Tribunal administratif N° 25952 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 août 2009 1re chambre Audience publique du 16 février 2011 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu des personnes physiques
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 25952 et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 4 août 2009 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 5 mai 2009 par laquelle le directeur déclaré partiellement fondé une réclamation datée du 6 novembre 2008 dirigée contre le bulletin de l’impôt sur le revenu des personnes physiques rectifié de l’année 2006, émis à l’encontre de Monsieur … le 8 octobre 2008 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif 14 décembre 2009 ;
Vu le mémoire en réplique déposé par Maître François MOYSE au greffe du tribunal administratif le 13 janvier 2010 au nom du demandeur ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 février 2010 ;
Vu l’avis du tribunal du 12 mai 2010 invitant les parties à déposer le cas échéant un mémoire supplémentaire pour prendre position par rapport aux conséquences se dégageant du jugement du 25 janvier 2010, rôle n° 24142a, rendu dans une affaire connexe ;
Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 26 novembre 2010 par le délégué du gouvernement Vu le mémoire supplémentaire du 22 décembre 2010 déposé au greffe du tribunal administratif par Maître François MOYSE au nom de Monsieur … ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Entendu le juge-rapporteur en son rapport complémentaire ainsi que Maître Philippe STROESSER, en remplacement de Maître François MOYSE, et Madame le délégué du gouvernement Monique ADAMS en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 janvier 2011.
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Par courrier du 23 avril 2007, l’administration des Contributions directes invita Monsieur … à déclarer, pièces à l’appui, ses revenus supplémentaires tant indigènes qu’étrangers pour les exercices 1997 à 2006.
Le 7 mai 2007, Monsieur … répondit à ce courrier en les termes suivants :
« Suite à votre lettre du 23 avril 2007 relative aux revenus supplémentaires, j’ai l’honneur de vous répondre qu’il n’y a ni de revenus supplémentaires indigènes ni de revenus supplémentaires en provenance de l’étranger.
L’instruction en cours menée par le juge d’instruction Me Michel Turck éclaira toute l’affaire avec l’espoir d’un non-lieu.
Les accusations en ma personne sont totalement fausses.
Je vous prie de m’excuser pour le surplus de travail que vous avez avec mon affaire. » Le 27 juin 2007, sur base du paragraphe 189 de la loi générale des impôts, le Procureur d’Etat adressa au directeur de l’Administration des contributions directes un rapport du Service de Police judiciaire établi le 13 juin 2007 relatant des faits de fraude fiscale dont Monsieur … serait l’auteur.
Le 27 mai 2008, le préposé du bureau d'imposition de Dudelange de l’administration des Contributions directes informa Monsieur … par courrier que le bureau d'imposition procédera prochainement à l'établissement de son imposition sur le revenu de l'année 2006 et qu’en exécution du § 205 alinéa 3 de la loi générale des impôts, le bureau d'imposition dérogera à sa déclaration sur les points suivants :
« Bénéfice provenant de l'exercice d'une profession libérale 2006 : … euros. Les honoraires pour vos travaux de comptabilité et pour votre activité de conseil fiscal ont été établis suivant le rapport du 13 juin 2007 du Service de Police judiciaire transmis à la Direction des Contributions en date du 29 juin 2007, relatant des faits de fraude fiscale pour les années 1999 à 2006. Ces données nous ont été communiquées par le Procureur d'Etat sur base du paragraphe 189 de la Loi générale des impôts (AO).
Location de biens :
intérêts BCEE et BHW 6266,71 euros Période non occupée 110 jours.
Montant déductible 6266,71 x 110/365 = 1888,6 euros » Par courrier du 16 juin 2008, Monsieur … s’adressa au bureau d'imposition en question pour contester les redressements proposés par l'administration des Contributions directes en les termes suivants :
« J'accuse réception du projet d'imposition relatif à l'année d'imposition.
Or, malheureusement je ne suis pas d'accord avec les redressements annotés pour les raisons suivantes :
Profession libérale:
Je viens de recevoir une copie du rapport de la police judiciaire qui est à la base du redressement fiscal; malheureusement il ne tient pas compte des dispositions législatives en matière fiscale.
Même si j'étais un des bénéficiaires économiques de sociétés, il n'y a pas de transparence fiscale entre une société de capitaux et les actionnaires ou bénéficiaires économiques.
Evidemment il faut une personne physique pour ouvrir un compte bancaire au nom d'une société.
…, le rédacteur du rapport, ignore qu'il y a imposition au niveau des sociétés de capitaux resp. imposition des associés en ce qui concerne les sociétés de personnes.
Il y avait imposition à ces niveaux pour les années 1999-2006.
Par conséquent, je m'oppose à cette imposition qui repose sur un rapport de police qui est totalement à côté de la plaque; … ignore et ne respecte pas la législation fiscale.
Je tiens à vous informer que la procédure auprès du tribunal administratif va définitivement éclaircir mon dossier fiscal et je vous prie d'attendre avec l'imposition de 2006 jusqu'à ce qu'on aura les jugements relatifs aux années d'imposition 1997-2005.
Contrairement aux dires de M. le Directeur des Contributions repris dans sa décision relative à la réclamation, le rapport de la PJ ne peut servir de preuve car il est complètement faux.
En ce qui concerne la location de biens, je souhaite quand même la déduction des frais de remise en peinture de la maison (anschaffungsnaher Herstellungsaufwand).
En vous remerciant d'avance pour votre compréhension, je vous prie d'agréer, Monsieur le Préposé, l'expression de ma parfaite considération ».
En date du 8 octobre 2008, le bureau d'imposition émit un bulletin d'imposition pour 2006 qui s’écarte de la déclaration initiale Monsieur … et fixe un montant de … euros comme bénéfices d'une profession libérale et -3.293,70 euros comme revenu net de la location de biens, de sorte à alourdir la charge d'impôt du contribuable.
Le 6 novembre 2008 Monsieur … adressa au bureau d'imposition une réclamation contre le bulletin d'impôts pour 2006 daté du 8 octobre 2008 accompagné d'une demande de sursis à exécution. Dans ce courrier, il demanda également à l'administration des Contributions directes de le confronter avec l'origine des chiffres redressés afin de pouvoir prendre position.
Le 17 décembre 2008, le bureau d'imposition refusa d'octroyer le sursis à exécution à sollicité et invita Monsieur … à introduire un recours hiérarchique formel auprès du directeur de l'administration des Contributions directes.
