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15/12/2010 | LUXEMBOURG | N°26732

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 décembre 2010, 26732


Tribunal administratif N° 26732 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 mars 2010 3e chambre Audience publique du 15 décembre 2010 Recours formé par Monsieur …, contre une décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat ainsi que contre un arrêté grand-ducal en matière de discipline

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 26732 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 mars 2010 par Maître Albert Rodesch, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, …,

demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annul...

Tribunal administratif N° 26732 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 mars 2010 3e chambre Audience publique du 15 décembre 2010 Recours formé par Monsieur …, contre une décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat ainsi que contre un arrêté grand-ducal en matière de discipline

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 26732 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 mars 2010 par Maître Albert Rodesch, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, …, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’un arrêté grand-ducal du 27 février 2010 prononçant sa révocation de ses fonctions avec effet à partir du 1er mars 2010 et, pour autant que de besoin, d’une décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat du 9 février 2010 prononçant la sanction disciplinaire de la révocation ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 23 mars 2010 ;

Vu l’ordonnance du 26 mars 2010, par laquelle le président du tribunal administratif a ordonné le sursis à l’exécution de la décision précitée du Conseil de discipline du 9 février 2010, telle qu’elle a été appliquée par un arrêté grand-ducal du 27 février 2010, en attendant que le tribunal administratif se soit prononcé sur le mérite du recours au fond ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 2 avril 2010 par Maître Albert Rodesch au nom de Monsieur … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Albert Rodesch et Madame le délégué du gouvernement Sousie Schaul en leurs plaidoiries respectives.

Monsieur …, né le …, entra au service de l’Etat le 1er janvier 1999 et obtint sa nomination définitive, en tant que professeur …, spécialité …, le 30 janvier 2001 au ….

Ayant été informée par un courrier du 31 mai 2007 du procureur d’Etat que Monsieur … faisait l’objet d’une inculpation du chef d’infractions à l’article 384 du Code pénal et plus précisément de pédopornographie, la ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle saisit le 18 juin 2007 le commissaire du gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire de l’ouverture d’une instruction disciplinaire à l’encontre de Monsieur ….

Par un jugement du 15 mai 2008 du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, Monsieur … fut condamné à une peine d’emprisonnement de neuf mois assortie du sursis intégral et à une amende, et il fut placé sous le régime du sursis probatoire pendant une durée de cinq ans avec l’obligation de suivre un traitement psychiatrique ou psychologique spécifique comprenant notamment des visites régulières et rapprochées et de justifier de ce traitement par des attestations régulières à communiquer tous les six mois au Parquet Général, suivi de l’exécution des peines, du chef d’avoir depuis un temps non prescrit en 2004 jusqu’au 15 février 2007, sciemment détenu des images, photographies et films à caractère pornographique impliquant et présentant des mineurs âgés de moins de 18 ans, en l’espèce d’avoir sciemment détenu un grand nombre de photos, images et séquences de films, à caractère pornographique impliquant et présentant des mineurs âgés de moins de 18 ans, enregistrés, d’une part, sur 19 CD/DVD et, d’autre part, sur 2 disques durs. Par un arrêt du 11 février 2009, la Cour d’appel déclara l’appel formé contre ce jugement par Monsieur … irrecevable pour cause de tardiveté.

Par une décision du 9 février 2010, le Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat, ci-après dénommé le « Conseil de discipline », prononça la sanction disciplinaire de la révocation à l’encontre de Monsieur …, au motif que celui-ci avait eu une conduite contraire à la loi pénale, aux bonnes mœurs ainsi qu’à la dignité attachée aux fonctions d’enseignant, qui était incompatible avec l’exercice des fonctions de professeur en contact journalier avec des enfants mineurs. Le Conseil de discipline retint encore que l’autorité d’un professeur avec de tels antécédents judiciaires risquait d’être mise en cause à tout moment et que sa mission éducative semblait définitivement vouée à l’échec au vu des actes qu’il avait commis de même que la réputation, voire la crédibilité de tout l’enseignement public se trouvait gravement menacée du moment que des enfants mineurs continuaient à être confiés à un enseignant qui a été condamné pour avoir détenu et visionné pendant des années du matériel pédopornographique et qui a ainsi agréé les violences, pour le moins psychiques et aux conséquences le plus souvent irrémédiables, exercées sur les mineurs mis en scène sur ces images et séquences pornographiques.

