Tribunal administratif N° 26400 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 décembre 2009 1re chambre Audience publique du 26 janvier 2011 Recours formé par la société PARFIMO PARTICIPATIONS FINANCIERES IMMOBILIERES S.A., Luxembourg contre une décision du bourgmestre de la commune de Betzdorf en matière d’urbanisme
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 26400 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 9 décembre 2009 par Maître Marc THEWES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société PARFIMO PARTICIPATIONS FINANCIERES IMMOBILIERES S.A., établie et ayant son siège social à L-1540 Luxembourg, 2, Benjamin Franklin, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B.55543, tendant à l’annulation d’une décision du bourgmestre de la commune de Betzdorf du 8 janvier 2009, lui refusant le permis de construire pour la rénovation d’une maison sise à L-6934 Mensdorf, 2, rue de la Grotte ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Geoffrey GALLÉ, demeurant à Luxembourg, du 10 décembre 2009 portant signification de ce recours à l’administration communale de Betzdorf ;
Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif le 18 décembre 2009 par Maître Steve HELMINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Betzdorf ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 10 mars 2010 par Maître Steve HELMINGER pour compte de l’administration communale de Betzdorf, notifié le même jour à Maître Marc THEWES ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 12 avril 2010 par Maître Marc THEWES au nom de la demanderesse, notifié le même jour à Maître Steve HELMINGER ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 11 mai 2010 par Maître Steve HELMINGER pour compte de l’administration communale de Betzdorf, notifié le même jour à Marc THEWES ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maîtres Marc THEWES et Maître Steve HELMINGER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 27 septembre 2010.
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Par arrêté du 9 août 2004, le ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, ci-après dénommé « le ministre », proposa de classer l’immeuble sis à L-6934 Mensdorf, 2, rue de la Grotte comme monument national.
La société PARFIMO PARTICIPATIONS FINANCIERES IMMOBILIERES S.A., ci-
après dénommée « la société PARFIMO », propriétaire dudit immeuble, élabora des plans de rénovation de l’immeuble qui furent approuvés par le ministre en date du 25 janvier 2005.
En date du 16 juin 2005, le bourgmestre, ci-après « le bourgmestre » ,refusa de faire droit à la demande d’un permis de construire introduite par la société PARFIMO aux motifs que l’extension projetée constituerait un changement d’affectation et devrait par conséquent respecter les dispositions du règlement des bâtisses en vigueur, qu’elle devrait être distante en principe de 6 mètres de l’alignement de la chaussée et qu’elle ne satisferait pas au stipulations de l’article 2.341 suivant lequel le recul des constructions sur la limite postérieure de la parcelle sera égal ou supérieur à une fois et demie la hauteur, mais au moins de cinq mètres. Contre la décision de refus précitée, la société PARFIMO introduisit un recours gracieux qui fut rejeté par décision du bourgmestre en date du 21 juin 2006.
Ledit immeuble fut classé monument national par arrêté du Gouvernement en conseil du 28 juillet 2006.
Après que la commune de Betzdorf ci-après « la commune » ait modifié son Plan d’aménagement général, ainsi que son règlement sur les bâtisses de la commune de Betzdorf, ci-
après dénommé « le règlement sur les bâtisses », la société PARFIMO estima que la situation légale aurait changé, de sorte qu’elle s’adressa à nouveau, en date du 13 octobre 2008, à la commune pour solliciter une autorisation de construire. Cependant, par courrier du 8 janvier 2009, le bourgmestre refusa d’accorder le permis de construire sollicité. Cette décision fut libellée comme suit :
« […] En réponse à vôtre courrier daté au 13 octobre 2008, j'ai l'honneur de vous transmettre ma prise de position relative au dossier sous rubrique.
Tout d'abord, je tiens à préciser que le projet présenté par vos mandants ne consiste pas seulement en la rénovation de l'immeuble en question mais prévoit son extension par un nouveau volume bâti en vue d'agrandir la surface habitable pour créer une deuxième unité d'habitation.
