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03/02/2011 | LUXEMBOURG | N°27712

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 février 2011, 27712


Tribunal administratif Numéro 27712 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 janvier 2011 3e chambre Audience publique extraordinaire du 3 février 2011 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 10, L. 5.05.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 27712 du rôle et déposée le 26 janvier 2011 au greffe du tribunal administratif par Maître Ba

rbara Najdi, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au...

Tribunal administratif Numéro 27712 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 janvier 2011 3e chambre Audience publique extraordinaire du 3 février 2011 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 10, L. 5.05.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 27712 du rôle et déposée le 26 janvier 2011 au greffe du tribunal administratif par Maître Barbara Najdi, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Algérie), de nationalité algérienne, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d'une décision du 17 janvier 2011 du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ordonnant son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximale de trois mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 janvier 2011 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 28 janvier 2011 par Maître Barbara Najdi pour compte du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Maître Barbara Najdi ainsi que Madame le délégué du gouvernement Betty Sandt en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 2 février 2011.

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En date du 22 décembre 2010, Monsieur …, de nationalité algérienne, introduisit une demande de protection internationale au Luxembourg. Ayant constaté, à la suite de recherches effectuées sur le fichier européen EURODAC d'empreintes digitales, que l'intéressé avait présenté une demande d'asile en Belgique le 4 octobre 2005, les autorités luxembourgeoises formulèrent le 17 janvier 2011 une demande de reprise en charge auprès de leurs homologues belges sur le fondement de l’article 16, paragraphe 1 e) du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des Etats membres par un ressortissant d’un pays tiers, ci-après dénommé « le règlement (CE) n° 343/2003 ».

Par arrêté du 17 janvier 2011, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ci-après dénommé le « ministre », ordonna le placement de Monsieur … au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, pour une durée maximale de trois mois. Cette décision repose sur les considérations et motifs suivants :

« Vu l’article 10 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu le rapport N° 15/JDA 11482.1/10/HA du 22 décembre 2010 établi par le Service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux ;

Considérant que l’intéressé n’est pas en possession d’un document de voyage valable ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant que l’intéressé a déposé une demande de protection internationale au Luxembourg en date du 22 décembre 2010 ;

- qu’une demande de reprise en charge en vertu de l’article 16§1e du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 sera adressée aux autorités belges ;

Considérant qu’un attendant l’accord de reprise, l’éloignement immédiat n’est pas possible ; (…).

Le 18 janvier 2011, les autorités belges firent savoir aux autorités luxembourgeoises qu’elles ne pouvaient pas être considérées comme responsables de l’examen de la demande d’asile de Monsieur …, alias …, au motif qu’en l’absence d’éléments fournis par l’intéressé, rien dans le dossier ne permettait d’affirmer que l’intéressé n’avait pas quitté le territoire des Etats membres pendant une durée supérieure à trois mois.

Par lettre du 19 janvier 2011, le ministre pria les autorités belges de reconsidérer leur refus de reprendre en charge Monsieur …, en faisant valoir que les conditions de cessation de la responsabilité d’un Etat membre pour l’examen de la demande d’asile, telles que définies aux articles 16§3 et 16§4 du règlement (CE) n° 343/2003, n’étaient pas applicables au cas d’espèce, dès lors que l’intéressé avait déclaré de ne pas avoir quitté le territoire des Etats membres depuis le dépôt de sa demande d’asile en Belgique. Le ministre insista encore sur le fait qu’en vertu des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003, la cessation de la responsabilité ne pouvait être invoquée que sur base d’éléments de preuve matériels ou de déclarations circonstanciées et vérifiables du demandeur d’asile.

Par un courrier du 24 janvier 2011, les autorités belges sollicitèrent plus d’informations sur le séjour de Monsieur … en Belgique et notamment sur son adresse et sa source de revenus.

Le 27 janvier 2011, le ministre saisit le service de police judiciaire, section des étrangers, d’une demande d’un complément d’enquête concernant l’intéressé.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 26 janvier 2011, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 17 janvier 2011.

Etant donné que l’article 10 (4) de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, tel que modifié par l’article 155-2° de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration institue, par renvoi à l’article 123 (1) de la loi du 29 août 2008, un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation qui est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire.

A l’appui de son recours, le demandeur fait exposer que le dépôt de sa demande d’asile en Belgique remonterait à plus de cinq ans, de sorte qu’il ne serait pas certain que les autorités belges accepteraient sa reprise en charge. Il soutient encore que le simple fait de déposer une demande de protection internationale au Luxembourg le 22 décembre 2010 ne justifierait pas la prise d’une mesure de rétention administrative à son encontre. Or, le ministre ne ferait état d’aucune autre raison afin de justifier la nécessité de la mesure de rétention. Ainsi, le ministre n’aurait notamment pas invoqué une crainte de le voir se soustraire à un éventuel transfert vers la Belgique. Il souligne dans ce contexte qu’il aurait expressément marqué son accord avec un transfert en Belgique si cela devait être requis. Finalement, le demandeur soutient que toute personne qui demande une protection internationale aurait droit à voir instruire sa demande en toute dignité. Il en conclut que la mesure de rétention serait dénuée de tout fondement.

