Tribunal administratif N° 27684 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 janvier 2011 2e chambre Audience publique du 26 mai 2011 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 19, L.5.5.2006)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 27684 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 janvier 2011 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Serbie), de nationalité serbe, demeurant actuellement à …, tendant, d’une part, à la réformation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 14 décembre 2010, erronément qualifiée dans la requête introductive d’instance comme étant datée du 10 décembre 2010, rejetant sa demande en obtention d’une protection internationale comme n’étant pas fondée et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 mars 2011 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Bouchra Fahime-Ayadi, en remplacement de Maître Nicky Stoffel, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul Reiter en leurs plaidoiries respectives.
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En date du 8 novembre 2010, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée « la loi du 5 mai 2006 ».
En date du 29 novembre 2010, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, sur les motifs à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 14 décembre 2010, notifiée en mains propres le 23 décembre 2010, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ci-après dénommé le « ministre », informa Monsieur … de ce que sa demande avait été rejetée comme non fondée. Cette décision est libellée comme suit :
« J'ai l'honneur de me référer à vos demandes en obtention d'une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentées auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères en date du 8 novembre 2010.
En application de la loi précitée, votre demande de protection internationale a été évaluée par rapport aux conditions d'obtention du statut de réfugié et de celles d'obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.
En mains le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères du 29 novembre 2010.
Monsieur, il résulte de vos déclarations que vous auriez habité à …, ensemble avec votre père, votre frère et votre épouse. Vous explique (sic) que vous auriez vécu pendant un mois et demi en Allemagne où, en attente du dépôt de votre demande de protection internationale, vous auriez habité auprès d'une tante qui, après une dispute vous aurait mis devant(sic) la porte. Vous auriez ensuite pris la décision de partir au Luxembourg, pays où tout serait mieux organisé et où les gens seraient chaleureux. De nationalité serbe, vous appartiendrez à la communauté des Roms. Vous précisez que vous vous seriez marié de manière traditionnelle le 28 septembre 2007 et que votre femme (…, …) serait enceinte. Vous ajoutez que votre frère (…, …) se trouverait aussi sur le territoire grand-ducal. Lors du dépôt de votre demande de protection internationale, vous avez remis un passeport serbe.
Quant à votre parcours scolaire, vous précisez que vous auriez accompli quatre années d'études de l'enseignement primaire. Votre activité professionnelle principale aurait consisté à creuser des fossés pour les câbles téléphoniques.
Vous n'auriez pas accompli le service militaire. En effet, les militaires auraient décidé qu'un des deux frères devrait rester à la maison après le décès de votre mère afin de s'occuper de votre père.
Suite à un contact établi dans votre quartier, vous auriez dû payer ….- euros par personne pour le voyage en Allemagne. Après avoir été mis à la porte par votre tante, vous auriez passé deux nuits sur la rue. Un passant parlant la langue serbe vous aurait ensuite conduit jusqu'au Luxembourg. Cette personne vous aurait expliqué que la procédure d'asile serait plus simple au Grand-Duché qu'en Allemagne. Par hasard, vous auriez rencontré votre frère … au foyer ….
Quant aux motifs qui sous-tendent votre demande de protection internationale, vous expliquez que vous souhaiteriez avoir la paix au Luxembourg après les maltraitances subies en Serbie. Des Roms habitant votre quartier auraient fondé une association et ils auraient souhaité que leur drapeau et leur hymne soient adoptés. Après que leur demande ait été rejetée, les serbes habitant autour des maisons roms auraient commencé à maltraiter leurs habitants. Ainsi, votre frère aurait été agressé à deux reprises de sorte qu'il aurait gardé une cicatrice. Il y a quatre ou cinq mois, vous auriez été agressé sur le chemin de retour. De plus, des personnes jetteraient des pierres sur les maisons et elles casseraient des fenêtres.
De peur d'être à nouveau victime d'une attaque, vous n'auriez jamais appelé la police.
