Tribunal administratif Numéro 27446 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 novembre 2010 2e chambre Audience publique du 28 mars 2011 Recours formé par Madame … et consorts, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 19, L. 5.5.2006)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 27446 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 novembre 2010 par Maître Edmond Dauphin, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … à … (Albanie), agissant en son nom propre ainsi qu’au nom de ses enfants mineurs …, né le … à … et …, né le … à …, tous de nationalité albanaise et demeurant tous actuellement à …, tendant, d’une part, à la réformation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 1er octobre 2010 portant refus de sa demande de protection internationale et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 8 décembre 2010 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Edmond Dauphin et Madame le délégué du gouvernement Claudine Konsbrück en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 janvier 2011 ;
Vu l’avis du tribunal administratif du 24 janvier 2011 prononçant la rupture du délibéré suite au courrier de Maître Edmond Dauphin du 20 janvier 2011 ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Edmond Dauphin et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul Reiter en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 14 février 2011.
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Le 28 décembre 2009, Madame … introduisit auprès du service compétent du ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, en son nom propre ainsi qu’au nom de ses enfants mineurs … et …, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée la « loi du 5 mai 2006 ».
Le 21 mai 2010, Madame … fut entendue par un agent du ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 1er octobre 2010, envoyée à l’intéressée en date du 4 octobre 2010, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, désigné ci-après par « le ministre », informa Madame … que sa demande de protection internationale avait été rejetée comme non fondée. Cette décision est libellée comme suit :
« Madame, J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale au sens de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentée auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères en date du 28 décembre 2009.
En application de la loi précitée, votre demande de protection internationale a été évaluée par rapport aux conditions d'obtention du statut de réfugié et de celles d'obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.
En mains la transcription de votre entretien auprès du Service des Réfugiés du 21 mai 2010.
Il ressort de vos indications auprès de l'agent du Ministère des Affaires étrangères que vous auriez vécu dans la commune de …, ensemble avec votre époux et vos trois fils. En date du 23 décembre 2009 vous auriez quitté votre pays d'origine en emmenant vos deux fils cadets. Vous précisez que votre époux, … et votre fils aîné … seraient restés en Albanie. Selon vos dires, votre époux serait président du parti démocratique depuis 1991 ou 1992 dans votre village, mais que (sic) vous n'auriez jamais eu un problème quelconque en raison de cette affiliation politique.
Il résulte de vos déclarations qu'en date du 15 septembre 2009, votre époux aurait trouvé une lettre sur le siège du chauffeur de son bus (sic), disant que vous devriez payer la somme de 15 millions de Leks (environ 107.- Euros1) endéans les 15 jours, sinon vos enfants seraient kidnappés. De plus, il y aurait été marqué que vous ne devriez en aucun cas contacter la Police. Vous ajoutez que la lettre n'aurait pas été signée et donc vous n'auriez même pas su à qui payer la somme revendiquée. Vous expliquez cependant qu'il y aurait été marqué que vous recevriez des explications plus tard. Vous dites que votre mari aurait ignoré les instructions de l'auteur de cette lettre et se serait rendu au Commissariat de Police … le lendemain. Cette dernière (sic) aurait remarqué qu'elle ne saurait pas dire qui serait l'expéditeur de ces menaces (p.12/16). Vous continuez vos dires en indiquant qu'en date du 5 décembre 2009, votre époux aurait reçu une deuxième 1 http://www.oanda.com/lang/fr/currency/converter/;consulté en date du 1er octobre 2010.
lettre. Cette fois-ci, l'auteur de la lettre aurait écrit que vous auriez commis une faute en vous rendant au Commissariat de Police. Par conséquent, « vous seriez coupé en morceaux (…), maintenant on va vous tuer » (p.12/16).
Vous dites que vous auriez expliqué à votre époux que vous ne pourriez pas vivre avec ces menaces. Un jour, quand votre époux et votre fils aîné n'auraient pas été à la maison, vous auriez décidé de partir avec vos deux fils mineurs. Selon vos dires, arrivée au Monténégro, vous auriez contacté votre époux et vous lui auriez dit que vous seriez partie. Quand l'agent du Ministère vous demande si vous auriez eu des problèmes avec votre époux, vous répondez par la négative, mais que vous auriez dû partir pour sauver vos enfants.
Quant à votre voyage en direction du Grand-Duché, vous indiquez que vous auriez payé 8.000.- Euros à un passeur pour être conduit au Luxembourg. Vous ajoutez [lors de votre entretien du 21 mai 2010] que vous n'auriez plus essayé de contacter votre époux depuis le cinq ou six janvier 2010. Pour finir, vous dites que ces menaces seraient la seule raison pourquoi vous auriez quitté l'Albanie.
