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27/10/2010 | LUXEMBOURG | N°26553

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 octobre 2010, 26553


Tribunal administratif Numéro 26553 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 février 2010 1re chambre Audience publique du 27 octobre 2010 Recours formé par Monsieur …et Madame …, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 26553 du rôle, déposée le 2 février 2010 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Pierre WINANDY, avocat à la C

our, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …et de Madame ...

Tribunal administratif Numéro 26553 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 février 2010 1re chambre Audience publique du 27 octobre 2010 Recours formé par Monsieur …et Madame …, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 26553 du rôle, déposée le 2 février 2010 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Pierre WINANDY, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …et de Madame …, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du 9 décembre 2009 du directeur de l’administration des Contributions directes, portant rejet de leur réclamation introduite à l'encontre du bulletin de l'impôt sur le revenu de l'année 1992, émis le 28 août 1997 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 avril 2010 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 4 mai 2010 par Maître Jean-Pierre WINANDY pour compte de Monsieur …et de Madame … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maître Georges SIMON, en remplacement de Maître Jean-Pierre WINANDY, et Monsieur le délégué du gouvernement Claude LICK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 18 octobre 2010.

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En date du 28 août 1997 le bureau d’imposition Luxembourg V de l’administration des Contributions directes émit à charge de Monsieur …et de Madame …, ci-après « les époux …», un bulletin de l'impôt sur le revenu de l'année 1992.

Les époux …firent introduire en date du 31 octobre 1997 par la société civile de réviseurs d’entreprises … une réclamation auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après « le directeur », à l’encontre dudit bulletin de l'impôt sur le revenu de l'année 1992, ladite réclamation critiquant le bulletin d'impôt sur le revenu 1992 en deux points, à savoir, d’une part, le refus d'accorder l'exemption du dividende alloué par la société …à raison de 25 %, et le refus de rembourser 25% de la retenue sur revenus de capitaux, ainsi que, d’autre part, la fixation du revenu provenant de la location de biens.

Par décision du 9 décembre 2009, le directeur confirma le bulletin de l'impôt sur le revenu de l'année 1992 et rejeta la prédite réclamation comme non fondée pour les motifs suivants :

« Vu la requête introduite le 3 novembre 1997 par le sieur …, au nom des époux, le sieur …et la dame …, demeurant à L-…, pour réclamer contre le bulletin de l'impôt sur le revenu de l'année 1992, émis le 28 août 1997 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu les §§ 228 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;

Considérant qu'aux termes de l'article 97 (2) de la loi du 7 novembre 1996 concernant l'organisation des juridictions de l'ordre administratif, les réclamations pendantes au 31 décembre 1996 relèvent de la compétence du directeur de l'administration des contributions qui ne statue cependant plus avec l'indépendance d'un juge sur la base du droit, mais en tant qu'administrateur ;

Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit (§ 238 AO) dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 228 AO) de la loi; qu'elle est partant recevable ;

Considérant que les réclamants font grief au bureau d'imposition :

1) de n'avoir accordé qu'une exonération de 75% du dividende payé par une société dans les conditions de la loi du 27 avril 1984 et de ne pas avoir remboursé la retenue à la source de la quote-part non exonérée du dividende obtenu ;

2) d'avoir refusé la déduction de l'amortissement déclaré concernant les frais de réparation et de réaménagement d'un parc faisant partie d'un complexe immobilier sis à … ;

Considérant qu'en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d'office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens du requérant, la loi d'impôt étant d'ordre public (décision C 7640 du 9.9.1991) ;

Qu'à cet égard le contrôle de la légalité externe de l'acte doit précéder celui du bien-

fondé (décision C 7444 du 21.5.1993) ;

Qu'en l'espèce la forme suivie par le bureau d'imposition ne prête pas à critique ;

Considérant qu'en ce qui concerne le grief sub 3, le revenu critiqué a été établi séparément et en commun conformément au § 215 alinéa 2 AO par le bureau d'imposition compétent ;

Considérant qu'au vœu du paragraphe 218 alinéa 2 AO, les bases fixées par un bulletin d'établissement séparé et en commun sont reprises dans le bulletin d'impôt individuel du contribuable concerné, en vue de la fixation de la cote de l'impôt sur le revenu lui applicable ;

