requête introductive trois questions préjudicielles à soumettre à la CJUE et portant sur l’interprétation des dispositions du Traité CE et des directives précitées.
Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement soutient que les deux directives invoquées par la demanderesse, à savoir la directive 93/104/CE et la directive modificative 2003/88/CE, auraient trait à la sécurité et à la santé des travailleurs, réglant notamment leur temps de travail et leur temps de repos, mais ne réglementeraient pas leur rémunération. Quant à la jurisprudence de la CJUE selon laquelle il y aurait lieu de comptabiliser le temps de garde comme des heures de travail, le délégué du gouvernement fait valoir que le terme « comptabiliser » ne signifierait pas « rémunérer », mais que cela signifierait de prendre en compte le temps de garde dans le calcul des heures de travail pour notamment calculer le temps de repos. Il affirme que les arrêts de la CJUE auxquels la demanderesse se référerait ne traiteraient pas de la rémunération des nuits de permanence et ne seraient dès lors pas pertinents en l’espèce. Il en déduit qu’il n’existerait aucun lien direct au niveau communautaire entre, d’une part, le temps de travail et le temps de repos et, d’autre part, la rémunération des travailleurs. Il s’ensuivrait que le système de rémunération tel qu’actuellement en vigueur ne pourrait pas être en contradiction directe avec les directives invoquées par la demanderesse. Le délégué du gouvernement fait encore référence à l’avis du ministre du Travail et de l’Emploi du 27 juillet 2007 aux termes duquel la rémunération du temps de travail serait « un élément à négocier entre partenaires sociaux soit par voie de convention collective, soit par voie de règlement grand-ducal, les chambres professionnelles entendues en leur avis ». Il conclut que les développements de la demanderesse seraient à rejeter pour défaut de pertinence, tout comme la demande de soumettre des questions préjudicielles à la CJUE.
Dans son mémoire en réplique, la demanderesse conteste l’interprétation donnée par le délégué du gouvernement de la jurisprudence de la CJUE en ce qui concerne la rémunération des heures de travail de nuit. Elle fait valoir, d’une part, que cette interprétation serait en contradiction avec la teneur des arrêts susmentionnés et, d’autre part, que le fait que la comptabilisation du nombre d’heures de travail ait une conséquence directe sur leur rémunération ne serait nullement remis en cause au niveau européen, ainsi qu’en témoignerait une Communication de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions en date du 24 mars 2010.
Quant au règlement grand-ducal du 27 juillet 1992 invoqué par le délégué du gouvernement, la demanderesse soutient que ce règlement ne traiterait pas de la rémunération des fonctionnaires de l’Etat, mais des primes d’astreinte. En outre, ce règlement, pour ce qui est des seules primes d’astreinte, violerait le droit de l’Union européenne en ce que son article 3 évoquerait « les périodes de simple disponibilité ou de présence physique sur le lieu de travail sans activité professionnelle », au motif que les directives et la jurisprudence précitées ne permettraient nullement de faire la distinction entre le temps de travail et le temps de garde.
En ordre subsidiaire, la demanderesse renvoie aux questions préjudicielles à la CJUE qu’elle a proposées.
En ordre plus subsidiaire, pour le cas où le terme « comptabiliser » ne signifierait pas « rémunérer », la demanderesse estime qu’il se poserait alors la question de la base légale sur laquelle l’administration s’est fondée pour rémunérer les heures de garde à un taux inférieur.
A défaut de négociation sur ce point et en l’absence de règlement grand-ducal en la matière, la demanderesse soutient qu’il n’existerait en droit luxembourgeois qu’un seul taux de rémunération applicable, à savoir le taux standard pour une heure de travail normale.
Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement conteste l’affirmation de la demanderesse selon laquelle il n’existerait pas de règlement grand-ducal en la matière, et soutient que l’article 3 du règlement grand-ducal du 27 juillet 1992 trouverait application en l’espèce. Il insiste encore sur le fait que comme les arrêts de la CJUE rendus dans les affaires …, … et … ne traiteraient pas de la question de la rémunération des nuits de permanence, il n’existerait aucun lien direct au niveau communautaire entre le temps de travail et le temps de repos, d’une part, et la rémunération des travailleurs, d’autre part. En conséquence, le règlement grand-ducal du 27 juillet 1992 ne pourrait pas être considéré comme étant en contradiction avec les directives 93/104/CE et 2003/88/CE.
La demanderesse soutient en substance que les heures de garde de nuit prestées devraient être rémunérées de la même façon que les heures de travail de nuit effectif. Pour étayer sa thèse, elle se fonde sur l’article 2 de la directive 93/104/CE, tel qu’interprété par la CJUE.
