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05/01/2011 | LUXEMBOURG | N°26719

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 janvier 2011, 26719


Tribunal administratif N° 26719 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 mars 2010 1re chambre Audience publique du 5 janvier 2011 Recours formé par la société anonyme …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes, en matière d’impôt sur le revenu

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 26719 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 mars 2010 par Maître Philippe VALERE O’HANA, avocat à la Cour de Paris, pour compte de la société anonyme …, établie et ayant son siège social

à L- …, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, te...

Tribunal administratif N° 26719 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 mars 2010 1re chambre Audience publique du 5 janvier 2011 Recours formé par la société anonyme …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes, en matière d’impôt sur le revenu

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 26719 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 mars 2010 par Maître Philippe VALERE O’HANA, avocat à la Cour de Paris, pour compte de la société anonyme …, établie et ayant son siège social à L- …, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, tendant à la réformation et subsidiairement à l’annulation des bulletins d’impôt sur les collectivités des années 2004 et 2005, ainsi que des bulletins établissant la base d’assiette et le calcul de l’impôt commercial communal des années 2004 et 2005 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 juin 2010 ;

Vu le courrier de Maître Thomas STACKLER du 25 octobre 2010, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’ordre des avocats à Luxembourg, par lequel celui-ci déclare assister Maître VALERE O’HANA conformément à la directive 98/5/CE ;

Vu le mémoire complémentaire déposé par Maître Philippe VALERE O’HANA au nom de la société anonyme … en date du 4 novembre 2010 au greffe du tribunal administratif ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les bulletins critiqués ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Franck WIES, en remplacement de Maître Thomas STACKLER, et Madame le délégué du gouvernement Monique ADAMS en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 8 novembre 2010 ;

Le 4 mars 2009, le bureau d’imposition sociétés 6 de la section des sociétés de l’administration des Contributions directes émit à l’encontre de la société anonyme …, ci-après « la société …», les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités 2004 et 2005, ainsi que les bulletins de l’impôt commercial communal 2004 et 2005.

Par courrier du 31 mars 2009, la société …, par l’intermédiaire de Maître Philippe VALERE O’HANA et de son mandataire social Monsieur …, a fait introduire une réclamation auprès du directeur de l’administration des Contributions directes à l’encontre des 4 bulletins ci-avant visés.

Par décision du 22 décembre 2009, le directeur des Contributions directes rejeta la réclamation ainsi introduite pour les motifs suivants :

« Vu la requête introduite le 6 avril 2009 par les sieurs … et Philippe Valere O’Hana, au nom de la société anonyme …, avec siège social à L-…, pour réclamer contre « les bulletins d’imposition évoqués ci-après » ;

que selon la requête introductive, la réclamante demande « l’annulation des impositions et des avances IRC et IC pour les années 2004, 2005, 2007, 2008 et 2009 » ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu les §§ 228 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;

Considérant que la requête ne désigne pas les bulletins critiqués, que la réclamation est cependant à considérer comme étant dirigée contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2004 et 2005, tous émis le 4 mars 2009, ainsi que contre l’extrait de compte du 9 janvier 2009, le tableau des avances du 6 janvier 2009 pour l’année 2009 et le bulletin de fixation des avances du 4 mars 2009 ;

Considérant que l’introduction par une requête unique de plusieurs demandes distinctes, mais néanmoins semblables, empiète sur le pouvoir discrétionnaire du directeur des contributions de joindre des affaires si elles sont connexes, mais n’est incompatible en l’espèce avec les exigences d’une procédure ordonnée ni dommageable à une bonne administration de la loi ; qu’il n’y a pas lieu de la refuser ;

Considérant que la réclamante fait grief au bureau d’imposition, d’une part, d’avoir imposé un bénéfice en matière d’impôt sur le revenu des collectivités et d’impôt commercial au titre des années 2004 et 2005 et, d’autre part, d’avoir fixé des avances trimestrielles ;

Considérant qu’en vertu du § 242 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d’office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens des réclamants, la loi d’impôt étant d’ordre public ;

qu’à cet égard le contrôle de la légalité de l’acte doit précéder celui du bien-fondé ;

qu’en l’espèce la forme suivie par le bureau d’imposition ne prête pas à critique ;

En ce qui concerne les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2004 et 2005 Considérant qu’il ressort de l’examen du dossier fiscal portant sur les années 2001-

2003 que le bureau d’imposition a refusé de déduire certaines dépenses d’exploitation au titre des années d’imposition 2001 et 2002 ;

Considérant que les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2002 et 2003 ont fait l’objet de réclamations qui ont été vidées par le jugement du tribunal administratif du 9 février 2009, n°24234 du rôle (confirmé par arrêt de la Cour administrative du 29 juillet 2009, n°25531C du rôle) ;