Comme votre femme serait confuse à cause du stress subi en Serbie et qu'elle n'arriverait pas à tomber enceinte, elle aurait fait, lors de son entretien, fait (sic) des déclarations qui 2 I diffèrent des vôtres. Ainsi, elle a par exemple relaté que vous auriez été agressé physiquement à deux reprises. De plus, elle a déclaré que vous auriez appelé la police suite à une des ces agressions. Vous affirmez à nouveau vos propres propos et vous ajoutez que votre femme aurait appelé la police. Vous expliquez cette imprécision dans vos déclarations respectives par l'état de confusion dans lequel vous vous trouveriez après avoir subi tous ces mauvais traitements. Vous confirmez cependant que la police serait une fois venue sur les lieux, mais elle n'aurait rien entrepris. Les autorités ne feraient rien pour empêcher de tels incidents. En cas de retour dans votre pays d'origine, vous risqueriez de ne plus résister au stress subi.
A côté des maltraitances, vous invoquez les difficultés pour un Rom d'accéder à des emplois plus valorisants.
Quant aux auteurs de ces actes, vous expliquez qu'il s'agirait toujours de personnes différentes. La situation pour les Roms serait la même dans toute la Serbie et une fuite interne s'avérerait de ce fait impossible. En outre, vous invoquez le manque de moyens financiers qui vous empêcheraient de « construire quelque chose ».
Monsieur, vous admettez de ne pas être membre d'un parti politique ni d'un groupe social défendant les intérêts des personnes.
La reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.
Force est de constater que les faits que vous alléguez ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécuté dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.
Quant aux faits invoqués, il convient de remarquer qu'ils ne sont pas d'une gravité telle pour fonder à eux seuls une demande en obtention d'une protection internationale.
Monsieur, même si vous qualifiez les actes dirigés contre vous comme étant des «maltraitances », il convient de remarquer que ce qualificatif ne peut être appliqué aux insultes ou aux menaces verbales dont vous faites mention.
A cela s'ajoute que des personnes privées ne sauraient être considérées comme agents de persécution au sens de la Convention de Genève et de la loi modifiée du 5 mai 2006. En outre, en application de l'article 28 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection au cas de l'espèce, il ne ressort pas du rapport d'audition que l'Etat ou d'autres organisations étatiques présentes sur le territoire de votre pays ne peuvent ou ne veulent pas vous accorder une protection. Il y a lieu de rappeler dans ce contexte que la notion de protection de la part du pays d'origine n'implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission d'actes de violences, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d'une efficacité suffisante pour maintenir un certain degré de dissuasion. Une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d'un acte criminel, mais seulement dans l'hypothèse où les agressions commises par un groupe de population seraient encouragées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d'offrir une protection appropriée.
Depuis la chute du régime …, la situation des minorités s'est fortement améliorée en Serbie. Ainsi, parallèlement à l'adoption de la loi sur la protection des minorités nationales en 2002, les Roms ont été reconnus en tant que groupe ethnique. Aussi, la nouvelle constitution serbe de novembre 2006, interdit toute forme de discrimination directe et directe de membres de communautés ethniques et autres ou de minorités. Les actes de discrimination contre les minorités sont donc considérés comme étant illégaux. A côté des dispositions constitutionnelles, des lois interdisent explicitement la discrimination de minorités ethniques.
En mars 2009, une loi anti-discrimination a été promulguée et un commissaire à l'égalité des chances a été mis en place début 2010. On peut donc en conclure que la Serbie est un Etat multiethnique dont la politique intérieure est stable et qui proscrit les discriminations. Selon les documents consultés, toutes les minorités nationales jouissent aujourd'hui en Serbie des mêmes droits que les citoyens serbes. Ainsi, par exemple vous auriez pu obtenir un passeport de la part des autorités serbes.
