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19/01/2011 | LUXEMBOURG | N°26701

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 janvier 2011, 26701


Numéro 26701 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 mars 2010 3e ch ambre Audience publique du 19 janvier 2011 Recours formé par Madame … et consort, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu et d’impôt commercial communal

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 26701 du rôle et déposée le 12 mars 2010 au greffe du tribunal administratif par Madame … et

par son époux, Monsieur …, les deux demeurant à L-…, portant recours contentieux contre une d...

Numéro 26701 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 mars 2010 3e ch ambre Audience publique du 19 janvier 2011 Recours formé par Madame … et consort, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu et d’impôt commercial communal

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 26701 du rôle et déposée le 12 mars 2010 au greffe du tribunal administratif par Madame … et par son époux, Monsieur …, les deux demeurant à L-…, portant recours contentieux contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 16 décembre 2009 ayant, d’une part, déclaré non fondée une réclamation introduite par courrier du 6 novembre 2009 contre un bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2008, émis le 9 septembre 2009, et ayant, d’autre part, déclaré irrecevable ladite réclamation pour autant qu’elle est dirigée contre le bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de la même année et émis également le 9 septembre 2009 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 juin 2010 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que les époux … en leurs explications et Madame le délégué du gouvernement Monique Adams en sa plaidoirie.

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En date du 9 septembre 2009, le bureau d’imposition Luxembourg 1 de la section des personnes physiques du service d’imposition de l’administration des Contributions directes, ci-

après dénommé « le bureau d’imposition », émit à l’égard de Madame …, imposée collectivement avec son époux, Monsieur …, un bulletin de l’impôt sur le revenu des personnes physiques relatif à l’année 2008, ci-après désigné par « le bulletin IR », avec, entre autres, la mention suivante sous la rubrique indiquant les points sur lesquels l’imposition diffère de la déclaration : « (…) les concessions personnelles de pharmacie n’ont pas le caractère d’un fonds de commerce ; elles ne sont soumises ni à l’usure ni à une diminution de substance. Leur durée usuelle d’utilisation n’est donc pas limitée dans le temps, de sorte que le taux d’amortissement est de 0% (…) ».

Le même jour, soit le 9 septembre 2009, le bureau d’imposition émit à l’égard de Madame … un bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal relatif à l’année 2008, désigné ci-après par « le bulletin IC », comportant la même mention que le bulletin IR.

Par courrier daté du 4 novembre 2009, Madame … introduisit auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après dénommé « le directeur », une réclamation à l’encontre des bulletins IR et IC. Ladite réclamation fut complétée par un courrier du 30 novembre 2009.

Par une décision datée du 16 décembre 2009, portant le numéro … du rôle, le directeur déclara ladite réclamation irrecevable pour autant qu’elle est dirigée contre le bulletin IC et comme non fondée pour autant qu’elle est dirigée contre le bulletin IR. Cette décision est libellée comme suit :

« Vu la requête introduite le 6 novembre 2009 par la dame ..

…, demeurant à L-…, pour réclamer contre les bulletins de l'impôt sur le revenu des personnes physiques et de la base d'assiette de l'impôt commercial communal de l'année 2008, tous émis le 9 septembre 2009 ;

Vu la requête ampliative entrée le 1 er décembre 2009 ;

Vu les §§ 228 et 301 AO ;

Vu le dossier fiscal ;

Considérant que l'introduction par une requête unique de plusieurs demandes distinctes, mais néanmoins semblables, empiète sur le pouvoir discrétionnaire du directeur des contributions de joindre des affaires si elles sont connexes, mais n'est pas incompatible en l'espèce avec les exigences d'une procédure ordonnée ni dommageable à une bonne administration de la loi, qu'il n'y a pas lieu de la refuser ;

Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit dans les forme et délai de la loi ;

Considérant que la réclamante fait grief au bureau d'imposition de ne pas avoir déduit l'amortissement tel que déclaré d'une concession personnelle de pharmacie ;

Considérant qu'en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d'office un réexamen intégral de la cause, la loi d'impôt étant d'ordre public ;

qu'à cet égard le contrôle de la légalité externe de l'acte doit précéder celui du bien-fondé;

qu'en l'espèce la forme suivie par le bureau d'imposition ne prête pas à critique ;

Considérant, à titre liminaire, que le montant de l'impôt commercial communal de l'année 2008 a été fixé à zéro euro ;

Considérant qu'au vœu du § 232, alinéa 1er AO le contribuable ne peut réclamer contre un bulletin que pour autant que la cote d'impôt ou l'affirmation de l'imposabilité y contenues lui causent grief, que dans cette logique le § 232, alinéa 1er AO n'admet un recours que contre un bulletin d'impôt mettant à la charge du contribuable visé une obligation positive de payer une certaine cote d'impôt ;

qu'en conséquence un bulletin ne fixant pas de cote d'impôt positive ne saurait en principe ouvrir le droit à réclamation, faute de charge fiscale imposée au contribuable lui faisant grief;

qu'il en résulte que la réclamation en tant que dirigée contre le bulletin de la base d'assiette de l'impôt commercial communal de l'année 2008 doit être déclarée irrecevable faute d'intérêt ;

Considérant, à titre principal, qu'en vertu de l'article 29 L.I.R., l'amortissement pour usure concerne la déperdition tant technique qu'économique ;

qu'en vertu de l'article 32, alinéa 1er L.I.R. l'amortissement normal pour usure se calcule, pour un exercice déterminé d'exploitation, sur la base de la valeur nette restante du prix d'acquisition ou de revient, diminuée, le cas échéant, de la valeur estimée de récupération, et en retenant un montant égal par unité de durée usuelle d'utilisation restant à courir à compter du début de l'exercice d'exploitation ;

qu'aux termes de l'article 32, alinéa 2 L.I.R. la durée usuelle d'utilisation se détermine compte tenu du genre et des conditions d'utilisation de l'immobilisation considérée ;

