La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/11/2010 | LUXEMBOURG | N°26423

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 novembre 2010, 26423


Tribunal administratif N° 26423 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 décembre 2009 2e chambre Audience publique du 15 novembre 2010 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière d’autorisation de séjour

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 26423 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 décembre 2009 par Maître Olivier Lang, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à â€

¦ (Libéria), de nationalité libérienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’u...

Tribunal administratif N° 26423 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 décembre 2009 2e chambre Audience publique du 15 novembre 2010 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière d’autorisation de séjour

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 26423 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 décembre 2009 par Maître Olivier Lang, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Libéria), de nationalité libérienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l'Immigration du 7 septembre 2009, lui refusant l’autorisation de séjour sollicitée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 mars 2010;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Maître Nuria Zurita Peralta, en remplacement de Maître Olivier Lang, et Madame le délégué du gouvernement Claudine Konsbrück en leurs plaidoiries respectives;

Après avoir été définitivement débouté par arrêt de la Cour administrative du 22 avril 2008 (n° 23711C du rôle) de sa demande en obtention d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires, Monsieur … fit introduire par courrier de son mandataire du 9 juin 2009 auprès du ministre des Affaires Etrangères et de l’Immigration une demande tendant à obtenir principalement une autorisation de séjour et subsidiairement une tolérance au sens de l’article 22 (2) de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection.

Par décision du 7 septembre 2009, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, entretemps en charge du dossier, ci-après dénommé « le ministre », refusa de faire droit à cette demande, ladite décision étant motivée comme suit :

« En mains votre courrier du 9 juin 2009 réceptionné par nos services en date du 21 juillet 2009 dans lequel vous sollicitez une autorisation de séjour sinon une tolérance pour le compte de votre mandant.

Après avoir procédé à l'examen du dossier de votre mandant conformément à l'article 103 de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et de l'immigration, je suis toutefois au regret de vous informer que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande d'autorisation de séjour. En effet, votre mandant ne fait pas état de motifs humanitaires d'une exceptionnelle gravité tels que prévus à l'article 78(1) d) de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration justifiant une autorisation de séjour au Luxembourg. L'absence de liens au Libéria et un certain degré d'intégration au Luxembourg ne pourront pas être considérés comme « de motifs humanitaires d'une exceptionnelle gravité ».

Si vous entendez invoquer un droit de séjour en tant que travailleur salarié sinon pour raisons d'ordre privé conformément à l'article 38 de la prédite loi du 29 août 2008, je me permets de vous rappeler qu'une demande en autorisation de séjour doit selon l'article 39 (1), introduite par le ressortissant d'un pays tiers auprès du ministre, être favorablement avisée avant l'entrée sur le territoire luxembourgeois. Or, comme tel n'est pas le cas en espèce, toute demande en ce sens doit être déclarée irrecevable.

La présente décision est susceptible d'un recours en annulation devant le Tribunal administratif. Ce recours doit être introduit par requête signée d'un avocat à la Cour dans un délai de trois mois à partir de la notification de la présente. Le recours n'est pas suspensif.

Cependant, j'ai décidé de d'accorder (sic) une tolérance provisoire à votre mandant en vertu de l'article 22 de la loi modifiée du 5 mai 2008 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection alors que l'exécution matérielle de son éloignement s'avère actuellement impossible en raison de circonstances de fait indépendantes à (sic) sa volonté.

Cette tolérance provisoire sera valable jusqu'au 30 septembre 2010. Je tiens à attirer votre attention sur le fait que la situation de votre mandant fera l'objet de réévaluations régulières et que la tolérance pourra être révoquée à tout moment lorsque l'exécution du rapatriement sera devenue matériellement possible.

(…) » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 21 décembre 2009, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation à l’encontre de la décision ministérielle précitée du 7 septembre 2009.

