Tribunal administratif Numéro 27918 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 février 2011 3e chambre Audience publique du 11 mai 2011 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 27918 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 février 2011 par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Kosovo), de nationalité kosovare, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 7 janvier 2011 portant refus de sa demande de protection internationale, et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 mars 2011 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Ardavan Fatholahzadeh, et Madame le délégué du gouvernement Claudine Konsbrück en leurs plaidoiries respectives.
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En date du 15 juillet 2010, Monsieur … introduisit une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée « loi du 5 mai 2006 ».
Monsieur … fut entendu le 17 septembre 2010 par un agent du ministère des Affaires étrangères, Direction de l’Immigration, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 7 janvier 2011, notifiée par lettre recommandée remise à la poste le 18 janvier 2011, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ci-après dénommé « le ministre », rejeta la demande de protection internationale de Monsieur … comme non fondée.
Cette décision est libellée comme suit :
« J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentée auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères en date du 15 juillet 2010.
En application de la loi précitée, votre demande de protection internationale a été évaluée par rapport aux conditions d'obtention du statut de réfugié et du statut conféré par la protection subsidiaire.
En mains le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères du 17 septembre 2010.
Il résulte de vos déclarations que vous seriez de nationalité kosovare et de religion musulmane. A côté de l'albanais, votre langue maternelle, vous maîtrisez la langue serbe et le bosnien. Depuis l'année 2008, vous auriez habité avec vos parents auprès de vos oncles maternels à Skenderaj. Auparavant, vous auriez habité dans un appartement situé dans la partie Nord de Mitrovica.
Quant à votre voyage vers le Luxembourg, vous expliquez que vous auriez quitté le Kosovo en voiture en date du 9 juillet 2010. Vous auriez dû payer 3.000.- euros aux passeurs.
Grâce à votre travail, vous auriez pu épargner une grosse partie de cette somme ; le solde aurait été pris en charge par votre oncle.
En ce qui concerne votre parcours scolaire, vous précisez que vous auriez accompli une formation en électrotechnique. Depuis que vous auriez trouvé refuge avec vos parents auprès de vos oncles, vous auriez travaillé dans le commerce de pièces de rechange pour voitures tenu par un de vos oncles.
Comme des membres de votre famille séjourneraient au Grand-Duché, vous auriez choisi le Luxembourg afin de déposer votre demande de protection internationale.
En 2000, vous auriez dû quitter votre appartement qui se trouverait du côté Nord de Mitrovica. A cette époque, seulement deux personnes d'origine albanaise auraient encore habité dans ce quartier. Vous auriez subi des agressions de la part d'individus serbes. Vous croyez que ces personnes auraient eu l'intention de vous tuer. Ainsi, votre voisin aurait déjà été victime d'un attentat à la bombe. Après que vous auriez déménagé du côté Sud de la Ville de Mitrovica, vous et votre famille auriez fait l'objet de menaces téléphoniques. Les auteurs inconnus de ces appels vous auraient qualifiés d'espions et de collaborateurs et auraient même proféré des menaces de mort. Vous expliquez ces agissements par le fait que votre père aurait été officier de l'ex-armée yougoslave. Depuis une quinzaine d'années, votre père ne serait plus dans le service actif militaire et ce pour cause d'invalidité. Ces menaces auraient perduré jusqu'en 2008, année lors de laquelle vous auriez déménagé vers la ville de Skenderaj.
Néanmoins, les menaces auraient repris après ce déménagement ; cette fois-ci, vous auriez été la cible privilégiée. En juin 2009, vous auriez été agressé violemment par deux hommes inconnus dans le magasin de votre oncle situé à une certaine distance de la maison où vous auriez pris refuge. Les blessures encourues vous auraient contraint à arrêter votre travail pendant un certain laps de temps. Vous avez remis un certificat médical de la Stomatological Clinic de Skenderaj. Les malfaiteurs auraient expliqué que vous auriez collaboré avec les Serbes.
Comme vous auriez redouté le pire, vous n'auriez pas osé porter plainte auprès des autorités policières kosovares. Au début de l'année 2010, vous auriez de nouveau vu ces deux personnes devant le magasin. Les menaces téléphoniques se seraient poursuivies jusque votre départ.
Vous n'avez pas invoqué d'autres raisons pour lesquelles vous avez quitté le Kosovo.
Enfin, vous admettez de ne pas être membre d'un parti politique ni d'un groupe social défendant les intérêts de personnes.
Il y a d'abord de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.
Or, les faits que vous alléguez ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécuté dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.