Vous ne présentez aucune pièce d'identité, ni pour vous et ni pour vos enfants.
Il y a d'abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.
Or, il convient de souligner que vous restez assez vague dans vos déclarations et que vous n'entrez pas du tout dans les détails. La seule raison, selon vos indications, pourquoi vous auriez quitté l'Albanie est que vous auriez reçu une lettre en date du 15 septembre 2009 par un ou des inconnus indiquant que vous devriez payer la somme de 15 millions de Leks. Trois mois plus tard, la ou les mêmes personnes vous auraient recontacté via lettre anonyme et vous auraient menacé à nouveau. Quant à la plainte que vous auriez apparemment déposée, vous indiquez que la Police vous aurait dit qu'elle ne savait pas qui serait l'expéditeur de la lettre de menace. Or, il demeure invraisemblable que la Police vous aurait donné une telle réponse insignifiante.
De plus, il est assez surprenant que vous auriez quitté votre époux et votre fils aîné précipitamment, sans leurs (sic) dire au revoir et sans essayer de les contacter depuis des mois.
En tout état de cause, les faits exposés ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécutée dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi modifiée du 5 mai 2006. En effet, votre demande de protection internationale est basée sur un délit de droit commun commis par des personnes privées du ressort des autorités de votre pays et punissable en vertu de la législation albanaise.
Ajoutons encore que vous avez omis jusqu'au jour présent de présenter un document d'identité quelconque. De plus, vous n'avez jamais présenté une copie de votre plainte.
Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.
En outre, votre récit ne contient pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, les faits invoqués à l’appui de votre demande ne nous permettent pas d’établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptibles de faire l’objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
Votre demande en obtention d’une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens de l’article 19§1 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection.
La présente décision vaut ordre de quitter le territoire. ».
Par requête déposée le 5 novembre 2010 au greffe du tribunal administratif, Madame …, agissant tant en son nom propre qu’au nom de ses enfants mineurs, a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 1er octobre 2010 portant refus de lui accorder une protection internationale et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision.
1. Quant au recours tendant à la réformation de la décision portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées, une demande en réformation a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée.
Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.
A l’appui de son recours, la demanderesse reproche au ministre d’avoir fait une appréciation erronée des faits de l’espèce lesquels seraient selon elle de nature à fonder raisonnablement une crainte de persécution en raison de l’incapacité des autorités de son pays de lui apporter une protection adéquate.
Elle expose être originaire de la commune de … en Albanie où elle aurait vécu avec son mari et ses trois enfants et être de confession catholique. Elle aurait quitté l’Albanie avec deux de ses enfants en décembre 2009 suite aux menaces que son mari aurait reçues. Ses problèmes auraient commencé le 15 septembre 2009 lorsque son mari, moniteur de conduite de bus, aurait trouvé une lettre anonyme sur le siège conducteur de son bus l’enjoignant à payer la somme de 15 millions de Leks dans un délai de 15 jours sous peine d’enlèvement de ses enfants et lui interdisant formellement d’en parler à la police. Elle ajoute que son mari aurait ignoré l’interdiction de contacter la police et s’y serait rendu dès le lendemain. La police se serait contentée de constater le caractère anonyme de la lettre. Son époux aurait alors reçu en date du 5 décembre 2009 une deuxième lettre la menaçant elle-même et son époux d’être éliminés et coupés en morceaux à titre de mesure de représailles pour s’être rendus à la police. Le 23 décembre 2009, ne pouvant plus vivre sous la crainte d’assassinat et sous la pression des menaces, elle se serait enfuie d’Albanie avec ses deux plus jeunes enfants et se serait rendue au Monténégro d’où elle se serait rendue au Luxembourg avec l’aide d’un passeur recommandé par une Monténégrine qu’elle aurait rencontrée. Elle soutient être sans nouvelle de son mari et de son fils depuis le 5 ou le 6 janvier 2010 et indique avoir « oublié » son téléphone portable chez la personne qui l’aurait hébergée au Monténégro.