Considérant qu'en l'espèce, la réclamante a acquis une concession personnelle de pharmacie, qu'elle déclare susceptible d'un amortissement pour usure, à savoir au taux de 7 pour cent, pour une durée donc de moins de 15 ans ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la concession acquise par la réclamante tire son origine de la concession personnelle du pharmacien …, qui l'a héritée de feu ses parents, alors que son père l'avait acquise à titre onéreux en date du 9 décembre 1933 ;

Considérant que cette concession a donc déjà perduré en famille depuis 1933, sans perte de valeur, au contraire ;

qu'il en résulte clairement pour preuve que la durée d'utilisation d'une concession personnelle se situe nettement au-delà des 15 ans demandés ;

Considérant, à titre subsidiaire, qu'il convient de rappeler que les concessions personnelles de pharmacie furent octroyées, d'ailleurs à titre gratuit, à partir de 1891 par le grand-duc Adolphe, les premières respectivement aux pharmaciens … et … ;

Considérant que si la concession … fut rétrocédée à titre onéreux déjà au XXe siècle, mais reste pourtant en exercice jusqu'à nos jours, la concession d'antan attribuée à l'aïeul permettait l'exercice du métier aux descendants … jusqu'en l'année 2001, donc pendant 110 ans, cédée ensuite pour près de 50 millions de francs, par accroissement de sa valeur à partir des zéro francs initiaux, partant sans la moindre déperdition au fil du temps ;

Considérant qu'il en ressort que la requête ne cerne pas de près la réalité économique en voulant circonscrire la durée d'utilisation du bien par seulement 15 ans ;

Considérant plutôt qu'aucune déperdition économique n'est détectable si des biens ayant notoirement été acquis à titre gratuit, ayant donc rien qu'une valeur de zéro francs à la fin du XIXe siècle représentent régulièrement de l'accord des parties concernées une valeur dépassant le million d'euros au début du XXIe siècle, pour rester en plein exercice ;

Considérant en outre que certaines des concessions personnelles en exercice se trouvent avoir été revendues pour maintes fois, mais sans aucune exception par revalorisation à un prix de cession à chaque fois plus élevé que celui d'acquisition ; qu'il s'ensuit en évidence que même à travers les siècles, la valeur de récupération dépasse encore les valeurs d'acquisition respectives ;

Considérant qu'il échet également de relever que l'Etat, en créant le régime général des concessions étatiques, projetait de résorber à long terme les concessions à titre personnel par le moyen d'un droit de préemption, qui cependant n'a jamais porté à conséquence, et ce justement à cause des prix toujours plus élevés, hors de portée du Trésor public, des concessions personnelles ;

Considérant qu'il résulte des développements qui précèdent, que la concession personnelle de pharmacie, pour constituer un bien de l'immobilisé, ne subit aucune dépréciation de sa valeur et que sa durée d'utilisation ne saurait être déterminée dans le temps autrement qu'infinie ;

que partant l'amortissement normal prévu selon les dispositions légales est prohibé ;

Considérant à titre superfétatoire qu'une crainte reste à l'état de simple hypothèse alléguée, de ce qu'une libéralisation européenne ne provoque une dérégulation du marché luxembourgeois, crainte d'ailleurs entretemps enclavée par l'arrêt de la Cour de Justice C-

171/07 - C-172/07, pourtant si tant arrivait, l'article 31 L.I.R. suffirait, mais seulement au moment venu, pour en encadrer les effets ;

Considérant encore que la requête fait erreur en voulant assimiler purement et simplement une concession personnelle de pharmacie à un fonds de commerce ;

que celui-ci, mis à part l'acquisition de brevets quod non en l'espèce, se caractérise essentiellement par son achalandage qui ne se préserve qu'à l'endroit, tandis que la réclamante n'hésite point à transférer l'officine par ailleurs ;

Considérant enfin qu'il échet de constater que c'est à tort que le bureau d'imposition a admis en l'année de premier exercice 2007, précédant l'année litigieuse, l'amortissement pour usure de la concession sous rubrique, en se référant erronément à la pratique administrative effectivement applicable à un fonds de commerce acquis à titre onéreux ;

Considérant à ce titre que le principe de l'annualité de l'impôt consacré tant par l'article 100 de la Constitution que par l'article 1er L.I.R. oblige le bureau d'imposition à instruire d'année en année les déclarations soumises, et le cas échéant à réviser une appréciation antérieure inexacte ou entachée d'erreur dès qu'il s'en rend compte ;

que cependant aucune des possibilités de rectification prévues par la loi générale des impôts n'est susceptible de remédier à l'inconsidéré commis en l'année 2007 ;

Considérant, en ce qui concerne la requête ampliative, que contrairement à ce que soutient la réclamante, l'objet de cession suivant l'article 1er du contrat de cession est la concession :

« le cédant cède à la cessionnaire, qui accepte, la concession réelle privée de pharmacie dont il est propriétaire » ;

que les éléments subséquents dudit contrat peuvent à juste titre être qualifiés de clauses type, alors que l'objet véritable de la transaction cerne et ne dépasse pas, ni à court ni à long terme, la concession de pharmacie ;

que sans la reprise des employé(e)s l'officine n'aurait guère pu continuer de suite ; que d'ailleurs l'enseigne, l'endroit et la clientèle ont été quittés sous peu ;

Considérant que la concession garde sa valeur tout en l'augmentant au fil des années, qu'il reviendrait à mal cerner la réalité économique en passant aux écritures telle moins-value que demandée par l'ampliation ;

Par ces motifs reçoit la réclamation contre le bulletin de l’impôt sur le revenu des personnes physiques de l’année 2008 en la forme ;

la rejette comme non fondée ;

dit la réclamation contre le bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal irrecevable. » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 12 mars 2010, Madame … et son époux, Monsieur …, ont introduit un recours contentieux contre ladite décision du directeur du 16 décembre 2009.