Le directeur statua à l’égard de la réclamation par décision du 11 décembre 2007, libellée comme suit :
« Vu la requête introduite le 6 novembre 2008 par le sieur …, demeurant à L-…, pour réclamer contre le bulletin d'impôt sur le revenu des personnes physiques de l'année 2006, émis le 8 octobre 2008 ;
Vu le dossier fiscal;
Vu les §§ 228 et 301 de la loi générale des impôts (AO);
Vu la mise en état du directeur des contributions du 9 avril 2009 et la réponse y relative du réclamant, entrée le 22 avril 2009 ;
Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit, dans les forme et délai de la loi, qu'elle est partant recevable ;
Considérant que le réclamant entreprend le bulletin, d'une part, aux fins de demander la déduction des frais de remise en état de son immeuble destiné à lui servir de domicile principal, d'autre part, au motif qu'il se baserait sur un rapport de la police judiciaire qui serait « totalement faux »;
Considérant qu'en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d'office un réexamen intégral de la cause, la loi d'impôt étant d'ordre public, qu'à cet égard le contrôle de la légalité externe de l'acte doit précéder celui du bien-
fondé, qu'en l'espèce la forme suivie par le bureau d'imposition ne prête pas à critique ;
I.
Considérant qu'en date du 27 juin 2007, l'adjoint au Procureur d'État a communiqué d'office au directeur des contributions, conformément au § 189 AO, à telles fins que de droit et pour attribution de compétence le rapport du service de Police Judiciaire relatant des faits de fraude fiscale impliquant le réclamant ;
Considérant, à titre subsidiaire, que la revendication du réclamant de vouloir être confronté avec les chiffres du rapport de police s'avère dénuée de tout fondement, car par lettre recommandée datée du 16 juin 2008, entrée le 17 juin 2008, le réclamant a lui-même informé le bureau d'imposition qu'il était bel et bien en possession dudit rapport, sans préciser cependant depuis quand ;
Considérant que si le réclamant est libre de remettre en question l'exactitude du rapport de police l'incriminant, ce qu'il a fait d'ailleurs également à l'endroit d'autres instances y compétentes, pour sa part, le bureau d'imposition, tout aussi bien que le directeur des contributions, statuant sur réclamation, ne sauraient que se fier au rapport de police tel que transmis par l'adjoint au Procureur d'État, sans aucunement avoir à douter quant au contenu ou au sérieux de l'enquête menée et des travaux prêtés par la Police Judiciaire ;
Considérant que ledit rapport arrête que le réclamant a déclaré être le bénéficiaire économique des sociétés de droit luxembourgeois …, …et de la société anonyme de droit …;
Considérant que, d'une part, il est retenu que le réclamant a exercé la profession de comptable sans y être autorisé par le ministre compétent pour l'accès réglementé à cette profession, et tout aussi bien sans l'autorisation du gouvernement en conseil tel que prescrit par l'article 14 de la loi du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'État ;
que, d'autre part, le chiffre d'affaires de la société …, enregistrant les honoraires générés, est consigné par le détail des comptes clients que nul n'est censé d'ailleurs connaître mieux que le réclamant ;
Considérant que si le rapport de police a également constaté le dépôt de faux bilans, qu'il a établi que les fichiers des montants réels tout comme les fichiers renseignant les faux étaient en possession personnelle du réclamant, partant parfaitement au courant de tous ces détails dès avant qu'ils ne soient révélés par l'instruction judiciaire ;
Considérant encore que ledit rapport met en évidence que des bénéfices substantiels de la première société exploitante ont été transférés moyennant de fausses factures via une seconde société, sans raison d'être, pour ensuite aboutir à la société offshore ;
Considérant que s'il est superfétatoire de démontrer dans quel intérêt des montants pour dépenses sont dérivés vers des juridictions considérées comme des paradis fiscaux, il convient de rappeler néanmoins que les bénéfices n'y seront pas taxés, tandis que les résultats indigènes se retrouvent d'autant minorés ;
Considérant que le rapport de police conclut que les conditions d'application du § 396 AO sont remplies en l'espèce, et c'est en conséquence que le directeur des contributions a été informé, par application du § 189 AO ;
Considérant qu'il résulte des développements qui précèdent que le réclamant connaît les détails du rapport de police y compris les chiffres, pour avoir en partie collaboré lors de l'instruction, donc en avoir informé le juge d'instruction ;
qu'il a été confronté aux chiffres découverts lors des perquisitions à son domicile ;
qu'il a pour le surplus été interrogé au sujet de toutes les comptabilisations dont il était l'auteur ainsi qu'au sujet des avoirs en compte dont il était le seul bénéficiaire ;
qu'il y a lieu de rappeler que les montants ainsi imposés étaient connus du réclamant, en premier lieu lorsqu'il réalisait les recettes, tout en les fraudant, en second lieu lorsqu'il se retrouvait au fur et à mesure des progrès de l'enquête confronté à ces mêmes chiffres tracés comme sommes comptabilisées ;
qu'en conséquence la demande introductive du réclamant de vouloir être confronté avec l'origine des chiffres redressés afin de pouvoir prendre position, laisse définitivement d'être fondée, comme le prouve d'ailleurs par l'aveu la lettre du 17 juin 2008, documentant que le rapport de police a bien été communiqué sans autres précisions sur le moment où cela eut lieu ;
Considérant que les montants mis à jour lors de l'enquête judiciaire et auxquels le réclamant a été confronté, n'ont servi qu'à asseoir la base de l'imposition litigieuse, eu égard à la véritable capacité contributive découverte que le réclamant avait pris soin de dissimuler;
Considérant qu'en fait le réclamant avait admis être le bénéficiaire des comptes de sociétés et bancaires que l'enquête a révélés ;
Considérant que n'ont été imposés que les chiffres prouvés sans taxations punitives ;
Considérant que le réclamant, après avoir organisé ses travaux au noir et mis en place une structure frauduleuse habile à transférer les bénéfices à l'abri du fisc, ne saurait prétexter son ignorance des faits et montants incriminés afin de se prévaloir d'une présomption de véracité complètement démentie par l'envergure des énergies mise en œuvre et excluant partant une disposition honnête à collaborer ;
Considérant enfin que l'argument du réclamant porte à faux de ce que les bénéfices fraudés ne seraient imposables qu'aux niveaux de différentes sociétés ;
que les balances strictement comptables des sociétés constituées par le réclamant ne font pas état de bénéfices mais du transfert des avoirs bénéficiaires ;
qu'ainsi et en vérité, les bénéfices réels générés par les travaux illégaux de comptable, transitaient vers une première société, structurée en tant que déficitaire par les rapports de pertes acquis sur des actionnaires antérieurs et sortis ;
que finalement les avoirs se retrouvaient sur les comptes d'une société immatriculée au paradis fiscal de …, échappant par là au fisc luxembourgeois, mais avec le réclamant comme bénéficiaire économique évident, ce qu'il a effectivement concédé par aveu lors de l'enquête de la Police Judiciaire ;
II.