Par arrêté grand-ducal du 27 février 2010, Monsieur … fut révoqué de ses fonctions, avec effet à partir du 1er mars 2010, conformément à la décision précitée du Conseil de discipline.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 22 mars 2010, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de l’arrêté grand-ducal précité du 27 février 2010 et de la décision précitée du 9 février 2010 du Conseil de discipline.

Par requête séparée déposée le même jour et inscrite sous le numéro 26733 du rôle, l’intéressé a sollicité le sursis à l’exécution des deux décisions précitées. Par ordonnance du 26 mars 2010, le président du tribunal administratif a ordonné le sursis à l’exécution de la décision du 9 février 2010 du Conseil de discipline, telle qu’elle a été appliquée par un arrêté grand-ducal du 27 février 2010, conformément à l’article 70 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut des fonctionnaires de l’Etat, ci-après dénommée le « statut général », en attendant que le tribunal administratif se soit prononcé sur le mérite du recours au fond inscrit sous le numéro 26732 du rôle.

Quant à la décision du Conseil de discipline du 9 février 2010 L’article 54, paragraphe 2 du statut général prévoyant un recours au fond contre les décisions du Conseil de discipline prononçant une sanction disciplinaire à l’encontre d’un fonctionnaire, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal en ce qu’il est dirigé contre la décision du Conseil de discipline du 9 février 2010. Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

Le recours en réformation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, est également recevable dans cette mesure.

Quant au fond, le demandeur soutient que la sanction de la révocation prononcée à son encontre serait disproportionnée par rapport aux faits reprochés. En se prévalant de l’article 53 du statut général, aux termes duquel la sanction à prononcer se règle d’après la gravité de la faute commise, la nature et le grade des fonctions et les antécédents du fonctionnaire inculpé, le demandeur fait valoir qu’il n’aurait pas eu d’antécédents disciplinaires, qu’il aurait une ancienneté de service de onze années, qu’il n’aurait pas été suspendu de ses fonctions durant l’instruction disciplinaire, qu’il bénéficierait de la confiance de sa direction, qu’il serait apprécié comme enseignant méticuleux, qu’il aurait contesté les propos qui lui auraient été attribués par la police dans son procès-verbal, qu’il aurait contesté avoir consulté des sites pédopornographiques au contenu particulièrement violent dont des photos ont été versées au dossier, qu’il serait en aveu d’avoir consulté, voire collectionné des photos à caractère pédophile, mais qu’il aurait toujours contesté avoir eu un quelconque contact avec du matériel pédophile montrant des scènes dans lesquelles des enfants auraient été violés ou autrement maltraités, tout en reconnaissant que le fait d’enregistrer des enfants nus dans des poses plus ou moins explicites constituerait une violation grave des droits de l’enfant et de son intimité.

Il souligne encore qu’il n’aurait été à l’origine d’aucun fait concret et d’aucune tentative répréhensible envers des enfants. Ainsi, les faits pour lesquels il aurait été condamné au pénal témoigneraient plutôt d’un comportement personnel inadmissible, mais ils n’auraient eu aucune incidence directe ou indirecte sur des enfants dans le cadre de l’exercice de sa profession.

Le demandeur donne également à considérer qu’il se serait posé des questions sur son propre comportement et qu’après avoir consulté un psychologue … avant la rentrée scolaire 2006, il aurait cessé de consulter de tels sites internet, sans toutefois détruire le matériel en sa possession qui a été saisi par la police au cours de la perquisition.

Il estime par ailleurs que, dans l’appréciation de la gravité des faits, il conviendrait également de prendre en compte le fait qu’il aurait pu continuer à exercer sa profession durant trois ans sans le moindre scandale et sans que l’affaire devienne publique.

Enfin, le demandeur soutient que la sanction de la révocation aurait des conséquences très graves sur sa situation personnelle, en faisant valoir que l’exercice de sa profession d’enseignant de la langue … en dehors du cadre scolaire serait impossible. Par l’effet de la révocation, il ne perdrait non seulement son emploi, mais il se verrait contraint d’accepter un emploi pour lequel sa formation ne lui serait d’aucune utilité. Cette situation serait d’autant plus dramatique qu’il aurait contracté un prêt immobilier et un prêt mobilier, et qu’il se verrait ainsi contraint de vendre sa maison, perdant à la fois son emploi et son domicile, et se voyant exposé à l’opprobre public du fait d’être écarté du jour au lendemain de ses fonctions.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement s’est rapporté à prudence de justice en ce qui concerne la demande de réformation sinon d’annulation de la décision de révocation litigieuse.