Considérant qu’il résulte du jugement du tribunal administratif et de l’arrêt de la Cour administrative que la réclamante a demandé la déduction d’un montant annuel de 162.274,60 euros au titre des années d’imposition 2002 et 2003 ;

que ce montant serait en relation avec un contrat de licence de la marque …;

que le montant annuel de 162.274,60 euros représente un cinquième d’une charge comptabilisée de 811.373 euros au titre de l’année d’imposition 2001 ;

Considérant que l’arrêt de la Cour administrative a retenu que la réclamante « n’a pas prouvé à suffisance de fait et de droit, conformément notamment aux exigences posées par l’article 59 de la loi prévisée du 21 juin 1999, la réalité de la relation économique de la charge de 811.373 € inscrite dans ses comptes en relation avec le contrat de licence de la marque …du 12 avril 2000 et non pas avec une charge née durant la période où elle bénéficiait du statut de société holding, de manière que l’appel sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé » ;

Considérant que par la lettre du 29 septembre 2009 produite en cours d’instance, la réclamante demande la prise en compte de déclarations rectificatives, ainsi que des comptes annuels rectifiés pour les années 2004 et 2005 ;

que les comptes annuels rectifiés pour les années 2004 et 2005 tiennent compte d’une diminution du revenu imposable du même montant annuel de 162.274,60 euros qui a fait l’objet des réclamations vidées par le jugement et l’arrêt précités ;

Considérant qu’en cours d’instance, la réclamante n’a pas fourni de nouveaux moyens concluants quant à la réalité d’une charge de 811.373 € avec le contrat de licence de la marque …du 12 avril 2000 ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les montants litigieux de 162.274,60 euros ne constituent pas des dépenses d’exploitations déductibles au titre des années 2004 et 2005 ;

Considérant que pour le surplus, les impositions sont conformes à la loi et aux faits de la cause et ne sont d’ailleurs pas contestées ;(…) ».

Par requête déposée le 18 mars 2010 au greffe du tribunal administratif, la société …a fait introduire par l’intermédiaire de Maître Philippe VALERE O’HANA, avocat à la Cour de Paris, un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation des seuls bulletins critiqués.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », ci-après : « AO », et de l’article 8 (3) 3.

de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et des bulletins établissant la base d’assiette et le calcul de l’impôt commercial communal. Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en réformation.

Il n’y a partant pas lieu de se prononcer sur le recours subsidiaire en annulation.

Le délégué du gouvernement conclut principalement à l’irrecevabilité du recours en réformation pour ne pas avoir été introduit en conformité avec les articles 1er et 2 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Ainsi, la partie étatique souligne que Maître Philippe VALERE O’HANA n’aurait ni la qualité d’expert comptable, ni celle de réviseur, ne figurerait par ailleurs pas sur la liste I des tableaux dressés par les conseils des ordres luxembourgeois des avocats, ne serait pas assisté d’un avocat figurant sur lesdites listes et n’aurait en outre pas fait élection de domicile auprès d’un tel confrère luxembourgeois, de sorte qu’il ne serait pas admis à plaider devant le tribunal administratif.

Le délégué du gouvernement expose par ailleurs que les bulletins attaqués n’auraient pas été produits par la société demanderesse à l’appui de son recours, de sorte que l’Etat n’aurait pas été en mesure d’assurer utilement sa défense dans le présent litige.

Finalement, la partie étatique fait plaider que conformément à l’article 8 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, un bulletin d’impôt ne saurait être directement déféré au tribunal administratif que lorsqu’une réclamation au sens de l’article 228 AO, ou une demande en application du paragraphe 131 AO a été introduite, sans qu’une décision directoriale définitive ne soit intervenue dans un délai de six mois à partir de la demande. Elle souligne qu’en l’espèce le directeur des Contributions directes aurait cependant vidé la réclamation introduite par la requérante par sa décision n° C15058 du 22 décembre 2009, de sorte que cette décision directoriale, faute par la requérante d’avoir introduit un recours en bonne et due forme contre celle-ci, serait coulée en force de chose décidée. Elle en conclut que le recours sous analyse, en ce qu’il est dirigé directement contre les bulletins d’impôt sur les collectivités des années 2004 et 2005, ainsi que des bulletins établissant la base d’assiette et le calcul de l’impôt commercial communal des années 2004 et 2005 serait à déclarer irrecevable.

S’agissant d’un recours en matière fiscale, il y a lieu de se référer, concernant la requête introductive d’instance, aux dispositions spécifiques prévues par la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives. Conformément à l’article 56 de ladite loi, les dispositions prévues aux titres I et II sont applicables sauf les exceptions prévues spécifiquement en matière fiscale ; concernant plus particulièrement la requête introductive d’instance, l’article 57 de la même loi prévoit qu’elle doit être signée par le requérant ou son mandataire et contenir, par rapport à un requérant ou mandataire demeurant au Grand-Duché de Luxembourg, les indications prévues à l’article 1er de la loi de 1999. C’est partant audit article 1er qu’il y a lieu de se référer pour déterminer les indications que doit comporter une requête introductive d’instance en matière fiscale devant le tribunal administratif.

