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27/04/2011 | LUXEMBOURG | N°26295

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 avril 2011, 26295


Tribunal administratif Numéro 26295 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 novembre 2009 1re chambre Audience publique du 27 avril 2011 Recours formé par la société … s.à r.l., … contre des décisions de l’administration communale de … et du ministre de l’Intérieur en présence des sociétés XXXs.a. et YYY s.a., en matière de télédistribution

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 26295 du rôle et déposée le 5 novembre 2009 au greffe du tribunal ad

ministratif par Maître Céline LELIEVRE, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avoca...

Tribunal administratif Numéro 26295 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 novembre 2009 1re chambre Audience publique du 27 avril 2011 Recours formé par la société … s.à r.l., … contre des décisions de l’administration communale de … et du ministre de l’Intérieur en présence des sociétés XXXs.a. et YYY s.a., en matière de télédistribution

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 26295 du rôle et déposée le 5 novembre 2009 au greffe du tribunal administratif par Maître Céline LELIEVRE, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée … s.à r.l., établie et ayant son siège social à L- …, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro … , représentée par son gérant actuellement en fonctions, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du conseil communal de la commune de … du 5 août 2009 approuvant la convention de concession du 16 juillet 2009 relative à l'exploitation du réseau de télédistribution de la Commune de … en faveur des sociétés XXX s.a. et YYY s.a., associées sous la dénomination « XXX-YYY » ainsi que contre la décision du ministre de l’Intérieur en date du 24 août 2009 approuvant ladite décision du conseil communal du 5 août 2009 ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Tom NILLES, demeurant à Esch/Alzette, du 30 novembre 2009 portant signification de ce recours à l’administration communale de …, représentée par son bourgmestre, sinon par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 février 2010 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 26 février 2010 par Maître Steve HELMINGER au nom de l’administration communale de … ;

Vu le mémoire en réplique, intitulé « mémoire en duplique suite au mémoire en réponse du délégué du gouvernement », déposé au greffe du tribunal administratif le 4 mars 2010 par Maître Céline LELIEVRE pour compte de la demanderesse ;

Vu le mémoire en réplique, intitulé « mémoire en duplique suite au mémoire en réponse de l’administration communale de … », déposé au greffe du tribunal administratif le 26 mars 2010 par Maître Céline LELIEVRE pour compte de la demanderesse ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 avril 2010 ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, et Maître Céline LELIEVRE, assistée de Maître Nathalie CAMBONIE, Maître Steve HELMINGER ainsi que Madame le délégué du gouvernement Betty SANDT en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 7 juin 2010 ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Tom NILLES, demeurant à Esch/Alzette, du 9 août 2010 portant signification de ce recours à la société XXXs.a., inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, établie et ayant son siège social à L-…, et à la société YYY s.a., succursale, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro … , représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, établie et ayant son siège social à L-…, en leurs qualités d’associées de l’association momentanée « XXX-YYY » ;

Vu la constitution d’avocat de Maître Laurent MOSAR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, déposée au greffe du tribunal administratif le 17 août 2010 pour le compte des sociétés XXXs.a. et YYY s.a. ;

Vu le mémoire en réponse, intitulé « mémoire en réplique », déposé au greffe du tribunal administratif le 19 novembre 2010 par Maître Laurent MOSAR au nom des sociétés XXXs.a. et YYY s.a. ;

Vu le mémoire en duplique, intitulé « mémoire en duplique suite au mémoire en réponse des sociétés XXXs.a. et YYY s.a.», déposé au greffe du tribunal administratif le 17 décembre 2010 par Maître Céline LELIEVRE pour compte de la demanderesse ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 19 janvier 2010 par Maître Laurent MOSAR au nom des sociétés XXXs.a. et YYY s.a. ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport complémentaire, et Maître Céline LELIEVRE, Maître Steve HELMINGER, Maître Jerry MOSAR, en remplacement de Maître Laurent MOSAR ainsi que Madame le délégué du gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 24 janvier 2011.

Vu l’avis du tribunal administratif du 26 janvier 2011 ayant ordonné la rupture du délibéré ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 25 février 2011 par Maître Steve HELMINGER au nom de l’administration communale de … ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 28 février 2011 par Maître Laurent MOSAR au nom des sociétés XXXs.a. et YYY s.a. ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 28 mars 2011 par Maître Céline LELIEVRE pour compte de la demanderesse ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport complémentaire, et Maître Céline LELIEVRE, Maître Steve HELMINGER, Maître Jerry MOSAR, en remplacement de Maître Laurent MOSAR ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 4 avril 2011.

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Par contrat en date du 8 novembre 1984, l’administration communale de … a conclu une convention de concession relative à l’exploitation du réseau de télédistribution de la commune pour les localités de …, … et … avec la société … s.à r.l., convention approuvée par le conseil communal dans sa séance du 8 novembre 1984 ainsi que par le ministre de l’Intérieur en date du 7 décembre 1984.

Par délibération du 23 octobre 2008, le conseil communal chargea le collège des bourgmestre et échevins de procéder à la dénonciation de la convention visée, dénonciation à laquelle celui-ci procéda par courrier recommandé du 5 décembre 2008 adressé à la société … s.à r.l..