Considérant que le réclamant fait demande de déduire les frais de remise en état de son immeuble sis à …, en somme des frais pour peinture et travaux connexes ;
Considérant à cet égard que le contribuable n'avait pas indiqué de tels frais lors de sa déclaration, ni soumis un détail de ces frais au bureau d'imposition ;
que suite à la mise en état du directeur des contributions, le réclamant a présenté des factures prouvant l'achat des matériaux avant qu'il n'occupe la maison et que la valeur locative ne devienne imposable ;
Considérant qu'au total s'avèrent éligibles d'être déduites à titre de frais d'obtention du revenu provenant de la location des biens des factures pour un montant de 1.218,33 euros;
Considérant que pour le surplus, l'imposition est conforme à la loi et aux faits de la cause et n'est d'ailleurs pas contestée ;
Considérant que le redressement de l'imposition sur le revenu de l'année 2006 fait l'objet de l'annexe qui constitue une partie intégrante de la présente décision (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 4 août 2009, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation sinon en annulation contre la décision directoriale prévisée.
Le délégué du gouvernement se rapporte à prudence de justice en ce qui concerne la recevabilité du recours, en soulignant le recours subsidiaire en annulation ne serait admis que dans les matières où la loi n’organise pas d’autres recours, de sorte qu’il serait irrecevable.
Le paragraphe 228 de la loi générale des impôts, communément appelée « Abgabenordnung », ci-après dénommée « AO », ensemble l’article 8 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif ouvrant un recours au fond contre la décision directoriale critiquée, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal par le demandeur.
Il s’en suit que le recours principal en réformation est recevable pour avoir par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi.
Il n’y a partant pas lieu de se prononcer sur le recours subsidiaire en annulation.
A l’appui de son recours le demandeur relate avoir été l’actionnaire respectivement le bénéficiaire économique de plusieurs sociétés luxembourgeoises et étrangères et qu’il aurait eu, ensemble avec d’autres bénéficiaires économiques, pouvoir sur les comptes bancaires luxembourgeois de ces sociétés.
Dans le cadre d’une enquête de police, un rapport aurait été dressé relevant des faits de fraude fiscale. Ce rapport aurait été communiqué d’office au directeur de l’administration des Contributions directes par le procureur d’Etat. A l’aide de ce rapport les services fiscaux auraient notamment rectifié son bulletin d’impôt pour l’année 2006, alourdissant ainsi de manière conséquente sa cote d’impôt, sans aucune investigation complémentaire de la part du bureau d'imposition et sans avoir fait au préalable appel à la collaboration du contribuable.
Le demandeur critique partant la régularité en la forme de la communication des informations communiquées par les autorités judiciaires en s’emparant du paragraphe 189 AO et de l'article 97 (9) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, pour relever que l'adjoint du Procureur d'Etat n'aurait pas communiqué les informations qu'il détenait aux « Finanzämter » mais au directeur de l'administration des Contributions directes, de sorte que la communication n'aurait pas été faite dans les mains de l'autorité compétente et serait partant viciée, ce qui devrait entraîner l’annulation du bulletin d'impôt pour 2006 daté du 8 octobre 2008.
Monsieur … estime encore que le fait que les informations contenues dans ledit rapport, contestées et non-confirmées par une décision coulée en force de chose jugée aient été communiquées à des bureaux d'imposition, alors même que l'instruction n'était pas encore clôturée, constituerait une atteinte au secret de l'instruction tel que garanti par l’article 8 du Code d'instruction criminelle et au droit au respect de la vie privée, principes qui devraient prévaloir par rapport au principe de coopération entre les administrations tel qu’inscrit au paragraphe 189 AO.
Enfin, il fait plaider que ce serait particulièrement choquant que ce serait justement le directeur, ayant dans ses attributions la capacité de toiser les recours hiérarchiques contre les actes émis par les bureaux d'imposition, qui ait été le destinataire de telles informations et qu’il ait, à son tour, transmis ces données au bureau compétent à titre de supérieur hiérarchique, de sorte qu’aucun recours devant ce même directeur ne pourrait être imaginé recevoir l'objectivité qu'un directeur se doit de respecter de par sa fonction, étant donné que ce serait lui-même qui a communiqué ces informations à ses subordonnés.
Il est constant à partir des pièces versées au dossier que le Procureur d’Etat adjoint a communiqué suivant courrier du 27 juin 2007 au directeur de l’administration des Contributions directes « officiellement, à telles fins que de droit, et pour raisons de compétence, le rapport JDA/IEFC/2007/1498/94-STCH du 13 juin 2007 du service de police judiciaire, relatant des faits de fraude fiscale », ceci « conformément au paragraphe 189 de l’Abgabenordnung ». Il est encore constant à partir des informations figurant dans ledit rapport du 13 juin 2007 qu’il s’agit d’un rapport « relatif à la notice n° 21502/06/CD émise par le juge d’instruction Michel TURK près du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg conformément à l’article 189 AO » dans le cadre d’une information ouverte notamment à l’encontre du demandeur …. Il est précisé que ce rapport est « un rapport séparé sur les faits qualifiés d’infractions fiscales, en vue d’une dénonciation à l’administration fiscale en application du paragraphe 189 de l’Abgabenordnung ».
Avant d’aborder le moyen du demandeur ayant trait à la compétence du directeur de l’administration des Contributions directes pour recevoir en tant que destinataire une communication par application du paragraphe 189 AO, il y a lieu d’examiner d’abord si de par leur nature les informations litigieuses transmises moyennant le rapport de police du 13 juin 2007 ont valablement pu faire l’objet d’une communication sur base dudit paragraphe 189 AO ou bien si, tel que soutenu en cause, cette communication s’analyse en une violation du secret de l’instruction.
Le paragraphe 189 AO est libellé comme suit :
« Sämtliche Behörden, Beamte und Notare haben Steuervergehen, die sie dienstlich erfahren, den Finanzämtern mitzuteilen ».