Considérant qu'une imposition qui est assise en tout ou en partie sur des bases fixées par établissement séparé ne peut être attaquée pour le motif que ces bases d'imposition seraient inexactes ;

Considérant qu'une telle réclamation ne peut être formée en vertu du § 232 alinéa 2 AO que contre le bulletin portant établissement séparé, en l'espèce notamment le bulletin d'établissement séparé et en commun de la copropriété « …» de l'année 1992 ;

Considérant d'ailleurs que si le bulletin d'établissement séparé et en commun a fait l'objet d'une réclamation, sa réformation entraînera d'office un redressement du bulletin d'impôt établi sur base dudit bulletin d'établissement conformément au § 218 alinéa 4 AO ;

Considérant qu'il résulte des développements qui précèdent que la réclamation, en tant que dirigée contre des revenus dont les bases ont été fixées par établissement séparé, est irrecevable ;

Ad revenu net de capitaux mobiliers Considérant qu'il n'est pas contesté qu'au cours de l'année litigieuse les réclamants avaient perçu un montant de 40.294.117 francs de dividendes susceptibles d'exonération conformément aux dispositions de la loi du 27 avril 1984 et générant une retenue d'impôt à la source sur les revenus de capitaux d'un montant de 6.044.118 francs, donnant droit, sur demande, à restitution ;

Considérant qu'il n'est pas non plus contesté que la société distributrice …avait été constituée le 29 mars 1988, sous l'empire de la loi du 27.04.1984 avec les conditions et selon les modalités et dispositions valables pour l'année 1988, avec un capital social représenté par 16 parts sociales dont les réclamants détenaient au cours de l'année litigieuse 8 parts, dont ils en avaient acquis d'abord 6 lors de la constitution, ensuite, le 4 novembre 1988 lors du décès du père, deux parts supplémentaires par voie de succession en ligne directe; que cette nouvelle répartition avait été validée par une assemblée générale extraordinaire en date du 11 novembre 1988 ;

Que le bureau d'imposition avait refusé l'exemption des revenus de capitaux attachés aux deux parts du capital social obtenues par voie de succession (40.294.117 x 2/8 i.e.

10.573.530 francs), de même qu'il n'avait pas tenu compte de la retenue d'impôt à la source concernant ces deux parts (6.044.117 x 2/8 i.e. 1.511.029 francs), au motif que la transmission par voie de succession n'équivaudrait pas à une acquisition aux sens de la loi du 27 avril 1984 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de cette loi, les contribuables personnes physiques résidents qui acquièrent pendant les années d'imposition 1984 à 1988 des actions ou parts sociales représentatives d'apports en numéraire dans les sociétés de capitaux pleinement imposables définies à l'alinéa 1er de l'article 2 ci-après bénéficient, dans certaines conditions et limites, des avantages fiscaux prévus aux articles 3 à 5 ;

Considérant que les réclamants sont d'avis que le texte de loi ne contiendrait pas de précision en ce qui concernerait la notion « d'acquisition» des titres litigieux ;

Considérant cependant qu'au contraire l'article 2 de la même loi en donne des définitions; que plus précisément, selon le numéro 2 de cet article sont considérées comme acquisition de titres représentatifs d'apports en numéraire les opérations suivantes:

a) la souscription à la constitution ou à l'augmentation d'un capital social par apports nouveaux pour autant que les actions et parts soient libérées en numéraire ;

b) les achats de droits de souscription ou d'attribution ;

c) les achats de parts dans les organismes de placement collectif agréés, lorsque le règlement de l'organisme prévoit que plus de 75 pour cent du portefeuille doivent être employés en valeurs et droits dans les sociétés de capitaux résidentes… ;

d) la conversion en actions ou en parts de capital d'obligations convertibles ;

Considérant donc que la loi du 27 avril 1984 visant à favoriser les investissements productifs des entreprises et la création d'emplois au moyen de la promotion de l'épargne mobilière énonce clairement les opérations au choix des contribuables personnes physiques, pour l'acquisition d'actions ou parts sociales, susceptibles de les faire bénéficier d'avantages fiscaux ;