Aux termes de l’article 10, paragraphe 1, alinéa 1er du statut général, « le fonctionnaire doit, dans l’exercice comme en dehors de l’exercice de ses fonctions, éviter tout ce qui pourrait porter atteinte à la dignité de ses fonctions ou à sa capacité de les exercer, donner lieu à scandale ou compromettre les intérêts du service public ».

En l’espèce, force est de constater que le demandeur ne conteste ni la réalité des faits reprochés, ni la matérialité de la violation de l’article 10, paragraphe 1 du statut général, mais il estime que la sanction de la révocation serait disproportionnée par rapport aux faits reprochés.

Aux termes de l’article 53, alinéa 1er du statut général, « l’application des sanctions se règle notamment d’après la gravité de la faute commise, la nature et le grade des fonctions et les antécédents du fonctionnaire inculpé ».

A cet égard, il convient de rappeler que dans le cadre du recours en réformation introduit contre une sanction disciplinaire, le tribunal est amené à apprécier la nature et la gravité des faits commis par l’agent en cause en vue de déterminer si la sanction prononcée par l’autorité compétente a un caractère proportionné et juste, en prenant notamment en considération la situation personnelle de l’agent et ses antécédents éventuels (cf. trib. adm. 1er juillet 1999, n° 10936 du rôle, Pas. adm. 2009, V° Fonction publique n° 232).

Il y a également lieu de rappeler que l’ancienneté de service et l’absence d’antécédents disciplinaires constituent des éléments qui doivent être pris en considération en vue de la détermination de la sanction disciplinaire appliquée (cf. Cour adm. 3 juillet 2008, n° 23915C du rôle, Pas. adm. 2009, V° Fonction publique, n° 236).

Il ressort des pièces du dossier que le demandeur, qui est professeur … au …, a été reconnu coupable, par un jugement du 15 mai 2008 du tribunal correctionnel de Luxembourg, devenu définitif, de l’infraction à l’article 384 du Code pénal pour avoir, depuis un temps non prescrit en 2004 jusqu’au 15 février 2007, sciemment détenu un grand nombre de photos, images et séquences de films, à caractère pornographique impliquant et présentant des mineurs âgés de moins de 18 ans, enregistrés, d’une part, sur 19 CD/DVD et, d’autre part, sur 2 disques durs. Il a été condamné, pour ces faits, à une peine d’emprisonnement de neuf mois assortie du sursis intégral et à une amende de 2.000 euros, et il a été placé sous le régime du sursis probatoire pendant une durée de cinq ans, avec l’obligation de suivre un traitement psychiatrique ou psychologique spécifique comprenant notamment des visites régulières et rapprochées et de justifier de ce traitement par des attestations régulières à communiquer tous les six mois au Parquet Général.

Il se dégage également des pièces du dossier que le demandeur a visionné sur internet des photographies, images et séquences de films à caractère pédopornographique mettant en scène des mineurs, qu’il a payé au moyen d’une carte de crédit pour accéder à ces sites internet et qu’il a gravé sur CD et sauvegardé sur son ordinateur privé des photographies ou des films à caractère pédopornographique.

Les faits ainsi commis par le demandeur, et pour lesquels il a été condamné pénalement, sont d’une gravité indéniable et sont à considérer comme faute disciplinaire au sens de l’article 10 du statut général, étant donné que le demandeur a commis des actes indignes de ses fonctions d’enseignant et, qui plus est, sont tout particulièrement de nature à donner lieu à scandale et à compromettre les intérêts de l’établissement scolaire dans lequel il exerce ses fonctions, voire ceux de l’enseignement scolaire dans son ensemble.

Cette conclusion n’est pas énervée par la circonstance invoquée par le demandeur que le matériel pornographique à caractère pédophile saisi par la police à son domicile ne comportait pas d’images impliquant des violences sexuelles ou d’autres maltraitances envers des mineurs. En effet, ce constat ne saurait en rien atténuer la gravité de la faute et le caractère répréhensible des actes du demandeur, dans la mesure où le simple fait de consulter des sites internet à caractère pédopornograhique constitue une grave violation des droits de l’enfant, dès lors qu’un tel comportement témoigne de l’acceptation de l’exploitation sexuelle de mineurs et contribue à favoriser la diffusion de telles images sur internet.