D’un autre côté, l’article 8 du code d’instruction criminelle pose le principe que, sauf les exceptions prévues par la loi, l’instruction est secrète en retenant ce qui suit :
« Art. 8. (1) Sauf dans les cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l’enquête et de l’instruction est secrète.
(2) Sous réserve des dérogations découlant en droit interne notamment des engagements internationaux en matière de coopération internationale, toute personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel dans les conditions et sous les peines de l’article 458 du Code pénal.
(3) Le Procureur général d’Etat ou le Procureur d’Etat peuvent toutefois donner à la presse des informations sur le déroulement d’une procédure, en respectant les droits de la défense et la vie privée ainsi que les nécessités de l’instruction ».
Le secret de l’instruction signifie que les pièces du dossier sont en principe couvertes par le secret et, en dehors de leur utilisation judiciaire normale par des acteurs généralement tenus au secret professionnel, nul ne peut en prendre connaissance ; en d’autres termes, le secret de l’instruction empêche toutes les personnes qui concourent à celle-ci, dont notamment les policiers et le Procureur d’Etat, de révéler, à qui que ce soit, le moindre renseignement recueilli au cours de l’instruction ou ayant trait à celle-ci.1 Force est cependant aussi de relever que d’un point de vue procédural, l’article 8 du code d’instruction criminelle ne protège pas le secret de l’instruction de manière objective, mais ne fait qu’assujettir certaines personnes au secret2. La violation du secret de l’instruction n’est dès lors pas sanctionnée par la nullité de l’acte posé, sauf en cas de violation des droits de la défense, même si elle peut le cas échéant donner lieu à des sanctions civiles en cas de faute3.
A partir des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que pour les besoins de la présente instance il est irrelevant de toiser la question de savoir si l’article 189 AO consacre une exception légale au secret de l’instruction, voire, dans l’affirmative, si le Procureur d’Etat en tant qu’organe relevant institutionnellement parlant du pouvoir judiciaire et non du pouvoir exécutif, est assimilable ou non à une « Behörde » au sens dudit paragraphe 189 AO, le juge naturel par rapport à ces questions étant par ailleurs le juge pénal et non le juge administratif qui n’est appelé à s’y prononcer qu’accessoirement, lorsque dans le cadre du litige dont il a à connaître à titre principal, une réponse à ces questions devenait indispensable pour aboutir à la solution du litige.
Or, compte tenu du principe que la violation du secret de l’instruction n’est pas sanctionnée par la nullité de l’acte posé, sauf en cas de violation des droits de la défense, le bulletin d’imposition litigieux n’étant en tout état de cause affecté dans sa légalité par le seul fait de reposer sur des informations obtenues moyennant une éventuelle violation du secret de l’instruction.
Il reste dès lors à examiner si le paragraphe 189 AO n’a pas été violé, tel que soutenu par le demandeur, par le fait que le rapport fut adressé non pas directement au bureau d’imposition compétent, mais au directeur de l’administration des Contributions directes.
S’il est certes vrai que le paragraphe 189 AO vise expressis verbis les bureaux d’imposition (Finanzämter) et non le directeur de l’administration des Contributions en tant que destinataire d’une communication sur base dudit paragraphe, force est de constater que ce libellé s’entend en termes génériques en ce sens que la communication est censée aboutir non pas parallèlement devant l’ensemble des bureaux d’imposition existants, mais bien devant celui qui est spécifiquement compétent pour analyser les informations reçues aux fins d’une éventuelle rectification d’imposition. Dans cette optique, c’est à juste titre que le délégué du gouvernement relève que le directeur de l’administration des Contributions directes, conformément aux paragraphes 17 alinéas 2 et 46 AO, est l’autorité hiérarchiquement compétente pour coordonner l’ensemble des services d’imposition, de sorte à être le mieux placé pour continuer une communication sur base du paragraphe 189 AO au bureau d’imposition concrètement concerné.
Dans la mesure où il se dégage des pièces versées au dossier qu’en l’espèce le directeur, lorsqu’il a reçu le rapport de police litigieux en communication de la part du 1 cf. Manuel de procédure pénale, collection de la faculté de droit de l’Université de Liège, troisième édition, Larcier, pp. 393 et ss 2 Dean Spielmann et Alphonse Spielmann, Droit pénal général luxembourgeois, deuxième édition, p. 218.
3 Ibidem page 397 Procureur d’Etat adjoint, s’est limité à transmettre ce rapport aux bureaux d’imposition respectivement compétents, aucune irrégularité de communication par rapport aux exigences légales n’est décelable, de sorte que le moyen afférent laisse d’être fondé. Par ailleurs, les décisions faisant grief à la base, en l’occurrence les bulletins d’imposition rectifiés ayant fait l’objet de la réclamation qui s’est soldée par la décision directoriale litigieuse du 11 décembre 2007, émanent tous des bureaux d’imposition respectivement compétents, de sorte à avoir pour auteur des autorités visées comme destinataire par le paragraphe 189 AO, sans que le directeur ne soit intervenu à quelque titre que ce soit dans la prise de ces décisions de rectification.
Monsieur … met ensuite la régularité de la procédure en cause, en relevant que le bureau d'imposition aurait procédé lors de l’établissement du bulletin d’imposition litigieux par voie de taxation d'office sans le mentionner dans le bulletin et sans en respecter la procédure, et surtout, avant d'émettre le bulletin, sans procéder à des investigations supplémentaires, ni faire appel à la coopération du contribuable ainsi qu'il serait prévu par les paragraphes 204 et 205 AO.
Monsieur … considère à cet égard plus particulièrement que le bureau d’imposition n'aurait pas respecté la chronologie des opérations investigatrices requises. En effet, avant d'annoncer, dans son courrier du 27 mai 2008 qu'il entendait s'écarter de la déclaration de Monsieur … sur base du paragraphe 205 alinéa 3 AO, le bureau d'imposition ne lui aurait pas fait part de ses doutes éveillés par la transmission au directeur du rapport de police du 13 juin 2007, ni ne l'aurait interrogé relativement à d'éventuelles lacunes à combler. Il n'aurait pas non plus été fait appel à sa coopération et le bureau d'imposition n'aurait pas procédé à des investigations supplémentaires.
Il souligne encore le fait que le rapport de police ne permettrait pas de retracer l'origine des …€ imposés au titre de bénéfice provenant de l'exercice d'une profession libérale, le bureau d'imposition, malgré plusieurs demandes, ayant par ailleurs refusé de lui communiquer l'origine des chiffres figurant dans le bulletin litigieux, de sorte que la procédure serait viciée et le bulletin litigieux devrait être réformé.