De même, je dois souligner que mon refus du 16 juin 2005 ne portait pas sur la rénovation de la partie existante de l'immeuble mais uniquement sur le volume supplémentaire projeté en remplacement d'une sorte de hangar (fenil) rudimentaire tombé en ruine, pour lequel je considérais que les dispositions réglementaires de la partie écrite du PAG sont à appliquer de facto.
Quant à la conformité du projet par rapport aux articles modifiés de la partie écrite, je constate qu'en ce qui concerne l'article 2.32, une dérogation relative à l'alignement puisse effectivement être envisagée dans le souci de préserver l'aspect urbanistique et architectural du quartier, à condition toutefois de ne pas aménager des accès carrossables vers des garages ou emplacements de stationnement sans garantir un champ de visibilité suffisant.
Par contre, je suis d'avis que la construction sans recul postérieur du nouveau volume risque bel et bien de porter atteinte à son environnement immédiat, notamment au terrain limitrophe sis au côté sud. Une dérogation dans le sens de l'article 2.351 ne peut donc pas être accordée.
Outre cela, je me permets d'attirer votre attention sur les dispositions de l'article 13 de la partie écrite modifiée, déterminant le nombre d'emplacements de stationnement.
En guise de conclusion, je vous informe qu'il me paraît effectivement important de revaloriser l'immeuble et que je ne m'oppose pas à sa rénovation dans le cadre du gabarit actuel, à l'exception des remarques qui précèdent. […] » Contre la décision de refus précitée, le mandataire de la société PARFIMO introduisit en date du 12 février 2009 un recours gracieux, sans que ce recours gracieux n’ait connu de suites de la part de la commune de Betzdorf.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 9 décembre 2009, la société PARFIMO a fait introduire à un recours tendant à l’annulation du refus de lui accorder une autorisation de construire.
En ce qui concerne la compétence du tribunal administratif pour connaître du présent recours, force est de constater qu’aucune disposition légale ne prévoit de recours au fond en matière de permis de construire, de sorte que le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation qui est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours la demanderesse fait en premier lieu valoir que la décision déférée encourait l’annulation au motif que le « Gestaltungsbeirat » prévu à l’article 2.352 du règlement sur les bâtisses de la commune de Betzdorf n’aurait pas été préalablement consulté.
A cet égard la partie défenderesse fait plaider que l’avis du « Gestaltungsbeirat » ne serait requis uniquement en cas de divergences d’interprétation quant au respect de l’architecture des façades d’origine ou de prise en compte de la volumétrie des bâtiments voisins. En l’espèce, la décision déférée se serait basée sur aucune des questions précitées.
Aux termes de l’article 2.352 du règlement sur les bâtisses : « Toute construction, reconstruction ou transformation d’un bâtiment dans le centre doit respecter l’architecture des façades d’origine (notamment les hauteurs d’étages, les rapports entre les pleins et les vides et la forme générale des ouvertures) et tenir compte de la volumétrie (hauteur, profondeur, longueur, pente et forme de la toiture) des bâtiments voisins.
En cas de litige l’avis d’une commission d’hommes de l’art, au sens d’un « Gestaltungsbeirat » nommée par le conseil communal, sera demandé. » Il découle de la disposition précitée que l’avis du « Gestaltungsbeirat » y cité est requis en cas de litige portant sur un des éléments définit au paragraphe 1er de cet article, à savoir l’architecture des façades d’origine ou la volumétrie des bâtiments voisins. Force est cependant de constater que le litige ne porte en l’espèce ni sur l’architecture des façades d’origine ni sur la volumétrie des bâtiments voisins, mais sur l’emplacement, le gabarit, les reculs à respecter et le changement d’affectation de la construction projetée ainsi que sur le nombre des emplacements de stationnement à aménager, de sorte que le moyen afférent laisse d’être fondé.