Si la requête introductive est intitulée « recours en réformation sinon en annulation », suivant le dispositif de ladite requête, les époux … ont demandé uniquement la réformation de la décision directoriale litigieuse. Eu égard à la formulation du dispositif, auquel le tribunal est seul tenu, il y a lieu d’admettre que les époux … ont entendu introduire un recours en réformation.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8 (3) 1.

de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation de sa part contre un bulletin de l’impôt sur le revenu, respectivement contre un bulletin de l’impôt commercial communal.

Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision directoriale précitée du 16 décembre 2009.

Le délégué du gouvernement conclut de prime abord à l’irrecevabilité du recours pour violation des articles 1er et 2 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, en ce que les époux … ont certes visé la décision directoriale du 16 décembre 2009 par sa date, mais sans indiquer le numéro du rôle et sans par ailleurs la verser comme pièce à l’appui du recours et en ce qu’ils ont versé parmi les pièces une autre décision du directeur, à savoir une décision du 5 novembre 2009 portant le numéro …. Cette façon de procéder aurait entraîné une confusion concernant l’objet du présent recours et aurait empêché ainsi l’Etat de préparer sa défense.

D’autre part, le délégué du gouvernement souligne que la réclamation du 6 novembre 2009 aurait été introduite uniquement par Madame … et non pas par son époux, Monsieur …, et il conclut dès lors à l’irrecevabilité omisso médio du recours pour autant qu’il est introduit par Monsieur ….

L’article 1er de la loi du 21 juin 1999, précitée, aux termes duquel la requête introductive d’instance doit contenir notamment l’objet de la demande, et l’obligation inscrite à l’article 2 de la même loi de verser la décision attaquée parmi les pièces, est à appliquer corrélativement avec l’article 29 de la même loi, aux termes duquel « l’inobservation des règles de procédure n’entraîne l’irrecevabilité de la demande que si elle a pour effet de porter effectivement atteinte aux droits de la défense ».

S’il est vrai que la décision du directeur du 16 décembre 2009 n’a pas été versée parmi les pièces, mais qu’une autre décision du directeur a été jointe à la requête, et s’il est encore vrai que la requête introductive ne mentionne pas le numéro du rôle de la décision attaquée, il n’en reste pas moins que ladite requête renseigne la date de la décision directoriale entreprise.

Par ailleurs, la partie étatique ne s’est pas trompé sur la décision attaquée, dans la mesure où elle a versé le dossier administratif relativement à la décision directoriale du 16 décembre 2009, y compris la décision elle-même, et a également pris position quant au fond par rapport à cette décision, de sorte qu’il y a lieu d’admettre que les droits de la défense de l’Etat n’ont pas été lésés.

Il s’ensuit que le moyen d’irrecevabilité fondé sur une violation des articles 1er et 2 de la loi du 21 juin 1999, précitée, est à rejeter comme étant non fondé.

Quant au moyen d’irrecevabilité fondé sur un défaut de réclamation par Monsieur …, il convient de relever qu’il se dégage des pièces versées en cause que la réclamation a été signée seulement par Madame …. D’autre part, la formulation du texte même de la réclamation, notamment les termes employés en introduction de la lettre de réclamation (« Je soussignée, …, pharmacienne, prends la respectueuse liberté de vous adresser par la présente une demande en vue de la révision des impositions de l’année 2008 (…) ») amène le tribunal à retenir que la réclamation a été introduite par la seule Madame … et non pas de façon conjointe avec son époux, Monsieur ….

Or, une réclamation introduite par un époux en son seul nom ne rend pas automatiquement l’autre époux partie à cette voie de recours. Il s’ensuit qu’en l’absence de réclamation formulée par le conjoint, le recours contentieux introduit par les deux époux encourt l’irrecevabilité dans la mesure où il est introduit au nom du conjoint n’ayant pas réclamé.

Etant donné que Monsieur … ne justifie pas avoir réclamé auprès du directeur contre les bulletins d’impôt litigieux, son recours dirigé contre la décision directoriale déférée introduit auprès du tribunal administratif est à déclarer irrecevable omisso medio, dans la mesure il n’a pas saisi préalablement le directeur d’une réclamation.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en réformation, par ailleurs introduit dans les formes et délai prévus par la loi, est recevable pour autant qu’il est introduit par Madame … et est à déclarer irrecevable pour autant qu’il est introduit par Monsieur ….

1) Quant au bulletin IC Le tribunal constate que le directeur a déclaré irrecevable la réclamation pour autant qu’elle a été introduite contre le bulletin IC. La demanderesse, tout en dirigeant son recours contre l’intégralité de la décision du directeur, n’a pas spécifiquement pris position par rapport à ce volet de la décision.

Au vœu du paragraphe 232 (1) AO, un contribuable ne peut réclamer contre un bulletin que pour autant que la cote d’impôt ou l’affirmation de l’imposabilité y contenues lui causent grief. Ladite disposition ne reconnaît ainsi au contribuable un intérêt à agir que pour autant que la modification des bases d’imposition retenues dans la motivation du bulletin a une incidence sur la cote d’impôt retenue. Un tel intérêt à agir n’existe en principe pas dans l’hypothèse où le bulletin attaqué retient une cote d’impôt zéro.