Après avoir relevé que la déclaration du contribuable bénéficierait d'une présomption d'exactitude et de sincérité, de sorte qu’il appartiendrait à l'administration des Contributions directes de renverser cette apparence, ce qui en l’espèce ne serait pas le cas, le bureau d’imposition s’étant à tort basé sur un document dont la force probante ne serait pas avérée, il affirme encore que comme le contenu du courrier du bureau d'imposition du 27 mai 2008 serait extrêmement lapidaire, la procédure du paragraphe 205 alinéa 3 AO n'aurait pas été respectée, et le rapport de police invoqué ne permettrait pas de retracer d'où le bureau d'imposition tire les chiffres figurant au bulletin d'imposition 2006.
Il donne par ailleurs à considérer que la base sur laquelle le bureau des contributions s'écarte de la déclaration du contribuable serait floue, le bureau ne s’étant ainsi pas fondé sur des chiffres concrets et n’aurait pas indiqué dans le bulletin d'autres éléments que le rapport de police.
Le délégué du gouvernement pour sa part estime que le directeur de l’administration des Contributions directes aurait à juste titre conclu à la non-applicabilité du paragraphe 205 alinéa 3 AO en cas de rectification pour faits nouveaux. En outre, il résulterait incontestablement des éléments du dossier que le bureau d’imposition aurait, conformément au paragraphe 204 de la loi générale des impôts, donné au demandeur la possibilité de se faire entendre préalablement à l’établissement des bulletins rectificatifs, notamment par courrier du 23 avril 2007. En effet, le demandeur aurait été invité à déclarer lui-même les bénéfices avoués au juge d’instruction. Dans la mesure où le demandeur n’aurait réservé aucune suite à ce courrier, les bénéfices rectifiés auraient été établis par voie de taxation.
La partie étatique met encore le comportement de Monsieur … en exergue, qualifié de « hautement répréhensible », et se résumant en l'absence totale de coopération envers le bureau d'imposition et la méconnaissance prononcée des obligations les plus élémentaires à respecter par un contribuable moyennement diligent, pour ensuite souligner en ce qui concerne la valeur probante du rapport de police, que ce rapport ferait foi jusqu'à inscription de faux ; dès lors, le bureau d'imposition compétent ne se trouvait pas confronté à des informations ayant la valeur de simples renseignements qui auraient nécessité des investigations supplémentaires, mais à des preuves irréfragables, qui pouvaient être reprises telles quelles au dossier fiscal.
Dans son mémoire en réplique le demandeur fait valoir que le délégué du gouvernement tenterait de faire passer le courrier du bureau d’imposition du 23 avril 2007 comme lettre d’information et de consultation du contribuable sur l’existence de faits nouveaux qu’il entendait utiliser pour émettre les bulletins rectificatifs, alors que cette lettre n’aurait été qu’une invitation à déclarer, pièces à l’appui, d’éventuels revenus supplémentaires. Il en conclut que le bureau d’imposition ne l’aurait jamais informé ou consulté sur les revenus précis justifiant une nouvelle imposition.
Si par impossible le tribunal devait néanmoins admettre ledit courrier comme un appel à la coopération du contribuable tel que prévu au paragraphe 205 alinéa 1er AO, il n’en resterait pas moins que des investigations supplémentaires auraient été menées, l’administration des Contributions directes s'étant en effet basée exclusivement sur le rapport de police du 13 juin 2007 aux conclusions contestables et non encore confirmé ou infirmé par une décision coulée en force de chose jugée.
En guise de résumé, il estime que le problème en l’espèce ne serait pas la communication du rapport de police mais le raisonnement, respectivement, la base de calcul qui a amené le bureau d’imposition à imposer un montant de …euros au titre de revenus issus de l'exercice d'une profession libérale, alors que ces montants ne ressortiraient pas clairement du rapport de police litigieux.
En ce qui concerne précisément les montants retenus, le demandeur constate que dans sa décision sur réclamation du 5 mai 2009, le directeur évoquerait le chiffre d'affaires de la société …, l’administration des Contributions directes, ayant pour fixer un bénéfice provenant de l'exercice d'une profession libérale d'un montant de …euros, apparemment repris tel quel un chiffre d'affaires estimé arbitrairement de la société la société …, dont le demandeur était l'un des bénéficiaires économiques.
Or, comme le bilan et le compte de profits et de pertes de cette société mentionneraient tant en ce qui concerne le résultat qu’en ce qui concerne le chiffre d'affaires des autres montants, le montant de …euros figurant sur le bulletin d'imposition ne serait pas retraçable.
Monsieur … critique en outre la manière de procéder de l’administration des Contributions directes, en ce que celle-ci aurait omis de prendre en considération le fait que la société … en tant que société anonyme ne serait pas fiscalement transparente et qu'elle serait elle-même un sujet fiscal payant un impôt sur les bénéfices qu'elle réalise, les bénéfices réalisés par une société commerciale n’étant de surcroît imposés entre les mains de leurs associés qu'une fois distribués.
Il souligne encore que s’il a admis être l'un des bénéficiaires économiques de la société … et des comptes bancaires liés, il n'en reste pas moins qu'il n'était qu'un de ceux-là et ne saurait par conséquent supporter la charge de l'impôt à lui seul.
Enfin, il relève qu’en tout état de cause les salaires, charges, frais et autres dépenses nécessaires à la réalisation de ces revenus devraient être retranchés du chiffre d'affaires avant de soumettre le résultat à imposition, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.
Le délégué du gouvernement entend résister à cette argumentation en affirmant qu'il résulterait clairement des éléments du dossier que notamment la société … constituerait une structure fictive et artificielle montée par Monsieur … dans le seul but de contourner la loi fiscale et que les bilans de cette société serait faux et ne représenteraient pas une image fidèle.
