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13/10/2010 | LUXEMBOURG | N°24499a

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 octobre 2010, 24499a


Tribunal administratif N° 24499a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 juin 2008 3e chambre Audience publique du 13 octobre 2010 Recours formé par Madame …, , contre une décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat en matière de discipline des fonctionnaires

JUGEMENT

Revu la requête inscrite sous le numéro 24499 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 juin 2008 par Maître Jean-Marie Bauler, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, employée de l’Etat au

près de la …, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation sinon subsidi...

Tribunal administratif N° 24499a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 juin 2008 3e chambre Audience publique du 13 octobre 2010 Recours formé par Madame …, , contre une décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat en matière de discipline des fonctionnaires

JUGEMENT

Revu la requête inscrite sous le numéro 24499 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 juin 2008 par Maître Jean-Marie Bauler, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, employée de l’Etat auprès de la …, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation sinon subsidiairement à l’annulation d’une décision rendue le 11 mars 2008 par le Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat prononçant à son égard la sanction disciplinaire de la « mise en retraite d’office pour inaptitude professionnelle » ;

Vu le jugement du 11 mars 2009, inscrit sous le numéro 24499 du rôle, par lequel le tribunal administratif a reçu le recours principal en réformation en la forme, mais a dit qu’il n’y a pas lieu d’épuiser le prédit recours. Le tribunal administratif a déclaré l’offre de preuve formulée par expertise, sinon par consultant irrecevable et, dans la mesure des moyens d’annulation présentés, a déclaré le recours en réformation non fondé. Par ailleurs, le tribunal administratif a déclaré le recours en annulation irrecevable et a rejeté la demande en obtention d’une indemnité de procédure de la demanderesse avec condamnation de cette dernière aux frais ;

Vu l’arrêt de la Cour administrative du 13 octobre 2009, inscrit sous le numéro 25652C du rôle, qui après avoir reçu l’appel introduit à l’encontre du prédit jugement du 11 mars 2009, l’a déclaré justifié. Partant, par réformation du prédit jugement, la Cour administrative a dit qu’il n’y a pas épuisement du recours en réformation et a renvoyé le dossier devant le tribunal administratif pour voir statuer sur l’ensemble des moyens en réformation utilement invoqués, y compris les volets du non-respect du délai raisonnable.

L’arrêt précité a par ailleurs confirmé le jugement du 11 mars 2009 en ce qu’il a débouté l’appelante de sa demande en allocation d’une indemnité de procédure de première instance et l’a déboutée de sa demande en allocation d’une indemnité de procédure pour l’instance d’appel avec condamnation de l’Etat aux frais de l’instance d’appel ;

Revu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport et Maître Jean-Marie Bauler, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Betty Sandt en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 25 novembre 2009 ;

Vu l’avis du tribunal administratif du 25 novembre 2009, prononçant la rupture du délibéré afin de permettre aux parties de déposer des mémoires supplémentaires ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 9 décembre 2009 par Maître Jean-Marie Bauler, au nom de Madame … ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 29 décembre 2009 par le délégué du gouvernement ;

Entendu le juge rapporteur en son rapport complémentaire ainsi que Maître Jean-Marie Bauler et Monsieur le délégué du gouvernement Daniel Ruppert en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 13 janvier 2010.

___________________________________________________________________________

Par courriers respectifs datés des 29 septembre, 18 octobre, 25 novembre et 23 décembre 2004, le ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, ci-

après dénommé « le ministre », saisit le commissaire du gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire, ci-après dénommé « le commissaire du gouvernement », afin qu’il procède à une instruction concernant les reproches imputés à Madame …, née le …, employée de l’Etat auprès de la …, ci-après dénommée « la … », pour avoir violé à de multiples reprises au cours des années 2001 à 2004 ses devoirs énoncés aux articles 9, 10 et 12 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, ci-après dénommé « le statut général », ainsi qu’aux articles 6 et 8 du règlement grand-ducal modifié du 13 avril 1984 portant fixation de la durée normale de travail et des modalités de l’horaire de travail mobile dans les services de l’Etat.

