Tribunal administratif Numéro 27442 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 novembre 2010 3e chambre Audience publique du 19 janvier 2011 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 27442 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 4 novembre 2010 par Maître Olivier Lang, avocat à la Cour, assisté de Maître Nuria Zurita Peralta, les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, déclarant être née le … à …, Kasaï Oriental (République démocratique du Congo), de nationalité congolaise, et demeurant actuellement à L-…, tendant, d’une part, à la réformation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 29 septembre 2010 portant refus de sa demande de protection internationale et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 décembre 2010 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Nuria Zurita Peralta, en remplacement de Maître Olivier Lang, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul Reiter en leurs plaidoiries respectives.
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Le 14 octobre 2008, Madame … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée « la loi du 5 mai 2006 ».
Madame … fut entendue en date du 19 décembre 2008 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 29 septembre 2010, notifiée par lettre recommandée le 1er octobre 2010, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, entretemps compétent, ci-après dénommé « le ministre », informa Madame … que sa demande de protection internationale avait été rejetée comme étant non fondée. Cette décision est libellée comme suit :
« J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentée auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration en date du 14 octobre 2008.
En mains le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration du 19 décembre 2008.
Il résulte de vos déclarations que vous seriez née à Lomeka dans la province du Kasaï Oriental. En 1986 vous seriez allée habiter à Kinshasa où vous vivriez depuis 2003 dans la zone Ngaba avec vos quatre enfants. Leur père serait décédé en 1998. Vous précisez avoir un fils avec un autre homme, fils qui vit actuellement avec son père au Luxembourg. Vous lui auriez rendu visite en 2006, depuis vous seriez sans nouvelles. Vous auriez fait du commerce en gros d'habits et de chaussures principalement sur le Grand Marché de Kinshasa. Vous auriez été la présidente de ce marché. Vous auriez été élue par les marchands à cette fonction qui aurait consisté à veiller à la propreté et sûreté du marché, ainsi que de régler les disputes entre commerçants. De même vous auriez récolté quotidiennement les taxes que vous auriez remises aux collaborateurs du gouverneur de Kinshasa, ….
Vous dites ne pas être membre d'un parti politique mais d'avoir soutenu Jean-Pierre Bemba du Mouvement de Libération du Congo (MLC). Il aurait envoyé un de ces (sic) collaborateurs un député au nom de … (vous ne connaissez pas son nom de famille) vous voir au marché étant donné qu'en tant que présidente du Grand Marché vous seriez en contact avec de nombreuses personnes susceptibles d'adhérer à la cause du MLC. En 2006, Jean-Pierre Bemba aurait perdu les élections présidentielles et aurait quitté la RDC. Le 24 mai 2008 vous auriez entendu de son arrestation en Belgique et vous auriez fait passer la nouvelle et insisté de faire un (sic) marche de soutien pour Bemba. La manifestation (une marche du Grand Marché à l'ambassade de Belgique au rond-point Victoire) aurait eu lieu le lendemain et vous auriez été au premier rang. Il n'y aurait pas eu d'incidents. Le 26 mai 2008 le MLC aurait organisé sa propre manifestation à laquelle vous auriez également participé. Vous y auriez vu …. Il vous aurait remercié de votre initiative de la veille qui l'aurait encouragé à faire de même. Il aurait demandé à vous voir. Vous l'auriez revu au marché avec d'autres membres du MLC, dont un certain Prospère, mais vous auriez décidé de vous revoir à votre domicile pour discuter plus librement.
Après leur départ des « gens de l'hôtel de ville, les gens envoyés par le gouvernement » qui récupèreraient la taxe seraient venus vous voir et vous auraient posé des questions sur les membres du MLC et demandé si vous organiseriez une réunion contre Kabila. Ces personnes auraient commencé à crier.
Le 15 juin 2008 … serait venu à votre domicile avec d'autres membres du MLC et vous auraient (sic) donné des tracts du MLC afin de les distribuer au marché. … aurait annoncé son intention de ne plus vouloir se cacher et de parler librement. Le 5 juillet 2008 vous auriez distribué des tracts de rassemblement au marché. Vous auriez été intercepté (sic) par des « gens du gouvernement » qui vous auraient dit que vous ne pourriez plus vendre vos marchandises au marché. Vous seriez rentrée à votre domicile avec vos marchandises, suivie par ces personnes qui auraient crié et tapé contre votre porte. D'autres personnes seraient venues et les auraient fait partir. Vous auriez appelé … et lui auriez tout apporté (sic), de même que les membres du MLC seraient recherchés. Vous ne seriez pas retournée au marché le lendemain par peur.