Dans la mesure où aucune disposition légale n’instaure un recours au fond en matière de refus d’autorisation de séjour, seul un recours en annulation a pu être valablement introduit, ledit recours en annulation étant recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur fait exposer qu’il serait de confession religieuse chrétienne, né au Libéria où il aurait vécu jusqu’à l’âge de 6 ans. En 1990, au moment de l’éclatement de la guerre civile, il aurait fui le pays avec sa mère pour se réfugier au Nigéria. Là, il y aurait exercé la profession de footballeur mais aurait été régulièrement victime d’agressions physiques au cours des matchs de football en raison de ses origines libériennes. C’est aussi à cette époque-là que se serait propagée dans le Nord du pays la loi islamique de la charia, forçant le demandeur et sa mère à se réfugier dans un camp pour catholiques après l’éclatement de violents affrontements interconfessionnels. Il aurait ensuite 2décidé de rentrer au Nigéria pour poursuivre sa carrière de joueur de football professionnel et y retrouver son père qui aurait cependant été assassiné avant son retour. Il se serait alors retrouvé tout seul et démuni dans son pays d’origine, au milieu des conflits armés qui auraient opposé les forces gouvernementales et le groupe des rebelles des … Il aurait reçu l’assistance des militaires de l’ECOMOG pour organiser sa fuite vers l’Europe en bateau. Il serait alors arrivé au Luxembourg et y aurait présenté une demande d’asile en date du 16 octobre 2003 qui aurait été définitivement rejetée en 2006. Le demandeur fait également valoir qu’il aurait perdu tout lien tant avec le Nigéria qu’avec le Libéria mais qu’il aurait eu un comportement exemplaire depuis son arrivée au Luxembourg où il se serait intégré, notamment, en apprenant le luxembourgeois, aurait développé de nombreuses relations amicales et des liens sociaux très solides, aurait intégré plusieurs équipes de football luxembourgeoises, aurait pratiqué régulièrement du sport, se serait impliqué dans des projets à caractère caritatif et aurait aidé le pasteur de l’église évangélique de Luxembourg à participer à sa mission pastorale et d’évangélisation.

En droit, le demandeur conteste d’abord la légalité externe de la décision attaquée en ce qu’il fait valoir que ladite décision devrait encourir l’annulation pour avoir été prise triplement en violation de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après dénommé « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », dans la mesure où cette décision premièrement ne répondrait pas aux motifs de la demande d’autorisation de séjour qui se baserait sur les articles 3 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), deuxièmement ne serait pas conforme à l’article 103 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après dénommée « la loi du 29 août 2008 » qui exigerait que le ministre ne se limite pas, comme ce serait le cas dans ladite décision, à reproduire « des formules générales et abstraites prévues par la loi, de manière lapidaire et aucunement circonstanciée », mais à affirmer qu’il aurait « procédé au réexamen du dossier de votre mandante notamment sur base de l’article 103 » » et troisièmement ne serait pas conforme à l’article 101 de la loi du 29 août 2008 également pour défaut de motivation.

Le délégué du gouvernement affirme que le ministre aurait respecté tant la loi que les formes destinées à protéger les intérêts privés dans le cadre de l’élaboration de la décision.

Selon lui, le ministre se serait conformé au prescrit de l’obligation de motivation prévue à l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 en ayant indiqué dans sa décision qu’après avoir procédé à l’examen du dossier conformément à l’article 103 de la loi du 29 août 2008, il n’aurait pas été en mesure de réserver une suite favorable à la demande d’autorisation de séjour au motif que le demandeur ne ferait pas état de motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité tels que prévus à l’article 78 (1) d) de la loi du 29 août 2008. Selon le délégué du gouvernement, en refusant de délivrer une attestation de séjour, le ministre aurait respecté tant le prescrit des articles 3 et 8 CEDH que de l’article 101 de la loi du 29 août 2008.

Dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice sinon de la logique inhérente aux éléments de fait et de droit touchés par les moyens soulevés, le tribunal n’est pas tenu de suivre l’ordre dans lequel les moyens sont présentés par une partie demanderesse mais peut les traiter suivant un ordre différent1.

.