Tout d'abord, il convient de constater les contradictions entre les motifs de votre demande de protection internationale invoqués lors du dépôt de celle-ci au moyen d'un formulaire et les motifs fournis lors de l'entretien du 17 septembre 2010. Ces contradictions étaient d'ailleurs soulevées par l'agent ministériel en charge de l'entretien (pp. 13-18 du rapport d'entretien). En effet, lors du dépôt de votre demande, vous avez mentionné au moyen d'un formulaire que des motifs purement économiques vous auraient incité à quitter votre pays d'origine. Or, de telles raisons ne sauraient justifier une demande d'asile politique.
Force aussi est de constater qu'à défaut de pièces, un demandeur de protection internationale doit au moins pouvoir présenter un récit crédible et cohérent. Or, il convient de relever la confusion de votre récit en ce sens que vous n'expliquez pas suffisamment vos problèmes, vous ne faites qu'état de plusieurs faits sans apporter des éléments pouvant rendre votre histoire compréhensible et probante. Ainsi, vous n'avez pas apporté des clarifications quant aux raisons qui auraient poussé les personnes d'origine inconnue à vous considérer comme la cible privilégiée. De même, vous ne fournissez pas de plus amples informations sur les accusations portées à l'encontre de votre père. D'ailleurs, selon vos dires, ce dernier n'aurait jamais été visé personnellement (p. 10/21 du rapport d'entretien).
En outre, les menaces dont vous faites état ne sont pas d'une gravité telle pour fonder à elles seules une demande en obtention d'une protection internationale. Il ressort clairement du dossier que vous éprouvez un sentiment d'insécurité générale plutôt qu'une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève.
De plus, il faut soulever que les quelques faits dont vous faites mention constituent des délits de droit commun commis par des personnes privées du ressort des autorités de votre pays et punissable en vertu de la législation kosovare. A cela s'ajoute que des personnes privées non autrement identifiées ne sauraient être considérées comme agents de persécution au sens de la Convention de Genève et de la loi modifiée du 5 mai 2006. De plus, en application de l'article 28 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection au cas de l'espèce, il n'est pas établi que l'Etat ou d'autres organisations étatiques présentes sur le territoire de votre pays ne peuvent ou ne veulent pas vous accorder une protection. Or, en l'espèce, vous restez en défaut de démontrer concrètement que les autorités chargées du maintien de la sécurité et de l'ordre publics au Kosovo ont refusé ou ont été incapables de vous assurer un niveau de protection insuffisant, étant donné que vous n'avez pas cherché effectivement à obtenir la protection des autorités. Dans ce contexte, il convient de noter que la notion de protection de la part des autorités étatiques ou même non-étatiques n'implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tous actes de violence et qu'une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d'un acte criminel. Il ne saurait en être autrement qu'en cas de défaut de protection, dont l'existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d'asile.
En ce qui concerne vos craintes de persécution trouvant leur origine dans une prétendue collaboration avec les Serbes, il convient de citer dans ce contexte un rapport du 15 février 2007 du « Bundesasylamt der Bundesrepublik Österreich » qui dit :
„Der Gefährdungsgrad von Personen, welche direkt der Kollaboration mit Serben beschuldigt werden, richtet sich nach: a) dem Verhalten dieser Personen während ihrer Tätigkeit bzw. ausgeübten Funktion und b) ihrem Verhalten nach dem bewaffneten Konflikt 1999.
In den Bereichen GJAKOVE und KAMENICA sind albanische Polizeibeamte tätig, welche während des serbischen Regimes 1989 – 1999 in der POLIZEI gearbeitet haben! Im Jahr 2006 (März bis Dezember) ist nur eine sehr geringe Anzahl von solchen Verbrechen im Zusammenhang mit Kollaboration in Erinnerung.
Seitens des UNMIK/KPS/KFOR Truppen besteht allgemein ausreichender und effektiver Schutz für Angehörige der albanischen Volksgruppe, einschlieβlich derer, die der Kollaboration mit dem serbischen Regime bezichtigt wurden. UNMIK/KPS/KFOR sind weiters willens und in der Lage Schutz für diejenigen zu bieten, die Furcht vor Verfolgung haben und können sicherstellen, dass die gesetzlich vorgeschriebenen Maβnahmen zur Ausforschung, Anklage und Bestrafung der Täter auch umgesetzt bzw. durchgeführt und angewandt werden. Ethnische Albaner, denen eine Zusammenarbeit mit den Serben vorgeworfen wird, können durchaus Diskriminierungen und Misshandlungen ausgesetzt sein. Jedoch besteht in der Mehrheit der Fälle ausreichend staatlicher Schutz, wobei auch eine interne Fluchtmöglichkeit eine Option darstellt. UK Home Office, Operational Guidance Note, Republic of Serbia (including Kosovo), 06.2006) Strafrechtliche Anzeigen werden seitens der KPS aufgenommen und verfolgt. Sollte eine Person kein Vertrauen in die Dienste der KPS haben, besteht die Möglichkeit sich auch direkt an die UNMIK Polizei, oder an die Staatsanwaltschaft zu wenden. Darüber hinaus besteht die Möglichkeit, den Ombudsmann zu konsultieren. (Bericht zur Fact Finding Mission in den Kosovo 14.-19.5.2006, 06.2006)".
