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02/02/2011 | LUXEMBOURG | N°26888

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 février 2011, 26888


Tribunal administratif Numéro 26888 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 mai 2010 3e chambre Audience publique du 2 février 2011 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du directeur général de la Police et une décision du ministre de l’Intérieur et à la Grande Région en matière de fonctionnaires et agents publics

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 26888 du rôle et déposée le 6 mai 2010 au greffe du tribunal administratif par Maître J

ean-Marie Bauler, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, a...

Tribunal administratif Numéro 26888 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 mai 2010 3e chambre Audience publique du 2 février 2011 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du directeur général de la Police et une décision du ministre de l’Intérieur et à la Grande Région en matière de fonctionnaires et agents publics

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 26888 du rôle et déposée le 6 mai 2010 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Marie Bauler, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, … affecté au Service régional de police de la route (SRPR) de Luxembourg, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du directeur général de la Police du 23 octobre 2009 et d’une décision du ministre de l’Intérieur et à la Grande Région du 1er février 2010 prise sur recours gracieux, portant refus de le faire bénéficier de la mesure transitoire prévue à la note de service n° 105/2007 du 21 décembre 2007 en vue d’accéder au grade de commissaire en chef ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Maître Jonathan Holler, en remplacement de Maître Jean-Marie Bauler, en sa plaidoirie.

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En date du 16 mai 2007, un représentant du ministère de la Justice, trois représentants de la direction générale de la Police grand-ducale et trois représentants du Syndicat national de la Police grand-ducale se réunirent afin de fixer les postes à responsabilité permettant d’accéder au grade de commissaire en chef P7. Dans une note de service n° 105/2007 du 21 décembre 2007, ci-après dénommée « la note de service n° 105/2007 », le directeur général de la Police grand-ducale publia les résultats des concertations. Cette note de service est libellée comme suit :

« Les parties présentes ont trouvé un consensus en ce qui concerne le tableau en annexe reprenant les postes permettant d'accéder au grade P7. Le nombre total de ces postes s'élève à 230, nombre se rapprochant raisonnablement du nombre de grades P7 actuellement disponibles, à savoir 186 postes.

Les critères suivants ont été appliqués pour établir le tableau en question :

 Unité ayant un effectif inférieur à 7 : 1 poste P7  Unité ayant un effectif de 7 à 11 : 2 postes P7  Unité ayant un effectif supérieur à 11 : 3 postes P7 et 1 poste supplémentaire par multiple de 12 (24,36,..) Pour certaines unités, en particulier les Sections de Recherche et d'Enquête Criminelle, il a cependant été dérogé à ces critères en raison des spécificités ou nécessités relatives au bon fonctionnement de ces unités.

Dorénavant les postes visés seront systématiquement publiés par voie de note de service au sein du Corps et uniquement une affectation par le Ministre de la Justice à un de ces postes à responsabilité permettra aux concernés d'accéder au grade de commissaire en chef le moment venu, à condition de posséder les qualités professionnelles, morales, physiques et psychiques pour exercer les fonctions du grade supérieur.

A titre de mesure transitoire, tous les commissaires nommés au moment de la publication de la présente note à des postes pouvant donner droit à accéder au grade de commissaire en chef ou faisant partie du personnel énuméré à l'article 25 du règlement grand-ducal du 27 avril 2007 concernant les conditions de recrutement, d'instruction et d'avancement du personnel policier et ayant réussi à l'examen de promotion avant l'an 2000, gardent le droit d'accéder au grade de commissaire en chef jusqu'à concurrence du nombre de postes définis par la présente note. Le tableau reprenant nominativement les commissaires visés par cette mesure transitoire est annexé à la présente. » En date du 7 octobre 2009, Monsieur …, … au Service régional de police de la route, ci-après dénommé « SRPR », de Luxembourg, formula auprès du ministre de l’Intérieur une demande pour bénéficier de la mesure transitoire telle que définie dans la note de service n° 105/2007.