La demanderesse, insistant sur l’importance que les services en charge de la conservation du patrimoine auraient attaché à la bâtisse litigieuse, documentée par un courrier de la secrétaire d’Etat à la Culture demandant au bourgmestre de la commune de Betzdorf d’accorder une dérogation aux règles urbanistiques applicables pour permettre la rénovation, critique encore la décision déférée en ce qu’elle retient que la modification de l’affectation de l’immeuble déclencherait l’application de l’article 30.1 du règlement sur les bâtisses qui rend applicable l’ensemble des dispositions du plan d’aménagement général, ci-après dénommé « PAG », au motif que le bourgmestre, sur base de l’article 2.351 du règlement sur les bâtisses, aurait dû lui accorder une dérogation aux règles en matière d’alignement de la façade prévues à l’article 2.32 du règlement des bâtisses et aux règles concernant les reculs définis à l’article 2.34 du règlement des bâtisses. En effet, si le bourgmestre admettrait qu’une dérogation concernant l’alignement des façades serait possible en l’espèce il n’en serait pas de même en ce qui concerne le recul arrière, au motif que la construction projetée, sans recul postérieur du nouveau volume risquerait de porter atteinte à son environnement immédiat et notamment au terrain limitrophe sis au côté sud. Or, cette conclusion résulterait d’une erreur d’appréciation manifeste dans la mesure où il ne saurait être en l’espèce question d’un volume nouveau. En effet, le projet de rénovation ne changerait en rien l’implantation par rapport à l’existant historique. Si les matériaux de construction qu’elle propose d’employer étaient différents de ceux du bâtiment actuel menaçant de tomber en ruine et si la distribution intérieure des pièces changeait également, il n’en resterait pas moins que ces circonstances n’affecteraient pas la distance entre, d’une part, la façade avant et la voirie et, d’autre part, la façade et la limite de la propriété. Ainsi, elle se conformerait exactement à l’article 2.352 du règlement de bâtisses de la commune de Betzdorf selon lequel toute construction, reconstruction ou transformation d’un bâtiment devrait respecter l’architecture des façades d’origine et tenir compte de la volumétrie des bâtiments voisins.
Toutefois, son projet aurait été rejeté au motif que le changement de l’affectation de la construction projetée déclencherait l’application de l’article 30.1 du règlement des bâtisses, en vertu duquel et au vu du prétendu changement d’affectation, l’ensemble des dispositions du plan d’aménagement général et du règlement des bâtisses seraient applicables. Or, il serait impossible de rénover un immeuble classé monument historique si la commune impose le déplacement des murs extérieurs pour respecter les reculs sur la limite des terrains. En outre, la rénovation de la bâtisse dans les dimensions existantes représenterait pour le voisin une amélioration et non une aggravation de sa situation.
La partie défenderesse souligne à titre liminaire qu’elle ne se serait pas opposée à préserver un immeuble classé monument national, et que son refus aurait uniquement porté sur la reconstruction et l’agrandissement du hangar accolé à cet immeuble pour servir de logement supplémentaire, qui serait, à l’heure actuelle, totalement délabré. Elle renvoie à ce sujet à l’arrêt pris par le gouvernement en conseil qui n’aurait pas classé le hangar précité, mais uniquement l’immeuble. Elle fait plaider qu’il faudrait distinguer les différentes compétences en cette matière, ainsi, le ministre ayant la culture dans ses attributions aurait certes compétence pour proposer un immeuble au classement et pour déclencher la procédure de classement, mais il n’aurait pas de compétence pour imposer à un bourgmestre d’autoriser une réaffectation d’un ancien hangar qui, au vu de son état actuel, ne saurait plus être considéré comme hangar existant.
D’autant plus que le conseil de gouvernement aurait pris le soin de préciser dans son arrêté de classement que le hangar caractéristique en bois faisant partie de l’immeuble peut être transformé en logement. Cette décision aurait condamné le prétendu hangar caractéristique en bois, alors que la demanderesse serait en aveu qu’il ne reste plus rien de ce hangar en bois qui, selon le projet sous analyse, serait remplacé par une construction en brique.
