La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/03/2011 | LUXEMBOURG | N°27089

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 mars 2011, 27089


Tribunal administratif N° 27089 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 juillet 2010 3e chambre Audience publique du 16 mars 2011 Recours formé par la société … S.àr.l., … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de remise d’impôts

________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 27089 du rôle et déposée le 9 juillet 2010 au greffe du tribunal administratif par Maître Nora Benahmed-Gaertner, avocat à la Cour, inscr

ite au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité lim...

Tribunal administratif N° 27089 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 juillet 2010 3e chambre Audience publique du 16 mars 2011 Recours formé par la société … S.àr.l., … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de remise d’impôts

________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 27089 du rôle et déposée le 9 juillet 2010 au greffe du tribunal administratif par Maître Nora Benahmed-Gaertner, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée … S.àr.l., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son gérant actuellement en fonctions, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 8 avril 2010 ayant déclaré tardive sa demande de remise d’impôts par voie gracieuse et, « à toutes fins utiles », également d’une décision du préposé du bureau d’imposition Sociétés 4 ayant déclaré irrecevable comme étant tardive une demande en remboursement d’une retenue d’impôts sur le revenu des capitaux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 décembre 2010 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 6 janvier 2011 par Maître Nora Benahmed-Gaertner au nom de la demanderesse ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Nora Benahmed-

Gaertner et Madame le délégué du gouvernement Monique Adams en leurs plaidoiries respectives.

________________________________________________________________________

Par courrier de sa fiduciaire daté du 28 octobre 2009, la société à responsabilité limitée … S.àr.l., ci-après désignée par « la société … », s’adressa au bureau d’imposition sociétés 4 de Luxembourg de l’administration des Contribution directes, ci-après désigné par « le bureau d’imposition », dans les termes suivants :

« Faisant suite à notre conversation téléphonique avec Mme … et agissant en tant que mandataire de la société précitée, nous vous demandons par la présente de bien vouloir annuler la déclaration de la retenue d'impôt sur les revenus de capitaux que notre client vous a déposé en date du 4 juillet 2007 concernant la période du 01/01/2005 au 31/12/2005.

En effet, nous avions déposé la 1ère déclaration concernant cette période le 27 novembre 2006 et notre client a redéposé cette déclaration lors de son paiement. Nous avons donc déclaré et payé cet impôt deux fois. (ci-joint en annexe, la copie des deux déclarations identiques).

Nous vous demandons par la présente de bien vouloir accepter notre introduction d'annulation compte tenu que celle-ci n'a pas été déposée dans le délai de recours car nous nous sommes aperçus de cette erreur que récemment. » Par une décision du 4 novembre 2009, le préposé du bureau d’imposition qualifia ladite demande comme une demande en remboursement de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux et la déclara irrecevable sur le fondement des paragraphes 150 à 153 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », en retenant ce qui suit :

« (…) décide :

Rejeter la requête comme irrecevable alors que le droit au remboursement s'est éteint du fait de l'introduction tardive de la demande.

En effet, la demande en remboursement de la retenue d'impôt sur les revenus de capitaux doit parvenir au bureau d'imposition du débiteur des revenus au plus tard le 31 décembre de l'année suivant celle de l'attribution des revenus en cause.(…) » Par un courrier daté du 18 novembre 2009, la société … s’adressa par l’intermédiaire de sa fiduciaire au directeur de l’administration des Contribution directes, ci-après désigné par « le directeur », dans les termes suivants :

« En notre qualité de mandataire fiscal de la société à responsabilité limitée …, nous avons l'honneur de vous prier de bien vouloir autoriser par voie gracieuse que le Bureau d'Imposition Sociétés 4 annule une déclaration de la retenue d'impôt sur les revenus de capitaux concernant une distribution de 120.000 € bruts au titre de dividendes relatifs à l'exercice 2005.

Cette déclaration a été par erreur déposée à deux reprises par notre mandante à l'Administration :

* une première fois le 22.11.2006 immédiatement après la tenue de l'Assemblée générale 2005, avec règlement d'un montant de 24.000 € au titre des impôts sur le revenu des capitaux (20% sur 120.000 €) * une deuxième fois le 4.7.2007: lors du paiement effectif des dividendes aux actionnaires, la secrétaire-comptable de notre mandante, croyant à un oubli de l'envoi de la déclaration, a renvoyé une deuxième fois avec une nouvelle date de dépôt de juillet 2007. Suite à ce nouveau dépôt, le bureau d'imposition a rectifié le montant de l'impôt dû à 18.000 €. Le client a réglé ce montant suite à la réception de l’extrait de compte.