1 Trib. adm., 16 décembre 2004, n° 18075 du rôle, Pas. adm. 2009, v° Procédure contentieuse, n° 362 Quant au moyen ayant trait à la légalité externe de la décision pris en son premier volet relatif à la violation par la décision de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 en ce que cette décision ne répondrait pas aux dispositions invoquées par le demandeur, à savoir les articles 3 et 8 CEDH, le tribunal constate que s’il est vrai que la décision déférée rejette la demande d’autorisation de séjour du demandeur en se fondant sur les articles 103 et 78 ainsi que 38 de la loi du 29 août 2008 et non sur les articles 3 et 8 CEDH tels qu’invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande, il n’en reste pas moins que le tribunal ne peut se rallier à l’argument du demandeur selon lequel l’absence de réponse du ministre sur ces dits articles équivaudrait à un défaut de motivation. En effet, le tribunal relève que le ministre, en se fondant sur les articles 103 et 78 ainsi que 38 de la loi du 29 août 2008 pour rejeter la demande, répond de la sorte à l’obligation d’indiquer formellement les motifs « par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base… » lui imposée par l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 sans qu’il ait pour autant besoin de motiver sa décision sur base des dispositions légales invoquées par le demandeur. En tout état de cause, le tribunal constate que le ministre a, au plus tard, répondu aux développements du demandeur sur base des articles 3 et 8 CEDH au cours de la procédure contentieuse, démarche qui s’inscrit dans l’interprétation que la Cour administrative fait de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 dans son arrêt du 20 octobre 20092, lorsqu’elle retient que « par souci de protéger les intérêts bien compris du justiciable » il appartiendrait plutôt au juge de la légalité, statuant en matière d’annulation, de permettre à l’administration de produire ou de compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois pendant la phase contentieuse.

Le moyen est partant à rejeter en son premier volet.

Quant au moyen ayant trait à la légalité externe de la décision pris en son deuxième volet relatif à la violation par la décision de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 en ce que le ministre se serait limité à « reproduire des formules générales et abstraites prévues par la loi, de manière lapidaire et aucunement circonstanciée » au lieu d’avoir procédé à l’examen du dossier en application de l’article 103 de la loi du 29 août 2008, force est au tribunal de constater que ce moyen n’a pas trait à la légalité externe de la décision qui doit respecter le prescrit de l’article 6 précité imposant à l’autorité administrative d’indiquer sommairement les motifs légaux sur lesquels sa décision repose étant donné que cette formalité a bien été respectée en l’espèce par l’indication par le ministre d’avoir procédé « au réexamen du dossier » (sic) sur base de l’article 103 de la loi du 29 août 2008. En effet, ce moyen a en fait trait à la légalité interne de l’acte puisque cette disposition légale impose au ministre de tenir compte de certains éléments énumérés par lui avant qu’une décision puisse être prise et sera examiné ci-après dans la partie ayant trait à la légalité interne de la décision.

Le moyen est partant à rejeter en son deuxième volet.

Enfin, quant au moyen tiré de la violation de la légalité externe de la décision pris en son troisième volet relatif à la violation par la décision de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 en ce que le demandeur soutient que le ministre se serait abstenu de motiver sa décision au regard de l’article 101 (1) de la loi du 29 août 2008 voire aurait rectifié, en phase contentieuse, la base légale du refus d’autorisation de séjour en tentant de le justifier par l’un des critères énumérés à l’article 101 (1) ou à l’article 100 de la même loi, il échet de rappeler 2 Cour adm. 20 octobre 2009, N° 25783C du rôle tout d’abord que l’article 101 dispose que « (1) L’autorisation de séjour du ressortissant de pays tiers peut lui être refusée ou son titre de séjour peut être refusé ou retiré ou refusé d’être renouvelé:

1. s’il ne remplit pas ou plus les conditions fixées à l’article 38 et celles prévues pour chaque catégorie dont il relève ou s’il séjourne à des fins autres que celle pour laquelle il a été autorisé à séjourner;

2. s’il est considéré comme un danger pour l’ordre public, la sécurité publique ou la santé publique;

3. s’il appert qu’il a fabriqué, contrefait, falsifié ou altéré un document de voyage, une autorisation ou un titre de séjour, a fait usage d’un autre document de voyage ou de séjour que celui lui appartenant ou a remis ses documents à une autre personne pour qu’elle en fasse un usage quelconque;

4. s’il a fait usage d’informations fausses ou trompeuses ou s’il a recouru à la fraude ou à d’autres moyens illégaux, soit pour entrer et séjourner sur le territoire, soit pour y faire entrer ou y faire séjourner une tierce personne;

5. s’il est condamné et poursuivi à l’étranger pour crime ou délit donnant lieu à extradition conformément à la loi et aux traités en la matière;

6. s’il se trouve dans l’hypothèse prévue à l’article 118. ».