En ce qui concerne plus généralement la situation des Roms en Serbie, il résulte de nos recherches que, s'il est vrai qu'il existe encore dans l'esprit des populations des clichés négatifs vis-à-vis des Roms, les difficultés ou discriminations dont ils pourraient faire l'objet ne sont pas d'une intensité telle qu'elles constituent des persécutions au sens de la Convention de Genève. A cet effet, il convient de citer les conclusions d'un rapport autrichien : „Serbien hat seit dem Jahre 2000, also nach dem Sturz …'s stufenweise ein normatives und institutionnelles Rahmenwerk zur Verbesserung der sozio-ökonomischen Situation der Roma in Serbien errichtet. Die gesetzlichen Rahmenbedingungen, die Serbien zur Frage der Roma Integration eingeführt hat, sind eine umfassende Mischung nationaler und internationaler Gesetze, wobei zahlreiche internationale und regionale Menschenrechtsabkommen ratifiziert und in nationales Recht übernommen wurden d.h, man kann den serbischen Behörden, der serbischen Regierung keinesfalls den Willen absprechen, sich um die Anliegen der Roma und deren vordringlichsten Probleme zu kümmem". A cet effet, il est aussi intéressant de citer les conclusions de l'Operational Guidance Note Serbia de la UK Border Agency qui ne nie certes pas les discriminations sociales vécues par les Roms, mais: «However, in general this discrimination does not amount to persecution and the authorities are willing to offer sufficiency of protection although the effectiveness of this protection may be limited by the actions of individual police officers/government officials… Therefore the majority of claims from this category are unlikely to qualify for a grant of asylum or Humanitarian Protection and are likely to be clearly unfounded. En matière de l'accès aux soins de santé, le rapport autrichien fournit les informations suivantes : « Angehörige der Volksgruppe der Roma geniessen im Rahmen des staatlichen Gesundheitssystem die gleichen Rechte wie die serbische Mehrheitsbevölkerung… Ensuite, ce rapport continue en les termes suivants:
„Überhaupt kann dabei gesagt werden, dass gerade auf dem Gebiet des Gesundheitssektors betreffend dem Zugang zur Gesundheitsversorgung für die Roma, seitens der serbischen Regierung zahlreiche Projekte in Kooperation mit Roma-NGO's angestossen wurden. Laut Gesundheitsministerium wurden u. a. auch 15 sog. Roma Gesundheitsmediatoren ernannt, die als eine Art Schnittstelle zwischen dem Ministerium und den Roma fungieren, wobei sich das Engagement direkt auf lokaler Ebene abspielen soll.
En ce qui concerne le marché du travail, il est vrai que le taux de chômage est particulièrement élevé parmi les Roms de Serbie. Les raisons en sont les suivantes :
„Ursächlich für den schwierigen Zugang von Roma zum Arbeitsmarkt sind nicht nur die weit verbreiteten gesellschaftlichen Vorurteile, sondern vor allem das niedrige Bildungs –und Qualifikationsniveau".
„So haben etwa 62% der Roma-Bevölkerung keinen Volksschulabschluss, nur ca. 10% besuchen eine weiterführende Schule. .. Roma gehen zu einem grossen Teil Schwarzarbeit nach oder arbeiten vorwiegend als ungelernte Arbeiter in Fabriken, als Wertstoffsammler (Gas, Altpapier), Strassenreiniger oder üben ähnlich gering qualifizierte Arbeiten aus. Nur etwa 20% gehen einer Arbeit nach, wobei sich allerdings viele der Beschäftigten als Hilfsarbeiter verdingen bzw. Schwarzarbeit verrichten und deshalb auch kaum Anspruch auf soziale Leistungen wie etwa Pensionsansprüche erwerben können.
Nur 12% der Roma-Bevölkerung in Serbien sollen über ein regelmäβiges Einkommen verfügen".
Finalement, la Suisse, la France et l'Autriche considèrent à présent la Serbie comme un pays d'origine sûr.
Par tout ce qui précède force est donc de conclure que vos motifs traduisent donc plutôt un sentiment général d'insécurité qu'une crainte de persécution. Or, un sentiment général d'insécurité ne constitue pas une crainte fondée de persécution.
Ainsi, vous n'alléguez aucun fait susceptible de fonder raisonnablement une crainte de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.
Finalement, il y a lieu de souligner dans votre cas que des raisons médicales ne sauraient davantage justifier une demande de protection internationale.