Le commissaire du gouvernement clôtura son instruction et dressa son rapport en date du 20 janvier 2007. Dans un premier stade le conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat, ci-après dénommé « le conseil de discipline », sursit à statuer en attendant les arrêts de la Cour Constitutionnelle du 14 décembre 2007 toisant des questions d’inconstitutionnalité par ailleurs soulevées par Madame …. Les débats quant au fond de l’affaire eurent lieu devant le conseil de discipline en date du 12 février 2008. Par décision du 11 mars 2008, le conseil de discipline prononça à l’égard de Madame … la sanction disciplinaire de la « mise en retraite d’office pour incapacité professionnelle », telle que prévue par le point 9 de l’article 47 du statut général.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 13 juin 2008, Madame … sollicita la réformation, sinon l’annulation de la décision du conseil de discipline du 11 mars 2008 précitée.

Par jugement du 11 mars 2009 (n° 24499 du rôle), le tribunal administratif reçut le recours principal en réformation en la forme, dit qu’il n’y a pas lieu d’épuiser le recours en réformation, étant donné que Madame … a entre-temps atteint l’âge de la retraite de 65 ans. Il déclara l’offre de preuve formulée par expertise, sinon par consultant irrecevable et, dans la mesure des moyens d’annulation présentés, déclara le recours en réformation non fondé. Le recours en annulation fut déclaré irrecevable et la demande en obtention d’une indemnité de procédure de la demanderesse fut rejetée.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 16 avril 2009, Madame … entreprit le jugement précité du 11 mars 2009 dont elle sollicita la réformation, sinon l’annulation.

Par arrêt du 13 octobre 2009, inscrit sous le numéro 25652C du rôle, la Cour administrative a déclaré recevable l’appel introduit. Quant au fond, elle retint tout d’abord qu’aux termes de l’article 1er paragraphe 5 du statut général, sans préjudice de l’application des dispositions légales et réglementaires existantes concernant le régime des employés de l’Etat, sont applicables à ces employés, le cas échéant par application analogique et compte tenu du caractère contractuel de l’engagement, les dispositions y plus particulièrement énumérées du statut général, dont plus précisément ses articles 44 à 79 relatifs à la discipline.

D’autre part, la Cour administrative retint qu’en vertu de l’article 54 paragraphe 2 du statut général, en dehors des cas où le conseil de discipline statue en appel, c’est-à-dire notamment lorsque le conseil de discipline statuant sur base de l’article 70 du statut général a retenu la sanction de la mise à la retraite d’office pour inaptitude professionnelle prévue par le point 9 de son article 47, l’employé public frappé par la sanction disciplinaire ainsi prononcée par le conseil de discipline peut, dans les trois mois de la notification de la décision, prendre recours au tribunal administratif qui statue comme juge du fond. La Cour administrative retint d’autre part, que l’autorité saisie du recours peut, aux termes l’article 54, paragraphe 3 du statut général, soit confirmer la décision attaquée, soit prononcer une sanction moins sévère ou plus sévère, soit acquitter le fonctionnaire.

La Cour administrative retint par la suite que s’il est vrai qu’à la date du 1er septembre 2008 Madame … avait atteint l’âge de la retraite, et que dès lors contrairement à la situation qui s’était présentée devant le conseil de discipline le 11 mars 2008, le tribunal, appelé à statuer au fond, c'est-à-dire à apprécier la situation en fait et en droit au moment où il devait rendre son jugement, devait tenir compte de cet élément nouveau emportant que la mise en retraite d’office prononcée par le conseil de discipline se trouvait résorbée dans ses effets essentiels par l’atteinte de la limite d’âge par l’intéressée, cette situation ne permettait cependant pas au tribunal de retenir valablement que son pouvoir de réformation était de la sorte épuisé. En effet, si devant le tribunal Madame … conclut d’abord à l’annulation de la décision déférée du conseil de discipline en raison de différents moyens tirés de vices affectant la procédure disciplinaire menée, elle conclut dans un ordre subsidiaire à voir dire que les reproches formulés et les violations du statut général alléguées dans son chef n’étaient établis ni en fait ni en droit et à se voir acquitter en conséquence, sinon à voir prononcer à son égard une sanction moins grave, tels l’avertissement ou la réprimande par elle expressément mis en avant. La Cour administrative en conclut que devant les conclusions ainsi formulées devant elle, il aurait appartenu au tribunal, après avoir écarté les moyens d’annulation, d’analyser si les reproches formulés à l’encontre de Madame … et les violations du statut général ainsi que du règlement grand-ducal précité du 13 avril 1984 étaient vérifiées dans son chef et de dégager la sanction adéquate à partir de celles prévues par l’article 47 du statut général. Qu’en effet, si la sanction prononcée par le conseil de discipline se trouvait entre-