Or, en l’espèce, le bulletin IC litigieux retient justement une cote d’impôt zéro.

Il s’ensuit et à défaut d’autres moyens que c’est à juste titre que le directeur a déclaré la réclamation dirigée contre le bulletin IC comme irrecevable faute d’intérêt à agir dans le chef de la demanderesse.

Le recours est dès lors à rejeter pour autant qu’il est dirigé contre le volet de la décision directoriale visant le bulletin IC.

2) Quant au bulletin IR A l’appui de son recours, la demanderesse expose avoir conclu en date du 14 décembre 2006 un contrat de cession ayant pour objet principal la concession réelle privée de la pharmacie exploitée à …, sous l’enseigne « … ». Elle déclare qu’au cours des négociations contractuelles, les parties auraient contacté l’administration des Contributions directes afin de se renseigner sur le traitement fiscal de la concession de pharmacie et plus particulièrement quant à la question de savoir si une telle concession de pharmacie privée est amortissable. Le bureau d’imposition aurait confirmé qu’une telle concession serait intégralement amortissable.

Elle précise que l’amortissabilité de la concession aurait été un élément d’une importance capitale dans les négociations du contrat et plus particulièrement dans la fixation du prix de cession. La demanderesse précise encore avoir exploité la pharmacie en question pendant deux ans, soit d’avril 2007 à avril 2009, sous l’enseigne dite « … », pour ensuite établir sa pharmacie au …, sous l’enseigne « … ».

En droit, la demanderesse conclut à titre principal à l’amortissabilité de l’intégralité du prix de cession de la concession de pharmacie. A l’appui de cette demande, elle invoque le principe de la confiance légitime et de la bonne foi. A cet égard, elle fait état de ce qu’après consultation de l’administration des contributions directes préalablement à la conclusion du contrat de cession, dans le but de s’assurer d’une certaine sécurité juridique, les parties contractantes se seraient vu confirmer que l’intégralité du prix de cession serait amortissable.

Elle souligne qu’il ne saurait lui être reproché de s’être fiée à ces renseignements, tout en qualifiant la solution retenue par le directeur comme obscure et comme mal connue, de sorte qu’elle aurait été induite en erreur par les renseignements erronés de l’administration. Elle fait encore valoir que lors de l’imposition de l’exercice 2007, le bureau d’imposition aurait accepté l’amortissement du prix de la concession. La solution indiquée par le bureau d’imposition et selon laquelle les concessions de pharmacie seraient rangées parmi les immobilisations amortissables aurait été déterminante dans le cadre des négociations du prix de cession et le plan de financement aurait également été établi sur base de cette information. Il y aurait dès lors lieu à application du principe de la confiance légitime, l’administration ne pouvant ignorer que la solution indiquée par elle avait été déterminante dans la fixation contractuelle du prix.

Le revirement de la position de l’administration porterait ainsi atteinte à ses intérêts légitimes et lui causerait un préjudice financier considérable. La demanderesse soutient encore que la solution retenue par le directeur constituerait une exception au principe de l’amortissabilité des concessions. Ces dernières rangeraient parmi les immobilisations amortissables et les concessions de pharmacie constitueraient une exception très mal connue à ce principe. La solution retenue par le directeur et fondée sur la durée illimitée d’utilisation d’une concession de pharmacie ne s’imposerait pas d’un point de vue fiscal, étant donné qu’en cas de cession ultérieure, l’imposition de la plus-value compenserait l’avantage de la déductibilité des amortissements.

En ordre subsidiaire, la demanderesse soutient qu’au moins les éléments du fonds de commerce cédé devraient être considérés comme amortissables.

A cet égard, elle souligne que l’objet de la cession aurait également été le fonds de commerce de l’ancienne pharmacie exploitée sous l’enseigne « … », de sorte qu’il y aurait lieu à ventilation du prix de cession de … en une partie non amortissable, couvrant la concession proprement dite, et en une partie amortissable regroupant les autres éléments cédés.

La demanderesse donne à considérer que le contrat avait été intitulé contrat de cession, ce qui constituerait une indication que l’objet du contrat ne se limiterait pas à la cession de la concession de pharmacie mais serait plus vaste. Par ailleurs, elle souligne que le contrat ferait référence à l’enseigne de la pharmacie qui serait un signe distinctif permettant d’individualiser un commerce dans le but de contribuer à fidéliser la clientèle. Sur base du contrat ayant été conclu, elle n’aurait pas seulement acquis la concession, mais également le droit d’exploiter cette concession sous une certaine enseigne. Le fait de faire mention de l’enseigne dans le contrat de cession démontrerait qu’aux yeux du cessionnaire, l’objet de la cession inclurait l’exploitation d’une clientèle fidélisée sous cette enseigne.

Le fait que le contrat de cession renfermerait également des éléments d’un fonds de commerce de la pharmacie serait encore confirmé par la référence faite à l’article 3 du contrat à la situation financière et comptable de la pharmacie. La demanderesse en conclut que ce ne serait pas seulement un droit de tenir une pharmacie qui aurait été cédé, mais que le contrat aurait porté également sur un fonds de commerce qui serait à la base des résultats financiers de la pharmacie vendue. Ledit article 3 ne ferait ainsi aucun sens si l’objet du contrat se limitait au transfert de la concession de pharmacie au sens étroit du terme.

L’objet du contrat porterait dès lors également sur le transfert d’un fonds de commerce, respectivement d’une entreprise, en l’occurrence d’une pharmacie bien identifiée et ayant une enseigne particulière, une clientèle et un personnel qualifié.