Le 7 juillet 2008 alors que vous vous seriez rendue en bus au marché, deux femmes du marché vous auraient approchée et avertie de ne pas aller au marché parce que la police aurait ouvert votre dépôt au marché et saboté vos marchandises. De même … et Prospère auraient été tués. Vous seriez rentrée chez vous, y auriez vu des militaires et enfui (sic) chez une connaissance …. Ce dernier serait allé se renseigner et aurait entendu que les militaires seraient à votre recherche parce que vous seriez membre sympathisant du MLC. Il aurait proposé de vous aider et vous auriez pris un taxi pour aller au domicile de … à Mikondo/Kingasani encore le même jour. Vous y seriez tombée sur un certain … qui vous aurait dit que … aurait été tué et que votre nom circulerait dans les journaux. … vous aurait promis de vous aider. Pendant un mois et demi à deux mois vous auriez dormi à différents endroits à Kinshasa pour finalement remettre une somme de 4200 dollars à … afin qu'il organise votre départ de la RDC.
Le 12 octobre 2008 vous auriez quitté Kinshasa par avion en direction de la France, puis vous auriez pris un autre avion pour le Luxembourg. Vous n'auriez pas été au courant que votre destination finale allait être le Luxembourg, mais vous dites qu'… serait au courant que vous y auriez un fils. Vous auriez voyagé avec un passeport d'emprunt qui serait restée (sic) dans un sac que vous auriez oublié dans un bus au Luxembourg. Le dépôt de votre demande de protection internationale date du 14 octobre 2008. Vous ne présentez aucune pièce d'identité ou autre document. Votre passeport serait resté à Kinshasa.
Vous auriez peur de vous faire tuer en cas de retour en RDC. Votre nom, la « … » aurait été cité dans les journaux. Vous auriez informé … et … que le gouverneur de Kinshasa Kimbuta les aurait recherché (sic) pour les tuer. Vous pensez que Kimbuta serait le commanditaire de leur meurtre.
La reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d'asile qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.
Vous auriez été sympathisant (sic) de Jean-Pierre Bemba et du MLC sans avoir été membre de ce parti politique. Vous auriez organisé une marche de soutien quand ce dernier a été arrêté en Belgique, vous auriez rencontré et été en contact avec des membres du MLC, notamment avec un certain …. Vous auriez distribué des tracts. Tout cela aurait attiré le mécontentement des « gens de l'hôtel de ville, des gens du gouvernement » qui vous auraient questionné sur le MLC, crié dessus et vous aurait (sic) finalement interdit de vendre sur le Grand Marché. Votre dépôt aurait été ouvert et vos marchandises détruites. De même, le 7 juillet 2008 après la mort de … vous auriez vu des militaires à votre domicile qui seraient à votre recherche parce que vous seriez sympathisant (sic) du MLC. Vous auriez peur de vous faire tuer.
Même à supposer les fait (sic) que vous alléguez comme établis, alors que vous n'apportez aucun élément de preuve de ces derniers, ils ne sauraient, en eux-mêmes, constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, établir une crainte fondée d'être persécutée dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1 er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, le fait que des personnes de l'hôtel de ville ou des gens du gouvernement vous auraient crié dessus, puis finalement interdit de vendre vos marchandises au marché ne saurait suffire et n'est pas d'une gravité telle pour fonder une demande de protection internationale.
Vous invoquez toujours le nom d'un collaborateur de Jean-Pierre Bemba, un député au nom de …. Vous ne connaissez pas son nom de famille. Il aurait été tué en juillet 2008. Il doit donc s'agir de …, vice président de l'assemblée provinciale de Kinshasa et membre connu et influent du parti politique du MLC, assassiné le (sic) dans la nuit du 5 au 6 juillet 2008 avec son garde du corps par des membres de la garde républicaine. Le 22 septembre 2008 le Tribunal militaire de Ngaliema/Kinshasa a condamné à mort les quatre militaires impliqués dans ce meurtre, peine qui fût sollicité (sic) par le ministère public congolais. Durant le procès un des militaires a témoigné que le meurtre aurait été commandité par le gouverneur de Kinshasa, …, un proche du président Joseph Kabila, mais ce fait n'aurait pas pu être prouvé. Ces faits sont tous publics et connus. Il s'ensuit également que le gouvernement congolais n'est pas resté silencieux et inactif quant au meurtre de l'opposant MLC.