Or, aux termes de l’article 1er, alinéa 1er de la loi précitée du 21 juin 1999 « tout recours, en matière contentieuse, introduit devant le tribunal administratif (…), est formé par requête signée d’un avocat inscrit à la liste I des tableaux dressés par les conseils des Ordres des avocats ».

Par ailleurs, il est encore constant qu’en matière fiscale et à travers les dispositions de l’article 2, paragraphe 1er de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d’avocat, telle que modifiée par l’article 109 (1) de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le législateur a encore reconnu que les justiciables ont la faculté « d’agir par eux mêmes ou de se faire représenter ou assister par un expert comptable ou un réviseur d’entreprises, dûment autorisés à exercer leur profession, devant le tribunal administratif appelé à connaître d’un recours en matière de contributions directes ».

L’exigence que le recours doit être introduit moyennant une requête signée par un avocat inscrit à la liste I des tableaux dressés par les conseils des Ordres des avocats, c’est-à-

dire par un avocat à la Cour, respectivement par un expert comptable ou un réviseur, constitue dès lors une formalité à respecter en vue de l’introduction d’un recours en matière fiscale devant le tribunal administratif et il s’agit donc d’une condition de recevabilité dudit recours.

En l’espèce, force est au tribunal de retenir que Maître Philippe VALERE O’HANA, par lequel le recours sous analyse a été introduit n’a pas la qualité d’expert comptable ou de réviseur. Par ailleurs, il n’était pas inscrit à l’un des tableaux dressés par les conseils des ordres luxembourgeois des avocats, ni au moment de l’introduction de son recours, ni à l’heure actuelle.

Il y a cependant lieu de constater que Maître STACKLER, dans son courrier du 25 octobre 2010, a déclaré assister Maître VALERE O’HANA conformément à la directive 98/5/CE, transposée en droit luxembourgeois par la loi 13 novembre 20021.

Or, l’article 5 (4) de la loi précitée du 13 novembre 2002 dispose que :

« (4) Pour les actes et procédures soumis par les lois et règlements au ministère d'avocat à la Cour, l'avocat européen exerçant sous son titre professionnel d'origine doit agir 1 la loi 13 novembre 2002 portant transposition en droit luxembourgeois de la Directive 98/5/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 février 1998 visant à faciliter l’exercice permanent de la profession d’avocat dans un Etat membre autre que celui où la qualification a été acquise et portant: 1. modification de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d’avocat; 2. modification de la loi du 31 mai 1999 régissant la domiciliation des sociétés, Mém. A n°140 du 17 décembre 2002 de concert avec un avocat à la Cour qui se constitue et qui est responsable à l'égard de la juridiction ».

Il résulte du libellé dudit article que pour accomplir et signer des actes de procédure soumis par la législation luxembourgeoise au ministère d’avocat à la Cour, comme c’est le cas en l’espèce, un avocat européen exerçant sous son titre professionnel d’origine doit agir ensemble et ab initio avec un avocat inscrit à la liste I des tableaux dressés par les conseils des Ordres des avocats luxembourgeois, lequel sera responsable à l’égard du tribunal ; ce dernier devant par ailleurs se constituer en bonne et due forme.

Or, en l’espèce, le recours a été introduit par les seuls soins de Maître Philippe VALERE O’HANA et ce n’est qu’en date du 25 octobre 2010, c’est-à-dire 4 mois après la production du mémoire en réponse de la partie étatique concluant à l’irrecevabilité du recours, que ce dernier s’est fait assister par un avocat inscrit à la liste I des tableaux dressés par les conseils des Ordres des avocats luxembourgeois. Par ailleurs, Maître STACKLER ne saurait être déclaré responsable vis-à-vis du tribunal d’un acte de procédure accompli 7 mois avant sa déclaration d’agir en concert avec Maître VALERE O’HANA.

Force est dès lors de retenir que ledit recours a été introduit en violation tant des dispositions de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, que des dispositions de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d’avocat.

Il suit des considérations qui précèdent, et sans qu’il ne soit besoin de statuer plus en avant que le recours principal en réformation, tel qu’introduit par Maître Philippe VALERE O’HANA, est à déclarer irrecevable.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

déclare le recours principal en réformation irrecevable ;

dit qu’il n’y pas lieu d’analyser le recours subsidiaire en annulation ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 5 janvier 2011 par :

Marc Sünnen, premier juge, Claude Fellens, premier juge, Thessy Kuborn, juge en présence du greffier assumé Michèle Hoffmann.

s. Michèle Hoffmann s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 7 janvier 2011 Le Greffier assumé du Tribunal administratif 7


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 26719
Date de la décision : 05/01/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2011-01-05;26719 ?

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