C'est au moment du constat du payement lors de l'établissement des comptes annuels 2008 que nous avons constaté cette erreur. Le Préposé du Bureau d'Imposition auquel nous avons adressé une demande de remboursement de la retenue d'impôt payée en 2007 a rejeté la requête comme irrecevable alors que le droit au remboursement s'est éteint du fait de l'introduction tardive de la demande (décision du 4.11.2009 Sociétés 4).

Nous vous prions de considérer une révision de la décision et de donner exceptionnellement votre accord pour annuler la déclaration déposée par le mandant en juillet 2007 portant sur la même distribution de dividendes déjà signalée par un dépôt en 2006, avec règlement des impôts en 2006.

Le montant de 18.000 € payé en excédent en 2007 pourra le cas échéant être compensé avec une retenue d'impôt sur les revenus de capitaux due au titre de l'année 2008. » Par une décision du 8 avril 2010 (n° du rôle …), le directeur, en qualifiant cette demande de demande de remise gracieuse, la rejeta au terme de la motivation suivante :

« Vu la demande présentée le 23 novembre 2009 par le sieur … de la société anonyme …, établie à L-… en qualité de mandataire de la société à responsabilité limitée …, établie à L-…, ayant pour objet une remise d'impôt par voie gracieuse ;

Vu le paragraphe 131 de la loi générale des impôts (AO), tel qu'il a été modifié par la loi du 7 novembre 1996;

Considérant que la demande tend à une annulation d'une deuxième déclaration de retenue d'impôt sur revenus de capitaux remise le 4 juillet 2007 et relative à une distribution de dividendes relatifs à l'exercice 2005 ;

Considérant qu'en vertu du paragraphe 131 AO, sur demande dûment justifiée endéans les délais du paragraphe 153 AO, le directeur de l'administration des contributions directes accordera une remise d'impôt ou même la restitution, dans la mesure où la perception de l'impôt dont la légalité n'est pas contestée, entraînerait une rigueur incompatible avec l'équité, soit objectivement selon la matière, soit subjectivement dans la personne du contribuable ;

Considérant qu'aux termes du paragraphe 153 AO, le délai pour l'introduction d'une requête est d'une année civile après que le requérant a eu connaissance des faits sur lesquels il entend fonder sa demande ;

En l'espèce, la demande concernant une déclaration de retenue d'impôt sur les revenus de capitaux remise le 4 juillet 2007 et concernant des dividendes de l'année 2005, se situe en dehors du délai susvisé ;

PAR CES MOTIFS, Décide :

La demande en remise gracieuse est tardive (…). » Par requête déposée le 9 juillet 2010 au greffe du tribunal administratif, la société … a introduit un recours en réformation, sinon en annulation à l’encontre de la décision précitée du directeur 8 avril 2010 et, « à toutes fins utiles », contre la décision du 4 novembre 2009 prise par le bureau d’imposition.

Le délégué du gouvernement soulève l’irrecevabilité du recours pour violation de l’article 1er de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives en ce que l’objet de la demande et plus particulièrement la nature du recours n’aurait pas été clairement indiqué.

Aux termes de l’article 1er, alinéa 2 de la loi précitée du 21 juin 1999, la requête introductive doit contenir notamment la désignation de l’objet de la demande.

Or, s’il est vrai que le corps de la requête introductive n’indique pas la nature du recours que la société … entend introduire, il se dégage cependant clairement du dispositif de ladite requête que le recours tend à la réformation, sinon à l’annulation des décisions déférées.

Il s’ensuit que le moyen d’irrecevabilité est à rejeter pour ne pas être fondé.

A l’audience des plaidoiries, le tribunal a encore soulevé la question de la recevabilité du recours pour autant qu’il est dirigé contre la décision du bureau d’imposition.

Le bureau d’imposition a qualifié la demande introduite par la société … de demande de remboursement d’impôts.