En date du 16 juillet 2009, l’administration communale de … conclut une nouvelle convention de concession relative à l'exploitation du réseau de télédistribution de la commune avec les sociétés XXXs.a. et YYY … s.a. associées sous la dénomination « XXX-

YYY », convention approuvée par le conseil communal dans sa séance du 5 août 2009 ainsi que par le ministre de l’Intérieur en date du 24 août 2009.

L’administration communale de … distribua ensuite à ses habitants un avis, dans lequel elle précisa que la décision de son conseil communal 16 juillet 2009 portant acceptation de la convention de concession relative à l'exploitation du réseau de télédistribution avait été approuvée par l’autorité de tutelle en date du 24 août 2009.

Par courrier recommandé de son avocat du 30 octobre 2009, la société … s.à r.l. fit contester l'attribution se prévalant des règles relatives aux marchés publies ainsi que de la loi du 30 mai 2005 sur les réseaux et les services de communications électroniques.

Par requête déposée le 5 novembre 2009 au greffe du tribunal administratif, la société … s.à r.l. a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation contre la délibération du conseil communal de la commune de … du 5 août 2009 approuvant la convention de concession du 16 juillet 2009 relative à l'exploitation du réseau de télédistribution de la Commune de … en faveur des sociétés XXXs.a. et YYY s.a., ainsi que contre la décision du ministre de l’Intérieur en date du 24 août 2009 approuvant ladite décision du conseil communal du 5 août 2009.

Avant de procéder à l’examen de la recevabilité du prédit recours, il convient en premier lieu d’examiner la question de la recevabilité du mémoire, intitulé « mémoire en duplique suite au mémoire en réponse de l’administration communale de … », déposé au greffe du tribunal administratif le 26 mars 2010 pour compte de la demanderesse, question soulevée par la partie étatique dans le cadre de son mémoire en duplique du 2 avril 2010.

La question de la fourniture des mémoires dans les délais impartis et suivant le nombre prévu par la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives touche à l’organisation juridictionnelle et est par voie de conséquence d’ordre public.

L’article 5 de la loi du 21 juin 1999 précitée prévoit en son paragraphe (5) que « Le demandeur peut fournir une réplique dans le mois de la communication de la réponse, la partie défenderesse et le tiers intéressé sont admis à leur tour à dupliquer dans le mois », tandis que l’article 7 de la même loi précise que « il ne pourra y avoir plus de deux mémoires de la part de chaque partie, y compris la requête introductive ».

A défaut par le tribunal d’avoir ordonné la production de mémoires supplémentaires, un mémoire en triplique n’est partant pas à prendre en considération et n’entre pas en taxe.

En l’espèce, le mémoire intitulé « en duplique suite au mémoire en réponse de l’administration communale de … » déposé au greffe du tribunal administratif le 26 mars 2010 est en réalité à considérer comme un tel mémoire en triplique. L’argumentation développée par la demanderesse suivant laquelle son premier mémoire en réplique avait simplement pour objet de prendre position, dans le délai d’un mois, par rapport au mémoire en réponse de l’Etat n’est pas fondée, puisque chacune des parties défenderesses disposaient d’un délai de trois mois à partir de la signification respectivement du dépôt de la requête introductive d’instance pour déposer leur mémoire en réponse, de sorte que la partie demanderesse aurait partant dû soit attendre l’écoulement de ce délai soit le dépôt et la signification du dernier mémoire en réponse pour répliquer à ce moment-là dans le délai légal d’un mois, tel que prévu par l’article 5, paragraphe (5) de la loi précitée du 21 juin 1999, par un mémoire en réplique unique par rapport aux deux mémoires en réponse ainsi communiqués.

Il se dégage de ce qui précède que le deuxième mémoire en réplique en question est à écarter des débats et qu’il n’entrera pas en taxe.

Dans le même ordre d’idées, il convient encore d’examiner la question de la recevabilité du mémoire supplémentaire, qualifié de « mémoire en duplique suite au mémoire en réponse des sociétés XXXs.a. et YYY s.a.», déposé le 17 décembre 2010 par la demanderesse, question soulevée d’office par le tribunal lors de l’audience publique du 24 janvier 2011.

A cet égard, il y a lieu de rappeler que le tribunal, à l’instar de l’administration communale de …, avait soulevé lors de l’audience publique du 7 juin 2010 la question de la mise en intervention des parties tierces intéressées XXXs.a. et YYY… s.a., mise en intervention à laquelle s’est opposée la demanderesse, au motif que « les sociétés visées, concessionnaires choisies par [l’administration communale de …], n'ont pas à prendre position sur le respect des règles imposées par la loi quant au choix du type de procédure », de sorte le tribunal dut ordonner leur mise en intervention sur base de l’article 4 (4) de la loi précitée du 21 juin 1999.

Suite à la mise en intervention des sociétés XXXs.a. et YYY s.a et le dépôt d’un mémoire en réponse le 19 novembre 2010 en leur nom, la partie demanderesse sollicita par courrier du 19 novembre 2010 l’autorisation de déposer un mémoire supplémentaire, autorisation qui lui fut refusée lors de l’audience du 22 novembre 2010 sur base de l’article 7 de la loi du 21 juin 1999 précitée.