Par ailleurs, si le demandeur a affirmé avoir cessé de consulter ces sites à partir de la rentrée scolaire de l’année 2006, il n’en demeure pas moins qu’il avait gardé le matériel pornographique à caractère pédophile imprimé ou enregistré sur support informatique et qui a finalement été confisqué par la police judiciaire lors de la perquisition au domicile du demandeur en date du 15 février 2007.

S’il est encore vrai que les faits répréhensibles ont été commis par le demandeur en dehors du cadre scolaire, dans l’intimité de sa vie privée, cette circonstance ne saurait atténuer la gravité de la faute, eu égard à la nature particulière des fonctions du demandeur qui est professeur … dans un lycée, et partant en contact journalier avec des mineurs. En effet, les faits reprochés, bien que commis en dehors du service, sont incompatibles avec les exigences et la dignité attachées à la fonction d’enseignant qui doit donner l’exemple à ses élèves et dont la réputation et l’autorité risquent ainsi d’être affectées par son comportement privé. S’y ajoute que la nature du délit et la condamnation pénale du demandeur sont hautement susceptibles de donner lieu à scandale et de compromettre les intérêts de l’établissement scolaire dans lequel il exerce ses fonctions voire ceux de l’enseignement scolaire dans son ensemble.

Cela étant dit, il ne se dégage toutefois pas des éléments du dossier que les faits reprochés au demandeur ont donné lieu à une publicité quelconque, mais qu’au contraire seul un nombre restreint de personnes semble, d’après les éléments du dossier, être au courant de la condamnation pénale et de la procédure disciplinaire dont le demandeur a fait l’objet, de sorte que la réputation du service public de l’éducation nationale n’a, du moins pour le moment, pas été excessivement atteinte.

Il ressort également des pièces du dossier que le demandeur n’a pas été suspendu de ses fonctions, ni durant l’instruction judiciaire ni durant l’instruction disciplinaire, qu’il bénéficie du soutien de la direction de son lycée et de ses collègues professeurs, ainsi qu’en témoignent les lettres de soutien versées en cause par le demandeur, qui reconnaissent par ailleurs que celui-ci a effectué son travail avec sérieux et compétence.

Quant au travail psychothérapique engagé par le demandeur depuis l’ouverture de l’instruction judiciaire, celui-ci produit à l’appui de son recours trois expertises élaborées à sa demande par un psychologue et deux psychiatres qui arrivent tous les trois en substance à la conclusion que le risque dans le chef du demandeur quant à un passage à l’acte est négligeable, respectivement qui lui reconnaissent son aptitude à continuer à exercer le métier d’enseignant.

Ainsi, le Dr …, Facharzt für Neuro-Psychiatrie, dans son expertise du 4 juillet 2007, conclut ce qui suit :

« Zusammenfassend kann man festhalten :

o dass der pedophile Anteil der Sexualität des Untersuchten gewissermaßen einen kleinen, bisher geheimen Anteil seiner Sexualität darstellt.

o Man kann bei Herrn … nicht die Kriterien einer typischen sexuellen Devianz vorfinden.

o Aus medizinischen Gründen wird eine psychiatrische oder psychologische Therapie empfohlen, zur Aufarbeitung dieser Problematik und zur Reduktion ihres Stellenwertes.

o Man kann aufgrund der vorliegenden Befunde und Unterlagen nicht davon ausgehen, dass der Untersuchte eine Gefährdung für die Öffentlichkeit darstellt und dass sexuelle Übergriffe zu erwarten sind.

o Da die Neigung des Untersuchten sich auf seine intime Privatsphäre begrenzte, erscheint auch keine zwingende Inkompatibilität, im Bezug auf die weitere Ausübung des Lehrerberufes, vorzuliegen.

o Dies unter der Auflage einer Therapie und dem Einsetzen in höheren Schulklassen. » Dans son certificat du 4 juillet 2007, le Dr …, psychiatre, arrive à la conclusion suivante :

« L'inspection, le contact, les entretiens que nous avons eus avec le patient, de même que nos expérience et sens cliniques, nous font affirmer que le patient n'a pas de pratiques ni d'appétence pédophiliques en dehors de la toile virtuelle, qui a sa propre dynamique.