En outre, le contrat prévoirait une garantie au bénéfice de la demanderesse que le transfert du commerce se fasse dans les meilleures conditions, en ce qu’à l’article 5, le cédant s’est engagé à ne rien entreprendre qui puisse avoir pour effet une diminution significative de la valeur de la concession. Plus particulièrement, cette clause viserait à défendre au cédant à concurrencer la demanderesse, voire à entreprendre toute action qui aurait un effet négatif sur le plan commercial, respectivement entraînerait une diminution de la valeur commerciale de l’exploitation.

Tout en admettant qu’elle a établi sa pharmacie à une autre adresse et n’utilise plus l’enseigne « … », la demanderesse donne à considérer que les obligations sus-décrites resteraient toujours valables et qu’elle serait toujours en droit de transférer sa pharmacie au centre-ville et de reprendre l’ancienne enseigne.

Enfin, elle fait état de ce que suivant le contrat, elle se serait obligée à reprendre le personnel de la pharmacie, cette obligation étant une conséquence normale de la vente d’une entreprise respectivement de la vente d’un fonds de commerce, qui serait d’ailleurs prévue par les dispositions des articles L127-1 du Code de travail. La demanderesse soutient que si elle avait été disposée à confirmer dans le contrat de cession l’application de ces dispositions, c’est parce que les deux parties ont estimé que l’objet du contrat dépasse la cession du simple droit de tenir une pharmacie et s’étend sur un fonds de commerce.

La demanderesse conclut dès lors à la ventilation du prix de cession en une partie non amortissable et en une partie amortissable qui regrouperait les éléments d’un fonds de commerce. En se basant sur une « jurisprudence fiscale étrangère », elle soutient qu’une concession publique au sens étroit pourrait être évaluée à 25% du prix de l’entreprise cédée, tandis qu’il y aurait lieu de maintenir au moins 75% de ce prix à titre d’amortissement. Elle souligne encore que même si les pharmacies étaient fiscalement considérées comme un commerce, les pharmaciens n’agiraient pas comme des commerçants classiques en ce qu’ils seraient tenus au secret médical et fidéliseraient la clientèle par des conseils de santé. Elle souligne avoir tenu la « … » durant deux ans avant le transfert au … et que près de 35% de sa clientèle lui seraient restés fidèles.

A titre plus subsidiaire encore, la demanderesse sollicite l’application d’une moins-

value qui devrait être prise en compte dans sa comptabilité comme conséquence de ce que l’intégralité du prix de cession ne serait plus amortissable. Elle souligne que ce serait en fonction des résultats tels que renseignés dans les bilans des exercices 2005 et 2006 que le prix de cession aurait été fixé, et que l’amortissabilité du prix de concession aurait été un élément important dans la négociation du prix. La décision du bureau d’imposition de refuser l’amortissabilité aurait eu pour effet de réduire la valeur de la concession, de sorte qu’il faudrait appliquer une moins-value du fait des incidences sur la charge d’impôt et de la réduction des liquidités à disposition de la demanderesse. Le plan de financement initial aurait été complètement bouleversé ce qui aurait nécessité la conclusion de nouveaux prêts et entraîné une augmentation de l’endettement. La valeur de la concession de pharmacie aurait partant diminué, de sorte que, d’un point de vue comptable, il y aurait lieu de constater une moins-value et de procéder à une dépréciation de l’actif. La demanderesse évalue cette moins-

value au montant de … euros.

Le délégué du gouvernement de son côté conclut au rejet du recours.

En ce qui concerne l’argumentation de la demanderesse fondée sur le fait qu’au titre de l’année d’imposition 2007, l’amortissement du prix de cession aurait été accepté par le bureau d’imposition, il invoque le principe de l’annualité de l’impôt. Dès lors, une acceptation dans le passé d’un traitement fiscal particulier n’impliquerait aucune obligation à charge du bureau d’imposition de l’accepter également pour les années suivantes.

Le représentant étatique fait ensuite valoir que le principe de confiance légitime invoqué par la demanderesse ne jouerait pas au cas où la pratique antérieurement suivie par l’administration n’aurait pas été conforme à la loi. Il résulterait de la motivation détaillée de la décision directoriale entreprise, à laquelle le délégué du gouvernement se rallie quant au fond, que l’imposition pour l’année 2008 aurait été conforme à la loi et plus particulièrement à l’article 32 de la loi modifiée du 4 novembre 1967 sur l’impôt sur le revenu, ci-après désignée par « LIR », à la pratique administrative courante, ainsi qu’à la jurisprudence directoriale rendue en la matière. Il soutient que les concessions personnelles de pharmacie seraient des droits réels liés à une personne et n’auraient pas le caractère d’un fonds de commerce. Il souligne que les concessions ne seraient soumises ni à l’usure, ni à une diminution de substance, de sorte que la durée usuelle ne serait pas limitée dans le temps et que le taux d’amortissement devrait s’élever à 0%. Ce principe serait d’ailleurs appliqué à l’intégralité des concessions personnelles de pharmacie situées sur le territoire luxembourgeois.

Le délégué du gouvernement soutient dès lors que l’imposition concernant l’année 2007 aurait été contraire à la loi et que le bureau d’imposition aurait fait erreur en accordant la déduction de l’amortissement. Le principe de la confiance légitime ne saurait ainsi trouver application en l’espèce.

Il donne ensuite à considérer qu’en faisant droit à la demande de la demanderesse, il y aurait non seulement création d’une discrimination injustifiée de toutes les autres concessions personnelles de pharmacie, mais les autorités fiscales seraient également forcées à violer à nouveau la loi en réitérant la décision illégale prise en 2007.

En ce qui concerne la qualification juridique du contrat de concession du 14 décembre 2006, le délégué du gouvernement soutient que le contrat aurait pour seul objet la concession de pharmacie et non pas des éléments d’un fonds de commerce.