Même si les activités dans un parti politique s'opposant au gouvernement peuvent justifier des craintes de persécution, il n'en résulte pas automatiquement que tout membre actif ou sympathisant d'un tel parti risque des persécutions de la part du pouvoir en place, d'autant plus que vous ne faites pas état de problèmes graves, comme une arrestation ou une détention. Sans mettre en doute la réalité [de] la répression des membres du MLC, elle a notamment eu lieu en 2006-2008 par le gouvernement congolais (sic). En effet, Jean-Pierre Bemba, leader du MLC a accepté les résultats des élections présidentielles de 2006 et sa défaite contre Joseph Kabila. Or, le refus de ses gardes armés de rejoindre l'armée nationale congolaise a eu pour conséquences des affrontements armés (sic) entre les supporteurs de Bemba et des troupes gouvernementaux (sic) à Kinshasa en mars 2007. Les membres MLC considéraient les agissements du gouvernement comme des arrestations arbitraires et des intimidations à l'encontre des membres du MLC, le gouvernement justifiant ses actes par le souci de réprimer une rébellion armée. Selon le « Home Office United Kingdom Border Agency (2 November 2009) Operational Guidance Note Democratic Republic of Congo » :During this period of unrest, the Presidential Guard reportedly seized and ransacked the MLC headquarters and targeted the homes of MLC politicians, robbing and threatening their families. However, opposition parties later returned to parliament after being promised talks with President Kabila and reports of politically-motivated harassment on all sides have diminished ».
Force est donc de constater qu'il n'est pas établi que vous seriez actuellement recherchée ou encore recherchée par les autorités étatiques en raison de vos activités pour le MLC. Vous dites que des militaires auraient été à votre domicile le 7 juillet 2008 et un (sic) personne aurait reporté qu'ils seraient à la recherche des membres du MLC. A cela s'ajoute que vous auriez quitté Kinshasa le 12 octobre 2008 et que vous ne faites pas état d'autres problèmes entre juillet et octobre 2008. Vos motifs traduisent donc plutôt un sentiment général d'insécurité qu'une crainte de persécution. Or, un sentiment général d'insécurité ne constitue pas une crainte fondée de persécution.
Il y a lieu d'ajouter que vous faites état de l'arrestation de Jean-Pierre Bemba en Belgique. En effet, ce dernier a été arrêté en juillet 2008 par les autorités belges et transféré à la Cour pénale internationale à La Haye pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité commis par le MLC en 2002-2003 en Centrafrique.
Il faut également souligner le changement important de la situation politique en RDC depuis plusieurs années. En effet, on assiste à un réel effort de la part du pouvoir en place de rétablir la paix et de former un gouvernement démocratique à représentation géographique et ethnique. Ainsi, le 16 décembre 2002 un Accord Global sur le partage du pouvoir fut signé afin de créer un gouvernement d'unité nationale au terme duquel le président Joseph Kabila demeurera à son poste et ce, jusqu'à la tenue des premières élections libres et démocratiques.
Durant la transition M. Kabila a été assisté par quatre vice-présidents, représentant respectivement le gouvernement, le Rassemblement congolais pour la démocratie-Goma (RDC-
Goma), le Mouvement de libération du Congo (MLC) et l'opposition politique non armée.
Nombreux progrès ont été réalisés durant la transition. Ainsi, une nouvelle Constitution adoptée par référendum ayant eu lieu en décembre 2005 a été promulguée le 17 février 2006 et une loi électorale en date du 9 mars 2006. Aux termes d'élections présidentielles ayant eu lieu les 30 juillet 2006 et 29 octobre 2006 dans un environnement généralement calme, marquées seulement par quelques incidents isolés, Joseph Kabila fût élu président.
Selon un rapport du « USSD Background Note » d'octobre 2008 sur la présidence de Kabila: « President Joseph Kabila has made significant progress in liberalizing domestic political activity, establishing a transitional government, and undertaking economic reforms in cooperation with the World Bank and International Monetary Fund (IMF). However, serious human rights problems remain in the security services and justice system. The eastern part of the country is characterized by ongoing violence and armed conflict, which has created a humanitarian disaster and contributed to civilian deaths (more than 3.8 million, according to a prominent international non-governmental organization). MONUC continues to play an important peacekeeping role in the D.R.C., and in October 2004, its authorized force strength increased to 16,700 ». De même, « On September 8, 2007, the Governments of the D.R.C. and Uganda reached an agreement in Ngurdoto, Tanzania, in which they mutually agreed to strengthen bilateral efforts to eliminate all 'negative forces' (illegal armed groups) operating in and from the two countries (…) On November 9, 2007, the Governments of the D.R.C. and Rwanda, with facilitation by the UN and witness of the United States and the European Union, signed the Nairobi Communiqué, which was designed to put an end to the presence in the D.R.C.
of all foreign armed groups, particularly the ex-FAR/Interahamwe (later the Forces Démocratique de Libération du Rwanda, FDLR). These groups were to be disarmed, demobilized, and repatriated (…) On January, 23, 2008, the Government of the D.R.C. and over 20 armed groups signed a peace accord in Goma, D.R.C., under which the parties agreed on the need for immediate cessation of hostilities, the disengagement of troops, improved adherence to human rights standards, and the creation of UN buffer zones between and among the various factions ». Dans ce contexte, il y a lieu de souligner que vous seriez originaire de Kinshasa où vous auriez habité. Vous n'êtes donc pas touchée par la situation prévalant à l'Est de la RDC.