Le mémoire intitulé « mémoire en duplique suite au mémoire en réponse des sociétés XXXs.a. et YYY s.a.», déposé le 17 décembre 2010 par la demanderesse en dépit de ce refus est partant à écarter des débats.

Ce mémoire ayant été écarté, le même sort frappe le mémoire en duplique déposé le 19 janvier 2010 par les sociétés XXXs.a. et YYY s.a. lequel ne constitue qu’une réponse fournie au « mémoire en duplique suite au mémoire en réponse des sociétés XXXs.a. et YYY s.a.» tel que déposé par la demanderesse.

Aucune disposition légale ne conférant compétence à la juridiction administrative pour statuer comme juge du fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en réformation de la décision critiquée. Il s’ensuit que seul un recours en annulation a pu être introduit contre la décision litigieuse.

L’administration communale de … conclut à l’irrecevabilité du recours en annulation pour défaut d’intérêt à agir dans le chef de la société …. Elle fait valoir que le contrat de concession conclu avec la société … avait été dénoncé dans les délais à son échéance contractuellement fixée, à savoir le 31 décembre 2009, et que cette dénonciation avait été communiquée en date du 5 décembre 2008 par courrier recommandé avec accusé de réception à la société …. L’administration communale de … considère que comme la société … n'a jamais protesté contre cette dénonciation et n'a fait valoir aucune contestation, notamment liée à un éventuel préjudice y résultant, il y aurait lieu d'admettre que la dénonciation du contrat de concession relative à la gestion du réseau de télédiffusion ne lui aurait causé aucun préjudice.

Par ailleurs, elle relève que la loi du 30 mai 2005 sur les réseaux et services de communications électroniques permettrait à tout opérateur tiers au gestionnaire du réseau d'y solliciter l'accès dans la mesure de ce qui est techniquement possible pour offrir ses produits aux consommateurs potentiels, de sorte que la société …, qui a été le gestionnaire du réseau de la commune de … jusqu'au 31 décembre 2009, et qui serait supposée avoir veillé à disposer d'une qualité de réseau permettant l'offre de produits par plusieurs opérateurs, devrait pouvoir avoir accès aux clients potentiels, de sorte qu'elle ne pourrait avoir subi un quelconque préjudice. Si par contre son accès au réseau ne devait pas être techniquement possible, la société … n'aurait qu'à se prendre à elle-même pour avoir négligemment exercé ses devoirs de gestionnaire.

Une satisfaction certaine et personnelle d’un droit, nécessaire pour justifier l’intérêt à agir, ne saurait être tirée de l’annulation d’un acte que dans la mesure où ce dernier a lésé un droit légalement établi, se trouvant à la base de l’intérêt du demandeur1.

Le recours contentieux est ouvert au demandeur qui a un intérêt quelconque, dès que cet intérêt implique un lien personnel avec l’acte attaqué ou une lésion individuelle par le fait de l’acte. Un intérêt de concurrence est suffisant pour conférer à une entreprise voulant participer à une soumission publique un intérêt à voir respecter les dispositions légales et réglementaires régissant les adjudications publiques2.

En l’espèce, il échet de souligner que la demanderesse était l’ancienne titulaire du contrat de concession relative à la gestion du réseau de télédistribution de la commune de …, et qu’elle se considère comme ayant été illégalement évincée de ce contrat au profit des sociétés XXXs.a. et YYY s.a. ; elle est partant susceptible en cas d’annulation des décisions 1 Trib. adm. 27 janvier 1997, n° 10858 du rôle, Pas. adm. 2010, V° Procédure contentieuse, n° 15 et autre référence y citée.

2 Trib. adm. 18 octobre 1999, n° 10995 du rôle, Pas. adm. 2010, V° Marchés publics, n° 146.

déférées d’obtenir une satisfaction certaine et personnelle par rapport à un droit ayant été légalement établi. En effet, dans cette hypothèse, elle pourrait se prévaloir du contrat dénoncé, respectivement présenter une offre en vue du renouvellement de ce contrat, de sorte qu’elle doit être considérée comme disposant d’un intérêt suffisant en vue d’attaquer les décisions du conseil communal et de l’autorité de tutelle approuvant le contrat de concession conclu avec les sociétés XXXs.a. et YYY s.a..

Le moyen d’irrecevabilité pour défaut d’intérêt présenté laisse partant d’être fondé.

Le recours subsidiaire en annulation, non autrement critiqué, introduit dans les formes et délai prévus par la loi, est dès lors recevable.

Quant au fond, la société … reproche en premier lieu à l’administration communale de … de ne pas avoir appliqué la procédure de passation des marchés publics lors de l’attribution de la gestion du réseau communal de télédistribution.

Elle estime en effet que si la loi du 25 juin 2009 sur les marchés publics précise dans son article 1er que « Sans préjudice des dispositions spécifiques prévues aux Livres II et III, les dispositions du présent Livre s'appliquent à tous les marchés passés par les pouvoirs adjudicateurs publics », les dispositions du Livre I seraient d’application générale pour toute convention passée par un pouvoir adjudicateur. Aussi, même si le Livre Il de cette loi, en son article 27 préciserait que certaines dispositions ne s’appliquent pas aux marchés publics qui ont principalement pour objet de permettre aux pouvoirs adjudicateurs la mise à disposition ou l'exploitation de réseaux publics de télécommunications ou la fourniture au public d'un ou de plusieurs services de télécommunication, il n'en demeurerait pas moins que le principe général subsiste.