Nous pensons donc que le risque de passage à l'acte « réel » est négligeable et que Monsieur … est apte, psychiquement et moralement, à continuer son métier d'enseignant. » Monsieur …, psychologue clinicien hospitalier et psychothérapeute, conclut ce qui suit dans son rapport d’expertise du 14 septembre 2007 :

« Abschließend kann hier die fast gänzliche Übereinstimmung mit dem psychiatrischen Gutachten festgehalten werden, bis vielleicht auf die absolute Notwendigkeit einer Therapie.

In Wirklichkeit handelt es sich nämlich in dem vorliegenden Fall bei den zur Tatlast gelegten Anschuldigungen um Ausuferungen neurotischer Phantasien, die üblicherweise und unserem Erachten nach keinen Übergang in die Realität finden.

Die psychopathologische Diagnose lautet auf eine histrionische Persönlichkeitsstruktur, ohne dass diese im Sinne einer Persönlichkeitsstörung vorläge, wie sie die WHO definiert.

Eine Paraphilie ist nicht diagnostiziert worden. Dementsprechend und ausgehend von den vorherigen Ergebnissen ist die Kriminalprognose als sehr günstig einzustufen, sprich ein Delikt eher unwahrscheinlich. » Enfin, il y a encore lieu de relever que la date d’entrée en service du demandeur se situe au 1er janvier 1999, de sorte qu’il peut faire valoir une ancienneté de service de presque douze années, ainsi que l’absence d’antécédents disciplinaires dans son chef.

Au vu de tous ces éléments, le tribunal est amené à retenir que les faits dont la gravité, eu égard plus particulièrement à la fonction d’enseignant du demandeur se voyant confier quotidiennement des mineurs, vient d’être retenue, est incompatible avec le maintien du demandeur dans ses fonctions de professeur, alors qu’elle affecte nécessairement la confiance que l’Etat doit pouvoir avoir dans ses enseignants. Néanmoins, eu égard à l’absence d’antécédents disciplinaires, eu égard au fait, tel que cela se dégage des lettres de soutien de collègues de travail et de la direction de son établissement, que le travail d’enseignant du demandeur n’est pas sujet à critiques, eu égard au fait que même si les faits répréhensibles sont de nature à donner lieu à scandale et à porter atteinte à la renommée de l’établissement scolaire, il n’y a de facto pas eu de scandale, et enfin eu égard aux efforts réalisés par le demandeur pour suivre une psychothérapie et au pronostic favorable de ses médecins, le tribunal est amené à retenir que la sanction de la révocation retenue par le Conseil de discipline est disproportionnée.

Partant, il y a lieu de réformer la décision du Conseil de discipline et d’ordonner le déplacement du demandeur consistant en un changement de service, de fonction d’attribution ou d’affectation excluant à l’avenir toute activité le mettant en contact avec des mineurs.

Quant à l’arrêté grand-ducal du 27 février 2010 Conformément à l’article 52 du statut général « l'autorité de nomination est tenue d'appliquer la sanction disciplinaire conformément à la décision du Conseil de discipline visée à l’article 70 [du statut général] (…) ».

L’arrêté grand-ducal déféré du 27 février 2010 s’analyse ainsi en une décision d’application de la sanction disciplinaire prise conformément à la décision du Conseil de discipline du 9 février 2010.

Aux termes de l’article 54, paragraphe 2 du statut général, « en dehors des cas où le Conseil de discipline statue en appel, le fonctionnaire frappé d’une sanction disciplinaire prononcée par le Conseil de discipline ou suspendu conformément à l’article 48, paragraphe 1er, peut, dans les trois mois de la notification de la décision, prendre recours au Tribunal administratif qui statue comme juge du fond. Le même droit de recours appartient au Gouvernement qui l’exerce par l’intermédiaire du délégué visé à l’article 59, alinéa 3. Les recours du fonctionnaire intéressé et du délégué du Gouvernement sont obligatoirement dirigés contre la décision du Conseil de discipline ».

Il se dégage de la disposition précitée que le recours en réformation y prévu vise uniquement la décision prononcée par le Conseil de discipline et non pas l’arrêté de l’autorité de nomination qui ne fait qu’exécuter la décision prise par ledit conseil.