Ainsi, vous n'alléguez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Une crainte fondée de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social n'est par conséquent pas établie.
En outre, votre récit ne contient pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, les faits invoqués à l'appui de votre demande ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
En effet, vous ne faites pas état d'un jugement ou d'un risque de jugement vous condamnant à la peine de mort. Vous ne faites également pas état de risques concrets et probables de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants en cas de retour en RDC ou de risques émanant d'une violence aveugle résultant d'un conflit armé interne ou international.
Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 19§1 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.
La présente décision vaut ordre de quitter le territoire. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 4 novembre 2010, Madame … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision précitée du ministre du 29 septembre 2010, par laquelle elle s’est vu refuser la reconnaissance d’un statut de protection internationale, et un recours tendant à l’annulation de la décision du même jour, incluse dans le même document, portant à son égard l’ordre de quitter le territoire.
1. Quant au recours tendant à la réformation de la décision de refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées, seul un recours en réformation a pu être dirigé contre la décision ministérielle déférée.
Le recours en réformation est recevable pour avoir par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours, la demanderesse déclare être originaire de la République démocratique du Congo, ci-après désignée par « la RDC », et plus particulièrement de Kinshasa.
Mère de cinq enfants, dont le premier, issu d’une première union, vivrait au Luxembourg, veuve depuis 1998, la demanderesse expose avoir travaillé comme commerçante au marché central de Kinshasa où elle aurait assumé, à côté de son rôle de commerçante, celui de collecter auprès des différents commerçants les taxes revenant à la commune et aurait, par ailleurs, eu le rôle de régler les litiges sur le marché. Même si elle n’avait pas été membre d’un parti politique, elle aurait pourtant pris position ouvertement sur son lieu de travail en faveur de Jean-Pierre Bemba, adversaire au candidat Joseph Kabila lors des élections présidentielles de 2006. Elle aurait pareillement été abordée par des membres du parti politique de Jean-Pierre Bemba en vue d’une collaboration durant la phase électorale. La demanderesse aurait ainsi été guidée dans ses prises de paroles par un proche du candidat Bemba, un prénommé …, avec lequel elle aurait organisé des réunions discrètes à son domicile et aurait ainsi été utilisée par l’opposition aux fins d’organiser de la propagande pour le parti politique de Bemba. Elle déclare encore avoir quitté la RDC juste avant le premier tour électoral pour rendre visite à son fils au Luxembourg d’où elle aurait suivi le reste du processus électoral.
La demanderesse fait état d’actions violentes de la garde républicaine de Kabila à l’égard de la population civile en août 2006 et d’une opération militaire contre les opposants politiques par une initiative de Kabila en mars 2007 à l’égard de la population civile sympathisante ou présumée sympathisante de Bemba.
Elle précise qu’après le deuxième tour des élections, après la victoire de Kabila, Jean-
Pierre Bemba ayant été élu sénateur en janvier 2007, elle aurait délaissé son engagement politique. Après l’arrestation de Jean-Pierre Bemba en mai 2008 en Belgique pour être traduit devant la Cour pénale internationale, la demanderesse, après avoir été inactive d’un point de vue politique jusqu’alors, aurait recommencé à exprimer ouvertement sur le marché sa révolte face à la situation politique régnant en RDC. Elle aurait ainsi organisé le 25 mai 2007 une marche de protestation pacifique de soutien à Bemba, laquelle ce serait déroulée de façon paisible sans une intervention des autorités. Le lendemain, le mouvement de libération du Congo (MLC) aurait organisé également une marche de soutien à Bemba à laquelle la demanderesse aurait également participé. Au cours de cette manifestation, qui aurait été dispersée de force par les autorités, elle aurait rencontré à nouveau le dénommé … et elle aurait convenu avec celui-ci de se rencontrer à nouveau pour discuter et pour recommencer la lutte politique. Une quinzaine de jours plus tard, le dénommé … se serait rendu au marché pour la retrouver, visite qui ne serait pas restée inaperçue, dans la mesure où des représentants de la commune auxquels elle devait remettre les taxes qu’elle avait récoltées, l’auraient violemment apostrophée et l’auraient accusé de vouloir chasser Kabila.