Aussi, si la fourniture de services de communications s’exercerait librement en vertu de la loi du 30 mai 2005 sur les réseaux et les services de communications électroniques, le contrat de concession portant sur le réseau de la commune serait « nécessairement » soumis à la loi du 25 juin 2009 sur les marchés publics, et les dispositions de son livre I s'appliqueraient. Dès lors, toute attribution par voie de concession de l’exploitation d'un réseau de télédistribution appartenant à l'administration communale serait impérativement soumise à cette loi. Or, elle affirme qu’aucune des procédures applicables en matière de passation de marchés publics n'aurait été suivie et partant respectée en l’espèce.

La société … fait ensuite plaider que malgré le fait qu’elle aurait toujours manifesté son intention de reprendre la concession résiliée, l’administration communale de … aurait néanmoins avantagé un autre opérateur, et ce « en dehors du cadre légal des Marchés Publics, et au mépris de toutes les règles de concurrence », de sorte que la demanderesse en conclut que les règles de transparence n'auraient pas été respectées dans l'attribution de ce marché, ce qui serait contraire à la loi du 25 juin 2009 sur les marchés publics, aux règles de la procédure administrative non contentieuse ainsi qu’aux « grands principes du droit communautaire ». Elle se prévaut plus particulièrement de l'article 4 de la loi du 25 juin 2009 qui impose que tout pouvoir adjudicateur traite les opérateurs économiques sur un pied d'égalité, de manière non discriminatoire et agisse avec transparence ainsi que de l'article 5 du règlement grand ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes.

La société … argue encore d’un non-respect des dispositions de la loi du 30 mai 2005 sur les réseaux et les services de communications électroniques, et plus particulièrement de l’article 8 de cette loi, au motif que les sociétés XXXs.a. et YYY s.a. n'apparaîtraient pas dans la liste mise à jour publiée le 29 octobre 2009 par l'Institut Luxembourgeois de Régulation comme entreprises notifiées, ni d’ailleurs sur celle datant du février 2010, date de la dernière mise à jour du fichier des entreprises notifiées.

Par ailleurs, elle estime que même à supposer que l'administration communale ait respecté les dispositions de la loi du 25 juin 2009 sur les marchés publics en soumettant l'attribution de la concession de son réseau à la règlementation en vigueur, il lui aurait été impossible d'attribuer le marché aux sociétés XXXs.a. et YYY s.a. alors qu'elles n’auraient pas rempli les conditions légales pour s'occuper personnellement de la prestation de services, n'étant pas des entreprises notifiées, la demanderesse s’emparant à cet effet de l'article 2 du règlement grand-ducal du 11 août 2009 portant notamment exécution de la loi du 25 juin 2009 sur les marchés publics.

Enfin, dans son mémoire en réplique, elle s’empare encore de l’article 106 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988 qui dispose en son article 106 que: « sont soumises à l'approbation du ministre de l’Intérieur les délibérations des conseils municipaux portant sur les objets suivants : 9° Le changement de mode de jouissance des biens communaux », pour établir, d’une part, que l'approbation du ministre serait une condition de validité de la décision administrative prise par l’administration communale et, d’autre part, que le ministre n'aurait pas dû approuver la décision du conseil communal.

La partie étatique, de son côté, expose que toute commune serait libre de décider si elle entend continuer ou non ses relations contractuelles avec un prestataire de services et ce d'autant plus si elle est confrontée depuis de nombreuses années à des plaintes et doléances de la part de ses citoyens au sujet du mauvais fonctionnement de l'antenne collective.

Quant au non-respect allégué des procédures de passation des marchés publics, l’Etat affirme que la loi du 30 juin 2003 sur les marchés publics, qui ne connaîtrait pas les concessions de services mais uniquement les concessions de travaux publics, aurait été applicable au moment de la signature de la convention du 16 juillet 2009 tandis que la loi du 25 juin 2009 sur les marchés publics à laquelle la partie demanderesse se réfère ne serait entrée en vigueur qu'en date du 2 août 2009, c’est-à-dire après la signature de la convention visée.

Quant au motif à la base de la décision d'approbation, l’Etat explique que l'article 173ter de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988 exigerait que le ministre de l'Intérieur approuve les conventions conclues entre les communes et les personnes morales de droit public et de droit privé si leur valeur dépasse 100.000 €. Etant donné qu’en l’espèce la valeur de la convention ne serait pas déterminable au sens de l'article précité, une approbation par l'autorité supérieure aurait été requise, alors qu’en revanche les conventions tombant dans le champ d'application de la législation sur les marchés publics ne seraient pas soumises à approbation de la part de l'autorité de tutelle.