Dans ce contexte, il y a lieu de citer les extraits suivants d'un jugement du 27 juin 2007, numéro de rôle 22800, du Tribunal Administratif: « En ce qui concerne la référence au rapport de l'UNHCR de juin 2006 suivant lequel les membres de la communauté albanaise suspectés de collaboration avec les autorités serbes entre 1990 et 1999 constituent une catégorie de personnes vulnérable et digne de protection, force est de souligner que ledit rapport retient que cette catégorie de personnes est susceptible de constituer une catégorie vulnérable de personnes dans la mesure où ledit rapport précise à la page 8 : " in the current complex situation of Kosovo, individuals from groups not mentioned above may also have a well-founded fear of persecution for reasons covered by the 1951 Convention and the 1967 Protocol. (…) Examples may include but are not limited to persons perceived to have been associated with the SCG authorities after 1990". Il appartient dès lors au demandeur de mettre suffisamment en évidence un risque de persécution à ce titre, ce qu'il a omis de faire. D'ailleurs, le rapport « Social, Administrative and Economic Backgroud of Sustainable Return to Kosovo » (Fact Finding Mission 2009) précise sous le chapitre « Collaboration with the Serbian authorities during the war » que les personnes qui ont collaboré activement avec les Serbes pendant la guerre ne risquent plus d'être persécutés.
Ce même rapport conclut en ses termes : « According to the findings of the fact-finding mission Kosovo can be considered as a safe country of origin … In general there are no groups or communities in the country who would face or could have a well-founded fear of persecution, torture, inhuman or degrading treatment".
Ainsi, vous n'alléguez aucun fait susceptible d'établir raisonnablement une crainte de persécution en raison d'opinions politiques, de race, de religion, de nationalité ou d'appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays.
Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.
En outre, votre récit ne contient pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, les faits invoqués à l'appui de votre demande ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
Etant donné que les faits invoqués à la base de votre demande de protection internationale ne sauraient être actuellement admises (sic) comme justifiant à suffisance une crainte de persécution ; dès lors, et a fortiori, l'absence matérielle de crainte actuelle fondée s'impose également en ce qui concerne la demande tendant à obtenir la protection subsidiaire.
En effet, vous ne faites pas état d'un jugement ou d'un risque de jugement vous condamnant à la peine de mort. Vous ne faites également pas état de risque réel de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants ou de risques réels émanant d'une violence aveugle résultant d'un conflit armé interne ou international.
Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 19§1 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.
La présente décision vaut ordre de quitter le territoire. (…) » Par requête déposée le 14 février 2011 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a introduit un recours tendant à la réformation de la décision précitée du ministre du 7 janvier 2011 par laquelle il s’est vu refuser la reconnaissance d’un statut de protection internationale et un recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision.
1. Quant au recours tendant à la réformation de la décision de refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée.
Le recours en réformation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.
A l’appui de son recours, le demandeur expose qu’il serait originaire du Kosovo, d’origine albanaise et de confession musulmane. Il expose plus particulièrement qu’il aurait quitté son pays d’origine en raison des menaces dont il aurait fait l’objet et qui seraient dues au fait que son père aurait été officier dans l’armée ex-yougoslave. Il précise qu’il aurait habité avec sa famille dans la partie Nord de Mitrovica et qu’ils se seraient installés à partir de 2000 dans la partie Sud de Mitrovica. Ce serait à partir de cette époque qu’ils auraient reçu des menaces par téléphone les accusant d’être des espions serbes. En 2008, ils auraient finalement décidé de quitter Mitrovica pour s’installer à Skenderaj chez un oncle maternel. Le demandeur précise que malgré ce déménagement, il aurait continué à recevoir de menaces. Il aurait également été agressé par deux jeunes hommes dans le magasin de son oncle où il aurait travaillé qui par la suite l’auraient encore menacé. Par peur, il n’aurait pas porté plainte contre ses agresseurs.