Dès lors, comme il résulterait également clairement des éléments du dossier ainsi que des propres aveux de Monsieur … que celui-ci aurait mis en place une structure de sociétés, entre autres par l'achat de manteaux sociétaires qui avait comme but de réduire au maximum la charge fiscale sur les bénéfices réalisés au niveau de son activité comptable et que pour pouvoir sortir les gains réalisés au niveau de la société …, il aurait dû émettre de fausses factures afin de pouvoir les transférer en direction d’une autre société, ce serait à bon droit, afin de déterminer les revenus dissimulés dans la présente affaire que l’administration des Contributions directes aurait appliqué les principes dégagés par la jurisprudence en matière de taxation d'office, qui permettraient, à défaut de collaboration du contribuable, de procéder par voie d’ approximation, sans que le contribuable ne puisse utilement réclamer devant le directeur contre un bulletin d'impôt établi par voie de taxation au seul motif que la cote d'impôt fixée ne correspond pas exactement à sa situation réelle, le contribuable, dans une telle situation, ne pouvant prospérer dans sa réclamation que s'il rapporte la preuve que ses revenus réels s'écartent de manière significative des bases d'imposition retenues dans le bulletin d'impôt, ce que Monsieur … n’aurait cependant pas fait.
Dans sa réplique, Monsieur …, après avoir rappelé que la société … SA, en tant que société anonyme ne pouvait être constituée comme fiscalement transparente et que ni son bénéfice, ni son chiffre d'affaires ne pouvaient être imposés directement entre ses mains en l'absence de toute distribution de dividendes, estime ne pas avoir menti en affirmant ne pas avoir perçu de revenus supplémentaires chef pour les années 1997 à 2006.
Il souligne encore que le rapport de police du 13 juin 2007 serait contesté en son contenu et qu’il n'aurait pas encore été confirmé ou infirmé par une décision coulée en force de chose jugée.
Enfin, il considère les conditions d'une détermination des revenus par voie de taxation d'office ne seraient pas remplies en l'espèce.
Le délégué du gouvernement, dans son mémoire en duplique, expose finalement comment se décompose le montant à imposer de …euros tel que retenu par l’administration des Contributions directes pour les années 2003 à 2006, et notamment le montant litigieux de …euros pour l'année 2006.
Il souligne encore qu'à défaut du dépôt des déclarations d'impôt pour 2006 des sociétés … et …à la date du 8 octobre 2008, date d'émission du bulletin litigieux, la facturation de la sous-traitance aurait été taxée sur base des résultats réalisés pendant les années précédentes ;
dès lors, il résulterait à suffisance de droit de ses explications que le montant de …euros retenu par le bureau d'imposition correspondrait et serait basé « exactement, de manière claire et non équivoque », sur les résultats et chiffres retenus par le service de la Police Judiciaire.
Aux termes du paragraphe 205 alinéa 3 AO « Wenn von der Steuererklärung abgewichen werden soll, sind dem Steuerplichtigen die Punkte, in denen eine wesentliche Abweichung zu seinen Ungunsten in Frage kommt, zur vorherigen Äusserung mitzuteilen. » Aux termes du paragraphe 222 AO « Hat bei Steuern, bei denen die Verjährungsfrist mehr als ein Jahr beträgt, das Finanzamt nach Prüfung des Sachverhalts einen besonderen, im Gesetz selber vorgesehenen schriftlichen Bescheid (Steuerbescheid, Steuermessbescheid, Freistellungsbescheid oder Feststellungsbescheid) erteilt, so findet, soweit nichts anderes vorgeschrieben ist, eine Änderung des Bescheids (eine Berichtigungsveranlagung oder eine Bericjtigungsfeststellung) nur statt :
1. wenn neue Tatsachen oder Beweismittel bekanntwerden, die eine höhere Veralagerung rechtfertigen, und die Verjährungsfrist nach nicht abgelaufen ist ; […] » Le droit du contribuable d'être informé et entendu avant la prise d'une décision administrative lui fixant une obligation patrimoniale plus lourde que celle par lui escomptée à travers les informations par lui soumises à l’autorité compétente, doit être considéré comme un droit élémentaire face à l'administration fiscale, destiné à protéger les droits de la défense du contribuable4.
S’il est vrai que ce principe ne se trouve pas formellement inscrit d’une manière générale dans l’AO, mais trouve son expression dans des dispositions en portant application dans certaines hypothèses, il n’en reste pas moins qu’il découle implicitement mais nécessairement des principes d’instruction inscrits au § 204 (1) AO5.
Néanmoins, ce droit d’information et de défense de ses droits au bénéfice du contribuable, ne doit pas aboutir à un formalisme excessif et l’envergure des indications à fournir au contribuable doit être définie d’après les spécificités de chaque cas d’imposition, les données déjà connues dans le cadre du cas d’imposition et notamment les informations fournies par le contribuable lui-même ne devant en particulier pas faire l’objet d’une information préalable en vue d’une prise de position6.
4 Trib. adm. 25 août 1999, n° 10630 du rôle, confirmé par Cour adm. 15 février 2000, n° 11579C du rôle, Pas.
adm. 2009, V° Impôts, n° 404.
5 cf. notamment Tipke-Kruse, RAO, 1e édit., § 204, Anm. 14 ; Becker, Riewald, Koch, RAO, 1965, § 204, Anm.
6.
6 cf. Hübschmann, Hepp, Spitaler, RAO, § 205, Anm. 9 ; Becker, Riewald, Koch, RAO, 1965, § 204, Anm. 6.
Or, il résulte à cet égard d’un arrêt de la Cour administrative rendu dans une affaire connexe7 que Monsieur … était nécessairement conscient de ce que les revenus supplémentaires tant indigènes qu’étrangers visés dans le courrier du bureau d'imposition du 23 avril 2007 étaient ceux dégagés par l’activité de comptable par lui exercée durant des années et qui avait fait l’objet d’une instruction pénale comportant un certain nombre de mesures d’instruction dont des auditions de l’intimé lui-même, de sorte qu’il ne saurait utilement se prévaloir du fait que ledit courrier du 23 avril 2007 ne préciserait pas la nature et l’origine des revenus supplémentaires auxquels il fait allusion.
Le même arrêt a encore retenu qu’il se dégage de l’analyse du contenu du rapport du service de Police judiciaire que celui-ci comporte des informations sur les personnes et les sociétés impliquées dans les faits pénalement incriminés et une analyse de certaines sources d’informations pour en dégager les revenus réalisés par l’intimé du chef de cette activité.
« Or, ces sources d’informations consistent en les comptes bancaires, la comptabilité et les documents comptables, quelques autres documents saisis chez l’intimé et plusieurs fichiers informatiques de l’ordinateur personnel de l’intimé. Par contre, le rapport ne fait pas état d’informations obtenues auprès de tierces personnes. Finalement, le rapport relate les prises de position de l’intimé lors d’un interrogatoire sur les éléments dégagés par l’enquête pénale.