Tel que cela aurait été retenu à juste titre par le directeur, les éléments du contrat allant au-delà des dispositions de son article 1er seraient à qualifier de clauses type, mais l’objet véritable de la transaction ne dépasserait pas la concession de pharmacie. La partie étatique souligne encore que sans la reprise des employés, l’officine n’aurait pu continuer à fonctionner et que, par ailleurs, l’enseigne, l’endroit et la clientèle auraient été quittés peu de temps après.

Il conclut dès lors au rejet de la demande de la demanderesse tendant à l’amortissement d’un fonds de commerce.

La demanderesse invoque à titre principal le principe de la confiance légitime et de la bonne foi eu égard au fait que, d’un part, le bureau d’imposition lui aurait confirmé à titre préalable que le prix d’acquisition de la concession de pharmacie serait amortissable et, d’autre part, que le bureau d’imposition aurait accepté l’amortissement de ce prix pour l’année 2007.

C’est cependant à juste titre que le délégué du gouvernement soutient qu’en vertu du principe de l’annualité de l’impôt, la demanderesse ne saurait tirer profit pour l’année fiscale 2008 du fait que le bureau a accepté l’amortissement au titre de l’année fiscale 2007. En effet, en vertu de ce principe, consacré notamment à l’article 1er LIR, la situation du contribuable doit être considérée pour chaque année d’imposition suivant des données et caractéristiques propres, établies du moment. Ainsi, les bases d’imposition du chef d’une année d’imposition sont à déterminer indépendamment de celles retenues pour une année d’imposition antérieure et l’autorité compétente n’est ainsi pas liée par ses appréciations antérieures, sauf l’hypothèse d’une décision expresse en faveur du contribuable (cf. Cour adm. 17 mars 2009, n° 24687C du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu).

Quant au principe général de la confiance légitime, suivant lequel l’administré peut exiger de l'autorité administrative qu’elle se conforme à une attitude qu’elle a suivie dans le passé, il convient de relever que la protection de l’administré contre les changements brusques et imprévisibles de l’attitude de l’administration, en lui reconnaissant le droit de se fier à un comportement habituellement adopté par l’administration ou à des engagements pris par elle, ne saurait jouer au cas où la pratique antérieure suivie par l’administration n’était pas conforme à la loi (cf. trib. adm. 9 juin 1997, n° 9781 du rôle, Pas. adm. 2009, v° Lois et règlements, page 335, n° 10). Dans cette dernière hypothèse, l’administré ne saurait ainsi imposer à l’administration de maintenir son attitude antérieure, respectivement de respecter une décision expresse prise en sa faveur, mais cette situation peut tout au plus se solder par des dommages et intérêts en faveur du contribuable qui s’est en toute bonne foi fié à la position de l’administration et qui de ce fait a subi un préjudice.

Il s’ensuit qu’en l’espèce, la demanderesse ne saurait se prévaloir de la prise de position du bureau d’imposition ayant consisté à confirmer qu’une concession de pharmacie serait amortissable, prise de position dont la réalité n’est pas contestée par le délégué du gouvernement, que pour autant que celle-ci a été émise dans le cadre de la légalité.

Il convient d’admettre que la concession litigieuse fait partie de l’actif immobilisé. Les parties sont en désaccord sur la question de savoir si ladite concession est susceptible d’amortissement.

L’article 23 LIR aux termes duquel « (…) (2) Les immobilisations amortissables sont à évaluer au prix d’acquisition ou de revient diminué des amortissements calculés d’après les articles 29 à 34 (…) ;; (3) Les biens autres que ceux visés à l’alinéa qui précède (le sol, les participations, les biens irréalisables et du disponible) sont à évaluer au prix d’acquisition ou de revient. (…) », distingue entre les immobilisations amortissables et les immobilisations non amortissables, étant précisé que les immobilisations sont définies à l’article 21 (2) LIR comme étant « les biens qui sont destinés à servir de façon permanente à l’entreprise », par opposition à ceux destinés à être vendus par l’entreprise.

Aux termes de l’article 28 LIR « (1) Les immobilisations amortissables comprennent les immobilisations susceptibles d’amortissement pour usure et les immobilisations susceptibles d’amortissement pour diminution de substance.

(2) Les immobilisations susceptibles d’amortissement pour usure sont celles qui se déprécient par l’effet du temps ou de leur utilisation, à l’exception des immobilisations à caractère d’approvisionnements.

(3) Les immobilisations susceptibles d’amortissement pour diminution de substance sont celles qui sont constituées par les masses de substances minérales ou fossiles renfermées dans le sein de la terre ou existant à la surface. » En vertu de l’article 29 LIR « (1) L’amortissement pour usure et celui pour diminution de substance visé à l’article 28 concernent la déperdition tant technique qu’économique (…) ».

Il se dégage des dispositions des articles 28 et 29 LIR, précités, que les amortissements dont le but est de tenir compte de la dépréciation subie au cours d’un exercice par un élément de l’actif par l’usage ou par le temps, ne peuvent porter que sur les éléments de l’actif immobilisé soumis à dépréciation du fait de l’usage ou du temps. L’amortissement est ainsi basé sur une présomption de dépréciation fondée sur l’existence d’une durée de vie limitée d’un bien.

Il ressort des pièces du dossier ainsi que des explications fournies par les parties que la demanderesse a procédé au titre de l’année fiscale 2008, sous la rubrique « immobilisations incorporelles » avec la mention « goodwill », à l’amortissement du prix d’achat de … euros de la concession sur une durée de 10 ans pour un taux d’amortissement de 7 %.