Qu'en l'espèce le choix des termes « sont considérés comme acquisition de titres … » confirme nettement l'intention du législateur de confiner limitativement les opérations d'acquisition susceptibles d'ouvrir droit à un avantage fiscale à celles inscrites à l'article 2, lettres a - d de la même loi; que la formulation choisie n'entend pas étendre le bénéfice des avantages fiscaux à d'autres voies d'acquisition ;

Considérant qu'aux termes de l'article 6 « Conditions d'octroi des avantages fiscaux » de la prédite loi du 27 avril 1984 une personne physique résidente est admise au bénéfice des dispositions y visées lorsqu'elle satisfait simultanément aux trois exigences suivantes :

1) l'acquisition des titres au sens de l'alinéa 2a de l'article 2 ci-dessus doit se faire soit lors de la constitution soit à l'occasion d'une augmentation de capital par apports nouveaux d'une société de capitaux résidente pleinement imposable telle qu'elle est définie à l'alinéa 1er de l'article 2 ci-dessus ;

2) les titres doivent faire partie du patrimoine privé du contribuable ;

3) les contribuables doivent produire les pièces justificatives de l'acquisition et de la détention des titres ainsi que de l'encaissement des dividendes, ces pièces devant être libellées au nom du détenteur des titres ;

Considérant que le législateur s'y réfère encore expressément aux conditions de l'acquisition des titres dans les conditions inscrites à l'alinéa 2 de l'article 2 de la loi du 27 avril 1984 ;

Considérant que lors de la constitution de la société en date du 29 mars 1988, les réclamants ainsi que le sieur …(junior) et le sieur …(senior) avaient acquis respectivement 6 parts, 6 parts et 4 parts, d'une valeur de 150.000 francs chacune ;

Considérant que ce n'est que suite au décès du sieur …(senior) en date du 4 novembre 1988, que les réclamants ont hérité de deux parts supplémentaires ;

Considérant que dès lors, les réclamants n'ont pas acquis les deux parts supplémentaires dans une des conditions énoncées à l'article 2, lettre 2 de la loi prévisée lors de la constitution ;

Considérant, de plus, que dans son jugement du 6 octobre 1999, n° 10168 du rôle, le tribunal administratif a retenu: « qu'il est constant que l'article 4 (1), dans sa version de la loi du 27 avril 1984, prévoit l'exemption de l'impôt sur le revenu pour les seuls dividendes et parts de bénéfice alloués en raison des titres représentatifs d'apports en numéraire sous des conditions précises de détention des titres en question y énoncées ;

Que l'élément fondamental de l'exemption des revenus de capitaux y prévue est la corrélation nécessaire et suffisante entre les apports en numéraire effectués durant la période d'application couvrant les exercices 1984 à 1988 inclus, venus constituer tout ou partie du capital social des sociétés concernées, et les revenus en résultant, dividendes ou parts de bénéfice suivant le cas, exemptés en raison du texte sous analyse, sans qu'aucune autre distinction y non prévue ne soit en principe permise, sous peine de violer le principe « ubi lex non distinguit … » ;

Que les apports en numéraire seuls susceptibles d'engendrer des revenus de capitaux sujets à exemption sont ceux visés à travers la notion de capitaux à risque par l'article 5 de la même loi, par elle parallèlement exemptés de l'impôt sur la fortune pendant les années d'imposition 1984 à 1988, sans préjudice des dispositions légales ultérieures ;

Que partant l'exemption des revenus de capitaux prévue par l'article 4 en question s'entend comme contrepartie des seuls apports en numéraire ainsi définis à l'exclusion de tout autre élément ne faisant pas partie du capital social nouvellement souscrit et libéré suivant les conditions dudit article» (Tribunal administratif, n°10168 du rôle, 6 octobre 1999) ;

Considérant que pour le surplus, l'imposition est conforme à la loi et aux faits de la cause et n'est d'ailleurs pas contestée ; (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 2 février 2010, les époux …ont fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du directeur du 9 décembre 2009, dans la mesure où elle refuse de faire droit à la demande d'exonération des dividendes en application des dispositions de la loi dite « loi RAU ».

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8 (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation contre un bulletin d’imposition.

Il s’ensuit qu’en l’espèce le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal à l’encontre de la décision directoriale par les époux ….