L’administration communale de …, après avoir de son côté également conclu à l’inapplicabilité de la loi du 25 juin 2009 sur les marchés publics, expose que la loi du 30 juin 2003 sur les marchés publics, quant à elle, procèderait à une distinction entre les marchés publics proprement dits et les concessions, qui ne tomberaient pas dans son champ d’application, une concession, dont le gestionnaire ne serait pas rémunéré par le propriétaire du réseau, mais par les redevances payées par les opérateurs qui désirent offrir leurs programmes sur ledit réseau, ne constituant pas un marché au sens de cette loi.

En ce qui concerne le reproche lui opposé d’une violation des règles de transparence, l’administration communale de … donne à considérer que la demanderesse resterait en défaut d’indiquer quelle serait la disposition légale ou réglementaire qui aurait été méconnue, l’administration communale estimant en effet que la demanderesse se limiterait à ce sujet à de fausses allégations à son encontre.

Enfin, en ce qui concerne la violation alléguée de la loi du 30 mai 2005 sur les réseaux et les services de communications électroniques, l’administration communale estime que l’argumentation afférente de la demanderesse procèderait d’une confusion manifeste entre les responsabilités d’une administration communale propriétaire d’un réseau et celles de l’Institut Luxembourgeois de Régulation, les règles inscrites à l’article 8 de la loi du 30 mai 2005 s’imposant en effet uniquement à l’entreprise qui fournit un réseau ou des services de télécommunications, mais non au propriétaire du réseau. Or, comme l’Institut Luxembourgeois de Régulation n’aurait pas interdit aux sociétés XXXs.a. et YYY s.a. de fournir un réseau respectivement des services de télécommunications, elle aurait à bon droit pu conclure une convention de concession en date du 16 juillet 2009 avec ces sociétés.

En tout état de cause, l’administration communale relève que l’article 8 de la loi du 30 mai 2005 cité par la demanderesse ne prévoirait l’obligation de la notification que 20 jours avant le début de la fourniture de service ; or, en l’espèce, étant donné que la fourniture n'aurait été que prévue à partir du 1er janvier 2010, la nécessité d'une notification n’aurait de toute façon pas encore été donnée en date du 16 juillet 2009, respectivement du 5 août 2009, jour de l'approbation par le conseil communal.

Les sociétés XXXs.a. et YYY s.a. enfin, à l’instar des parties défenderesses, contestent formellement que la loi du 25 juin 2009 sur les marchés publics soit applicable au cas d’espèce, le champ d'application de cette loi n'incluant pas en effet les concessions de services publics.

Elles concluent encore, en substance, à l’absence de violation de la procédure administrative non contentieuse, et, en ce qui concerne la violation alléguée de la loi du 30 mai 2005 précitée, elles affirment avoir régularisé la situation leur reprochée, en affirmant plus particulièrement s’être acquittées de la notification requise par l’article 8 précité.

Il convient de prime abord, au vu des longs développements consacrés par la demanderesse à la question de la loi applicable, de retenir que seule la loi du 30 juin 2003 sur les marchés publics aurait a priori temporellement vocation à s’appliquer à la convention de concession conclue en date du 16 juillet 2009 par le collège échevinal de la commune de … relative à l’exploitation du réseau de télédistribution conclue entre l’administration communale de … et les sociétés XXXs.a. et YYY s.a., la loi du 25 juin 2009 sur les marchés publics abrogeant la loi du 30 juin 2003 n’ayant en effet été publiée au Mémorial qu’en date du 29 juillet 2009, de sorte à n’entrer en vigueur que quatre jours après son insertion au Mémorial, c’est-à-dire après la signature de la convention de concession.

Force est cependant de constater que le collège échevinal n’a pas de compétence propre pour conclure une telle convention, puisqu’il ne saurait agir que soit en tant qu’organe d’exécution d’une décision de principe afférente du conseil communal, conformément à l’article 57-2° de la loi communale du 13 décembre 1988, soit en tant qu’organe préparatoire chargé de l’instruction des affaires à soumettre au conseil communal, conformément à l’article 57-3° de la loi communale du 13 décembre 1988, le pouvoir décisionnel en l’espèce appartenant en tout état de cause au conseil communal en vertu de l’article 106 de ladite loi, pris en ses points 2 respectivement 9, puisque ladite convention porte sur une question de mutation de droits immobiliers, respectivement sur un changement du mode de jouissance des biens communaux - le contrat de concession mettant l’infrastructure, propriété communale, à disposition du concessionnaire.

A défaut de toute résolution antérieure du conseil communal ayant arrêté sous l’approbation de l’autorité de tutelle le principe même du contrat conclu avec les sociétés XXXs.a. et YYY s.a., la signature en date du 16 juillet 2009 de la convention ne saurait être considérée sur le plan du droit public que comme constituant tout au plus un acte préparatoire à la décision du conseil communal du 5 août 2009 approuvant ladite convention de concession du 16 juillet 2009, de sorte que c’est la loi applicable à la date de la décision du conseil communal du 5 août 2009 qui doit être retenue comme régissant l’attribution de la concession aux sociétés XXXs.a. et YYY s.a., à savoir la loi du 25 juin 2009 sur les marchés publics.

La partie demanderesse reproche en substance à l’administration communale de … d’avoir confié la gestion du réseau de télécommunications à large bande sans avoir eu recours à la procédure de passation des marchés publics, telle que prévue par la loi du 25 juin 2009 sur les marchés publics.