En date du 23 octobre 2009, le directeur général de la Police prit la décision suivante :

« Les conditions pour bénéficier de la mesure transitoire définie dans la note de service n°105 du 21 décembre 2007 avaient été clairement définies par cette même note, c’est-à-dire :

 avoir le grade de commissaire ;

 être nommé à un poste pouvant donner droit à accéder au grade de commissaire en chef ou faire partie du personnel énuméré à l’article 25 du règlement grand-ducal du 27 avril 2007 concernant les conditions de recrutement, d’instruction et d’avancement du personnel policier au moment de la publication de la note en question,  avoir réussi à l’examen de promotion avant l’an 2000.

Etant donné qu’au moment de l’entrée en vigueur de ladite note de service, quatre postes à responsabilité avaient été autorisés par le Ministre de la Justice au sein du Service Régional de Police de la Route de Luxembourg, unité d’affectation du commissaire … (sic !), et que le commissaire en chef …, les commissaires …, … et … occupaient ces postes à responsabilité, (le commissaire … n’ayant pas été pris en compte vu qu’il a été placé hors cadre conformément à l’article 15 de la loi du 27 mars 1986 fixant les conditions et les modalités selon lesquelles le fonctionnaire de l’Etat peut se faire changer d’administration), les commissaires …, … et … n’ont pas bénéficié d’une mesure transitoire.

Par analogie, sept postes à responsabilité avaient été autorisés par le Ministre de la Justice au sein de l’Unité Centrale de Police de la Route, de sorte que les commissaires …, …, …, … et … ont bénéficié d’une mesure transitoire, les commissaires en chef … et … ayant déjà été nommés à un poste à responsabilité.

Après une analyse approfondie du dossier, le Ministère de la Justice a conclu qu’à défaut d’un argumentaire susceptible de trouver le support du tribunal administratif, il est impossible de renégocier les conditions dont question sans créer de nouvelles inégalités. » A la suite d’une réclamation introduite par Monsieur …, le ministre de l’Intérieur et à la Grande Région, ci-après dénommé « le ministre », s’adressa, par courrier du 1er février 2010, au directeur général de la Police en les termes suivants :

« En réponse à votre courrier du 27 novembre 2009 traitant de la réclamation introduite par le commissaire hors cadre de police …, j’ai l’honneur de vous faire savoir que je partage vos vues en matière d’accès au grade P7.

Le raisonnement y développé correspond aux principes retenus dans la note de service n°105 du 21 décembre 2007. Le commissaire … ne saurait dès lors bénéficier d’une mesure transitoire, telle que prévue dans la note de service n°105/2007, en vue d’accéder au grade de commissaire en chef.

Veuillez informer le fonctionnaire concerné que la présente décision est susceptible d’un recours en annulation à introduire devant le Tribunal Administratif par ministère d’un avocat à la Cour dans le délai de trois mois à partir de la notification de la présente. (…) » Cette décision fut notifiée à Monsieur … en date du 9 février 2010.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 6 mai 2010, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du directeur général de la Police du 23 octobre 2009, ainsi que de la décision ministérielle précitée du 1er février 2010.

Malgré le fait que le recours a été notifié par les soins du greffe du tribunal administratif à l’Etat, aucun mémoire en réponse n’a été déposé pour compte de ce dernier dans le délai prévu par l’article 5 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives. Nonobstant ce fait, l’affaire est néanmoins réputée jugée contradictoirement, en vertu de l’article 6 de la loi précitée du 21 juin 1999.

Il convient encore de rappeler que bien que le demandeur ne se trouve pas confronté à un contradicteur, il n’en reste pas moins que le tribunal, outre de vérifier s’il est compétent pour connaître du recours et si ce dernier est recevable, doit examiner les mérites du ou des différents moyens soulevés.

Aucun recours au fond n’étant prévu en la présente matière, le tribunal administratif est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal.

Le recours subsidiaire en annulation est recevable pour avoir par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur fait exposer qu’il serait entré dans la force publique le 1er août 1988 et qu’il aurait réussi à l’examen de promotion en 1997. Il aurait été affecté au SRPR de Luxembourg à compter de 1991 et serait actuellement commissaire placé hors cadre conformément à l’article 15 de la loi modifiée du 27 mars 1986 fixant les conditions et les modalités selon lesquelles le fonctionnaire de l’Etat peut se faire changer d’administration.