Dans ces conditions, même si les informations contenues dans ledit rapport n’avaient pas été acquises dans le cadre d’une procédure en matière d’impôt sur le revenu, mais dans le cadre d’une enquête pénale, l’origine des informations et l’implication de l’intimé dans le cadre de l’enquête pénale permettaient au bureau d'imposition d’admettre même dans cette hypothèse que l’intimé était à considérer même pour les besoins de la procédure de rectification de bulletins d’impôt comme ayant à ce moment déjà connaissance des éléments contenus dans le rapport du service de Police judiciaire en ce qu’ils provenaient de sa propre sphère d’action sans comporter des éléments complémentaires dont il ne pouvait pas avoir connaissance.
Ainsi, dans les circonstances particulières de la cause, exiger de la part du bureau d'imposition de communiquer le rapport litigieux à l’intimé, préalablement à l’émission des bulletins rectificatifs du 16 août 2007, s’analyse en l’exigence d’un excès de formalisme consistant à obliger l’administration à informer un contribuable d’éléments qu’il connaît déjà. Il s’ensuit qu’une telle communication n’était pas requise par le § 204 (1) AO et que le bureau d'imposition pouvait valablement s’abstenir de communiquer ledit rapport à l’intimé ».
Le tribunal doit par ailleurs, au-delà de ce qu’a retenu la Cour administrative, constater que Monsieur … était en possession du rapport de police litigieux, de sorte que sa communication doit être considérée comme superfétatoire.
Il est encore constant que le rapport de police du 13 juin 2007 fut dressé par un membre de la direction du service de police judiciaire chargé, conformément à l’article 9-2 du code d’instruction criminelle, de constater les infractions à la loi pénale, de sorte que conformément à l’article 154 du code d’instruction criminelle, ledit rapport fait par le premier commissaire principal, membre de la direction du service de police judiciaire, est à considérer comme faisant preuve jusqu’à inscription de faux en ce qui concerne les contestations y retenues.
Dès lors, le bureau d’imposition a en principe valablement pu considérer comme étant établis les montants et faits renseignés dans ce rapport de police du 13 juin 2007 et y asseoir 7 Cour adm. 29 juillet 2009, n° 25536C.
les bases de son imposition rectificative, ceci indépendamment des qualifications pénales suggérées dans ledit rapport, ces qualifications étant en effet étrangères à l’imposition proprement dite qui doit exclusivement rester axée sur la véritable capacité contributive de la personne concernée, et ce sans nécessairement devoir encore procéder à des investigations supplémentaires, le bureau d’imposition pouvant en effet, à ce stade de la procédure admettre le caractère exhaustif, sinon à tout le moins complet, des investigations policières.
Quant à l’appel à la collaboration de Monsieur …, il échet de constater, outre qu’une telle invitation contenue dans le courrier du 23 avril 2007 a été infructueusement adressée au demandeur, que la présente affaire s’inscrit dans un contexte particulier et sur la toile de fond de poursuites pénales à l’encontre du demandeur, notamment du chef de faux et usage de faux, poursuites qui ont d’ailleurs donné lieu à un jugement correctionnel du 21 janvier 2010 prononcé notamment à charge de Monsieur …, ledit jugement ayant apparemment été confirmé en appel par arrêt de la Cour d’appel, chambre correctionnelle, du 2 février 2011, encore que nonobstant l’engament des parties en ce sens et la demande afférente du tribunal, aucun copie de cet arrêt n’a été communiquée au tribunal, de sorte que le bureau d’imposition pouvait raisonnablement considérer qu’attendre une coopération plus poussée du demandeur, allant au-delà de ses déclarations telles que relatées dans le rapport de police, serait illusoire.
Enfin, il convient encore de souligner que la « Abgabenordnung », d’une manière générale, adopte le régime de la libre appréciation des preuves. Il n'existe pas de hiérarchie légale en matière de modes de preuve en ce sens qu'un mode de preuve aurait plus de poids qu'un autre. Ainsi il est possible que des présomptions puissent emporter la conviction de l'instance d'imposition à rencontre des preuves écrites opposées aux présomptions. L'instance d'imposition puise ses convictions dans tous les éléments dont elle dispose. Elle apprécie librement toutes les preuves, toutes les présomptions, tous les indices dont elle a connaissance : l'imposition est fondée sur l'intime conviction de l'instance d'imposition8.
Par ailleurs, il convient également de rappeler la particularité du présent litige, qui s’inscrit dans le contexte de bulletins d’impôts rectifiés par voie de taxation (« Schätzung ») en application du paragraphe 217 AO, procédé permettant aux instances d'imposition qui ont épuisé toutes les possibilités d'investigation sans pouvoir élucider convenablement tous les éléments matériels du cas d'imposition, d'arriver néanmoins à la fixation de l'impôt à laquelle elles ne peuvent guère se soustraire.
Or, la taxation consiste à déterminer et à utiliser une valeur probable et (ou) approximative, lorsque la détermination de la valeur réelle et exacte n'est pas possible. La taxation procède en règle générale par voie de généralisation à partir de données constantes, ses calculs reposant sur des présomptions de probabilité, de sorte que ce procédé, par définition, comporte une certaine marge d'incertitude et d'inexactitude, cette marge étant d'autant plus grande que la collaboration du contribuable est plus faible.
Dès lors, c’est à bon droit que le bureau d’imposition s’est basé sur les montants et faits renseignés dans le rapport de police du 13 juin 2007 pour y asseoir les bases de son imposition rectificative, sans pousser ses investigations plus avant à ce stade de la procédure administrative.
8 J. Olinger, La procédure contentieuse en matière d’impôts directs, Etudes fiscales, novembre 1989, n° 191.
Cependant, cette appréciation, comportant comme relevé ci-avant nécessairement une marge d’approximation, ne saurait ipso facto s’imposer au juge administratif lorsqu’elle fait, comme en l’espèce, l’objet de contestations circonstanciées, le tribunal, appelé à connaître du fond du litige, devant en effet se livrer à un examen du bien-fondé des décisions déférées sous le double aspect de leur légalité et de leur opportunité, de sorte que l’appréciation de l’administration doit pouvoir être matériellement et juridiquement retracée.
L’Etat expose à cet égard qu’un montant à imposer de …euros pour les années 2003 à 2006 résulterait du rapport de police. Ce montant ayant été comparé aux « éléments des dossiers fiscaux de la société … et de la société … » une différence de … euros aurait été constatée, laquelle aurait été répartie sur les années 2003 à 2006, à savoir de … euros par année d'imposition.