En outre, votre récit ne contient pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, les faits invoqués à l'appui de votre demande ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
Etant donné que les faits invoqués à la base de votre demande de protection internationale ne sauraient être actuellement admises comme justifiant à suffisance une crainte de persécution ; dès lors, et a fortiori, l'absence matérielle de crainte actuelle fondée s'impose également en ce qui concerne la demande tendant à obtenir la protection subsidiaire.
En effet, vous ne faites pas état d'un jugement ou d'un risque de jugement vous condamnant à la peine de mort. Vous ne faites également pas état de risque réel de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants ou de risques réels émanant d'une violence aveugle résultant d'un conflit armé interne ou international. En s'appuyant sur tous les rapports et jurisprudence cités la situation actuelle en Serbie ne saurait être considérée comme conflit armé interne ou international.
Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 19§1 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.
La présente décision vaut ordre de quitter le territoire. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 19 janvier 2011, Monsieur … a fait introduire un recours tendant, d’une part, à la réformation de la décision ministérielle précitée du 14 décembre 2010 portant refus de sa demande en obtention d’une protection internationale et, d’autre part, un recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire, inscrit dans le même document.
1. Quant au recours tendant à la réformation de la décision portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées, un recours en réformation a valablement pu être dirigé contre la décision ministérielle déférée.
Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.
A l’appui de son recours, le demandeur explique être de nationalité serbe et appartenir à la communauté des Rom, en précisant qu’il aurait dû quitter son pays d’origine, ensemble son épouse, en raison des discriminations auxquelles les membres de la communauté rom seraient exposés en Serbie.
Le demandeur soutient que ses droits les plus élémentaires auraient été régulièrement bafoués dans son pays d’origine, aussi bien par des particuliers que par l’Etat serbe. Lui-
même ainsi que son épouse auraient ainsi subi des persécutions morales et physiques qui les auraient poussés à quitter leur pays d’origine.
Il soutient encore plus précisément que des ressortissants serbes auraient régulièrement jeté des cailloux sur les maisons des Rom dans le quartier où il aurait vécu. Il ajoute que lui-même ainsi que son frère auraient été agressés à plusieurs reprises, qu’il aurait été dans l’impossibilité de trouver un emploi et qu’il aurait vécu, d’une manière générale, dans un climat d’insécurité permanente, en soutenant que l’ensemble de ces faits présenterait un caractère de gravité suffisante pour le faire bénéficier d’un statut de protection internationale.
Quant à la situation générale des Rom, il fait ensuite état du flux de Rom de Serbie ayant déposé une demande de protection internationale en Suède et il invoque également la circonstance que des Rom auraient récemment dû quitter leurs logements dans les villes de …, sa ville d’origine, et de ….
Le demandeur se prévaut encore d’un rapport d’Amnesty International de 2010 sur la Serbie pour en tirer la conclusion que la situation des minorités ethniques en Serbie, et plus particulièrement celle des Rom, serait toujours préoccupante et que la discrimination des Rom persisterait notamment en ce qui concerne l’accès à l’éducation, à la santé, à l’emploi et à des logements convenables.
Le délégué du gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et conclut au rejet du recours.
Aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 c) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».
Une crainte de persécution au sens de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006 doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur de protection internationale risque de subir des persécutions.
Aux termes de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006 : « Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1 A de la Convention de Genève doivent : a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, (…) ».
L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène toutefois le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle fondée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social ainsi que le prévoit l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006.
En ce qui concerne la situation générale de la communauté rom en Serbie, s’il n’est pas contesté que les membres de cette communauté sont en proie à des discriminations et des conditions de vie précaires, il ressort toutefois des explications du délégué du gouvernement ainsi que des sources internationales citées par celui-ci que la situation des Rom a changé ces dernières années. Les autorités serbes ont entrepris des efforts pour améliorer le sort et les conditions de vie de la population rom. Ainsi, il ressort d’un rapport intitulé « Operational Guidance Note Serbia » de la UK Border Agency de septembre 2008, cité par le délégué du gouvernement, que les discriminations envers les Rom n’atteignent en général pas le niveau de persécution et que les autorités sont disposées à offrir une protection suffisante même si l’efficience de la protection peut être limitée par les actes individuels de certains policiers. De même, il ressort d’un rapport du Bundesamt allemand für Migration und Flüchtlinge de juin 2010 que les Rom, à condition d’être déclarés et de disposer de papiers d’identité, ont droit à la couverture sociale et qu’ils ont accès aux soins de santé, à des indemnités de chômage et de pension et à l’éducation.