En droit, le demandeur conclut tout d’abord à l’annulation de la décision au motif que ce serait à tort que le ministre a retenu qu’il n’avait soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante. Il estime ensuite que les nombreuses menaces et l’agression dont il aurait été victime seraient à considérer comme des actes de persécution. Il fait encore valoir que la situation générale au Kosovo resterait inquiétante et renvoie à cet égard à un rapport de l’UNHCR de novembre 2009 intitulé « UNHCR’S Eligibility Guidelines for assessing the international protection needs of individuals from Kosovo ».
En ordre subsidiaire, le demandeur soutient que ce serait à tort que le ministre a refusé de lui accorder une protection subsidiaire, au motif qu’il risquerait, s’il venait à être renvoyé au Kosovo, de subir des traitements inhumains et dégradants de la main « de certains groupes d’activistes déterminés à déstabiliser certaines zones sans que les autorités soient en mesure de lui accorder une quelconque protection », ainsi que cela serait confirmé par de nombreux rapports d’organisations non gouvernementales.
Le délégué du gouvernement rétorque que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte qu’il serait à débouter de son recours.
En ce qui concerne tout d’abord la demande d’annulation du demandeur, il convient de constater que le ministre n’a point retenu que le demandeur n’avait soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante à l’appui de sa demande d’asile, de sorte que cette demande d’annulation est à rejeter pour manquer d’objet.
Quant au bien-fondé de la décision de refus d’une protection internationale, il convient de rappeler qu’aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire, tandis que la notion de « réfugié » est définie par l’article 2 c) de la même loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».
Aux termes de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006 : « Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1 A de la Convention de Genève doivent : a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, (…) ».
En l’espèce, même en faisant abstraction des incohérences et contradictions relevées par le ministre dans sa décision, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène toutefois le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social ainsi que le prévoit l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006.
En outre, une crainte de persécution au sens de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006 doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur de protection internationale risque de subir des persécutions.
Or, force est de constater que l’existence de pareils éléments ne se dégage pas des éléments d’appréciation soumis au tribunal.
En effet, le demandeur a fait état de menaces par téléphone et d’une agression survenue en 2009 qui seraient toutes liées au fait que son père aurait été officier dans l’armée ex-yougoslave.
A cet égard, il convient de relever que lors de son audition, le demandeur a déclaré, de manière vague et confuse, qu’il aurait reçu des menaces anonymes jusqu’à son départ du Kosovo, que les auteurs de ces menaces l’accuseraient d’être un collaborateur des Serbes en raison du fait que son père aurait été un officier dans l’armée ex-yougoslave et que ces individus auraient à chaque déménagement réussi à le retrouver. Il ressort toutefois des déclarations du demandeur, telles qu’actées dans le rapport de l’entretien figurant au dossier administratif, que son père est retraité de l’armée depuis une quinzaine d’années pour raison d’invalidité, de sorte que le motif allégué de ces agissements paraît peu vraisemblable.
Cela dit, même à supposer que les menaces anonymes par téléphone et l’agression du demandeur soient en relation avec le passé militaire de son père, ces actes, s’ils sont certes condamnables, ne revêtent cependant pas une gravité telle qu’ils justifieraient dans le chef du demandeur à l’heure actuelle une crainte fondée de persécution dans son pays d’origine.
Force est dès lors au tribunal de retenir que le demandeur n’a pas apporté des éléments qui permettent de retenir que ces faits pris tant isolément que par leur effet cumulé aient atteint le niveau de persécution au sens de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006, ces menaces et cette agression ne constituant en particulier pas une violation grave des droits fondamentaux de l’homme.
Il convient encore de constater que comme les auteurs de ces agissements sont des personnes privées, sans lien avec l’Etat, la crainte d’être persécuté ne saurait être considérée comme fondée que si les autorités ne veulent ou ne peuvent pas fournir une protection effective au demandeur ou s’il n’y a pas d’Etat susceptible d’accorder une protection : c’est l’absence de protection qui est décisive, quelle que soit la source de la persécution.
Or, force est toutefois de constater que le demandeur n’apporte aucun élément de nature à démontrer que l'Etat du Kosovo ou les forces internationales présentes sur son territoire ne prendraient pas des mesures raisonnables pour empêcher ces agissements tels que ceux dont il se prétend victime, ni qu'il ne dispose pas d'un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner de tels actes. Il ne démontre pas davantage qu'il n'aurait pas eu accès à cette protection, le simple fait d’affirmer qu’il n’aurait pas porté plainte par crainte de représailles étant insuffisant à cet égard, étant par ailleurs rappelé que le demandeur fait partie de la majorité albanaise au Kosovo.