Conformément au paragraphe 228 AO, « Les décisions visées aux §§ …, 211, 212, 212a alinéa 1er, 214, 215, 215 a et 235 peuvent être attaquées dans un délai de trois mois par voie de réclamation devant le directeur de l’administration des Contributions directes ou son délégué. Il sera procédé conformément au § 299. La décision du directeur est susceptible d’un recours devant le tribunal administratif, qui statuera au fond ».

Il s’ensuit que plus particulièrement les décisions visées au paragraphe 235 (5) AO, soit les bulletins concernant des demandes de restitution d’impôts (« Bescheide über Erstattungsansprüche aus Rechtsgründen »), peuvent faire l’objet d’une réclamation devant le directeur. Aux termes de l’article 8 (3) 3. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif : « Lorsqu’une réclamation au sens du paragraphe 228 de la loi générale des impôts (…) a été introduite et qu’aucune décision définitive n’est intervenue dans le délai de 6 mois à partir de la demande, le réclamant ou le requérant peuvent considérer la réclamation (…) comme rejetée et interjeter recours devant le tribunal administratif contre la décision qui fait l’objet de la réclamation (…) ».

Il se dégage de ces dispositions que la recevabilité d’un recours dirigé directement contre les décisions visées au paragraphe 228 AO, dont plus particulièrement celles rendues sur une demande en restitution d’impôts visées au paragraphe 235 (5) AO, telle l’hypothèse en l’espèce, est soumise à la condition de l’introduction préalable d’une réclamation devant le directeur et d’un défaut de réponse de celui-ci endéans les six mois.

En l’espèce, la société … s’est certes adressée par un courrier du 18 novembre 2009 au directeur. Néanmoins, pour que le recours dirigé contre la décision du bureau d’imposition du 4 novembre 2009 soit recevable, encore faut-il que ce courrier soit à qualifier de lettre de réclamation et que le directeur n’ait pas pris position suite à cette réclamation, étant d’ailleurs précisé que le directeur, suite au courrier de la fiduciaire de la demanderesse du 18 novembre 2009, a pris une décision en matière de remise gracieuse et non pas sur réclamation.

Le tribunal est amené à retenir qu’eu égard aux termes employés en l’espèce, en ce qu’il a été demandé au directeur d’ « autoriser par voie gracieuse » que le bureau d’imposition annule une déclaration de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux concernent l’année 2005, étant relevé que la formulation a été employée par un professionnel en la matière, qui est censé connaître la portée exacte des termes choisis, et eu égard au fait que la demande tend en substance à la restitution d’un impôt payé, la demanderesse envisageant une éventuelle compensation de l’excédent avec les retenues pour l’année 2008, le courrier ne saurait être qualifié de réclamation, mais, tel que cela a été retenu à juste titre par le directeur, de demande de remise gracieuse sur le fondement du paragraphe 131 AO. S’y ajoute que le fait que suite à l’accusé de réception du secrétariat de la division du gracieux du 20 janvier 2010, comportant la mention expresse que la requête a été mise au rôle du secrétariat de la division du gracieux, la fiduciaire de la demanderesse n’a pas protesté pour rectifier la portée de son courrier conforte l’analyse ci-avant faite qu’il était dans l’intention de la demanderesse d’introduire une demande de remise gracieuse.

Dans la mesure où le directeur n’était pas saisi d’une réclamation suite à une demande de restitution d’impôts, le recours est à déclarer irrecevable omisso medio pour autant qu’il est dirigé contre la décision du bureau d’imposition du 4 novembre 2009.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 131 AO et de l’article 8 (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996, précitée, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur rendue en matière de remise gracieuse d’impôts.

Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours principal en réformation dirigé contre la décision du directeur. Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

Le recours en réformation pour autant qu’il est dirigé contre la décision du directeur est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, la demanderesse déclare avoir décidé en 2006 de procéder à la distribution de dividendes d’un montant de 96.000 euros et d’un montant de 120.000 euros, vu les résultats positifs des années 2004 et 2005. Une distribution d’un montant de 96.000 euros aurait été effectuée en 2006, distribution qui aurait engendré une retenue à la source d’un montant de 18.000 euros, qui aurait été continuée à l’administration des Contributions directes par voie de la retenue à la source en date du 13 avril 2006. En date du 22 novembre 2006, la demanderesse aurait déclaré un montant de 120.000 euros correspondant à des dividendes relatifs à l’année 2005. Suivant un extrait de compte du 11 avril 2007, un solde de 24.000 euros sur un montant total de 42.000 euros au titre de la retenue sur les revenus de capitaux déclarés en 2006 serait apparu. Le montant en question aurait été réglé le 16 avril 2007. La demanderesse explique que ces dividendes n’auraient été distribués aux associés qu’en juillet 2007 et que, par erreur, ces dividendes auraient été déclarés une deuxième fois suivant une déclaration du 2 juillet 2007, suite à laquelle un extrait de compte aurait été émis par l’administration indiquant au titre des retenues à régler en 2007 un montant de 18.000 euros correspondant à une retenue à la source effectuée sur le montant de 120.000 euros déjà déclaré en 2006. La demanderesse précise encore qu’elle aurait réglé le solde dudit extrait de compte.