Le demandeur explique qu’il aurait introduit une demande auprès du ministre afin de bénéficier de la mesure transitoire prévue par la note de service n° 105/2007. Il précise que l’annexe 2 à la note de service n° 105/2007 comportant le tableau des commissaires nominativement visés par la mesure transitoire renseignerait notamment cinq commissaires qui seraient tous affectés à l’Unité centrale de la police de la route (UCPR). A cette liste, un commissaire membre du SRPR de Luxembourg aurait été ajouté le 25 janvier 2008. L’année suivante, au début du mois de janvier, un commissaire du SRPR d’Esch-sur-Alzette aurait encore été ajouté à ladite liste. Le demandeur précise que ces fonctionnaires, membres de l’UCPR ou du SRPR, seraient ainsi admis à obtenir le grade P7 tout en continuant d’exercer leurs fonctions au sein de leur unité actuelle sans avoir besoin de briguer un autre poste donnant droit au grade P7. Il critique que ce droit lui aurait été refusé au motif qu’au moment de l’entrée en vigueur de la note de service n° 105/2007, quatre postes à responsabilité avaient été autorisés par le ministre de la Justice au sein du SRPR de Luxembourg et que ces postes étaient occupés. Il fait valoir qu’en réalité, il existerait cinq postes à responsabilité au SRPR de Luxembourg dont deux commissaires hors cadre.

En droit, le demandeur conclut à l’annulation des décisions déférées pour violation de l’article 10bis de la Constitution sinon pour violation du principe général du droit de la fonction publique consacrant l’égalité d’accès à la fonction et à la promotion. Il soutient qu’à l’instar des fonctionnaires précités, il exercerait également ses fonctions auprès de la police de la route et plus précisément au sein du SRPR de Luxembourg, qu’il aurait reçu la même formation spécialisée, qu’il porterait le même uniforme et qu’il aurait le même matériel à sa disposition. Or, malgré cette égalité en fait et en droit, il ne bénéficierait pas de la mesure transitoire telle que définie par la note de service n° 105/2007, alors qu’il remplirait toutes les autres conditions.

Il précise encore que le commissaire …, …, affecté au SRPR de Luxembourg n’aurait au début pas figuré sur le tableau repris à l’annexe 2 de la note de service n° 105/2007, mais y aurait été ajouté en date du 25 janvier 2008 au motif que la mise hors cadre du commissaire … aurait permis de prendre en compte un nouveau poste à responsabilité. Or, l’administration aurait ainsi négligé le fait que le commissaire …, également en poste au SRPR de Luxembourg serait actuellement placé hors cadre sans que cet état des choses ait été pris en compte dans la détermination des postes à responsabilité. Il s’estime partant victime d’une discrimination contraire au principe de l’égalité de traitement par rapport à ses collègues sans que cette différence de traitement soit susceptible d'une justification au regard des critères dégagés par la Cour Constitutionnelle. Il juge cette situation d’autant plus inacceptable dès lors qu’il n’aurait plus aucune possibilité de rejoindre l’UCPR et se verrait partant contraint de briguer un autre poste à responsabilité pour pouvoir accéder au grade P7. Une telle façon de procéder serait contraire à une saine gestion tant des finances publiques que des ressources humaines puisqu’elle obligerait les fonctionnaires ayant suivi une formation spécialisée à changer de fonction, respectivement elle pénaliserait des fonctionnaires motivés en les obligeant à quitter leurs fonctions s’ils voulaient avancer en grade.