Le recours en réformation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Il n’y a dès lors pas lieu d’analyser le recours en annulation introduit à titre subsidiaire.

A l’appui de leur recours, les époux …expliquent avoir perçu en 1992 des dividendes d'un montant de 40.294.118 LUF de la part d'une société …constituée en date du 29 mars 1988 sous l'empire de la loi du 27 avril 1984 visant à favoriser les investissements productifs des entreprises et la création d’emplois au moyen de la promotion de l’épargne mobilière, communément appelée « loi RAU », et dans des conditions telles qu’ils estimaient devoir bénéficier de cette loi.

Ils précisent que la société …avait été constituée avec un capital social représenté par 16 parts dont les demandeurs détenaient 8 parts, qu’eux-mêmes avaient acquis 6 parts lors de la constitution ainsi que 2 parts supplémentaires en date du 4 novembre 1988 lors du décès du père …(sénior) par voie de succession en ligne directe.

A cet égard ils estiment que la transmission par succession ne serait pas susceptible de mettre fin à l'exemption des dividendes dont aurait bénéficié le de cujus s'il avait survécu le délai quinquennal ; en appui de leur argumentation ils s’emparent d’un arrêt de la Cour administrative du 17 décembre 2009 (rôle n° 25.857C), selon lequel il n’y aurait pas de cession au sens fiscal du terme en cas d’acquisition de titres des héritiers, ainsi que d’un jugement du tribunal administratif du 4 février 2002 (rôle n° 13559) qui aurait consacré l’effet déclaratif du partage, prévu à l'article 883 du code civil, et ses conséquences en matière fiscale, effet déclaratif du partage devant de surcroît être par le principe du transfert universel du patrimoine (« Gesamtrechtsnachfolge ») tel que figurant au paragraphe 8 de la loi d’adaptation fiscale modifiée du 16 octobre 1934 appelée « Steuer-Anpassungsgesetz », désignée ci-après par « StAnpG ».

Le délégué du gouvernement, pour sa part, souligne qu’aux termes de l’article 2 (2) de la loi RAU, les acquisitions de titres représentatifs d'apports en numéraire ouvrant droit au régime de cette même loi seraient limitativement énumérées, sans que l’acquisition par voie de succession n’y soit prévue. Relevant que la loi d'impôt serait d'interprétation stricte, de sorte qu'on ne saurait ajouter au texte une disposition y non prévue, il en résulterait que le législateur aurait voulu expressément exclure cette forme d'acquisition des avantages fiscaux prévus à ladite loi.

La partie étatique souligne par ailleurs le fait que l'exemption des revenus de capitaux prévue par l'article 4 de la loi RAU s'entendrait comme contrepartie des seuls apports en numéraire ainsi définis à l'exclusion de tout autre élément ne faisant pas partie du capital social nouvellement souscrit et libéré suivant les conditions dudit article, de sorte que le régime de la loi RAU ne saurait bénéficier à des titres acquis par voie de succession, c’est-à-

dire sans contrepartie et sans investissement.

La loi RAU limite le bénéfice des avantages fiscaux y inscrits aux contribuables personnes physiques résidents qui acquièrent pendant les années d´imposition 1984 à 1988 des actions ou parts sociales représentatives d´apports en numéraire dans certaines sociétés de capitaux résidentes pleinement imposables. Dans ce contexte, l’article 2 (2) de la même loi considère comme constituant une acquisition de titres représentatifs d´apports en numéraire au sens de la loi certaines opérations limitativement énumérées, à savoir « a) la souscription à la constitution ou à l´augmentation d´un capital social par apports nouveaux pour autant que les actions et parts soient libérées en numéraire ; b) les achats de droits de souscription ou d´attribution ; c) les achats de parts dans les organismes de placement collectif agréés, lorsque le règlement de l´organisme prévoit que plus de 75 pour cent du portefeuille doivent être employés en valeurs et droits dans des sociétés de capitaux résidentes pleinement imposables telles qu´elles sont définies à l´alinéa qui précède ;d) la conversion en actions ou en parts de capital d´obligations convertibles », l’objectif de la loi RAU visant en effet à inciter fiscalement à l’achat d’actions de sociétés anonymes et de parts sociales de sociétés à responsabilité limitée.