Ce serait dans ce contexte qu’en date du 28 octobre 2009, une demande d’annulation de la deuxième déclaration déposée le 2 juillet 2007 aurait été introduite par elle et que par la même occasion la restitution du montant indûment payé aurait été demandée auprès du bureau d’imposition.

En droit, la demanderesse reproche en premier lieu au directeur de s’être référé au paragraphe 153 AO, respectivement aux paragraphes 151 et 152 AO, pour conclure que la demande en restitution serait tardive. Elle donne à considérer qu’en l’espèce l’évènement ayant donné lieu au droit au remboursement au sens des paragraphes 151 et 152 AO serait la constatation par l’administration que le règlement d’une retenue à la source pour des revenus distribués en 2007, fixée par elle à 18.000 euros suivant son extrait du 26 juillet 2007, ne serait pas dû et que cet évènement aurait eu lieu en 2009 au moment où l’administration avait reçu la demande en restitution par la demanderesse.

La demanderesse fait valoir qu’une interprétation différente des dispositions du paragraphe 153 AO conduirait à des résultats contraires au principe de l’égalité des citoyens devant la loi conformément à l’article 10bis de la Constitution, au principe de l’égalité des contribuables devant l’impôt suivant l’article 101 de la Constitution et à l’article 20 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Elle demande ainsi au tribunal d’écarter les paragraphes 152 et 153 AO pour être contraires aux prédites normes hiérarchiquement supérieures.

Dans ce contexte, la demanderesse fait encore valoir qu’un citoyen qui aurait réglé un montant indû à l’Etat disposerait d’un délai de 30 ans pour demander la restitution du montant ainsi réglé et qu’il n’y aurait aucune raison objective de traiter différemment un contribuable ayant payé de façon indue un impôt.

Elle fait ensuite valoir que l’application des dispositions du paragraphe 153 AO aurait pour effet de placer dans une situation défavorable le contribuable ayant donné suite à des extraits de compte erronés par rapport aux contribuables récalcitrants.

La demanderesse soutient encore que les paragraphes 152 et 153 AO seraient contraires à la directive du Conseil du 23 juillet 1990 concernant le régime applicable aux sociétés mères et filiales d’Etats membres différents et plus particulièrement à son article 5, suivant lequel les bénéfices distribués par une filiale à sa mère seraient exonérés de la retenue à la source. Elle fait valoir qu’« en raison du principe de l’efficacité du droit communautaire », le droit au remboursement d’une retenue d’impôt sur distribution de dividendes effectuée par erreur ne saurait être enfermé dans un délai aussi court que celui prévu aux paragraphes 152 et 153 AO. Ainsi, en vertu de l’effet direct de la directive précitée, la restitution devrait pouvoir être réclamée après l’écoulement de ce délai.

La demanderesse soutient ensuite que dans les cas visés par la prédite directive, les contribuables seraient dans une situation plus favorable qu’elle-même, sans pour autant qu’il n’existe un motif légitime justifiant un traitement différencié, de sorte qu’il y aurait violation des articles 10bis et 101 de la Constitution, de l’article 20 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ainsi que de l’article 18 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Enfin, la demanderesse soutient qu’elle contesterait la légalité de la perception de l’impôt effectué et « qu’il ne saurait donc être question de remise gracieuse ». Elle en conclut qu’il y aurait lieu à application du principe du droit civil en matière de répétition de l’indû et qu’ainsi ni le paragraphe 131 AO, ni d’ailleurs les paragraphes 152 et 153 AO ne seraient applicables. Elle souligne encore que l’article 151 LIR et son règlement d’exécution ne renverrait pas aux paragraphes 152 et 153 AO.