Quant au refus d’accorder une dérogation à la demanderesse, la commune fait plaider que le principe régissant les constructions existantes sur son territoire, repris dans l’article 30.1 du règlement sur les bâtisses, imposerait que les dispositions figurant au règlement sur les bâtisses s’appliquent aux transformations, agrandissements et rénovations de constructions existantes ainsi qu’aux modifications apportées à leur affectation. Etant donné que le projet de la demanderesse consisterait dans la transformation, l’agrandissement et la rénovation d’une construction existante, le bourgmestre aurait à juste titre appuyé son refus entre autre sur l’article 30.1 prémentionné. Elle fait en outre valoir que le projet litigieux ne respecterait aucun des reculs, soit-il antérieur, postérieur ou latéral fixés à l’article 2.32 du règlement des bâtisses, de sorte que la construction projetée ne serait par principe pas autorisable. La défenderesse fait en outre valoir que l’application de la dérogation prévue à l’article 2.351 serait soumise à trois conditions cumulatives, à savoir que le terrain en question soit classé constructible, qu’il soit situé en bordure d’une voie entièrement équipée à laquelle son accès est garanti et qu’il puisse être raccordé aux réseaux d’infrastructures existants et, finalement, que les dérogations ne doivent par porter atteinte à son environnement immédiat et ne doivent pas compromettre l’aménagement des terrains adjacents. Or, en l’espèce, la construction projetée se situerait sur une seule parcelle et le refus serait motivé par le fait que le projet ne consisterait pas seulement en la rénovation de l’immeuble en question, mais prévoirait son extension par un nouveau volume bâti en vu d’agrandir la surface habitable et afin de créer une deuxième unité d’habitation. Il en résulterait que l’article 2.351 du règlement sur les bâtisses ne serait pas applicable. Cependant, s’agissant de la construction existante, le bourgmestre pourrait accorder une dérogation en vertu de l’article 2.351, mais il n’en serait pas de même pour le nouveau volume que la demanderesse entend construire dans la mesure où le nouveau volume ne se situerait pas sur une parcelle distincte qui aurait vocation de place à bâtir et pour laquelle une application stricte des règles urbanistiques en vigueur la rendrait impropre à la construction. La demanderesse n’aurait pas prévu le nouveau volume afin de permettre l’habitabilité du volume existant, mais elle entendrait ériger un nouveau volume à côté de l’immeuble existant pour y aménager une deuxième unité d’habitation. En effet, les plans soumis à autorisation montreraient que tant le gabarit de la nouvelle construction tel que proposé par la solution 1, que celui proposé par la solution 2 dépasseraient le volume et le gabarit de l’ancien hangar en bois et diminueraient les reculs par rapport aux propriétés voisines, de sorte que, contrairement aux allégations de la demanderesse, le nouveau volume projeté n’épouserait pas le volume et le gabarit de l’ancien hangar en bois.
Dans son mémoire en réplique la demanderesse conteste que le hangar en bois n’aurait pas été classé monument national étant donné que le classement dont question affecterait « l’immeuble sis à Mensdorf, 2, rue de la Grotte, inscrit au cadastre […] ». Elle en conclut que le classement porterait sur tous les corps de bâtiment de l’immeuble situés sur le numéro cadastral indiqué, quel que soit le matériel de construction employé et quel qu’en soit l’affectation historique. D’autre part, le hangar caractéristique en bois serait expressément désigné par l’arrêté du gouvernement en conseil comme « faisant partie de l’immeuble ». La demanderesse verse à l’appui de son mémoire en réplique des plans qui seraient ceux que la commission des Sites et Monuments aurait approuvés, et demande à ce que les plans versés par la commune soient ignorés. Elle fait d’autre part plaider que l’architecture du projet nécessiterait d’inclure le hangar dans le projet, étant donné que l’ancienne grange ne comporterait pas de fenêtres.
Quant aux motifs de refus, la demanderesse précise que s’agissant de la prétendue atteinte au terrain limitrophe, aucune explication sur la nature de l’atteinte n’aurait été fournie, et estime que la décision déférée serait arbitraire puisque motivée par une formule de style sans référence à la situation administrative concrète. Or, en l’espèce la situation des voisins ne changerait pas réellement puisque la construction projetée prendrait la place d’une construction existante et la construction délabrée serait remplacée par une bâtisse bien entretenue, de sorte que la situation des voisins serait améliorée.