Aucun recours en réformation n’étant prévu contre l’arrêté d’application de la sanction disciplinaire pris par le Grand-duc, seul un recours en annulation a pu être introduit contre l’arrêté litigieux du 27 février 2010.

Il s’ensuit que le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en réformation introduit contre l’arrêté ministériel du 27 février 2010.

Le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire est recevable pour avoir par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi.

S’il est certes exact que le demandeur n’a formulé aucun moyen d’annulation spécifique à l’encontre de l’arrêté grand-ducal, il n’en reste pas moins que ledit arrêté suit le sort de la décision du Conseil de discipline qui a été réformée, étant donné que l’arrêté de révocation ne constitue que la décision d’exécution de la décision prise par le Conseil de discipline.

L’autorité de nomination étant tenue d’appliquer la sanction disciplinaire conformément à la décision du Conseil de discipline, son pouvoir décisionnel en la matière relève en effet d’une compétence liée en ce sens qu’elle ne dispose d’aucune marge d’appréciation par rapport à la sanction disciplinaire qui sera appliquée.

Dans la mesure où la sanction de la révocation vient d’être réformée et remplacée par celle du déplacement, l’arrêté grand-ducal du 27 février 2010 encourt l’annulation pour absence de fondement juridique.

Quant aux frais Alors même que la sanction prononcée par le Conseil de discipline vient d’être réformée et remplacée par une sanction moins sévère, il n’en demeure pas moins que le principe d’une sanction disciplinaire demeure vérifié, de sorte qu’il y a lieu de faire masse des frais et de les imposer pour moitié à chacune des parties.

Quant à l’effet suspensif Dans son mémoire en réplique, le demandeur a encore sollicité le bénéfice de l’effet suspensif du recours pendant le délai et l’instance d’appel au vu de ce que l’ordonnance présidentielle précitée du 26 mars 2010 n’a accordé le sursis à l’exécution des décisions litigieuses que jusqu’au jugement à intervenir au fond et au vu de ce que l’absence d’exécution provisoire du jugement à intervenir, s’il était frappé d’appel remettrait en vigueur l’arrêté grand-ducal du 27 février 2010.

Aux termes de l’article 35 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, si l’exécution de la décision attaquée risque de causer au demandeur un préjudice grave et définitif, le tribunal peut, dans un jugement tranchant le principal, ordonner l’effet suspensif du recours pendant le délai et l’instance d’appel.

La condition tenant au risque du préjudice grave et définitif, susceptible d’être causé au demandeur à travers les décisions déférées au tribunal, telle qu’énoncée par l’article 35 précité, se trouve remplie en l’espèce, étant donné que les effets de l’ordonnance précitée du président du tribunal administratif du 26 mars 2010 cessent au moment où les juges du fond tranchent le litige au principal et que l'exécution de la sanction de la révocation querellée risque de causer au demandeur un préjudice grave et définitif.

Il convient dès lors d’ordonner l’effet suspensif du présent recours pendant le délai et l’instance d’appel.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit en ordre principal pour autant qu’il vise la décision du Conseil de discipline ;

au fond, le dit justifié et, par réformation de la décision du Conseil de discipline du 9 février 2010, prononce à l’encontre de Monsieur … la sanction disciplinaire prévue à l’article 47, point 4 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, à savoir le déplacement consistant dans un changement de service, de fonction, d’attribution ou d’affectation excluant à l’avenir toute activité le mettant en contact avec des mineurs ;

dit qu’il n’y pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation dirigé contre la décision du Conseil de discipline ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal pour autant qu’il vise l’arrêté grand-ducal du 27 février 2010 ;

reçoit en la forme le recours subsidiaire en annulation dirigé contre l’arrêté grand-

ducal du 27 février 2010 ;

au fond, le dit justifié, partant annule l’arrêté grand-ducal du 27 février 2010 ;

renvoie le dossier pour exécution au ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle ;

ordonne l’effet suspensif du présent recours durant le délai et l’instance d’appel ;

fait masse des frais et les impose pour moitié à chacune des parties.

Ainsi jugé par :

Martine Gillardin, vice-président, Françoise Eberhard, premier juge, Annick Braun, juge, et lu à l’audience publique du 15 décembre 2010 par le vice-président, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Martine Gillardin Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 16.12.2010 Le Greffier du Tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 26732
Date de la décision : 15/12/2010

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2010-12-15;26732 ?

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