Le délégué du gouvernement soutient, d’une part, que le courrier du 18 novembre 2009 adressé par la fiduciaire de la demanderesse au directeur ne serait pas à qualifier de réclamation, mais de demande gracieuse et souligne que cette demande avait été introduite par un professionnel de la consultation et de la représentation en matière d’impôts.

D’autre part, le représentant étatique fait valoir qu’en l’espèce, il résulterait clairement des éléments du dossier que la demande de remise gracieuse du 18 novembre 2009 serait manifestement tardive en ce qu’elle se rapporterait à la déclaration de retenue d’impôt sur les revenus de capitaux du 4 juillet 2007 et concernant des dividendes de l’année 2005.

A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la demande de remise gracieuse serait considérée comme avoir été introduite endéans le délai légal, le délégué du gouvernement donne à considérer que ni la demande gracieuse ni encore le présent recours n’exposeraient en quoi le défaut de restitution de la retenue litigieuse entraînerait une rigueur incompatible avec l’équité soit objectivement selon la matière, soit subjectivement dans la personne de la demanderesse, conformément au paragraphe 131 AO. A cet égard, il souligne que l’argumentation de la demanderesse reposerait essentiellement sur la légalité voire sur le bien-fondé de la décision du bureau d’imposition refusant le remboursement de la retenue d’impôt sur le revenu des capitaux et serait dès lors sans objet par rapport à un recours contre une décision du directeur rendue sur une demande de remise gracieuse et serait de ce fait à écarter des débats.

Il appartient au tribunal de déterminer la suite du traitement des moyens et arguments des parties compte tenu de la logique juridique dans laquelle ils s’insèrent, sans être lié par l’ordre dans lequel les moyens ont été présentés par les parties.

Il convient dès lors d’examiner en premier lieu la question de la qualification du courrier 18 novembre 2009, par lequel la demanderesse s’est adressée au directeur.

Aux termes du paragraphe 131 AO, « sur demande justifiée du contribuable endéans les délais du § 153 AO, le directeur de l’Administration des contributions directes ou son délégué accordera une remise d’impôt ou même la restitution dans la mesure où la perception d’un impôt dont la légalité n’est pas contestée entraînerait une rigueur incompatible avec l’équité, soit objectivement selon la matière, soit subjectivement dans la personne du contribuable (…) ».

Force est de prime abord de constater que la demanderesse se borne à soutenir que sa demande ne serait pas à qualifier de demande de remise gracieuse au sens du paragraphe 131 AO, mais elle n’indique pas pour autant sur quelle fondement elle estime avoir saisi le directeur, si ce n’est qu’elle demande l’application du droit civil en matière de répétition de l’indû.

Or, en présence d’une réglementation spéciale en matière d’impôts directs, prévoyant des procédures spécifiques que ce soit afin de contester le bien-fondé d’une imposition, ou pour demander la restitution d’impôts payés, respectivement pour une demande de remise d’impôts, l’argumentation de la demanderesse suivant laquelle il y aurait lieu à application des principes civils de droit commun en matière de répétition de l’indû est dénuée de tout fondement, les dispositions spéciales en matière fiscale prévalant sur le droit commun.

Au-delà de ce constat, tel que cela a été retenu ci-avant, le courrier litigieux du 18 novembre 2009 n’est pas à qualifier de réclamation, mais de demande de remise gracieuse sur le fondement du paragraphe 131 AO.

Quant au délai endéans lequel une demande sur le fondement du paragraphe 131 AO doit être introduite, il y a lieu de relever que ladite disposition renvoie aux délais prévus au paragraphe 153 AO.

Aux termes du paragraphe 153 AO : « Wo außer den Fällen der §§ 151 und 152 Erstattungsansprüche aus Rechtsgründen zugelassen sind, erlöschen sie, falls nicht anderes bestimmt ist, wenn sie nicht bis zum Schluss des Jahres geltend gemacht werden, das auf das Jahr folgt, in dem die Ereignisse, die den Anspruch begründen, eingetreten sind ».

Force est de constater que les parties sont en désaccord sur ce qu’il faut entendre par les termes « Ereignisse, die den Anspruch begründen », et partant sur le point de départ du délai de forclusion prévu au paragraphe 153 AO.