Elle se serait dès lors dans la suite donnée rendez-vous avec le dénommé … à son domicile. La demanderesse déclare encore avoir distribué, sur demande du dénommé …, des tracts au marché central en vue d’un meeting organisé par le MLC. A cette occasion, elle aurait à nouveau été violemment prise à partie par plusieurs hommes qui l’auraient accusée de vouloir chasser et tuer Kabila. Les personnes en question ne seraient ni les percepteurs de la commune, ni des consommateurs du marché. Elle aurait immédiatement abandonné la distribution des tracts et serait rentrée chez elle à la maison. Les personnes l’ayant interpelée au marché l’auraient cependant suivie et auraient violemment fait irruption dans sa maison. Les cris de ces personnes auraient cependant amené rapidement un groupe de voisins ce qui aurait eu pour effet de calmer et de faire partir les individus. La demanderesse déclare encore que deux jours plus tard, en voulant aller au marché, elle aurait été avertie par deux clientes que la police serait entrée de force dans son dépôt sur le marché et y aurait tout saccagé. Elle aurait appris encore le même jour que la nuit précédente son ami … aurait été assassiné. Retournant alors immédiatement à son domicile, elle se serait aperçue que la porte d’entrée était cassée et que des militaires garderaient la maison. Apercevant cette scène, elle ne serait pas rentrée à la maison, mais se serait réfugiée chez un ami. Dans la suite, elle aurait appris qu’elle serait recherchée par l’armée pour avoir soutenu Bemba et pour vouloir faire tomber Kabila. Elle se serait cachée ensuite pendant trois mois chez un ami du dénommé …, également membre du MLC, appelé …. Ce serait également cette personne qui aurait organisé sa fuite de son pays d’origine.
En droit, la demanderesse reproche en premier lieu au ministre d’avoir évoqué un défaut d’élément de preuve de son récit.
Elle soutient ensuite que le ministre aurait l’obligation d’examiner sa situation individuelle dans le contexte général de son pays d’origine dans lequel elle s’inscrivait. Elle reproche ainsi plus particulièrement au ministre d’avoir procédé à l’examen de sa demande en dissociant artificiellement sa situation individuelle et la situation générale dans son pays d’origine, qui seraient pourtant indissociablement liées.
Elle soutient que les développements du ministre à propos de la situation générale dans la RDC seraient dépourvus de pertinence puisque le ministre n’établirait à aucun moment un lien entre la situation générale et sa situation individuelle.
Elle souligne qu’elle ferait état de craintes de persécution liées à son soutien à Bemba qu’elle aurait exprimé publiquement à de multiples reprises. Cette crainte se serait d’ores et déjà concrétisée alors qu’elle aurait échappé de justesse à une arrestation par des militaires qui auraient perquisitionné sa maison et son dépôt au marché.
La demanderesse examine la situation générale dans son pays d’origine, plus particulièrement en ce qui concerne le sort des opposants politiques de Kabila. A cet égard, elle fait état d’un rapport de l’organisation non gouvernementale Human Rights Watch du 28 novembre 2008 relatif à la situation en RDC suite aux élections présidentielles de 2006, ainsi que d’un rapport du Freedom House datant de 2010 sur la RDC et, enfin, d’un rapport du Human Rights Council du 18 septembre 2010.
La demanderesse renvoie à des violences commises au cours de la période électorale et épingle l’existence d’un système judiciaire toujours défaillant en RDC et de nombreuses violations des droits de l’homme qui resteraient toujours impunies à l’heure actuelle et cite plus particulièrement l’arrestation d’opposants politiques ainsi que la détention arbitraire de ceux-ci.
Elle soutient que ce serait à la lumière de ce contexte général que le ministre aurait dû procéder à l’évaluation individuelle de sa demande, en considérant son histoire particulière et en relevant le lien existant entre celle-ci et la situation générale régnant dans son pays d’origine.
Elle fait valoir que les éléments de la situation générale en RDC décrits par le ministre ne seraient pas pertinents au regard de son histoire personnelle, tandis que d’autres éléments, qui auraient été pertinents, auraient été ignorés par le ministre.
La demanderesse en conclut que la décision attaquée serait contraire plus particulièrement à l’article 26 (3) a), b) et c) de la loi du 26 mai 2006.
En ce qui concerne l’évaluation individuelle de sa demande, la demanderesse soutient qu’elle ferait état d’une crainte fondée de persécution.
La demanderesse souligne encore que l’absence d’antécédents de persécution mis en avant par le ministre ne pourrait s’opposer à la reconnaissance d’une protection internationale puisque ce statut devrait être reconnu si elle craignait avec raison d’être persécutée dans son pays d’origine indépendamment du fait qu’elle ait ou non subi des persécutions dans le passé. A cet égard, elle souligne encore que si elle avait pu échapper à l’arrestation par des militaires, ce serait par pure chance. Si elle n’avait pas été avertie par une cliente avant de retourner à la maison, elle soutient qu’elle aurait sans doute été arrêtée et aurait été détenue de façon arbitraire. A cet égard, en ce qui concerne le traitement des opposants politiques en détention, la demanderesse renvoie aux rapports internationaux auxquels elle a fait référence.
