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27/10/2010 | LUXEMBOURG | N°27259

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 octobre 2010, 27259


Tribunal administratif Numéro 27259 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 août 2010 3e chambre Audience publique du 27 octobre 2010 Recours formé par Monsieur …, contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 27259 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 août 2010 par Maître Michel Karp, avocat à la Cour, inscrit au tablea

u de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Kosovo), de nat...

Tribunal administratif Numéro 27259 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 août 2010 3e chambre Audience publique du 27 octobre 2010 Recours formé par Monsieur …, contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 27259 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 août 2010 par Maître Michel Karp, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Kosovo), de nationalité kosovare, demeurant actuellement à L-…, tendant, d’une part, à l’annulation sinon à la réformation d’une décision du 6 août 2010, qualifiée erronément comme émanant du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, mais ayant en réalité été prise par le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, portant rejet de sa demande de protection internationale et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 septembre 2010 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Fanny Gilliers, en remplacement de Maître Michel Karp, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries respectives.

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Le 4 mai 2010, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée « loi du 5 mai 2006 ».

Le même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur son identité et sur l’itinéraire de voyage suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

Il fut encore entendu en date du 9 juillet 2010 par un agent du ministère des Affaires étrangères, Direction de l’Immigration, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 6 août 2010, notifiée par lettre recommandée le 9 août 2010, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ci-après dénommé « le ministre », informa l’intéressé que sa demande de protection internationale avait été rejetée comme non fondée. Cette décision est libellée comme suit :

« J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentée auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères en date du 4 mai 2010.

En application de la loi précitée, votre demande de protection internationale a été évaluée par rapport aux conditions d'obtention du statut de réfugié et du statut conféré par la protection subsidiaire.

En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 4 mai 2010 et le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères du 9 juillet 2010.

Il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire que vous auriez quitté le Kosovo en date du 25 avril 2010 et qu'un passeur vous aurait conduit jusqu'au Luxembourg. Votre passeport se trouverait au Kosovo.

Vous déclarez aussi que la police allemande vous aurait appréhendé il y aurait 6 ou 7 mois. Néanmoins, vous ne seriez pas répertorié dans le « Ausländerzentralregister ». Vous seriez retourné de votre propre gré dans votre pays d'origine.

Il résulte de vos déclarations que vous appartiendriez à l'ethnie des albanais et que vous auriez vécu en dernier lieu dans le quartier des bosniaques dans le Nord de Mitrovica. Comme vous auriez fait des études à Mitrovica, vous auriez quitté votre village natal de Zaselle afin de ne pas devoir faire les déplacements. Vous expliquez que vous auriez été en possession d'un passeport et d'une carte d'identité de l'UNMIK, mais vous auriez dû remettre ces documents lorsque vous auriez fait la demande pour obtenir de nouveaux documents d'identité. Vous disposez d'un permis de conduire établi par l'UNMIK délivré le 22 septembre 2005 et qui a expiré en date du 18 novembre 2008.

Comme le Luxembourg vous plairait, vous auriez déjà eu l'intention de venir au Luxembourg il y a 7 mois, mais vous auriez été arrêté en Allemagne. Vous seriez ensuite resté un jour en Allemagne et vous auriez pris le bus pour retourner au Kosovo.

Vous précisez que vous auriez dû donner 3.000.- euros au passeur, somme d'argent que vos amis et votre tante vous aurait procurée (sic).

Après avoir fait vos études secondaires, vous auriez travaillé en tant que travailleur saisonnier dans la construction.

Vos craintes de persécution seraient liées aux conséquences de la guerre. Ainsi, depuis cinq ans, vous souffririez de parasomnies causées par les souvenirs de la guerre. A cet effet, votre médecin vous aurait conseillé de changer de lieu de résidence et vous ajoutez que vous disposeriez de rapports médicaux et de certificats.