Il convient dès lors d’examiner en premier lieu quelle est la nature de l’opération par laquelle l’administration communale de … a attribué la gestion de son réseau de télécommunications à large bande aux sociétés XXXs.a. et YYY s.a. et notamment de savoir si l’attribution de la gestion dudit réseau relève de la loi du 25 juin 2009 sur les marchés publics.

Par la convention signée le 16 juillet 2009, le collège des bourgmestre et échevins a confié aux sociétés XXXs.a. et YYY s.a., pour une durée de 15 ans et six mois, prenant effet à partir de son approbation par le conseil communal et l’autorité de tutelle, la gestion du réseau de communications à large bande sur le territoire de la commune de …, afin d’offrir par ce réseau des services, notamment de télédistribution, mais aussi d’autres prestations qui pourraient être offertes par ce réseau. En contrepartie de l’attribution de cette gestion, les sociétés XXXs.a. et YYY s.a. se sont engagées à moderniser les réseaux primaires et secondaires existants, à ouvrir autant que techniquement possible l’accès au réseau à des tiers-prestataires de services, à garantir que le service offert aux abonnés soit au moins égal à celui rendu au moment de la signature du contrat et à élargir autant que techniquement et financièrement possible l’offre des services et des programmes aux abonnés. Il est précisé dans la convention que la commune de … devient propriétaire « ab initio et à titre gratuit et sans indemnités aucunes » du réseau ainsi que de ses extensions et, modernisations, ainsi que des ouvrages, installations immobilières et équipements mobiliers de ces réseaux à réaliser par les sociétés concessionnaires.

Il est également précisé que pendant la durée de la « concession », les sociétés intéressées exploiteront le réseau de télédistribution en percevant des redevances des abonnés selon les conditions et modalités fixées par ladite convention.

Aux termes de l’article 1er de la loi du 25 juin 2009 sur les marchés publics, « sans préjudice des dispositions spécifiques prévues aux Livres II et III, les dispositions du présent Livre s’appliquent à tous les marchés passés par les pouvoirs adjudicateurs publics », l’article 3 de la même loi distinguant toutefois en ses points 1a) et 4) les « marchés publics » de la « concession de service publique », définie comme étant un « contrat présentant les mêmes caractéristiques qu’un marché public de services, à l’exception du fait que la contrepartie de la prestation de services consiste soit uniquement dans le droit d’exploiter le service, soit dans ce droit assorti d’un prix », cette définition étant textuellement reprise de l’article 1er, paragraphe 4 de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services et reflétant la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne.

En effet, dans plusieurs arrêts, la Cour de justice de l’Union européenne a été amené à opérer une distinction entre un marché public de services et une concession de services à partir des modes de rémunération respectifs, à savoir que dans le cas d’un marché public, c’est le pouvoir adjudicateur qui paie le service, tandis que dans le cas d’une concession « la rémunération du prestataire de services provient non pas de l’autorité publique concernée, mais des montants versés par les tiers pour l’usage [de l’immeuble concerné] »3, puisque « l’on est en présence d’une concession de services lorsque le mode de rémunération convenu tient dans le droit du prestataire d’exploiter sa propre prestation et implique que celui-ci prenne en charge le risque lié à l’exploitation des services en question »4.

En l’espèce, force est de constater que le contrat de gestion en question ne prévoit pas qu’une contrepartie soit payée directement par la commune de … aux sociétés exploitant le réseau communal. Le contrat stipule que la commune reste propriétaire des réseaux ainsi que des modernisations apportées aux réseaux par le gestionnaire qui se voit confier le droit d’exploiter, en vue de sa propre rétribution, sa propre prestation, sans payer de redevances à la commune, les redevances qu’il touche étant payées par les abonnés des services, c’est-à-dire les habitants de la commune.

Dès lors, en l’absence d’une rémunération payée directement par la commune aux exploitants, le contrat de gestion litigieux ne saurait être considéré comme un marché public, mais au contraire comme une concession de service public au sens de l’article 3.4) de la loi du 25 juin 2009 sur les marchés publics.

Or, il résulte de la juxtaposition de l’article 1er de la loi du 25 juin 2009, qui délimite le champ d’application de cette loi aux « marchés publics » aux définitions inscrites à l’article 3 de la même loi, que le Livre I de la loi ne trouve à s’appliquer qu’aux seuls marchés publics, à l’exclusion des concessions de service public, de sorte que les dispositions dudit Livre I ne trouvent pas à s’appliquer au contrat conclu entre la commune de … et les sociétés XXXs.a. et YYY s.a..

Cette conclusion n’est pas énervée par la référence faite par la partie demanderesse aux dispositions de l’article 4 de la même loi, lesquelles prescrivent que « Les pouvoirs adjudicateurs traitent les opérateurs économiques sur un pied d’égalité, de manière non discriminatoire et agissent avec transparence », cette prescription n’étant pas générale, mais limitée, à l’instar de l’intégralité du Livre I, aux seuls « marchés publics » au sens de la loi.