La demanderesse soutient qu’elle serait à considérer comme un opposant politique au pouvoir actuellement en place en RDC. Les forces militaires soutenant Kabila connaîtraient parfaitement son identité et elle n’aurait pu échapper à une arrestation arbitraire et à des persécutions consécutives inéluctables que par pure chance. Elle reproche au ministre d’avoir retenu qu’il ne serait pas établi qu’elle serait actuellement recherchée dans son pays d’origine, en précisant que lorsqu’elle avait fui son pays il y a à peine deux ans, après que l’armée ait perquisitionné son dépôt au marché et son domicile et aurait voulu procéder à son arrestation, en fonction de l’infraction qui a pu être retenue contre elle, les faits lui reprochés n’auraient certainement pas été prescrits en deux ans. Il s’y ajouterait que le pouvoir politique n’aurait pas changé depuis sa fuite. Il existerait dès lors de bonnes raisons de penser que elle serait toujours à l’heure actuelle recherchée par les militaires en RDC et qu’il n’existerait aucune bonne raison de penser que tel ne serait pas le cas.
La demanderesse reproche encore au ministre d’avoir retenu que les faits ne seraient pas suffisamment graves en soutenant que le ministre aurait ainsi éludé l’examen de la gravité des risques qui pèseraient sur elle, le principal de ces risques étant une arrestation inéluctable et ses conséquences. Elle reproche encore au ministre de ne pas avoir examiné la gravité de l’arrestation à laquelle elle a échappé et des conséquences découlant pour elle de ce fait.
A cet égard, elle soutient que l’arrestation illégale par des militaires dont elle ferait l’objet en cas de retour dans son pays, constituerait en tant que telle un acte suffisamment grave du fait de sa nature pour être qualifié de persécution. Cette violence militaire porterait atteinte à son intégrité physique et mentale et à sa dignité humaine. Ces faits devraient être qualifiés de torture sinon de traitement inhumain ou dégradant interdit par l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme (ci-après CEDH).
Elle précise encore que ce serait moins l’arrestation dont elle ferait indubitablement l’objet qui alimenterait sa crainte fondée de persécution, mais surtout l’issue d’une telle arrestation qui conduirait soit à des violences policières ou militaires accompagnées d’un emprisonnement dans des conditions telles que relatées dans les rapports internationaux, soit dans son assassinat.
La demanderesse souligne enfin que les persécutions dont elle fait état proviendraient d’agents étatiques, de sorte que dans de telles conditions toute protection nationale serait par définition impossible. A cet égard, elle donne à considérer que le fait que trois des quatre auteurs de l’assassinat de … aurait fait l’objet d’un procès et aient été condamnés à mort ne pourrait pas être considéré comme étant de nature à faire disparaître ses craintes fondées de persécution.
Le délégué du gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation de la demanderesse et conclut ainsi au rejet du recours.
Il convient de rappeler qu’aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 c) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».
Le tribunal, statuant en tant que juge du fond en matière de demandes de protection internationale, doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, tout en prenant en considération la situation, telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance. Cet examen ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il s’agit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.
Il convient de prime abord de relever que les reproches soulevés par la demanderesse à l’égard du ministre en ce qui concerne l’examen de la crédibilité de son récit sont dénués de pertinence dans la mesure où le ministre n’a pas mis en doute la crédibilité du récit de la demanderesse.
Quant au bien-fondé de la décision, l’examen des déclarations faites par la demanderesse lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que la demanderesse reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle fondée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social au sens de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006.
La demanderesse, originaire de la ville de Kinshasa en RDC, fait état de craintes de persécutions en raison de son appartenance au parti politique d’opposition MLC et de ses activités pour ce parti.
Il convient dès lors d’examiner la situation générale régnant actuellement en RDC et plus particulièrement la situation des membres du parti d’opposition MLC, au regard du récit de la demanderesse quant à sa situation particulière, étant relevé par ailleurs que le seul fait d’être sympathisant d’un parti d’opposition n’est pas suffisant pour se voir reconnaître le statut de réfugié.
Il se dégage d’une lecture des rapports internationaux soumis au tribunal par les parties à l’instance que l’essentiel des tensions et des violences réciproques entre les membres du MLC et ceux du parti de Joseph Kabila et de ses forces militaires s’est situé durant les élections présidentielles en 2006, et s’est poursuivi jusqu’en 2008, année durant laquelle le leader du MLC et l’opposant du président Kabila aux élection présidentielles de 2006, Jean-Pierre Bemba, a été arrêté en Belgique pour être traduit devant la Cour pénale internationale. C’est ainsi que le rapport de Human Rights Watch de novembre 2008 cité par la demanderesse fait état de violences commises à l’égard des membres du MLC, tout comme le rapport du Human Rights Council de décembre 2009 cité par la demanderesse, en se référant à des événements de 2006 et de 2008. Si la situation sécuritaire et humanitaire en RDC reste toujours critique, il n’en reste pas moins qu’il se dégage plus particulièrement du rapport du Freedom House de 2010 que « aside the east [partie du pays dont la demanderesse n’est pas originaire, telle que cela a à juste titre été relevé par le ministre], most parts of the country were relatively stable in 2009 ». Ce même rapport fait encore état de violences généralisées plus récentes à propos de droits de pêche, problème qui n’est cependant pas en relation avec la sympathie de la demanderesse pour le MLC.
