Tribunal administratif Numéro 27015 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 juin 2010 2e chambre Audience publique du 4 avril 2011 Recours formé par la société civile immobilière …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôts
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 27015 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 juin 2010 par Monsieur …, demeurant à …, au nom de la société civile immobilière …, établie et ayant son siège social à …, tendant à l’annulation de la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 18 mars 2010 ayant rejeté comme non fondée la réclamation dirigée contre le bulletin d’établissement en commun des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés pour l’année 2006, émis le 29 juillet 2009 par le bureau d’imposition Sociétés … ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 octobre 2010 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 3 novembre 2010 par Monsieur … au nom de la société civile immobilière … ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision directoriale attaquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport.
En date du 7 septembre 2009, Monsieur … introduisit en sa qualité d’associé de la société civile immobilière …., ci-après dénommée « la société … », une réclamation à l’encontre du bulletin d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés pour l’année 2006, émis le 29 juillet 2009, auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après dénommé le « directeur ».
Par une décision n°… du 18 mars 2010, le directeur refusa de faire droit à la réclamation aux termes de la motivation suivante :
« Vu la requête introduite le 9 septembre 2009 par le sieur …, associé de la société civile immobilière « … », avec siège à …, pour réclamer contre le bulletin d'établissement en commun des revenus d'entreprises collectives et de copropriétés de l'année 2006, émis le 29 juillet 2009 ;
Vu le dossier fiscal ;
Vu les §§ 228 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;
Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit dans les forme et délai de la loi, qu'elle est partant recevable ;
Considérant que la réclamante conteste l'établissement du revenu net provenant de la location de biens sans toute autre précision ;
Considérant qu'en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d'office un réexamen intégral de la cause, la loi d'impôt étant d'ordre public (jurisprudence : décision C7640 du 9.9.1991) ;
Qu'à cet égard le contrôle de la légalité externe de l'acte doit précéder celui du bien-fondé (jurisprudence : décision C7444 du 21.5.1993) ; qu'en l'espèce la forme suivie par le bureau d'imposition ne prête pas à critique ;
En fait Considérant que pour l'année litigieuse, la réclamante avait déclaré une perte d'un montant de … euros réalisée dans la catégorie du revenu net provenant de la location de biens ; que cet montant (sic) se composait uniquement de frais d'obtention, l'immeuble n'étant pas donné en location ;
Considérant que le bureau d'imposition avait informé la réclamante en date du 23 janvier 2008, conformément aux dispositions du § 205 AO, qu'il entendait ne plus admettre les frais d'obtention déclarés, conformément aux dispositions de l'article 105 de la loi concernant l'impôt sur le revenu (L.I.R.), de manière à ramener le revenu à un montant de 0 (zéro) euro ;
Considérant qu'en l'espèce, la réclamante est propriétaire d'un immeuble, sis à …, qui, depuis son acquisition en 1999, n'était pas habitable ; que la réclamante remarque à ce sujet que « la maison en question, devenue inhabitable au fil des années, a fait l'objet de nombreuses requêtes de réhabilitation auprès des autorités nationales et communales » ;
Considérant que l'instruction a révélé que ledit immeuble a été classé en date du 12 janvier 1990 par le Gouvernement en conseil comme monument national au sens de la loi du 18 juillet 1983 concernant la conservation et la protection des sites et monuments nationaux ; qu'il est également situé dans le secteur protégé des vallées de la Pétrusse et de l'Alzette, tel que défini par la ville de Luxembourg ;
Considérant également que la réclamante avait demandé une autorisation de bâtir pour la transformation de l'immeuble en question au cours de l'année 2001 ; que ce projet ne répondait cependant pas aux exigences de la commission des bâtisses de … de sorte que la réclamante a été invitée de présenter un projet redressé et complété ; qu'une nouvelle proposition du 3 décembre 2002 a également été avisée négativement par décision du 26 mars 2003 ;
Considérant que la réclamante n'a pas documenté de nouvelle intervention depuis lors, sauf à déclarer dans sa requête qu'elle aurait obtenu récemment (sans précision de date) un accord verbal pour transformer toute la maison en magasin et atelier de couturière ;
En droit Considérant d'abord qu'une société civile, en vertu du § 11 bis de la loi d'adaptation fiscale (StAnpG), n'étant pas considérée comme ayant une personnalité juridique distincte de celle des associés, la location par elle de biens immobiliers n'est pas une activité commerciale et son patrimoine fait partie du patrimoine privé des copropriétaires ;