Concernant le reproche que la construction nouvelle dépasserait le gabarit de l’ancien hangar en bois, la demanderesse fait plaider que les pièces versées en cause ne permettraient pas de vérifier cette allégation. En effet, si une dérogation en vertu de l’article 2.351 du règlement sur les bâtisses serait nécessaire sur le côté sud étant donné que les constructions existantes se trouveraient à moins d’un mètre de la limite de propriété, la consultation des plans montrerait que la construction projetée suivrait exactement les limites de la construction en bois existante.
Elle admet néanmoins qu’à l’avant de la construction projetée, les plans prévoiraient la construction d’un garage dont les dimensions dépasseraient le gabarit de la construction en bois existante. A cet égard, elle fait plaider que cette construction serait loin de la limite arrière et que la limite latérale serait également respectée. Par ailleurs, la nouvelle construction ne serait pas visible puisqu’elle ne dépasserait pas, en hauteur de maçonnerie, le mur d’enceinte existant. Elle donne encore à considérer que la réaffectation du hangar en bois en logement ne créerait aucun préjudice aux voisins, étant donné que le hangar devrait de toute façon être reconstruit comme il serait classé, et que les modalités du classement permettrait à la demanderesse de le reconstruire en le réaffectant en tant que logement.
En ce qui concerne la prétendue impossibilité de lui accorder la dérogation prévue à l’article 2.351 du règlement sur les bâtisses, la demanderesse fait valoir que le raisonnement de la commune serait basé sur des prémisses fausses étant donné qu’on ne serait pas en présence d’un nouveau volume bâti comme le laisserait entendre la partie défenderesse, mais qu’il s’agirait de la reconstruction et de la réaffectation d’un volume existant. La qualification de volume existant ne saurait être contestée, même s’il s’agirait en l’espèce d’une construction en bois et même si les retards provoqués par l’attitude de blocage de la commune aurait conduit à une détérioration sensible de cette construction. D’autre part, la présence de deux unités d’habitation sur une même parcelle serait expressément autorisée par le PAG de la commune de Betzdorf, de sorte que la volonté de cette dernière de limiter le projet litigieux à une seule unité d’habitation n’aurait aucune base légale.
La partie défenderesse, dans son mémoire en duplique, estime en premier lieu que si l’arrêté de classement précise en effet que le hangar en bois ferait partie de l’immeuble classé monument national, le fait que le ministre aurait autorisé des plans qui prévoient la destruction complète du hangar pour le remplacer par une nouvelle construction qui n’épouserait plus le gabarit originaire, serait en parfaite contradiction avec le classement. Elle conteste que l’état délabré actuel du hangar serait dû à son attitude. Quant aux projets de rénovation et ses variantes, la défenderesse estime que le projet de rénovation modifie de manière considérable l’espace habitable de la maison existante et que les plans que la demanderesse aurait versés seraient identiques aux plans versés intitulés « solution 1 ». Quant à la nécessité architecturale d’inclure le hangar dans le projet, elle estime que dans la mesure où le hangar devant être transformé en une unité d’habitation séparée, elle ne verrait pas en quoi les fenêtres de cette unité séparée pourrait apporter de la lumière à la partie existante de l’immeuble, d’autant plus que la grande porte de la grange devant être remplacée par une large baie vitrée.
En ce qui concerne la possibilité pour le bourgmestre d’accorder une dérogation en vertu de l’article 2.351 du règlement sur les bâtisses, elle fait valoir qu’étant donné que la nouvelle construction ne se situerait pas sur une parcelle séparée, elle ne rentrerait pas dans les prévisions de cet article. D’autre part, elle conteste que le nouveau corps de construction, n’épousant pas le gabarit de l’ancien hangar, ne serait pas visible étant donné que la hauteur de la construction dépasserait le mur d’enceinte au fond du terrain litigieux. Quant à l’argument que dans le secteur concerné des maisons bifamiliales seraient autorisées, la défenderesse fait valoir qu’un recul latéral d’au moins 5 mètres devrait être respecté dans ce cas.