Quant à la situation générale au Kosovo, il convient de relever que le demandeur fait partie de la communauté albanaise majoritaire au Kosovo et que selon les affirmations du délégué du gouvernement, la ville de Skenderaj dont le demandeur est originaire est habitée par une majorité d’Albanais, de sorte que les persécutions envers le demandeur semblent a priori peu probables. Il ne se dégage pas non plus du susdit rapport de l’UNHCR cité par le demandeur que la situation générale sécuritaire régnant au Kosovo soit telle que la vie du demandeur, en tant que membre de la majorité albanaise, soit telle qu’il risquerait des persécutions.
A défaut d’autres faits ou éléments, il y a lieu de retenir que les faits invoqués par le demandeur ne sont pas suffisamment graves pour retenir dans son chef l’existence d’une crainte fondée et personnelle de persécution au sens de la Convention de Genève justifiant la reconnaissance du statut de réfugié.
Le tribunal est partant amené à conclure que les craintes éprouvées par le demandeur constituent en substance l’expression d’un sentiment général d’insécurité, sans que le demandeur ait établi un état de persécution personnelle vécu dans un passé récent ou une crainte qui serait telle que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine.
Au vu de ce qui précède le demandeur n’a pas démontré qu’il craint avec raison d’être persécuté dans son pays d’origine au sens de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006.
C’est partant à juste titre que le ministre a refusé au demandeur la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève et de la loi du 5 mai 2006.
En ce qui concerne le refus du ministre d’accorder au demandeur le bénéfice de la protection subsidiaire, telle que prévue par la loi du 5 mai 2006, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 2 e) de la même loi, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire», « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».
L’article 37 de la loi du 5 mai 2006 définit comme atteintes graves : « a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Le tribunal constate qu’à l’appui de sa demande de protection subsidiaire, le demandeur n’invoque pas d’autres motifs que ceux qui sont à la base de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié.
Or, au vu des conclusions dégagées ci-avant au sujet de la demande en reconnaissance du statut de réfugié, force est de constater que les risques invoqués par le demandeur de subir des traitements inhumains ou dégradants dans son pays d’origine ne sont pas suffisamment sérieux et avérés pour justifier l’octroi d’un statut de protection subsidiaire.
Le tribunal est en effet amené à constater qu’en l’espèce, il n’est pas saisi d’éléments suffisants permettant de conclure qu’en cas de retour dans son pays d’origine, le demandeur court un risque réel de subir des atteintes graves telles que mentionnées dans la définition de la protection subsidiaire et plus particulièrement qu’il risquerait des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants au sens de l’article 37 précité.
Il se dégage de ce qui précède et en l’absence d’autres éléments, que c’est à juste titre que le ministre a refusé au demandeur l’octroi d’une protection subsidiaire au sens de l’article 2 e) de ladite loi.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale comme non justifiée.
Le recours en réformation est partant à rejeter comme étant non fondé.
2. Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être introduite.
Le recours en annulation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.
Le demandeur se borne à soutenir que dès lors que la décision portant refus d’une protection internationale encourrait la réformation, il y aurait également lieu d’annuler l’ordre de quitter le territoire.
Aux termes de l’article 19 (1) de la loi du 5 mai 2006, une décision négative du ministre en matière de protection internationale vaut ordre de quitter le territoire.
Il résulte de cette disposition que l’ordre de quitter le territoire constitue la conséquence légale et automatique de la décision de refus de protection internationale. Il s’ensuit que dans le cadre d’un recours en annulation dirigé contre un ordre de quitter le territoire pris par application des dispositions de la loi du 5 mai 2006, la légalité de cette décision ne peut être attaquée que pour un vice qui lui est propre, mais non pour tenir indirectement en échec le refus de protection internationale.
Comme il se dégage des conclusions ci-avant retenues que c’est à bon droit que le demandeur s’est vu refuser une protection internationale, le tribunal ne saurait, compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, utilement remettre en cause la légalité de la décision déférée portant ordre de quitter le territoire.
Partant, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle déférée du 7 janvier 2011 portant refus d’une protection internationale ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
Martine Gillardin, vice-président, Annick Braun, juge, Andrée Gindt, juge, et lu à l’audience publique du 11 mai 2011 par le vice-président, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Martine Gillardin Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 11.05.2011 Le Greffier du Tribunal administratif 11