Considérant qu'aux termes de l'article 98, alinéa 1er n° 1 de la loi concernant l'impôt sur le revenu (L.I.R.), est considéré comme revenu provenant de la location de biens le revenu provenant de la location et de l'affermage de biens meubles ou immeubles, pour autant que ce revenu n'est pas à classer aux numéros 2 et 3; qu'il faut néanmoins que le contribuable ait une intention sérieuse de s'enrichir moyennant cette source de revenu ;
Considérant qu'en vertu de l'article 105, alinéa 1er L.I.R., sont considérées comme frais d'obtention les dépenses faites directement en vue d'acquérir, d'assurer et de conserver les recettes ;
Qu'aux termes de l'article 105, alinéa 4 L.I.R. les frais d'obtention sont déductibles dans la catégorie de revenu à laquelle ils se rapportent et n'entrent en ligne de compte que dans la mesure où ils sont en rapport avec des revenus imposables ;
Qu'il faut dès lors déterminer si l'immeuble détenu par la requérante était susceptible d'engendrer des recettes dans la catégorie des revenus de location, permettant ainsi la déduction des frais d'obtention déclarés, soit au total … euros en tant que « dépenses faites directement en vue d'acquérir (…) des recettes » suivant l'article 105, alinéa 1er L.I.R.;
Considérant que la réclamante avait connaissance du statut protégé dont bénéficiait l'immeuble litigieux lorsqu'elle en a fait l'acquisition ; qu'elle a déclaré un revenu de location pour l'année d'imposition 1999 et pour le mois de janvier de l'année 2000, versé par l'ancien propriétaire, qui continuait d'y habiter pendant cette période ;
qu'on peut en conclure que l'immeuble était habitable jusqu'à cette date ;
Considérant que la réclamante n'a pas autrement précisé les raisons qui l'ont amenée à cesser la location de l'immeuble à partir du mois de février 2000 ; que du moins elle n'en fait aucune mention dans les déclarations ultérieures, sauf qu'elle a précisé dans sa lettre de réclamation que la maison est devenue inhabitable au fil des années ;
Considérant que s'il est vrai que la réclamante a introduit une demande de déclassement de l'immeuble et introduit des projets de réaménagement de l'immeuble litigieux, il n'en reste pas moins, qu'aux cours des années 2002, 2003, 2004, 2005 et 2006, elle n'a pas déclaré de frais d'obtention sauf l'amortissement, l'assurance incendie, les frais et intérêts de banque, l'impôt foncier et les autres taxes communales ; que par contre elle n'a fait état ni d'autres frais d'entretien ou de réparation afin de maintenir l'immeuble dans un état apte à la location ni de frais d'agence ou d'annonces dans les journaux pour rechercher un nouveau locataire, en attendant qu'elle obtienne les autorisations nécessaires au réaménagement préconisé ;
Considérant qu'on peut valablement admettre qu'au cours de l'année litigieuse 2006, tout comme au cours des années précédentes, la réclamante n'a fait aucune démarche pour contrer l'état de plus en plus inhabitable de l'immeuble et qu'elle n'était plus à la recherche d'un revenu de location ;
Considérant qu'il s'en dégage que les frais déclarés par la réclamante ne constituent pas des dépenses faites directement en vue d'acquérir, d'assurer et de conserver des recettes au cours de l'année litigieuse et ne sont dès lors pas déductibles ;
Considérant que pour le surplus, l'imposition est conforme à la loi et aux faits de la cause et n'est d'ailleurs pas contestée ;
PAR CES MOTIFS reçoit la réclamation en la forme, la rejette comme non fondée.» Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 18 juin 2010, la société … a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision directoriale précitée du 18 mars 2010.
Il résulte d’une lecture combinée des dispositions du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO » et de l’article 8 (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif que le tribunal statue comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation de sa part contre un bulletin d’établissement en commun des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés.
En l’espèce, la demanderesse n’a cependant pas introduit un recours en réformation mais un recours en annulation.
Si, dans une matière dans laquelle la loi a institué un recours en réformation, le demandeur conclut à la seule annulation de la décision attaquée, le recours est néanmoins recevable dans la mesure où le demandeur se borne à invoquer des moyens de légalité et que l’intérêt à agir du demandeur reste vérifié par rapport à cette demande1.
Un recours en annulation a partant pu valablement être introduit.
Il échet encore de relever que bien qu’aucune des parties n’ait comparu à l’audience des plaidoiries, la procédure devant les juridictions administratives étant essentiellement écrite, elle peut se poursuivre et le présent jugement est réputé être rendu contradictoirement entre les parties dès lors que la requête introductive d’instance a été déposée suivie du dépôt d’un mémoire en réponse2.