Elle reproche au ministre d’avoir considéré que ses déclarations seraient restées trop vagues et pas suffisamment détaillées. Elle critique encore la décision du ministre pour avoir retenu que son récit ne serait pas crédible au motif que les éléments de son récit seraient restés assez vagues et peu convaincants. Elle fait grief au ministre de mettre en doute les faits suivants, à savoir, premièrement qu’elle aurait quitté l’Albanie « pour la seule raison » d’avoir reçu une lettre anonyme, deuxièmement la circonstance selon laquelle « il demeure invraisemblable que la Police vous aurait donné une telle réponse insignifiante » et, troisièmement, sa décision de départ précipité sans avoir eu le temps de faire ses adieux à son mari et à son fils restés sur place. A ces reproches, la demanderesse rétorque, premièrement, qu’il ne serait pas requis de justifier une fuite pour plusieurs raisons et que la réception d’une lettre anonyme de menaces de racket d’une somme importante assortie de menaces de mort constituerait, en soi, une raison nécessaire et suffisante pour décider de fuir, deuxièmement, que la réaction de la police albanaise quant à son incapacité d’identifier l’auteur ou les auteurs de la lettre de menaces ne serait de loin pas insignifiante mais révèlerait, au contraire, son manque d’efficacité et troisièmement, que son départ précipité illustrerait précisément le caractère imminent du danger auquel elle aurait été exposée.
La demanderesse soutient que la circonstance selon laquelle le ministre aurait retenu que les faits par elle avancés seraient considérés comme un délit de droit commun commis par des personnes privées du ressort des autorités albanaises et punissable en vertu de la législation albanaise serait dénuée de fondement eu égard au caractère insuffisant de la protection offerte par la police albanaise démontré à suffisance par l’attestation du bourgmestre de la commune de … quant aux menaces subies par sa famille et par la disparition de son mari et de son fils depuis son départ. La demanderesse en conclut que ne bénéficiant d’aucune certitude de protection contre les menaces de persécutions, elle pourrait se prévaloir du prescrit des article 26 (4) et 28 c) de la loi du 5 mai 2006 et qu’il existerait des motifs sérieux et avérés de croire qu’elle courrait en cas de retour en Albanie, un risque réel d’être victime d’actes de persécution au sens de l’article 31 sinon de traitements inhumains ou dégradants visés à l’article 37 b) de ladite loi, de sorte qu’elle répondrait aux conditions d’obtention d’une protection internationale.
Le délégué du gouvernement estime que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation de la demanderesse. Il rétorque aux développements de la demanderesse que la seule réception de deux lettres anonymes ne saurait justifier l’octroi d’une protection internationale dans le chef de la demanderesse en l’absence de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 juillet 1967, approuvé par le règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, ci-après « la Convention de Genève » ainsi que les articles 31 et 32 de la loi du 5 mai 2006.
Aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 c) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…)».
A titre liminaire, le tribunal relève que la demanderesse reproche au ministre d’avoir considéré que son récit ne serait pas crédible au motif que les éléments de son récit seraient restés assez vagues et peu convaincants. Or, il ressort de la décision déférée que le ministre n’a pas contesté la crédibilité du récit de la demanderesse dans son ensemble mais a uniquement relevé, en s’adressant à la demanderesse, qu’« il convient de souligner que vous restez assez vague dans vos déclarations et que vous n'entrez pas du tout dans les détails », de sorte que le tribunal ne considère pas qu’il doive analyser spécifiquement les déclarations de la demanderesse point par point pour déterminer si son récit est crédible ou non mais qu’il peut se limiter à l’examen des moyens présentés par la demanderesse dans le cadre de la demande de protection afin de décider si les éléments de son récit sont, comme le soutient le ministre, vagues et peu convaincants ou, au contraire, de nature à justifier la protection internationale.
L’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006 définit les actes de persécution et dispose ce qui suit : « Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1 A de la Convention de Genève doivent : a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme (…) ».
En l’espèce, l’examen des déclarations faites par la demanderesse lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse, amène le tribunal à conclure qu’elle reste en défaut de faire état à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social au sens de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006.
En premier lieu, il ressort des déclarations de la demanderesse qu’elle fonde ses craintes de persécution essentiellement sur la réception de deux lettres anonymes de racket et de menaces. Il échet de relever qu’en l’absence de la production desdites lettres, le tribunal n’est, d’une part, pas en mesure d’en vérifier le contenu ni, d’autre part, d’en cerner la portée de sorte que s’agissant a priori de faits partiellement personnels à la demanderesse puisqu’également dirigés contre son mari, ces faits ne sont susceptibles de fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève que si la demanderesse établit dans son chef un risque réel d'être victime d'actes de persécution.
Or, en l’absence de la production desdites lettres anonymes, les circonstances décrites par la demanderesse ne sauraient être interprétées comme constitutives d’une menace de mort proférée à son encontre, de surcroît, en l’absence d’identification de ses auteurs. Tout au plus ces menaces et insultes générales, certes condamnables, s’analysent en substance en des harcèlements de la part de personnes albanaises non autrement identifiées, sans qu’elles ne puissent être considérées comme suffisamment graves en l’absence de tout autre élément de nature à pouvoir déterminer les motifs se trouvant à la base des menaces pour pouvoir retenir dans le chef de la demanderesse l’existence d’une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève justifiant la reconnaissance du statut de refugié.