Il convient tout d’abord de relever que la directive 93/104/CE, modifiée par la directive 2000/34/CE du 22 juin 2000 du Parlement européen et du Conseil, a été abrogée et remplacée, à partir du 2 août 2004, par la directive 2003/88/CE. Il ressort des termes du premier considérant de la directive 2003/88/CE que cette dernière vise, dans un souci de clarté, à codifier les dispositions de la directive 93/104/CE modifiée. Ainsi, le contenu et la numérotation, notamment des articles 2, 3, 4, 5 et 6, sont repris à l’identique dans la directive 2003/88/CE.
L’article 2 de la directive 2003/88/CE dispose que : « Aux fins de la présente directive, on entend par : 1) « temps de travail » : toute période durant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition de l'employeur et dans l'exercice de son activité ou de ses fonctions, conformément aux législations et/ou pratiques nationales » (…).
S’il est vrai que d’après cette disposition, les heures de garde de nuit effectuées par un travailleur sur son lieu de travail doivent être considérées dans leur totalité comme du temps de travail, indépendamment des prestations de travail réellement effectuées par l’intéressé durant ces gardes, cette disposition ne trouve cependant pas à s’appliquer à la rémunération des travailleurs.
En effet, il résulte de la jurisprudence de la CJUE, et notamment de son arrêt … du 1er décembre 2005, précité, que la directive 2003/88/CE a pour objet de fixer des prescriptions minimales destinées à améliorer les conditions de vie et de travail des travailleurs par un rapprochement des règlementations nationales concernant notamment la durée du temps de travail, mais ne saurait s’appliquer aux modalités de détermination des rémunérations des travailleurs qui sont étrangères à son objet. Il se dégage ainsi tant des finalités de la directive 2003/88/CE, prise aux seules fins de déterminer des prescriptions minimales en vue d'une meilleure protection de la sécurité et de la santé des travailleurs, que des termes de son article 2, que les notions de temps de travail qu'elle définit n'ont pas d'incidence en matière de rémunération.
Les dispositions de cette directive ne font partant pas obstacle à la rémunération des heures de garde de nuit à un taux inférieur à celui pratiqué pour les heures de travail de nuit effectif. En effet, la circonstance que le temps de garde soit intégralement considéré comme du temps de travail effectif au sens des dispositions de la directive 2003/88/CE n’exclut pas qu’il fasse néanmoins l’objet d’un mode de rémunération qui tienne compte de l’existence des périodes d’inaction.
Il s’ensuit que la demanderesse ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de la directive 2003/88/CE à l’appui de sa demande de voir rémunérer les heures de permanence de nuit de la même manière que les heures de travail de nuit.
Cette conclusion n’est pas énervée par la Communication de la Commission du 24 mars 2010 sur la révision de la directive sur le temps du travail, invoquée par la demanderesse. En effet, contrairement à ce qu’allègue la demanderesse, cette communication n’aborde pas la question de la rémunération des heures de garde, mais elle ne fait qu’examiner le temps de garde sous l’angle de la durée du temps de travail au regard des prescriptions minimales en matière de temps de travail et de temps de repos.
Il suit de ce qui précède que le moyen soulevé par la demanderesse et tiré de ce que l’Etat ne l’aurait pas rémunérée selon des modalités compatibles avec les objectifs de la directive 2003/88/CE est à rejeter comme non fondé.
Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-avant, il y a lieu de rejeter le moyen de la demanderesse tiré de l’incompatibilité du règlement grand-ducal du 27 juillet 1992, et notamment de son article 3 qui prévoit le paiement d’une prime d’astreinte en cas de travail de nuit, avec la directive 2003/88/CE, dès lors que celle-ci ne s’applique pas à la rémunération des travailleurs.
Dans la mesure où la directive 2003/88/CE ne saurait s’appliquer en matière de rémunération des travailleurs, il n’est pas non plus besoin de faire droit à la demande tendant au renvoi préjudiciel devant la CJUE.
Quant au moyen de la demanderesse tiré de ce que la décision du gouvernement de vouloir payer une rémunération moindre pour les tournées de nuit serait discriminatoire au sens de l’article 10bis de la Constitution, la demanderesse n’indique pas en quoi la décision de refus litigieuse violerait l’article 10bis de la Constitution, de sorte que ce moyen n’est pas assorti de précision suffisante pour permettre au tribunal d’en apprécier le bien-fondé.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en réformation est à rejeter comme n’étant pas fondé.
Au vu de l’issue du litige, la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 3.000 euros, formulée par la demanderesse sur la base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, est à rejeter.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
déclare irrecevable le recours en réformation en tant qu’il est dirigé contre une prétendue décision de refus implicite portant sur le non respect des prescriptions minimales en matière de temps de repos et temps de travail ;
le déclare recevable pour le surplus ;
au fond, le dit non fondé, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par la demanderesse ;
condamne la demanderesse aux frais.
Ainsi jugé par :
Martine Gillardin, vice-président, Annick Braun, juge, Andrée Gindt, juge, et lu à l’audience publique du 15 juin 2011 par le vice-président, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Martine Gillardin Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 17.06.2011 Le Greffier du Tribunal administratif 8