Vous ajoutez que le conflit entre serbes et albanais perdurerait toujours. Ainsi, différents groupes de serbes seraient armés. Vous relatez un incident qui se serait produit en 2007 et où vous auriez [été] agressé par un groupe de serbes. Les auteurs de cette agression auraient été des paramilitaires, des criminels de guerre. Vous précisez que la police et l'UNMIK auraient été présents lors de cette agression, mais selon vos dires, les effectifs de la police de Mitrovica Nord seraient exclusivement composés de serbes. Vous ajoutez que tous les Serbes du Kososo seraient installés dans la partie Nord de Mitrovica.

Vous n'avez pas invoqué d'autres raisons pour lesquelles vous avez quitté le Kosovo.

Enfin, vous admettez n'avoir subi aucune persécution ni mauvais traitement et ne pas être membre d'un parti politique.

Il y a d'abord [lieu] de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Or, les faits que vous alléguez ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécuté dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.

En effet, en l'espèce, force est de constater que vous restez très vague en ce qui concerne les soi-disant problèmes qui vous auraient poussé à quitter le Kosovo. A cela s'ajoute que vous n'avez présenté aucun certificat de résidence du Kosovo et ainsi il n'est pas démontré que vous auriez vraiment vécu au côté nord de Mitrovica. De plus, vous dites que dans votre quartier il n'y aurait que des serbes. Or, il convient de souligner que vous dites avoir vécu du côté serbe de la ville et par conséquent il n'est pas surprenant que des serbes auraient vécu dans votre quartier.

Même en supposant que vous auriez vraiment vécu du côté nord de la ville, il semble étrange que vous n'auriez pas pensé à vous installer du côté sud de la ville, où environ 100.000 albanais habitent.

Quoi qu'il en soit, force est de constater que le Kosovo doit être considéré comme territoire, où il n'existe pas, en règle générale, des risques de persécutions pour les albanais.

En effet, force est de constater que les agissements dont vous seriez victime ne revêtent pas un caractère de gravité tel qu'ils puissent être assimilés à une persécution au sens des dispositions précitées de la Convention de Genève. A cela s'ajoute que le fait isolé, à savoir l'agression subie en 2007, que vous décrivez constituent (sic) plutôt un délit de droit commun commis par des personnes privées du ressort des autorités de votre pays et punissable en vertu de la législation kosovare. Ainsi, il convient de souligner que les craintes que vous exprimez s'analysent en l'expression d'un simple sentiment général d'insécurité face à des individus non identifiés. Or, de simples craintes hypothétiques, qui ne sont basées sur aucun fait réel ou probable ne sauraient cependant constituer des motifs visés par la Convention de Genève.

De plus, en application de l'article 28 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection au cas de l'espèce, il ne ressort pas du rapport d'audition que l'Etat ou d'autres organisations étatiques présentes sur le territoire de votre pays ne peuvent ou ne veulent pas vous accorder une protection. Or, en l'espèce, vous restez en défaut de démontrer concrètement que les autorités chargées du maintien de la sécurité et de l'ordre publics au Kosovo ont refusé ou ont été incapables de vous assurer un niveau de protection suffisant. Dans ce contexte, il convient de noter que la notion de protection de la part des autorités étatiques ou même non-étatiques n'implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tous actes de violence et qu'une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d'un acte criminel. Il ne saurait en être autrement qu'en cas de défaut de protection, dont l'existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d'asile.

En outre, force est de constater que jusqu'au jour présent vous n'avez remis à la Direction de l'Immigration aucune pièce pouvant établir avec certitude votre identité. Ainsi, il convient de remarquer qu'il n'existe aucune preuve en ce qui concerne votre identité et votre origine. Il convient également de mentionner que vous n'avez pas remis aux autorités luxembourgeoises un certificat de résidence et ainsi il n'est pas établi que vous auriez résidé et étudié à Mitrovica pendant ces dernières années.

Finalement, il y a lieu de souligner que des raisons médicales ne sauraient davantage justifier une demande d'asile politique.

Ainsi, vous n'alléguez aucun fait susceptible d'établir raisonnablement une crainte de persécution en raison d'opinions politiques, de race, de religion, de nationalité ou d'appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays.

Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.

En outre, votre récit ne contient pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, les faits invoqués à l'appui de votre demande ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Etant donné que les faits invoqués à la base de votre demande de protection internationale ne sauraient être actuellement admis comme justifiant à suffisance une crainte de persécution ; dès lors, et a fortiori, l'absence matérielle de crainte actuelle fondée s'impose également en ce qui concerne la demande tendant à obtenir la protection subsidiaire.

En effet, vous ne faites pas état d'un jugement ou d'un risque de jugement vous condamnant à la peine de mort. Vous ne faites également pas état de risque réel de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants ou de risques réels émanant d'une violence aveugle résultant d'un conflit armé interne ou international.

Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 19§1 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.

La présente décision vaut ordre de quitter le territoire. (…) » Par requête déposée le 30 août 2010 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation sinon à la réformation de la décision précitée du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 6 août 2010 par laquelle il s’est vu refuser la reconnaissance d’un statut de protection internationale et un recours tendant à l’annulation de la décision du même jour, inscrite dans le même document, portant à son encontre l’ordre de quitter le territoire.

1. Quant au recours tendant à l’annulation sinon à la réformation de la décision portant refus d’une protection internationale Encore que le demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation contre les décisions litigieuses. En effet, dans la mesure où l’article 2 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif dispose qu’un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en annulation lorsque un recours en réformation est prévu par la loi.

Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée. Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours en annulation Le recours en réformation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur, déclarant être originaire du Kosovo et être d’origine albanaise, fait exposer qu’il ne pourrait pas retourner dans son ancien domicile situé dans la partie nord de la ville de Mitrovica, peuplée uniquement de Serbes, alors que la situation y serait dangereuse pour des Albanais. Il fait valoir qu’il n’aurait pas de travail ni de logement à Mitrovica et que les moyens d’existence y seraient quasi inexistants. Il avance que la situation dans le nord de Zaselle, son village natal, où vivrait une majorité de Serbes, n’aurait pas été résolu par les forces de l’ONU. Il précise qu’il aurait été agressé et qu’il aurait reçu des menaces de mort tant de la part des Albanais que des Serbes et que les autorités ne le protégeraient pas.

Enfin, il soutient que les éventuelles erreurs contenues dans son récit ne constitueraient pas des contradictions et ne permettraient pas de démontrer qu’il aurait menti.

Le délégué du gouvernement rétorque que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire, tandis que la notion de « réfugié » est définie par l’article 2 c) de la même loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

Cette notion de réfugié est encore précisée par les articles 31 et 32 de la loi du 5 mai 2006.

La reconnaissance de la protection internationale n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale dans le pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur qui doit établir concrètement que sa situation subjective spécifique est telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit de raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle fondée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, ainsi que le prévoit l’article 2 c) précité de la loi du 5 mai 2006.

En effet, force est de constater que le demandeur soutient qu’en tant que membre de la population d’origine albanaise du Kosovo, il résidait dans le quartier des Bochniaques, dans la partie nord de Mitrovica, peuplée uniquement de Serbes. Il se plaint ainsi des tensions interethniques entre Serbes et Albanais et de la situation sécuritaire régnant actuellement au Kosovo qui ne lui permettraient pas de vivre en paix. Il invoque également une agression dont il aurait été victime en 2007 au cours de laquelle un groupe de Serbes l’auraient battu devant le Palais de Justice de Mitrovica sans que la police, composée de Serbes, présente sur les lieux à ce moment, n’intervienne.