Par ailleurs, à l’exception des menaces et insultes adressées par voie de lettres anonymes à son époux au sujet desquelles le tribunal vient de retenir ci-avant qu’elles n’étaient pas de nature à être considérées comme suffisamment graves pour pouvoir retenir dans le chef de la demanderesse l’existence d’une crainte fondée de persécution, la demanderesse reste en défaut de rapporter la preuve d’autres éléments l’exposant personnellement à des actes de persécution.
Quant au volet de la décision déférée, portant refus d’accorder à la demanderesse le bénéfice de la protection subsidiaire, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 2, e) de la loi du 5 mai 2006, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire», « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».
L’article 37 de la loi du 5 mai 2006 définit comme atteintes graves : « a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
En se référant au manque de sécurité en Albanie, la demanderesse estime courir un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006, à savoir un traitement inhumain et dégradant en cas de retour dans son pays d’origine.
Or, le tribunal vient de retenir ci-avant que les faits dont la demanderesse se prévaut ne sont pas d’une gravité suffisante pour constituer des actes de persécution au sens de l’article 31 de la loi du 5 mai 2006.
Enfin, il échet surtout de relever que les menaces à elles seules, en l’absence de tout autre élément, ne sauraient être considérées comme constituant des traitements inhumains ou dégradants ou comme établissant à suffisance le risque de faire l’objet de tels traitements.
Dès lors, à défaut d’autres éléments et moyens de la demanderesse, le tribunal est amené à conclure qu’il n’existe pas de motifs sérieux et avérés de croire que la demanderesse, si elle était renvoyée dans son pays d’origine, courrait un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 b) de la loi du 5 mai 2006. Cette conclusion n’est pas énervée par la production en cours de procédure contentieuse de l’attestation du bourgmestre de la commune de … du 18 janvier 2010 relevant que « Le 22 octobre 2009, se sont présenté (sic) auprès de notre commune pour se plaindre à propos des menaces qu’ils avaient subi (sic) par des gens inconnus. Depuis ce jour-là, aucun membre de la famille … n’a pas été vu (sic). En base (sic) des informations que nous avons reçues en collaborations avec les autorités de l’ordre publique (sic), leurs vies sont en péril ». En effet, Madame … s’étant enfuie de son village en date du 23 décembre 2009 avec ses enfants au vu des menaces dont elle faisait l’objet, il est raisonnable de considérer que son mari se soit également éloigné du domicile conjugal de sorte que plus aucun membre de la famille n’y résiderait, circonstance corroborée par la prédite attestation. Par ailleurs, le tribunal ayant retenu ci-avant que les menaces dont a été victime la famille … n’étaient pas de nature à être qualifiées de persécutions ou de craintes fondées de persécution susceptibles de justifier la reconnaissance du statut de réfugié, l’affirmation péremptoire du bourgmestre de la commune de …selon laquelle « leurs vies sont en péril » n’est pas susceptible de modifier la conclusion à laquelle le tribunal est arrivé ci-avant.
Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.
2. Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire contenu dans une décision statuant sur une demande de protection internationale, le recours en annulation introduit contre pareil ordre contenu dans la décision déférée du 1er octobre 2010 est recevable pour avoir été, par ailleurs, introduit dans les formes et délai de la loi.
Aux termes de l’article 19 (1) de la loi du 5 mai 2006, une décision négative du ministre en matière de protection internationale vaut ordre de quitter le territoire.
La demanderesse sollicite l’annulation de l’ordre de quitter le territoire au motif que le ministre aurait rejeté à tort sa demande de protection internationale.
Le tribunal vient cependant, tel que développé ci-dessus, de retenir que la demanderesse ne remplissait pas les conditions pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, de sorte que le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée portant ordre de quitter le territoire.
Partant, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, reçoit en la forme le recours en réformation contre la décision ministérielle portant refus d’un statut de réfugié et d’une protection subsidiaire;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en annulation contre la décision déférée portant ordre de quitter le territoire;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne la demanderesse aux frais.
Ainsi jugé par :
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Françoise Eberhard, premier juge, Anne Gosset, juge, et lu à l’audience publique du 28 mars 2011 par le premier vice-président, en présence du greffier assumé Sabrina Knebler.
s. Sabrina Knebler s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 28 mars 2011 Le Greffier assumé du Tribunal administratif 10