Si ce rapport fait aussi état d’arrestations de dirigeants de partis d’opposition, il ne se dégage cependant pas de ce rapport que d’une manière générale, les simples membres du MLC qui ne revêtent aucune fonction particulièrement exposée, même s’il s’agit de membres actifs, seraient actuellement systématiquement recherchés et arrêtés. Le constat que les violences plus systématiques contre les membres du MLC se situent essentiellement durant les années 2006-
2008, en rapport avec la période électorale et les événements ayant eu lieu dans la suite jusqu’à l’arrestation de Bemba, est encore confirmé par le rapport plus récent du UK Border Agency sur la RDC cité par le délégué du gouvernement. Ainsi, suivant ce rapport, après les violences commises contre les membres du MLC durant cette période, « opposition parties later turned to parliament after being promised talks with President Kabila and reports of politically-motivated harassment on all sides have diminished ». Il s’ensuit que les éléments d’appréciation soumis au tribunal ne permettent pas de conclure que la situation actuelle en RDC soit telle que tout membre du MLC, et par conséquent encore moins un sympathisant du MLC, soit de ce seul fait exposé à des persécutions au sens de la loi du 5 mai 2006, et ne permettent ainsi pas d’invalider la conclusion du ministre quant à la situation générale en RDC.
Quant à la situation particulière de la demanderesse, appréciée devant ce contexte général, il convient de prime abord de souligner que la demanderesse n’est pas membre du MLC, mais a seulement exercé des activités en faveur de ce parti (prises de position officielles pour soutenir le MLC, distribution de tracts). Elle n’a, même durant la phase électorale en 2006, pas particulièrement été inquiétée en raison de ses activités en faveur du MLC. Elle a visité son fils au Luxembourg en 2006 et est retournée dans son pays d’origine, de sorte qu’il y a lieu d’admettre qu’à ce moment elle ne sentait pas sa vie en danger. Les incidents sur lesquels la demanderesse fonde sa demande sont constitués par une interpellation après avoir discuté avec un député du MLC, …, au marché au printemps 2008 et, entre le 5 et le 7 juillet 2008, une interpellation alors qu’elle était en train de distribuer des tracts pour le MLC et une fouille de son dépôt au marché et une arrestation à laquelle elle aurait pu échapper. Ces derniers incidents de juillet 2008 se sont déroulés en même temps que l’assassinat du député …. Ces incidents, qui d’ailleurs ne sont pas d’une gravité suffisante pour pouvoir être considérés comme des persécutions, peuvent être situés dans le contexte des violences entre le MLC et les forces du président Kabila durant une époque bien particulière caractérisée par des affrontements entre les membres du MLC et les forces de Kabila entre 2006 et 2008. Eu égard à la conclusion retenue ci-
avant quant à la situation générale en RDC, le tribunal n’est pas saisi d’éléments permettant de retenir qu’à l’heure actuelle la demanderesse court un risque réel de persécutions et plus particulièrement qu’elle soit recherchée par les autorités pour avoir pris position en faveur du MLC.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a rejeté la demande en reconnaissance du statut de réfugié de la demanderesse.
Dans ce contexte, il convient encore d’ajouter que c’est à tort que la demanderesse reproche au ministre une violation de l’article 26 (3) de la loi du 5 mai 2006, obligeant le ministre à prendre en compte tant la situation générale que la situation particulière de la demanderesse, alors qu’il se dégage de la lecture de la décision litigieuse que le ministre a pris en compte ces deux éléments.
Quant au volet de la décision litigieuse portant refus dans le chef de la demanderesse d’un statut de protection subsidiaire, il échet de rappeler qu’aux termes de l’article 2 e) de la loi du 5 mai 2006, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».
L’article 37 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
La demanderesse reprend à l’appui de sa demande du statut conféré par la protection subsidiaire les mêmes considérations que celles développées par rapport à sa demande d’obtention du statut de réfugié.
Or, au vu des conclusions dégagées ci-avant au sujet de la demande en reconnaissance du statut de réfugié, dans la mesure où il a été jugé que les faits et motifs invoqués par la demanderesse manquent de fondement, il y a lieu de retenir qu’il n’existe pas davantage d’éléments susceptibles d’établir, sur la base des mêmes événements ou arguments, qu’il existerait de sérieuses raisons de croire qu’en cas de retour dans son pays d’origine, la demanderesse encourrait un risque réel et avéré de subir des atteintes graves visées à l’article 37 précité, à savoir la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants ou encore des menaces graves et individuelles contre sa vie ou sa personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
Il s’ensuit et, en l’absence d’autres éléments, que c’est à juste titre que le ministre a refusé d’accorder à la demanderesse la protection subsidiaire au sens de l’article 2 e) de ladite loi.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a, au terme de l’analyse de la situation de la demanderesse, déclaré la demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée.