Aux termes du contrat de cession signé le 14 décembre 2006 entre la demanderesse et le cédant, et plus particulièrement de son article 1er, le contrat a pour objet « la concession réelle privée de pharmacie dont [le cédant] est propriétaire à …, et qu’il y exploite sous l’enseigne …, ci-avant … », pour un prix de … euros. Aux termes de l’article 2 du contrat de cession, la pharmacie en question est régie par les articles 23 à 25 de l’ordonnance royale grand-ducale du 12 octobre 1841 portant organisation du service médical. En vertu de ces dispositions, la concession de pharmacie peut être définie comme le droit de tenir une pharmacie. Ce droit est, conformément aux dispositions de l’ordonnance royale grand-ducale précitée, transmis aux héritiers qui pourront le céder ou le vendre.

En l’espèce, le tribunal est amené à retenir qu’il ne dispose pas d’éléments permettant de retenir que le droit de tenir une pharmacie soit soumis à dépréciation du fait de l’usage ou du temps.

En effet, il se dégage des dispositions précitées de l’ordonnance royale grand-ducale du 12 octobre 1841, ainsi que des termes du contrat de cession que le droit de tenir une pharmacie que la demanderesse a acquis n’est pas limité dans le temps, par opposition par exemple au droit au bail ou à un brevet, qui constituent des biens amortissables en raison de leur durée de vie limitée dans le temps. Dès lors, par la force des choses, la durée d’utilisation de la concession n’est pas limitée à la durée de 10 ans pour laquelle l’amortissement a été sollicité.

D’autre part, le tribunal constate que, tel que cela a été relevé par le directeur sans que ce constat ait été utilement mis en doute par la demanderesse, la concession acquise par elle, qui à l’origine a été attribuée à titre gratuit sur le fondement de l’ordonnance royale grand-

ducale du 12 octobre 1841, précitée, a au fur des années augmenté en valeur. C’est dès lors à juste titre que le directeur a retenu que la concession personnelle de pharmacie ne constitue pas un bien soumis à dépréciation par usure ou par l’écoulement du temps.

Il suit des développements qui précèdent que la concession personnelle de pharmacie acquise en l’espèce ne rentre pas dans les prévisions de l’article 28 LIR, puisqu’elle n’est pas soumise à dépréciation par l’usage ou par l’écoulement du temps.

La concession de pharmacie ne constituant ainsi pas un bien amortissable au sens des dispositions de l’article 28 LIR, la prise de position du bureau d’imposition suivant laquelle la concession de pharmacie serait amortissable doit être considérée comme contraire à la loi. Par voie de conséquence, et eu égard aux considérations dégagées ci-dessus, la demanderesse ne saurait s’appuyer sur cette prise de position du bureau d’imposition pour faire état d’une décision de l’administration en sa faveur qui lierait cette dernière et pour ainsi forcer celle-ci à maintenir, pour les années à venir, une position qui à l’origine était contraire à la loi. Il convient encore de préciser que la prise de position du bureau d’imposition sur laquelle la demanderesse se fonde n’est pas le résultat d’une interprétation d’une disposition légale qui, le cas échéant, puisse être sujet à discussion, mais d’une décision d’application erronée d’une disposition légale à une situation déterminée, qui manifestement n’est pas visée par cette disposition.

Il s’ensuit que la demande principale tendant à l’amortissement de l’intégralité du prix d’acquisition est à rejeter comme n’étant fondée en aucun de ses moyens.

En ordre subsidiaire, la demanderesse soutient que le prix d’acquisition de … euros devrait être ventilé en une part correspondant à l’acquisition de la concession proprement dite et, d’autre part, à l’acquisition des éléments d’un fonds de commerce et que cette deuxième partie au moins devrait être amortissable. La demanderesse soutient ainsi que le contrat de cession ne porterait pas seulement sur la concession de pharmacie non amortissable, mais aurait en outre pour objet des éléments d’un fonds de commerce.

A cet égard, il convient de relever que depuis une loi du 4 mai 1984 portant modification de la loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales, un fonds de commerce est susceptible d’amortissement.

En droit fiscal, le fonds de commerce peut être défini comme étant la plus-value de l’exploitation entière par rapport à la somme des valeurs d’exploitation des autres biens sur la base de la renommée économique de l’actif net investi. Il représente principalement les perspectives de rendement tant de l’exploitation que de ses produits ou de ses prestations, sur la base de ses relations d’affaires, de la qualification de son personnel etc. (cf. doc. parl. n° 2657, à la base de la loi du 4 mai 1984, précitée, commentaire des articles, page 46, reprenant la définition des documents parlementaires 571 de mise en droit fiscal). Dans la mesure où en droit fiscal les biens dissociables et susceptibles d’une évaluation distincte sont traités distinctement, le fonds de commerce comprend en droit fiscal essentiellement la clientèle et l’achalandage.

Eu égard à la formulation du contrat de cession qui se réfère en son article 1er exclusivement à la concession réelle privée, partant au droit de tenir une pharmacie, tel que ce droit a été conféré sur le fondement de l’ordonnance royale grand-ducale du 12 octobre 1841, précitée, et tel qu’il a été transmis par hérédité, respectivement par cession à titre gratuit par les différents propriétaires successifs de la concession, et qui ne fait pas partie d’un fonds de commerce, le tribunal ne saurait retenir qu’en l’espèce, l’objet du contrat renferme, outre la cession de la concession proprement dite, un élément de fonds de commerce tel qu’il a été défini ci-dessus.