Force est de constater en l’espèce que Monsieur … a fait l’objet d’une mesure de rétention sur base de l’article 10 (1) d) de la loi précitée du 5 mai 2006 qui autorise notamment le ministre à placer un demandeur de protection internationale dans une structure fermée pour une durée maximale de trois mois renouvelable notamment lorsque le placement s’avère nécessaire afin de ne pas compromettre le transfert du demandeur vers le pays qui, en vertu d’engagements internationaux auxquels le Luxembourg est partie, est considéré comme responsable de l’examen de la demande.

En vertu de l'article 3 du règlement (CE) n° 343/2003, la demande d'asile d'un étranger ressortissant d'un pays tiers est examinée par un seul Etat membre, déterminé par les critères fixés au chapitre III dudit règlement. Aux termes de l'article 16, paragraphe 1 e), du même règlement « l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile en vertu du présent règlement est tenu de : (…) reprendre en charge, dans les conditions prévues à l'article 20, le ressortissant d'un pays tiers dont il a rejeté la demande et qui se trouve, sans en avoir reçu la permission, sur le territoire d'un autre Etat membre ».

Il ressort des pièces du dossier administratif que le demandeur, avant de déposer une demande de protection internationale au Luxembourg le 22 décembre 2010, avait introduit le 4 octobre 2005 en Belgique une demande d’asile, laquelle a été rejetée le 25 novembre 2005, de sorte que le ministre a saisi les autorités belges d’une demande de reprise en charge de Monsieur … sur le fondement de l’article 16, paragraphe 1, e) du règlement (CE) n° 343/2003.

Contrairement à ce qui est soutenu par le demandeur, la mesure de placement prise à son égard n’est dès lors pas justifiée par le simple fait d’avoir déposé une demande de protection internationale au Luxembourg, mais par le fait d’avoir précédemment déposé une demande d’asile en Belgique, de sorte qu’il doit être considéré comme rentrant dans les prévisions de l’article 10 (1) d) de la loi précitée du 5 mai 2006.

C’est encore à tort que le demandeur reproche à la décision déférée de n’avoir fait état d’aucune autre raison de nature à justifier la nécessité de la mesure de placement. En effet, il ressort de la décision litigieuse, dont le libellé est repris ci-dessus, que le ministre a justement motivé la décision litigieuse par le fait qu’un accord de reprise en charge allait être demandé aux autorités belges en vertu du règlement (CE) n° 343/2003 et qu’en attendant cet accord de reprise en charge, un éloignement du demandeur n’était pas possible.

Quant au reproche du demandeur selon lequel le ministre n’aurait pas fait état d’un quelconque risque dans son chef de vouloir se soustraire à la mesure de transfert en Belgique, non seulement l’article 10 (1) de la loi précitée du 5 mai 2006 n’érige pas un tel risque en une condition, mais en outre l’affirmation du demandeur selon laquelle il aurait marqué son accord avec un transfert en Belgique est contestée par le délégué du gouvernement.

Quant à la question de savoir si les autorités belges vont accepter ou non la reprise en charge du demandeur, il convient de relever que l’article 10 (1) de la loi du 5 mai 2006 ne subordonne pas la prise d’une mesure de rétention à l’obtention de l’accord de reprise en charge par l’autorité étrangère considérée comme étant responsable de l’examen de la demande d’asile.

En effet, c’est justement pour ne pas compromettre le transfert d’un demandeur de protection internationale vers le pays qui, en vertu d’engagements internationaux, tel que le règlement (CE) n° 343/2003 en l’espèce, est considéré comme responsable de l’examen de la demande d’asile, que le ministre peut ordonner le placement pour une durée de trois mois. S’il est vrai que les autorités belges ont pour le moment refusé de reprendre en charge le demandeur, étant donné qu’il n’était pas établi que celui-ci n’avait pas quitté le territoire des Etats membres pendant une période de trois mois, ce qui les déchargerait de leur compétence pour connaître de la demande d’asile, il ressort toutefois des pièces du dossier administratif que les autorités luxembourgeoises ont réclamé contre ce refus de réadmission, à la suite de quoi les autorités belges ont sollicité des autorités luxembourgeoises des informations supplémentaires sur le demandeur, informations que la police a été chargée par le ministre d’obtenir. Il s’ensuit qu’en attendant le résultat du complément d’enquête par la police luxembourgeoise et la réponse définitive des autorités belges sur la demande de reprise en charge, le placement du demandeur s’avère nécessaire afin de ne pas compromettre son transfert vers la Belgique.

Enfin, quant à l’affirmation du demandeur selon laquelle tout demandeur de protection internationale aurait droit à voir instruire sa demande de protection internationale en toute dignité, ce moyen n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant au juge d'en apprécier le bien-fondé. Pour le surplus, il y a lieu de rappeler, comme il a été dit ci-avant, que l’article 10 (1) d) de la loi précitée du 5 mai 2006 permet justement de placer un demandeur de protection internationale lorsque cela s’avère nécessaire afin de ne pas compromettre le transfert vers le pays qui, en vertu d’engagements internationaux, est considéré comme étant responsable de l’examen de la demande.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Martine Gillardin, vice-président, Annick Braun, juge, Andrée Gindt, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 3 février 2011 à 11.00 heures par le vice-président, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Martine Gillardin Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 03.02.2011 Le Greffier du Tribunal administratif 5


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 27712
Date de la décision : 03/02/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2011-02-03;27712 ?

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