Le recours en réformation est partant à rejeter comme étant non fondé.
2. Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire contenu dans une décision statuant sur une demande de protection internationale, le recours en annulation introduit contre pareil ordre contenu dans la décision déférée du 29 septembre 2010 est recevable pour avoir été, par ailleurs, introduit dans les formes et délai de la loi.
La demanderesse soutient en premier lieu que si la décision de refus d’octroi du statut de protection internationale encourt la réformation, l’ordre de quitter devrait également être annulé.
En ordre subsidiaire, elle conclut à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire, au motif qu’il violerait de façon autonome tant l’article 129 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration que l’article 3 CEDH. La demanderesse estime en effet que le champ d’application de ces dispositions serait plus large que celui de l’article 2 c) et e) de la loi du 5 mai 2006. Elle considère que le degré du risque de faire l’objet de mauvais traitements exigé pour obtenir la reconnaissance d’une protection internationale serait beaucoup plus élevé que celui requis pour interdire l’éloignement de l’étranger vers le pays dans lequel ce risque existe et que l’on ne saurait automatiquement conclure qu’un demandeur de protection internationale débouté ne puisse pas faire valablement état d’un risque de traitements inhumains ou dégradants dans son pays d’origine qui interdirait son éloignement vers ce pays. La demanderesse donne encore à considérer qu’elle aurait établi ce risque grâce à un faisceau d’indices constitué par les événements qu’elle a vécus et qu’elle a fuis en RDC, et plus particulièrement par la perquisition de son dépôt et de son domicile laissant présumer qu’elle subirait une arrestation arbitraire dès son retour en RDC. Enfin, elle soutient que l’article 3 CEDH, combiné à l’article 129 de la loi précitée du 29 août 2008, poserait un principe absolu d’interdiction de refoulement vers un pays où la personne concernée risque de faire l’objet de traitements contraires à l’article 3 CEDH.
Aux termes de l’article 19 (1) de la loi du 5 mai 2006, une décision négative du ministre en matière de protection internationale vaut ordre de quitter le territoire.
Il résulte de l’article 19 (1) de la loi du 5 mai 2006 que l’ordre de quitter le territoire constitue la conséquence légale et automatique de la décision de refus de protection internationale. Il s’ensuit que dans le cadre d’un recours en annulation dirigé contre un ordre de quitter le territoire pris par application des dispositions de la loi du 5 mai 2006, la légalité de cette décision ne peut être attaquée que pour un vice qui lui est propre, et non pas pour tenir indirectement en échec le refus de protection internationale.
Il se dégage des conclusions ci-avant retenues par le tribunal que le ministre a refusé à bon droit d’accorder à la demanderesse un statut de protection internationale, de sorte qu’il a également pu valablement émettre l’ordre de quitter le territoire.
En ce qui concerne le moyen tiré d’une violation de l’article 3 CEDH, combiné à l’article 129 de la loi du 29 août 2008, ce moyen basé sur une interdiction de refoulement est inopérant dans le cadre d’un recours dirigé contre un ordre de quitter le territoire pris en exécution d’une décision de refus de protection internationale, dont il ne constitue que la conséquence automatique et légale. En effet, dans la mesure où un tel ordre de quitter le territoire est dépourvu de force exécutoire, ce n’est qu’à un stade ultérieur de la procédure, lorsqu’une mesure d’éloignement aura été prise à l’égard du demandeur de protection internationale débouté qui s’est maintenu sur le territoire nonobstant l’obligation de quitter le territoire, et qui fixera notamment le pays de renvoi et le délai pour quitter le pays, que les dispositions de l’article 3 CEDH pourront, le cas échéant, être invoquées utilement à l’appui d’un recours dirigé contre la décision d’éloignement. Dans le cadre du présent recours, ces dispositions sont dénuées de pertinence, d’autant plus que le pays de destination de la demanderesse n’est même pas fixé.
La demanderesse n’ayant invoqué aucun moyen relatif à la légalité intrinsèque de l’ordre de quitter le territoire, le recours en annulation est à rejeter comme étant non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 29 septembre 2010 portant refus d’une protection internationale ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
donne acte à la demanderesse qu’elle déclare bénéficier de l’assistance judiciaire ;
condamne la demanderesse aux frais.
Ainsi jugé par :
Martine Gillardin, vice-président, Annick Braun, juge, Andrée Gindt, juge, et lu à l’audience publique du 19 janvier 2011 par le juge Annick Braun, déléguée à cette fin, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Martine Gillardin Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 20.01.2011 Le Greffier du Tribunal administratif 15