En l’espèce, il n’est pas contesté que les deux parts de la société …, dont les dividendes se sont vus refuser toute exemption, ont été initialement acquises par Monsieur …(senior) conformément à l’article 2 (2) cité ci-dessus, c’est-à-dire par voie d’acquisition à titre onéreux, de sorte à bénéficier jusqu’au décès de leur détenteur en date du 4 novembre 1988 du régime fiscal de la loi RAU.

Il est encore constant en cause que les époux …ont ensuite hérité de ces deux parts par voie de succession en ligne directe.

Or, l’article 724 du Code civil dispose à cet égard que « Par le seul effet de l'ouverture de la succession tous les biens du défunt sont transmis à ses héritiers, qui sont tenus de toutes ses dettes et charges. Les héritiers peuvent, dès l'instant du décès, exercer les droits et actions du défunt ». Il en résulte que par sa mort, le de cujus a cessé d'être propriétaire de ses biens et les droits du défunt passent de plein droit, en quelque sorte abstraitement, au successible par le seul fait du décès, sans qu’il soit besoin d’aucune mise en possession : les héritiers deviennent, dès son décès, sans aucune manifestation de volonté de leur part, et même à leur insu, propriétaires et possesseurs de biens composant l’hérédité1, les héritiers se retrouvant du fait de la transmission universelle de patrimoine subrogés dans tous les droits et actions du défunt.

Il ne saurait dès lors être question en l’espèce d’ « acquisition » soumise aux conditions de la loi RAU dans le chef des demandeurs-héritiers, mais de transmission des parts et de tous les droits y attachés, en ce compris des avantages de la loi RAU, les conditions d’application de cette loi demeurant par ailleurs respectées, puisque lesdites parts ont fait, initialement, l’objet d’une acquisition à titre onéreux, laquelle a nécessairement donné lieu à un investissement dans la société ….

Il s'en suit que les héritiers du bénéficiaire de l’avantage fiscal attaché initialement aux parts litigieuses doivent bénéficier au même titre que l’acquéreur initial Monsieur …(senior) de l'exemption prévue à l’article 4 de la loi RAU, ladite exemption constituant en effet un droit du défunt qui est transmis du seul effet de la mort de celui-ci à ses héritiers.

1 Voir : Aubry et Rau, Cours de droit civil français, 1873, 4e éd., T. VI, p.255.

Etant donné qu’il était dans l’intention du législateur de ne pas faire du tribunal un « taxateur » et de ne pas l’amener à « s’immiscer dans le domaine de l’administration » sous peine de « compromettre son statut judiciaire »2 son rôle consiste à dégager les règles de droit et à opérer les qualifications nécessaires à l’application utile de la législation fiscale, sans pour autant porter sur l’intégralité de l’imposition, ni aboutir à fixer nécessairement une nouvelle cote d’impôt3.

En application des développements qui précèdent, il y a en conséquence lieu de renvoyer l’affaire au directeur pour permettre au bureau d'imposition compétent de procéder à l’imposition conformément au dispositif du présent jugement ensemble les motifs à sa base.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours principal en réformation recevable ;

au fond, le déclare justifié, partant réforme la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 9 décembre 2009 portant le numéro C 9700 du rôle pour avoir retenu que le bulletin entrepris serait conforme à la loi et aux faits de la cause et par ailleurs non contesté, mais déclare au contraire que les dividendes payés par la société …sont à exonérer dans les conditions de la loi du 27 avril 1984 ;

par conséquent renvoie l’affaire devant le directeur de l’administration des Contributions directes en prosécution de cause conformément au présent jugement ;

dit encore qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 27 octobre 2010 par :

Marc Sünnen, premier juge, Claude Fellens, premier juge, Thessy Kuborn, juge, en présence du greffier assumé Michèle Feit.

Feit Sünnen 2 Cf. doc. parl. 3940A2, p. 11, ad (3) 8. et doc. parl. 3940A4, avis complémentaire du Conseil d’Etat, p. 7, ad amendement 5.

3 Trib.adm. 29 mars 1999, n° 10428, confirmé par Cour adm. 11 janvier 2000, n° 11285C, Pas. adm. 2009, V° Impôts, n° 647.


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 26553
Date de la décision : 27/10/2010

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2010-10-27;26553 ?

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