Il convient tout d’abord de retenir que la seule origine ethnique du demandeur ne permet nullement de justifier, à elle seule, l’octroi d’une protection internationale. En effet, à cet égard, il convient de souligner, à l’instar du ministre, que le demandeur est membre de la majorité albanaise du Kosovo qui n’est, en principe, pas soumise à un risque de subir des persécutions ou des atteintes graves. Par ailleurs, le demandeur n’a pas apporté de raison valable qui l’empêcherait d’aller vivre dans une autre partie du Kosovo, et notamment dans la partie sud de Mitrovica, peuplée majoritairement d’Albanais, voire dans le reste du Kosovo peuplé majoritairement d’Albanais. Quant à l’hostilité exprimée par les Serbes habitant dans la partie nord de Mitrovica à l’égard du demandeur d’origine albanaise, cette hostilité, aussi regrettable qu’elle soit, à défaut d’autres éléments, ne suffit pas pour la faire qualifier de persécutions ou pour admettre que le demandeur a des raisons de craindre d’être persécuté en raison de son origine ethnique.

En ce qui concerne l’agression dont le demandeur aurait été victime en 2007 par un groupe de Serbes, force est de constater que cette agression, à la supposer établie, aussi condamnable qu’elle soit, constitue un fait isolé dont la gravité n’est pas telle que le demandeur puisse faire valoir une crainte fondée de persécution.

Quant aux problèmes de santé d’ordre psychologique, et notamment des insomnies, dont le demandeur souffrirait et qui, d’après lui, seraient liés à la guerre au Kosovo en 1999, ces problèmes, s’ils sont avérés, ne sauraient être valablement invoqués à l’appui d’une demande de protection internationale.

Enfin, en ce qui concerne la situation économique difficile au Kosovo, des considérations d’ordre matériel, telles qu’en l’espèce, l’espoir de jouir de meilleures conditions de vie pour soi-

même en obtenant un travail, bien que humainement compréhensibles, ne constituent cependant pas un motif d’obtention du statut de réfugié.

Le tribunal est partant amené à conclure que les craintes éprouvées par le demandeur constituent en substance l’expression d’un sentiment général d’insécurité, sans que le demandeur ait établi un état de persécution personnelle vécu dans un passé récent ou une crainte qui serait telle que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine.

C’est partant à juste titre que le ministre a refusé au demandeur la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève et de la loi du 5 mai 2006.

En ce qui concerne le refus du ministre d’accorder au demandeur le bénéfice de la protection subsidiaire, telle que prévue par la loi du 5 mai 2006, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 2 e) de cette loi, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire», « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 37 de la loi du 5 mai 2006 définit comme atteintes graves : « a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Force est de constater que le demandeur ne fonde pas sa demande d’une protection subsidiaire sur des faits ou motifs différents de ceux qui sont à la base de sa demande du statut de réfugié.

Dès lors qu’il a été jugé dans le cadre de l’examen de la reconnaissance du statut de réfugié que ces faits ou motifs manquent de fondement, le tribunal constate qu’il n’existe pas davantage d’élément susceptible d’établir, sur la base des mêmes arguments ou événements, qu’il existerait de sérieuses raisons de croire qu’en cas de retour dans son pays d’origine, le demandeur encourrait un risque réel de subir des atteintes graves visées à l’article 37 précité.

C’est partant à juste titre que le ministre a refusé au demandeur l’octroi d’une protection subsidiaire au sens de l’article 2 e) de la loi du 5 mai 2006.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

2. Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être introduite.

Le recours en annulation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Aux termes de l’article 19 (1) de la loi du 5 mai 2006, une décision négative du ministre en matière de protection internationale vaut ordre de quitter le territoire.

Le demandeur sollicite l’annulation de l’ordre de quitter le territoire pris à son égard sans avancer un quelconque moyen contre cet ordre.

Le tribunal ayant retenu, tel que développé ci-dessus, que le demandeur ne remplit pas les conditions pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, il n’y a pas lieu, en l’état actuel du dossier et en l’absence de moyens invoqués, de remettre en cause la légalité ou le bien-fondé de la décision portant ordre de quitter le territoire.

Partant, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle déférée portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit contre la même décision ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Martine Gillardin, vice-président, Françoise Eberhard, premier juge, Annick Braun, juge, et lu à l’audience publique du 27 octobre 2010 par le premier juge délégué à cette fin, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Martine Gillardin Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 28.10.2010 Le Greffier du Tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 27259
Date de la décision : 27/10/2010

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2010-10-27;27259 ?

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