En ce qui concerne plus particulièrement le montant litigieux de …euros pour l’année 2006, celui-ci se composerait comme suit:
Facturation sous-traitance par … à … € (taxé) Inscription agenda … € Transfert de la société … € Différence selon rapport PJ € Total:
…€ La partie étatique souligne encore qu'à défaut du dépôt des déclarations d'impôt pour 2006 des sociétés … et …à la date du 8 octobre 2008 (date d'émission du bulletin litigieux), la facturation de la sous-traitance aurait été taxée sur base des résultats réalisés pendant les années précédentes.
Si le montant avancé de …euros est retraçable à partir du rapport de police, en ce qu’il se décompose apparemment de paiements reçus par la société … pour un total de … euros, du prix de vente de la société … (… euros) et d’un montant résultant d’une inscription figurant dans l’agenda du demandeur (… euros), augmenté du montant du transfert d’une société …et du prix d’acquisition au profit du demandeur d’une montre de marque (5.000 euros), et que la qualité du demandeur de seul bénéficiaire économique de la société … ne paraît pas sérieusement contestable, au vu des itératives déclarations en ce sens du demandeur telles que relatées dans le rapport de police et des constatations afférentes des juges correctionnels telles que contenues dans le jugement correctionnel du 21 janvier 2010, la différence mise à charge du demandeur ne l’est en revanche pas, celle-ci n’étant en effet pas expliquée et précisée sur base de pièces, mais sur base de l’affirmation non étayée et circonstanciée qu’elle résulterait de la comparaison avec les « éléments des dossiers fiscaux de la société … et de la société … », affirmation que le tribunal ne saurait accepter comme argent comptant.
Par ailleurs, si la partie étatique semble, en guise d’explication de son raisonnement, reprendre telle quelle la déduction figurant implicitement dans le rapport de police selon laquelle les divers revenus de la société … devraient automatiquement être considérés comme perçus intégralement par le bénéficiaire économique de cette société, en agrémentant ce raisonnement d’une référence à la conception économique du droit fiscal, à la doctrine du « Mantelkauf » et du report de pertes, une telle explication ne saurait être considérée comme suffisante, le tribunal ne prenant en effet pas en considération des moyens simplement suggérés, sans être soutenus effectivement, étant donné qu’il n'appartient pas au tribunal de suppléer à la carence d’une partie et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions.
En ce qui concerne le poste « Facturation sous-traitance par …», s’il résulte certes des déclarations du demandeur telles qu’actées au rapport de police que « et as wuel eng Bidongsfacture, et as eng Refacturatiuon dei wuel neutral as, et geht vun der lenkser Boxentäsch an dei riets Boxentäsch », la qualification de fausses factures ayant été encore retenue par le jugement correctionnel du 21 janvier 2010, force est de constater que ledit poste résulte, tel qu’expliqué par le délégué du gouvernement, d’une taxation sur base des résultats réalisés à ce titre pendant les années 2003 à 2005.
Or, par jugement du même jour, enrôlé sous le n° 24142b, le tribunal a retenu, en ce qui concerne le poste « Facturation sous-traitance par …» relatif aux exercices 2003 à 2005 ne pas être en mesure, au vu des seules affirmations contenues dans le rapport de police, de retracer juridiquement les raisons ayant amené l’Etat, au vu de ces fausses factures, d’en ajouter directement le montant au revenu imposable du demandeur. Dès lors et a fortiori, ces montants ne sauraient non plus servir de base de taxation pour l’année 2006.
Quant au montant de … euros rajouté au revenu imposable du demandeur au titre de l’exercice fiscal 2006 sous le libellé « Inscription agenda … », montant qui se baserait de « manière exacte, claire et non équivoque, sur les résultats et chiffres retenus par le Service de la Police Judiciaire », si ledit rapport indique certes « s’ajoutent également aux montants précités les montants repris dans l’agenda de type FILOFAX de … (…) année 2006. … euros », le tribunal ne saisit pas non plus pourquoi ce montant, qui a d’ores et déjà été rajouté au revenu global de …, de sorte à entraîner la rectification afférente « différence selon rapport PJ », doit être rajouté a priori une seconde fois, séparément sous le libellé « Inscription agenda … ».
Il convient dès lors de retenir que les quelques explications avancées par la partie étatique, qui reprennent en substance, voire même textuellement les constatations et affirmations contenues dans le rapport de police, si elles éclaircissent certes en certains points la composition arithmétique des chiffres retenus par le bureau d’imposition pour 2006, ne permettent cependant ni de retracer factuellement les montants retenus, dans la mesure où ceux-ci reposent sur une comparaison avec des données inconnues du tribunal, ni de retracer juridiquement le raisonnement de la partie étatique, celle-ci, en substance, ayant manifestement repris les déductions et implications de l’auteur du rapport de police, sans expliquer pourquoi, juridiquement, l’administration a estimé pouvoir s’approprier au plan fiscal sans réserve ni nuance ces déductions et implications, qui, comme relevé ci-avant, ne bénéficient pas de la valeur probante attachée aux seules constatations des officiers de police judiciaire.
En l’état actuel du dossier le tribunal est dès lors dans l’obligation de constater qu’il n’est pas en mesure de porter une quelconque appréciation sur le bien-fondé de la majoration effectuée au niveau du bénéfice d’une profession libérale dans le chef du demandeur par rapport à l’année fiscale 2006, de sorte que confronté à un dossier globalement non instruit par l’administration au niveau contentieux, il est amené, par réformation de la décision directoriale déférée, à annuler le bulletin d’imposition de l’année 2006 en ce que celui-ci a majoré le revenu imposable du contribuable d’un montant de … euros.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours principal en réformation en la forme;
au fond le déclare justifié ;
par réformation de la décision directoriale déférée du 5 mai 2009, annule le bulletin de l’impôt sur le revenu des personnes physiques de l’année 2006 émis à l’encontre de Monsieur … en ce que le bulletin en question a majoré le revenu imposable du contribuable d’un montant de … euros ;
par conséquent renvoie l’affaire devant le directeur de l’administration des Contributions directes en prosécution de cause conformément au présent jugement ;
dit qu’il n’y a pas lieu de se prononcer sur le recours subsidiaire en annulation ;
condamne l’Etat aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 16 février 2011 par :
Marc Sünnen, premier juge, Claude Fellens, premier juge, Thessy Kuborn, juge, en présence du greffier Michèle Hoffmann s. Michèle Hoffmann s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 16 février 2011 Le Greffier du Tribunal administratif 18