Force est en l’espèce de constater que la décision ministérielle en ce qu’elle indique « Si vous entendez invoquer un droit de séjour en tant que travailleur salarié sinon pour raisons d'ordre privé conformément à l'article 38 de la prédite loi du 29 août 2008, je me permets de vous rappeler qu'une demande en autorisation de séjour doit selon l'article 39 (1), introduite (sic) par le ressortissant d'un pays tiers auprès du ministre, être favorablement avisée avant l'entrée sur le territoire luxembourgeois. Or, comme tel n'est pas le cas en espèce, toute demande en ce sens doit être déclarée irrecevable », vise comme motif de refus de séjour tel que prévu à l’article 101 (1) point 1 de la loi du 29 août 2008, certes sans faire référence de manière spécifique à cet article, le fait qu’en l’espèce les conditions fixées à l’article 38 de la loi du 29 août 2008 ne sont pas remplies, de sorte qu’eu égard à la référence faite par ledit article 101 à l’article 38 précité tel que relevé ci-dessus, le ministre a bien rempli l’obligation d’indiquer formellement les motifs « par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base… » lui imposée par l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979. En tout état de cause, le tribunal constate que le ministre a, au plus tard, au cours de la phase contentieuse, complété les motifs de la décision sous revue en faisant une référence expresse à l’article 101 de la loi du 29 août 2008 et en relevant, en l’espèce, le fait que les conditions fixées à l’article 38 de la loi du 29 août 2008 ne sont pas remplies, conformément à l’interprétation que la Cour administrative fait de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 dans son arrêt du 20 octobre 20093.

Le moyen est partant à rejeter en son troisième volet.

Quant à la légalité interne de la décision déférée, le demandeur invoque tout d’abord à l’appui de son recours la violation de l’article 101 de la loi du 29 août 2008 au motif que le ministre aurait justifié le refus d’autorisation de séjour en invoquant le non respect des conditions requises à l’article 39 alors que, selon le demandeur, l’article 101 énumérerait 3 Cour adm., 20 octobre 2009, N° 25783C du rôle limitativement les causes de refus de délivrance d’une autorisation de séjour et ne viserait pas l’article 39.

Force est au tribunal de constater que s’il est incontestable que l’article 101 énumère limitativement les causes de refus - voire de retrait - d’une autorisation de séjour, le point 1 de son premier paragraphe fait notamment référence au non respect des conditions de l’article 38 comme cause de refus, à savoir principalement l’exigence de la détention d’une autorisation de séjour, qui est elle-même délivrée dans les conditions fixées à l’article 39, à savoir cette autorisation de séjour doit obligatoirement être chronologiquement délivrée par l’autorité compétente avant l’entrée du demandeur sur le territoire. Le tribunal en déduit qu’en invoquant le non-respect dudit article 39 comme cause de refus de délivrance de l’autorisation de séjour, le ministre qui a, de la sorte, visé les modalités d’obtention de ladite autorisation au lieu de viser l’article 38 dont les conditions d’application sont notamment fixées à l’article 39, et qui ne sont, par ailleurs, pas remplies en l’espèce, a fait un raccourci intellectuel et a omis de préciser une étape de son raisonnement.

Le tribunal constate qu’il n’en reste pas moins que cette omission a été réparée au plus tard au cours de la phase contentieuse en ce que le délégué du gouvernement a indiqué dans son mémoire en réponse « Par ailleurs, l’article 101 (1) disposant que […], et le requérant ne remplissant en effet pas lesdites conditions de l’article 38 (1) – à raison d’aucune des catégories mais plus particulièrement de celle de l’article (1) g) – l’article 101 a partant été parfaitement respecté par le ministre » de sorte que le moyen laisse d’être fondé.

Quant à la légalité interne de la décision déférée, le demandeur invoque encore à l’appui de son recours la violation de l’article 103 de la loi du 29 août 2008 au motif que le ministre n’aurait pas tenu compte des critères énoncés à cet article ni avant la prise de décision déférée ni à aucun autre moment. Le demandeur reproche également au ministre de n’avoir pris en considération les circonstances ayant trait à l'absence de liens avec le Libéria et à un certain degré d'intégration au Luxembourg uniquement dans le cadre de l’examen des « motifs humanitaires d'une exceptionnelle gravité » au regard de l'article 78 (1) d) de la loi du 29 août 2008 et non au regard de l’article 103 de cette même loi alors que cet article imposerait au ministre de tenir compte, avant de refuser une autorisation de séjour à un demandeur, de la durée de son séjour, de son âge, de son état de santé, de sa situation familiale et économique, de son intégration sociale et culturelle au pays et de l'intensité de ses liens avec le pays d'origine. Le demandeur critique enfin le ministre d’avoir utilisé la formulation lapidaire et aucunement circonstanciée suivante : « après avoir procédé au réexamen du dossier de votre mandant conformément à l'article 103 de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation et l'immigration, je suis toutefois au regret de vous informer que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande d'autorisation de séjour» sans que le ministre n'ait aucunement cherché à connaître, ni, a fortiori, à examiner les éléments prescrits audit l'article 103 de la loi avant de prendre la décision attaquée et qu’il aurait, ainsi, ignoré les arguments développés par le demandeur quant à sa situation familiale et l’absence d’intensité de ses liens avec son pays d'origine.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre aurait fait une juste application de cet article et que ce moyen serait à rejeter.