3 C.J.C.E., 13 octobre 2005, Parking Brixen, aff.C-458/03, points 39 et 40.

4 C.J.C.E., 18 juillet 2008, Commission c. Italie, aff. C-382/05, point 34.

Force est encore de constater que les concessions de service telles que définies ci-

dessus sont également expressément exclues par l’article 31 des dispositions du Livre II de la loi du 25 juin 2009 sur les marchés publics, relatif aux marchés publics d’une certaine envergure.

Quant au Livre III, celui-ci ne vise que les marchés publics dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux, de sorte qu’il ne concerne en tout état de cause pas la question des services de télé- et de radiodiffusion.

Il s’ensuit encore que les moyens et arguments développés par la partie demanderesse en ce qu’ils sont fondés sur des violations des dispositions de la loi du 25 juin 2009 sont à rejeter en bloc pour manquer en droit.

Cependant, si les contrats de concession de services publics ne sont régis ni par des dispositions spécifiques en droit national, ni par les directives communautaires en matière de marchés publics5, il n’en demeure pas moins que selon la Commission européenne,« tout acte, qu’il soit contractuel ou unilatéral, par lequel une entité publique confie la prestation d’une activité économique à un tiers est à examiner à la lumière des règles et des principes découlant du traité, notamment en matière de liberté d’établissement et de libre prestation de services (articles 43 et 49 du traité CE), ces principes incluant notamment les principes de transparence (publicité), d’égalité de traitement (mise en concurrence), de proportionnalité et de reconnaissance mutuelle »6, ces principes ayant encore été notamment précisés par la Cour de Justice des Communautés Européennes7 plus particulièrement par rapport à une concession de services en les termes suivants : « Nonobstant le fait que de tels contrats sont, au stade actuel du droit communautaire, exclus du champ d'application de la directive 93/38, les entités adjudicatrices les concluant sont, néanmoins, tenues de respecter les règles fondamentales du traité en général et le principe de non-discrimination en raison de la nationalité en particulier. Cette obligation de transparence qui incombe au pouvoir adjudicateur consiste à garantir, en faveur de tout soumissionnaire potentiel, un degré de publicité adéquat permettant une ouverture du marché des services à la concurrence ainsi que le contrôle de l'impartialité des procédures d'adjudication. Il appartient au juge national de statuer sur le point de savoir si cette obligation a été respectée dans l'affaire au principal et d'apprécier en outre la pertinence des éléments de preuve produits à cet effet ».

Il en découle que les pouvoirs publics sont donc obligés d’observer les principes découlant directement du traité même pour des contrats pour lesquels aucun texte exprès n’impose une obligation spécifique, et notamment l’obligation de transparence mise en avant en l’espèce par la partie demanderesse. Sans nécessairement impliquer une obligation de procéder à un appel d’offres, cette obligation de transparence impose à l’autorité concédante de garantir, en faveur de tout concessionnaire potentiel, un degré de publicité adéquat permettant une ouverture des concessions de services publics à la concurrence, ainsi que le contrôle de l’impartialité des procédures d’attribution8.

5 C.J.C.E, 13 octobre 2005, Parking Brixen, aff.C-458/03, point 42 6 Commission des Communautés européennes, Livre vert sur les partenariats public-privé et le droit communautaire des marchés publics et des concessions, 30.4.2004, Doc. COM (2004) 327, n° 8.

7 C.J.C.E., 7 décembre 2000, Telaustria Verlags GmbH, Telefonadress GmbH, aff. C-324/98, point 62.

8 Ibidem, points 62 et 63.

En l’espèce, il ne résulte cependant pas des éléments d’appréciation soumis au tribunal que l’administration communale de … ait sous une forme quelconque procédé à un appel d’offres, voire ait conféré une quelconque publicité à son intention de confier la gestion de son réseau de télé- respectivement radiodiffusion à une entreprise publique, de sorte à obtenir une mise en concurrence préalable du service en question afin de garantir une certaine égalité en matière d’accès à la commande publique, ni d’ailleurs que l’administration communale ait choisi le concessionnaire en basant sa décision sur des critères préétablis et sur les aptitudes du candidat à assurer la continuité du service.

Il résulte au contraire des éléments du dossier que l’administration communale de …, confrontée à des plaintes relatives au service fourni par la demanderesse, a opté pour un changement de gestionnaire du réseau, sans mise en concurrence préalable de candidats potentiels, l’administration communale ayant en effet, après avoir dénoncé en date du 5 décembre 2008 la convention conclue avec la demanderesse avec effet au 31 décembre 2009, signé dès le 16 juillet 2009, une nouvelle convention de concession relative à la gestion du réseau de communication à large bande dans la commune de ….

Il résulte encore des explications fournies en cause que l’administration communale a décidé de contacter directement les sociétés XXXs.a. et YYY s.a., sans envisager la possibilité de recourir le cas échéant à d’autres fournisseurs de service.

Au vu de ces éléments, il échet dès lors de retenir que l’attribution de la concession n’a pas eu lieu en l’espèce après une mise en concurrence sous une quelconque forme, de sorte que ladite attribution a eu lieu en violation des principes communautaires d’égalité de traitement, de non-discrimination et de transparence.