Force est au tribunal de constater de prime abord que chaque autorité administrative statue dans le cadre de son champ de compétence propre se dégageant respectivement de chacune des législations par rapport aux dispositions desquelles elle est appelée à toiser la demande d'autorisation lui soumise, sans pouvoir fonder sa décision sur des éléments repris dans une législation dans le cadre de laquelle elle ne statue pas, sauf exception légale y afférente. Le bourgmestre, saisi d'une demande de permis de construire, est appelé à statuer dans le cadre de la réglementation communale d'urbanisme applicable et le cas échéant par rapport aux règles nationales d'urbanisme dans la mesure de leur interférence par rapport au projet présenté.1 S’il est en l’espèce constant en cause que l’immeuble objet de la décision déférée a été classé par arrêté du gouvernement en conseil du 28 juillet 2006 monument national conformément à la loi du 18 juillet 1983 concernant la conservation et la protection des sites et monuments nationaux, ci-après dénommée « la loi du 18 juillet 1983 », il n’en demeure pas moins que la loi précitée ne donne au bourgmestre aucune compétence particulière au regard des immeubles classés, sauf en matière de fouilles et découvertes en vertu de l’article 30 de la loi, qui est étrangère au présent litige. S’il est encore exact qu’aux termes des articles 4 et 10 de la loi du 18 juillet 1983, le ministre ayant la culture dans ses attributions est compétent, d’un côté, pour proposer un immeuble au classement comme monument national en raison de son intérêt architectural, historique et esthétique, et, de l’autre côté, pour autoriser notamment tout changement d’affectation de l’immeuble classé, et exerce, en ce qui concerne cette dernière attribution, une compétence concurrente à celle du bourgmestre qui est tenu d’appliquer et de respecter la règlementation communale urbanistique, il n’en demeure pas moins que le bourgmestre statue dans le seul cadre de son champ de compétence propre, à savoir la réglementation communale d'urbanisme applicable. Partant, le bourgmestre, appelé à toiser une demande d’autorisation de 1 Voir TA 7 janvier 2002, n° 13714 du rôle, Pas. adm. 2009, v° Urbanisme, n° 453 et les références y citées construire, ne saurait prendre en considération des règles ou des considérations dépassant son champ de compétence. Ainsi, en l’espèce, tel que suggéré par la partie demanderesse, la règlementation en matière de la conservation et de la protection des sites et monuments nationaux. Pareillement, il n’appartient pas au ministre ayant la culture dans ses attributions d’interférer dans le champ de compétence propre du bourgmestre. Dès lors, à l’instar de la compétence limitée du bourgmestre, l’analyse du tribunal ne porte que sur la légalité de la décision déférée au regard de la réglementation communale d'urbanisme applicable.
Aux termes de l’article 30.1 du règlement sur les bâtisses de la commune de Betzdorf, ci-
après dénommé « le règlement sur les bâtisses », : « Les dispositions figurant dans le présent règlement sur les bâtisses s’appliquent aux transformations, agrandissements et rénovations de constructions existantes ainsi qu’aux modifications apportées à leur affectation. » En l’espèce, il constant en cause que l’objet de la demande d’autorisation de construire est la transformation et la rénovation de la maison d’habitation existante et la transformation, la rénovation et la modification de l’affectation de l’étable et de la grange existants, de sorte que l’article 30.1 du règlement des bâtisses leur est en principe applicable. Cependant, il ressort des plans et des photos versés en cause que les bâtiments existants, à savoir la maison d’habitation, la grange et l’étable ne respectent pas les dispositions du règlement des bâtisses en ce qui concerne les reculs à observer. Force est néanmoins au tribunal de constater que s’agissant des immeubles précités, la demanderesse est en droit de se prévaloir d’un droit acquis en ce sens qu’en cas de changement de la règlementation urbanistique, ce changement règlementaire ne saurait remettre en cause la pérennité matérielle des immeubles, constructions et aménagements ayant existé sous l’ancienne réglementation, sans qu’il ne bénéficie du droit d’effectuer de nouvelles constructions ou de nouveaux aménagements conformément à l’ancienne réglementation.2 Il s’ensuit qu’en principe la demanderesse a le droit de rénover et de transformer la maison d’habitation, l’étable et la grange dans les limites du gabarit existant.