C’est cependant à tort que la demanderesse fait valoir que le droit au remboursement prendrait naissance au moment où l’administration a constaté que le règlement de la retenue à la source fixée suivant son extrait de compte du 27 juillet 2007 ne serait pas dû, soit au moment de la réception de la demande en remboursement par courrier du 28 octobre 2009. En effet, même à admettre que la demanderesse a payé des sommes indues à titre de l’impôt sur le revenu des capitaux, le droit au remboursement aurait existé en l’espèce dès le paiement du montant indû, et non pas seulement à partir du moment où l’administration en a été rendue attentive.

En l’espèce, les dividendes ont été déclarés une deuxième fois le 2 juillet 2007 et le paiement litigieux dont le remboursement est réclamé a été effectué en date du 30 juillet 2007. Il s’ensuit que le délai prévu au paragraphe 153 AO a expiré en l’espèce le 31 décembre 2008. La demande de remise gracieuse étant intervenue le 18 novembre 2009, c’est à juste titre que le directeur a déclaré la demande de remise gracieuse comme étant tardive.

C’est à tort que la demanderesse demande à voir écarter l’application des dispositions du paragraphe 153 AO en invoquant le principe de l’égalité des citoyens devant la loi et plus particulièrement du principe d’égalité devant l’impôt. En effet, les dispositions incriminées par la demanderesse sont appliquées de manière égale à tous les citoyens tombant dans leur champ d’application. L’inégalité mise en avant par la demanderesse, en ce qu’un contribuable récalcitrant serait traité plus favorablement qu’elle-même puisqu’elle aurait réglé les sommes réclamées par l’administration des Contributions directes, n’est pas liée à une inégalité devant la loi, mais au seul fait que les deux contribuables ne se trouvent pas dans la même situation de fait et de droit. Les dispositions du paragraphe 153 AO sont appliquées à la situation de la demanderesse, mais elles n’ont pas à être appliquées à un contribuable qui n’a payé aucun impôt et n’a dès lors pas formulé de demande de restitution d’impôts.

C’est encore à tort que la demanderesse fait état d’une prétendue discrimination par rapport à un administré ayant payé une somme indue à l’Etat en dehors des impôts.

Le principe d’égalité consacré par l’article 10bis de la Constitution interdit de traiter de manière différente des situations similaires, à moins que la différenciation ne soit objectivement justifiée. Il appartient par conséquent aux pouvoirs publics de traiter de la même façon tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit. Tel que cela a été retenu ci-avant, le législateur a prévu en matière fiscale un corps de règles, impliquant des procédures spécifiques échappant au droit commun. Force est de constater que le contribuable réclamant le remboursement d’un impôt trop payé ne se trouve pas dans la même situation de fait et de droit qu’un administré ayant payé une somme de façon indue à l’Etat.

Il y a encore lieu de rejeter les développements de la partie demanderesse fondées sur la directive du 23 juillet 1990, précitée, puisque ces développements ont trait à la question du bien-fondé de l’impôt par rapport auquel le directeur est saisi d’une demande de remise ou de restitution. Or, une telle question ne saurait être examinée dans le cadre d’une demande de remise gracieuse. En effet, il résulte du paragraphe 131 AO, précité, qu’une remise gracieuse n’est envisageable que si, soit objectivement ratione materiae, soit subjectivement ratione personae dans le chef du contribuable concerné, la perception de l’impôt apparaît comme constituant une rigueur incompatible avec le principe d’équité (cf. trib. adm. 5 mars 1997, n° 9220 du rôle, Pas. adm. 2009, V° Impôts, n° 364), mais que la légalité de la perception de l’impôt ne peut pas être contestée dans le cadre d’une demande fondée sur le paragraphe 131 AO.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent et à défaut d’autres moyens que la décision directoriale se trouve justifiée à suffisance de droit, de sorte que le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

déclare le recours irrecevable pour autant qu’il est dirigé contre la décision du bureau d’imposition du 4 novembre 2009 ;

pour le surplus, reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par :

Martine Gillardin, vice-président, Annick Braun, juge, Andrée Gindt, juge, et lu à l’audience publique du 16 mars 2011 par le vice-président, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Martine Gillardin Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 16.03.2011 Le Greffier du Tribunal administratif 11


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 27089
Date de la décision : 16/03/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2011-03-16;27089 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award