Cette conclusion n’est ni énervée par l’affirmation que la partie demanderesse aurait nécessairement dû savoir qu’une nouvelle procédure serait entamée en vue de d’attribuer la concession de services du seul fait qu’elle qui a été informée par courrier recommandé en date du 5 décembre 2008 de la fin de la convention de concession de service la liant à l’administration communale, ni par le fait que la société … ait, préalablement à la conclusion du contrat de concession litigieux, informé l’administration communale de son souhait de poursuivre son activité de fournisseur de services, et de sa volonté d’honorer les contrats conclus avec les habitants de la commune de …, ces éléments ne comportant pas dans le chef de l’autorité concédante une quelconque manifestation publique de sa volonté de procéder par la voie d’une mise en concurrence des divers candidats potentiels, ni d’ailleurs que de sa volonté d’entamer une nouvelle procédure en vue de d’attribuer la concession de services, la commune de … ayant tout aussi bien pu, à l’instar d’autres communes, décider d’exploiter elle-même son réseau.

Par ailleurs, même à supposer que la société … se soit doutée que l’administration communale ait envisagé de ré-attribuer la convention de concession, un tel fait, dont seule la société … aurait eu connaissance, ne saurait être considéré comme répondant à l’obligation de transparence, laquelle impose comme retenu ci-avant un degré de publicité adéquat. Or, même à admettre pour les besoins de la discussion que la lettre de résiliation ait implicitement signifié qu’une nouvelle procédure serait entamée en vue d’attribuer la concession de services, cette information n’aurait été disponible qu’à la seule société …, à l’exclusion de tout autre candidat potentiel, de sorte à ne pas répondre aux exigences de publicité.

Il en résulte que la délibération du conseil communal du 5 août 2009, approuvant la convention de concession de services conclue avec les sociétés XXXs.a. et YYY s.a. encourt l’annulation pour violation des principes communautaires d’égalité de traitement, de non-

discrimination et de transparence, la même conclusion s’imposant en ce qui concerne la décision du ministre de l’Intérieur du 24 août 2009 auquel il aurait appartenu, en sa qualité d’autorité de tutelle, de veiller à la légalité et à la régularité de la procédure d’attribution de la concession et de refuser, pour les motifs retenus ci-avant, son approbation.

Au vu de l’objet assigné au recours par la partie demanderesse et de l’annulation encourue par les décisions déférées, l’analyse des autres moyens proposés par la partie demanderesse devient surabondante.

La demanderesse réclame encore l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 10.000.- €. Compte tenu de l’importance du montant réclamé, cette demande est cependant à qualifier de demande en obtention de dommages-intérêts pour procédure vexatoire, voire pour un comportement des autorités administratives considéré comme fautif, de sorte qu’elle est à rejeter, les juridictions administratives n’étant pas compétentes pour indemniser un quelconque préjudice tiré du fond du litige, cette question relevant du juge judiciaire.

Néanmoins dans la mesure où la demande s’inscrit dans le cadre de l’article 33 de la prédite loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, et au vu des circonstances particulières du présent litige et notamment en raison de son issue, le tribunal retient qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de la demanderesse l’intégralité des frais et honoraires non compris dans les dépens.

Compte tenu des éléments d’appréciation en possession du tribunal, des devoirs et degré de difficulté de l’affaire ainsi que du montant réclamé, et au vu de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, il y a lieu d’évaluer ex æquo et bono l’indemnité à allouer à la demanderesse à un montant de 1.500 euros.

Les sociétés XXXs.a. et YYY s.a. réclament également de leur côté l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 5.000.- € sur base de l’article 240 du nouveau code de procédure civile. Outre qu’il échet de rappeler que la base légale pour l’allocation utile d’une indemnité de procédure par le tribunal administratif est l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, cette demande est à rejeter au vu de l’issue du litige.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;

reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;

écarte des débats le deuxième mémoire en réplique déposé le 26 mars 2010 ainsi que le mémoire intitulé « mémoire en duplique suite au mémoire en réponse des sociétés XXX s.a.

et YYY s.a.», déposé le 17 décembre 2010 par la demanderesse et le mémoire en duplique déposé le 19 janvier 2010 par les sociétés XXX s.a. et YYY s.a., mémoires qui n’entreront pas en taxe ;

au fond le dit justifié ;

partant annule la décision du ministre de l’Intérieur du 24 août 2009 approuvant la décision du conseil communal de … du 5 août 2009, portant pour sa part approbation de la convention de concession du 16 juillet 2009 relative à l'exploitation du réseau de télédistribution de la Commune de … en faveur des sociétés XXX s.a. et YYY s.a., ainsi que de la prédite décision du conseil communal du 5 août 2009 ;

condamne encore l’administration communale de … et l’Etat in solidum à payer à la société … s.à r.l. une indemnité de procédure d’un montant de 1.500 euros ;

condamne encore l’administration communale de … et l’Etat in solidum aux frais, sous réserve des mémoires écartés ci-avant ;

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 27 avril 2011 par :

Marc Sünnen, premier juge, Claude Fellens, premier juge, Andrée Gindt, juge, en présence de Michèle Hoffmann, greffier, s. Hoffmann s. Sünnen 14


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 26295
Date de la décision : 27/04/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2011-04-27;26295 ?

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