Quant au hangar en bois, il ressort des plans et des photos versés en cause ainsi que des explications fournies par les parties que ce dernier se trouve actuellement dans un état délabré avancé, de sorte qu’on ne saurait qualifier les travaux y relatifs de transformation ou de rénovation d’une construction existante, mais que ce qui reste de l’ancien hangar en bois doit dans un premier temps être démoli pour être ensuite reconstruit avec des matériaux différents. En effet, la démolition complète d’une construction ancienne et son remplacement par une nouvelle construction est à considérer comme construction nouvelle pour laquelle les dispositions du plan d’aménagement communal et du règlement sur les bâtisses en vigueur au moment de sa délivrance sont applicables.3 Il s’ensuit que dans la mesure où il n’est pas contesté en cause que la reconstruction du hangar en bois tel que projetée ne respecte pas les dispositions règlementaires en ce qui concerne les marges de reculement, c’est à bon droit que le bourgmestre a conclu que la reconstruction du hangar en bois tel que projeté s’analyse en une construction nouvelle ne respectant pas les dispositions règlementaires en ce qui concerne les marges de reculement définies par les articles 2.341 et 2.342 du règlement sur les bâtisses..
Quant au reproche de la demanderesse que le bourgmestre aurait dû lui accorder la 2 Voir en ce sens CA 6 août 2010, n° 27178C du rôle publié sous www.ja.etat.lu 3 Voir en ce sens CA 6 août 2010, n° 27178C du rôle publié sous www.ja.etat.lu dérogation définie à l’article 2.351 du règlement sur les bâtisses disposant : « Le bourgmestre pourra déroger aux dispositions relatives à l’alignement et aux reculs sur les limites séparatives, dans le cas où la stricte application de celle-ci rendrait impropre à la construction, un tel terrain ayant sans conteste une vocation de place à bâtir, à condition que :
le terrain en question est classé constructible ;
il est situé en bordure d’une voie entièrement équipée, à laquelle son accès est garanti ;
il doit pouvoir être raccordé aux réseaux d’infrastructures existants ;
les dérogations ne doivent pas porter atteinte à son environnement immédiat et ne doivent pas compromettre l’aménagement des terrains adjacents », force est au tribunal de constater que cette disposition n’est pas applicable en l’espèce. En effet, étant donné que, d’un côté, le projet présenté par la demanderesse se situe sur une seule parcelle et que, de l’autre côté, ladite parcelle comporte actuellement une construction, le terrain en question ne remplit pas la condition énumérée à l’article précité que la stricte application des dispositions relatives à l’alignement et aux reculs sur les limites séparatives le rende impropre à la construction. Partant, le moyen afférent laisse d’être fondé.
Il s’ensuit que c’est à bon droit que le bourgmestre a refusé l’autorisation de bâtir sous analyse au motif que le projet ne respecte pas les dispositions relatives à l’alignement et aux reculs sur les limites séparatives. Partant, il n’y a pas lieu d’analyser plus en avant les autres moyens sous-tendant la requête introductive d’instance.
La demanderesse réclame encore l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 1.000.- €., demande qui, au vu de l’issue du litige, est à rejeter.
Quant à la demande d’une indemnité de procédure d’un montant de 2.500.- euros formulée par le défenderesse, force est au tribunal de constater qu’une demande d'allocation d'une indemnité de procédure qui omet de spécifier concrètement la nature des sommes exposées non comprises dans les dépens et qui ne précise pas concrètement en quoi il serait inéquitable de laisser des frais non répétibles à charge de la partie gagnante est à rejeter, la simple référence à l'article de loi applicable n’étant pas suffisante à cet égard.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond le déclare non justifié et en déboute ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par la société PARFIMO PARTICIPATIONS FINANCIERES IMMOBILIERES S.A. ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par l’administration communale de Betzdorf ;
condamne la demanderesse aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 26 janvier 2011 par :
Claude Fellens, premier juge, Françoise Eberhard, premier juge, Thessy Kuborn, juge, en présence du greffier assumé Michèle Hoffmann.
s. Hoffmann s. Fellens Copie certifié conforme à l’original Luxembourg, le 28 janvier 2011 Le Greffier assumé 10