La note de service n° 105/2007 dispose notamment que : « A titre de mesure transitoire, tous les commissaires nommés au moment de la publication de la présente note à des postes pouvant donner droit à accéder au grade de commissaire en chef ou faisant partie du personnel énuméré à l'article 25 du règlement grand-ducal du 27 avril 2007 concernant les conditions de recrutement, d'instruction et d'avancement du personnel policier et ayant réussi à l'examen de promotion avant l'an 2000, gardent le droit d'accéder au grade de commissaire en chef jusqu'à concurrence du nombre de postes définis par la présente note. Le tableau reprenant nominativement les commissaires visés par cette mesure transitoire est annexé à la présente. » Cette note de service, qui reprend à l’annexe 1 les postes à responsabilité permettant d’accéder au grade P7, prévoit à titre de mesure transitoire que les commissaires nommés au moment de la publication de la note de service à un des postes pouvant donner droit à accéder au grade de commissaire en chef ou faisant partie du personnel énuméré à l’article 25 du règlement grand-ducal précité du 27 avril 2007 et ayant réussi à l’examen de promotion avant l’an 2000, gardent le droit d’accéder au grade de commissaire en chef jusqu’à concurrence du nombre de postes définis par la note de service n° 105/2007. Une liste des noms des commissaires pouvant accéder au grade P7 à leur poste actuel conformément à la mesure transitoire est reprise en annexe 2 à ladite note de service.

Il n’est pas contesté en cause que le demandeur ne fait pas partie du personnel énuméré à l’article 25 du règlement grand-ducal du 27 avril 2007, précité.

Les décisions déférées retiennent par contre que le demandeur n’était pas nommé, au moment de la publication de la note de service n° 105/2007, à un poste pouvant donner droit à accéder au grade de commissaire en chef, étant donné que les quatre postes à responsabilité autorisés par le ministre de la Justice au sein du SRPR de Luxembourg étaient déjà occupés par le commissaire … ainsi que par les commissaires …, … et ….

Il ressort de l’annexe 1 à la note de service n° 105/2007 qu’il y a quatre postes à responsabilité permettant d’accéder au grade P7 prévus au SRPR de Luxembourg.

Dans la mesure où le demandeur ne conteste pas que ces quatre postes étaient occupés au moment de la publication de la note de service n° 105/2007, c’est partant à bon droit que l’autorité a refusé de le faire bénéficier de la mesure transitoire et de l’inscrire au tableau repris à l’annexe 2 à la note de service n° 105/2007.

Le demandeur estime que le fait que les fonctionnaires énumérés à l’annexe 2 de la note de service n° 105/2007 puissent bénéficier de la mesure transitoire en continuant d’exercer leurs fonctions dans leur unité actuelle et n’ont pas, contrairement à lui, à briguer un autre poste donnant droit au grade P7 constituerait une violation de l’article 10bis de la Constitution.

Aux termes de l’article 10bis de la Constitution : « Les Luxembourgeois sont égaux devant la loi ».

La mise en œuvre de la règle constitutionnelle de l’égalité suppose que les catégories de personnes entre lesquelles une discrimination est alléguée se trouvent dans une situation comparable au regard de la mesure critiquée. Toutefois, cette règle n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre certaines catégories de personnes, pour autant que le critère de différenciation soit susceptible d'une justification objective et raisonnable.

Force est cependant au tribunal de relever que le demandeur, tel que cela a été retenu ci-dessus, ne remplit pas toutes les conditions prévues par la note de service n° 105/2007, dans la mesure où il n’a pas occupé, au moment de la publication de la note de service, et contrairement aux autres personnes ayant bénéficié de la mesure transitoire litigieuse, un poste pouvant donner droit à accéder au grade P7. Dès lors, contrairement aux affirmations du demandeur, il ne se trouve pas dans une situation comparable à celle de ses collègues, de sorte que le moyen tiré d’une violation de la règle constitutionnelle de l’égalité de traitement laisse d’être fondé.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Au vu de l’issue du litige, la demande en allocation d’une indemnité de procédure de 750.- euros formulée par le demandeur est à rejeter comme non fondée.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Martine Gillardin, vice-président, Claude Fellens, premier juge, Andrée Gindt, juge, et lu à l’audience publique du 2 février 2011 par le vice-président, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Martine Gillardin Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 02.02.2011 Le Greffier du Tribunal administratif 6


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 26888
Date de la décision : 02/02/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2011-02-02;26888 ?

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