L’article 103 de la loi du 29 août 2008 dispose en son alinéa 1er qu’« avant de prendre une décision de refus de séjour, de retrait ou de non-renouvellement du titre de séjour ou une décision d’éloignement du territoire à l’encontre du ressortissant de pays tiers, le ministre tient compte notamment de la durée du séjour de la personne concernée sur le territoire luxembourgeois, de son âge, de son état de santé, de sa situation familiale et économique, de son intégration sociale et culturelle dans le pays et de l’intensité de ses liens avec son pays d’origine, sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public ou la sécurité publique ».

Cette disposition énonce certes une obligation générale de prendre en considération un ensemble de circonstances personnelles de la personne concernée, notamment avant la prise d’une décision de refus de délivrer une autorisation de séjour comme en l’espèce, mais ne prévoit pas l’obligation pour le ministre de relater en détail la démarche qu’il est amené à faire au regard des éléments qu’il est tenu de vérifier suivant la disposition légale sous revue, encore qu’une indication exhaustive de cette démarche dans la décision de refus de séjour corresponde à une façon idéale de procéder dans le chef du ministre, étant entendu qu’il suffit mais qu’il faut que la démarche du ministre, compte tenu des exigences de l’article 103, soit retraçable au plus tard au niveau du contrôle juridictionnel afférent à opérer4.

En réponse au moyen soulevé par le demandeur dans sa requête quant à l’absence de retraçabilité de la démarche du ministre dans le cadre de l’application de l’article 103 précité au niveau du dossier administratif, la partie étatique répond dans son mémoire en réponse ce qui suit : « Force est de constater qu’en l’espèce, alors que la décision de refus l’évoque explicitement, le tribunal dispose très clairement non seulement d’une indication, mais de la preuve que le ministre a procédé à l’examen prévu par l’article 103. Il n’y a dès lors pas lieu de douter de la conformité à la loi de la décision de refus du ministre et l’argument du requérant est à rejeter pour manquer de tout fondement. ».

Force est toutefois au tribunal de constater qu’il ne ressort d’aucun des éléments mis à sa disposition que ce soit dans le cadre du dossier administratif ou au plus tard dans la phase contentieuse que l’examen des conditions posées à l’article 103, à savoir un ensemble de circonstances personnelles inhérentes à la personne concernée, ait été fait in concreto par le ministre, lequel s’en est tenu à la simple affirmation stéréotypée, standardisée et non autrement précisée ou circonstanciée que cet examen avait eu lieu mettant ainsi le tribunal dans l’impossibilité de retracer sa démarche afin de vérifier le caractère légal et réel des motifs à l’appui de la décision ministérielle face aux contestations du demandeur, de vérifier si les faits à la base de ladite décision sont établis et si la mesure administrative prise à l’égard du demandeur est valablement justifiée et proportionnée au regard des prescriptions de l’article 103 en question.

Il s’ensuit que la décision ministérielle déférée encourt l’annulation pour violation de l’article 103 de la loi du 29 août 2008.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties reçoit le recours en annulation en la forme;

4 Cour adm. N° 26955C du rôle au fond, le dit justifié;

partant annule la décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 7 septembre 2009 refusant à Monsieur … l’autorisation de séjour sollicitée ;

renvoie le dossier en prosécution de cause audit ministre ;

donne acte au demandeur de ce qu’il déclare bénéficier de l’assistance judiciaire ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par :

Marc Feyereisen, président, Carlo Schockweiler, premier vice-président, Anne Gosset, juge, et lu à l’audience publique du 15 novembre 2010 par le président, en présence du greffier Patricia Rego.

s.Rego s. Feyereisen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 17 novembre 2010 Le Greffier du Tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 26423
Date de la décision : 15/11/2010

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2010-11-15;26423 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award