Ces constats ne sont pas énervés par les informations dont fait état le demandeur, sur base du rapport d’Amnesty International de 2010 sur la Serbie duquel se prévaut le demandeur et qui concerne essentiellement l’expulsion de certains Rom de leurs camps illégaux et la destinée d’un individu déterminé. Dès lors, les éléments d’appréciation soumis au tribunal ne lui permettent pas de considérer que la situation des Rom en Serbie soit telle que tout membre de cette communauté risque des persécutions au sens de la loi du 5 mai 2006 du seul fait de son origine ethnique, et ne permet ainsi pas d’invalider la conclusion du ministre quant à la situation générale des Rom en Serbie.
Il convient partant d’examiner si, en l’espèce, compte tenu de la situation particulière du demandeur, les événements dont il fait état sont susceptibles de justifier dans son chef une crainte fondée de persécution au sens de la loi du 5 mai 2006 dans son pays d’origine.
Le demandeur fait état de l’impossibilité de trouver un emploi. Or, c’est à bon droit que le représentant étatique a souligné que des problèmes économiques ne peuvent pas être considérés comme un motif de persécution au sens de la Convention de Genève.
En ce qui concerne les agressions physiques dont il aurait fait l’objet, les jets de cailloux sur les maisons des Rom situées dans son quartier, ainsi que l’impossibilité pour lui de trouver un emploi en raison de son origine ethnique, il échet de relever que si ces incidents peuvent être considérés comme étant motivés par des considérations ethniques, le demandeur reste toutefois en défaut de fournir des précisions qui permettraient de conclure que ces incidents aient atteint un niveau de persécution, étant donné que ces événements, à eux seuls, n’établissent pas un caractère de gravité suffisante pour pouvoir être considérés comme des persécutions au sens de la Convention de Genève.
Concernant les insultes et les discriminations dont le demandeur fait état d’une manière générale, le tribunal est amené à relever qu’il n’a pas apporté des éléments qui permettent de retenir que ces événements, pris tant isolément que de manière cumulée, aient atteint le niveau de persécutions au sens de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006 lui rendant la vie intolérable en Serbie.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a rejeté la demande en reconnaissance du statut de réfugié du demandeur.
Quant au volet de la décision litigieuse portant refus d’accorder le bénéfice du statut conféré par la protection subsidiaire, tel que prévu par les dispositions de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006, force est de constater que le demandeur n’a pas attaqué spécifiquement ce volet de la décision et qu’il n’a d’ailleurs pas invoqué de moyens spécifiques à son encontre, de sorte que le tribunal n’a pas à prendre position par rapport à ce volet de la décision.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.
2. Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire contenu dans une décision statuant sur une demande de protection internationale, le recours en annulation introduit contre pareil ordre contenu dans la décision déférée du 14 décembre 2010 est recevable pour avoir été, par ailleurs, introduit dans les formes et délai de la loi.
Le demandeur se limite à solliciter l’annulation de l’ordre de quitter le territoire sans formuler le moindre moyen à l’appui de sa demande. Il s’ensuit que dans ces circonstances, le tribunal n’est pas amené à examiner la légalité de ce volet du recours, qui est partant à rejeter comme n’étant pas fondé, étant entendu qu’aux termes de l’article 19 (1) de la loi du 5 mai 2006, une décision négative du ministre en matière de protection internationale vaut ordre de quitter le territoire.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 14 décembre 2010 portant rejet d’un statut de protection internationale ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 14 décembre 2010 portant ordre de quitter le territoire ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Françoise Eberhard, premier juge, Anne Gosset, juge, et lu à l’audience publique du 26 mai 2011 par le premier vice-président, en présence du greffier assumé Sabrina Knebler.
s. Sabrina Knebler s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 26 mai 2011 Le Greffier assumé du Tribunal administratif 9