Quant à la recevabilité du recours, le délégué du gouvernement soulève l’irrecevabilité de la requête introduite par la société … au motif que, s’agissant en l’espèce d’une société civile, le paragraphe 239 (1) point 3 AO disposerait que c’est le sociétaire chargé de la gestion de l’exploitation de la société qui aurait seul qualité pour introduire un recours contre le bulletin litigieux. Or, en l’espèce, Monsieur …, ayant signé la requête introductive d’instance pour compte de la société …, en serait associé mais n’en serait pas gérant. Ce serait Madame … qui aurait été nommée à cette fonction.
Il échet de rappeler que le paragraphe 239 (1) point 3 AO dispose que :
(1) « Zur Einlegung von Rechtsmitteln, die einen einheitlichen Feststellungsbescheid über Einkünfte aus Gewerbebetrieb, über den Einheitswert eines gewerblichen Betriebs oder über wirtschaftliche Untereinheiten von gewerblichen Betrieben betreffen, sind die folgenden Personen berechtigt:
1. soweit es sich darum handelt, wer an dem festgestellten Betrag beteiligt ist und wie der festgestellte Betrag sich auf die einzelnen Beteiligten verteilt:
jeder Gesellschafter oder Gemeinschafter, der durch die Feststellungen über diese Punkte berührt wird;
2. soweit es sich um einen Punkt handelt, der einen Gesellschafter oder Gemeinschafter für seine Person angeht (zum Beispiel die Höhe von Sondervergütungen oder persönlichen Werbungskosten):
der Gesellschafter oder Gemeinschafter, der durch die Feststellungen über diesen Punkt berührt wird;
1 trib. adm. 28 juin 2006, n° 19694 du rôle, Pas. adm. 2010, V° Recours en réformation, n° 2 2 trib. adm. 6 octobre 2004, n° 18377 du rôle, www.jurad.lu 3. im übrigen:
nur die zur Geschaftsführung berufenen Gesellschafter oder Gemeinschafter;
Gesellschafter oder Gemeinschaften die nicht zur Geschäftsführung berufen sind, sind auch nicht berechtigt, dem Rechtsmittel beizutreten.
(2) Sind in anderen als den im Absatz 1 bezeichneten Fällen einheitliche Feststellungsbescheide gegen Mitberechtigte ergangen, so ist jeder Mitbe-
rechtigte zur Einlegung von Rechtsmitteln befugt.
(3) Mehrere Rechtsmittel gleicher Art, die denselben Betrieb, dasselbe Grundstück, dasselbe Betriebsgrundstück oder dieselbe Gewerbeberechtigung, in den Fällen des § 215 Absatz 2 dieselben Einkünfte betreffen, werden verbunden und zur Einlegung von Rechtsmitteln befugte Mitberechtigte, die kein Rechtsmittel eingelegt haben, zu dem Rechtsmittelverfahren von Amts wegen zugezogen. Auch im Rechtsmittelverfahren können nur einheitliche Feststellungen getroffen werden. Die Rechtsmittelentscheidungen richten sich gegen alle Mitberechtigten;
§ 219 Absatz 1 Sätze 2 bis 4 finden Anwendung ».
Ainsi, il ressort du paragraphe 239 (1) point 3 AO que dans tous les cas où les points 1 et 2 ne sont pas visés, tel que cela est le cas en l’espèce, seuls les associés ou les sociétaires chargés de la gestion de la société peuvent introduire un recours contre notamment les bulletins d’établissement en commun des revenus d’entreprises collectives. Par ailleurs, cette même disposition interdit aux associés et aux sociétaires qui ne sont pas chargés de la gestion de la société de se joindre à l’instance contentieuse.
Or, les statuts de la société … versés au dossier renseignent que Madame … a été nommée le 1er avril 1999 en tant que gérante de la société pour une durée indéterminée.
Cet état de fait n’a d’ailleurs été contredit ni par les pièces et éléments du dossier ni par les explications fournies dans le mémoire en réplique. Ainsi, il aurait incombé à Madame … en sa qualité de gérant d’introduire le recours contre la décision déférée. Partant, le recours sous examen, dans la mesure où il a été introduit par Monsieur …, pour compte de la société … en sa qualité d’associé de celle-ci, est irrecevable, la qualité de gérant n’ayant pas été établie dans son chef.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
déclare le recours en annulation irrecevable ;
condamne la partie demanderesse aux frais.
Ainsi jugé par:
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Françoise Eberhard, premier juge, Anne Gosset, juge, et lu à l’audience publique du 4 avril 2010 par le premier vice-président, en présence du greffier assumé Sabrina Knebler.
s. Sabrina Knebler s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 6 avril 2011 Le Greffier assumé du Tribunal administratif 7