Il convient de relever que la seule référence faite à l’article 1er du contrat à l’enseigne « … » ne permet pas de retenir que l’intention des parties était de céder, outre la concession de pharmacie, la clientèle attachée à cette enseigne. Cette référence doit plutôt être considérée comme permettant d’individualiser et d’identifier le droit de tenir une pharmacie dont le cédant était propriétaire. L’enseigne et l’endroit de l’exploitation n’avaient d’ailleurs dans l’esprit de la demanderesse qu’une moindre importance dans la mesure où après seulement deux ans, elle a non seulement transféré sa pharmacie à un autre endroit, mais de plus l’a exploitée sous une autre enseigne. Pareillement, la référence faite dans le contrat à la situation bilantaire du cédant s’explique davantage par la détermination de la valeur de la concession proprement dite, pour laquelle forcément les résultats du cédant sont pris en considération, mais ne permet pas de retenir que l’objet du contrat s’étend à des éléments d’un fonds de commerce.

Le tribunal ne saurait pas non plus suivre la demanderesse dans ses explications quant à la portée de l’article 5, alinéa 2 du contrat de cession, en vertu duquel le cédant « s’engage à contribuer de bonne foi aux efforts que la cessionnaire devra le cas échéant entreprendre en vue de se prévaloir à l’égard des tiers de son titre sur la concession acquise et à soutenir ces efforts », respectivement de l’article 5, alinéa 3 en vertu duquel le cédant « n’entreprendra rien délibérément qui aurait pour effet la diminution significative de la valeur de la concession cédée ». Ces dispositions ne peuvent pas être considérées comme un engagement de non concurrence classique attaché à la cession d’un fonds de commerce, dans la mesure où la formulation de ces dispositions ne permet de faire aucun rapprochement avec un élément de fonds de commerce en ce que ces dispositions font expressément référence à la seule concession cédée. Il est encore certes vrai qu’en vertu du contrat de cession, la demanderesse s’est engagée à reprendre le personnel engagé par le cédant. Néanmoins, cette disposition du contrat doit plutôt être considérée comme un engagement pris par la demanderesse découlant par ailleurs du Code du travail, que comme le reflet de l’acquisition d’une plus-value escomptée du fait des qualifications du personnel. Cette clause doit ainsi être considérée comme une clause de style du contrat, mais ne définit pas une partie de l’objet vendu qui représente une partie du prix convenu. Par ailleurs, en vertu de l’article 7 du contrat de cession, le stock de marchandises, faisant partie d’un fonds de commerce au sens fiscal du terme, fera l’objet d’une convention séparée, ce qui confirme que ledit contrat ne porte que sur la cession de la concession.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que la demande subsidiaire de la demanderesse est à rejeter comme étant non fondée.

En ordre plus subsidiaire, la demanderesse reproche au directeur de ne pas avoir pris en considération une moins-value résultant pour elle du refus de l’administration de continuer à déduire des amortissements. La demanderesse soutient ainsi que le directeur aurait dû permettre un ajustement de la valeur comptable de la concession et aurait ainsi dû accepter une déduction pour dépréciation.

Le directeur a rejeté cette demande au motif que la concession aurait gardé sa valeur tout en l’augmentant au fil des années, de sorte que la volonté de tenir compte d’une moins-

value ne correspondrait pas à la réalité économique.

Aux termes de l’article 23 (3) LIR, précité, « Les biens autres que ceux visés à l’alinéa qui précède (le sol, les participations, les biens irréalisables et du disponible) sont à évaluer au prix d’acquisition ou de revient. Lorsque la valeur d’exploitation y est inférieure, l’évaluation peut se faire à cette valeur inférieure (…) », étant précisé qu’aux termes de l’article 27 (1) LIR « Est considérée comme valeur d’exploitation d’un bien le prix qu’un acquéreur de l’entreprise entière attribuerait au bien envisagé dans le cadre du prix d’acquisition global, l’acquéreur étant supposé continuer l’exploitation ».

Il se dégage de ces dispositions que les biens non amortissables sont en principe à évaluer par rapport à leur prix d’acquisition, sauf l’hypothèse où la valeur d’exploitation est inférieure à ce prix. Dans cette dernière hypothèse, l’évaluation peut être faite sur base de la valeur d’exploitation.

La demanderesse réclame en substance l’application d’une déduction pour dépréciation, soit la prise en compte d’une valeur inférieure au prix d’acquisition de la concession, en ce que, d’après elle, en raison du fait qu’elle n’est pas admise à procéder à l’amortissement, la valeur de la concession serait en réalité inférieure au prix d’acquisition tel que fixé au contrat.

Force est cependant au tribunal de constater qu’en l’état actuel du dossier, la demanderesse ne lui a pas soumis des éléments permettant de retenir que la valeur d’exploitation de la concession de pharmacie soit inférieure au prix d’acquisition et permettant ainsi de retenir le caractère justifié d’une moins-value à appliquer sur le prix d’acquisition, la seule affirmation de la demanderesse que l’amortissabilité aurait été un élément déterminant lors de la négociation du prix, à défaut d’autres éléments et face aux contestations du directeur, ne saurait suffire à cet égard.

Il s’ensuit que la demande plus subsidiaire tendant à faire retenir une déduction pour dépréciation de la concession de pharmacie est à rejeter.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en réformation est pareillement à rejeter pour autant qu’il est dirigé contre le volet de la décision du directeur visant le bulletin IR.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

déclare le recours en réformation irrecevable pour autant qu’il est introduit par Monsieur … ;

reçoit le recours en réformation en la forme pour le surplus ;

au fond, le déclare non fondé, partant en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

Martine Gillardin, vice-président, Françoise Eberhard, premier juge, Annick Braun, juge, et lu à l’audience publique du 19 janvier 2011 par le premier juge Françoise Eberhardt déléguée à cette fin, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Martine Gillardin Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 21.01.2011 Le Greffier du Tribunal administratif 15


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 26701
Date de la décision : 19/01/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2011-01-19;26701 ?

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