temps résorbée dans ses effets essentiels par l’atteinte de la limite d’âge par l’intéressée, il n’en restait pas moins que toute une série de sanctions prévues à l’article 47 du statut général ne se trouvaient pas résorbées de la sorte et que dès lors, en toute occurrence, au-delà de l’analyse du caractère vérifié des reproches formulés et des manquements allégués dans le chef de Madame …, le tribunal, selon ledit arrêt, étant appelé à dégager la proportionnalité entre les reproches et manquements le cas échéant valablement retenus et la sanction à prononcer suivant une balance adéquate à opérer parmi les sanctions prévues par la loi, compte tenu des éléments de fait et de droit applicables au jour où il a rendu son jugement.

Ainsi, en se limitant à constater l’épuisement du recours en réformation prévu dans son chef et à ne toiser d’ailleurs que les moyens d’annulation proposés, la Cour administrative retint que le tribunal avait omis précisément d’opérer l’analyse de proportionnalité prévue par la loi dans le chef du juge du fond et elle décida que le jugement entrepris devrait dès lors encourir la réformation.

La Cour administrative retint par ailleurs au sujet du reproche de Madame … au tribunal de ne pas avoir fait application de l’article 46, alinéa 1er du statut général disposant que le fonctionnaire qui a quitté le service reste soumis à la juridiction disciplinaire pour les faits ou omissions qui entraîneraient la révocation d’un fonctionnaire en activité, sous la condition toutefois que l’action disciplinaire soit intentée dans les six mois qui suivent la cessation des fonctions, que la disposition de l’article 46, alinéa 1er en question ne se trouve pas être applicable au cas de Madame …, alors qu’une action disciplinaire pour des faits remontant aux années 2001 à 2004 avait été dûment engagée dès avant qu’elle n’avait quitté le service et que le texte sous revue vise des hypothèses où l’action disciplinaire est engagée après que l’agent public a quitté le service.

Finalement, la Cour administrative retint que devant les conclusions de Madame … tendant à bénéficier du double degré de juridiction et devant l’utilité non contestable de voir toiser une première fois au niveau contentieux par la juridiction du premier degré dans le cadre du recours au fond devant elle valablement introduit le caractère vérifié des faits et violations invoqués à son encontre, il y a lieu à renvoi du dossier devant le tribunal administratif pour voir statuer sur tous les moyens en réformation produits et non utilement toisés y compris les volets afférents au non-respect du délai raisonnable invoqué.

Suite au prédit arrêt de la Cour administrative du 29 novembre 2009 et du renvoi de l’affaire devant le tribunal administratif, les parties à l’instance n’ont pas déposé de mémoire complémentaire en cause.

L’affaire ayant été plaidée à l’audience publique du tribunal administratif du 25 novembre 2009, celui-ci prononça la rupture du délibéré par avis du même jour, à savoir le 25 novembre 2009, afin de permettre à la partie demanderesse de formuler par écrit le moyen de l’inconstitutionnalité de l’article 46 du statut général soulevé pour la première fois lors des plaidoiries à l’audience publique du 25 novembre 2009, et l’invita en outre à prendre position quant à l’admissibilité de ce nouveau moyen non soumis à la Cour administrative. Le tribunal administratif invita par ailleurs la partie étatique à prendre position quant à la recevabilité de ce moyen à ce stade de la procédure et quant au bien-fondé du moyen précité.

Dans son mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 9 décembre 2009, la demanderesse fait valoir que le moyen selon lequel l’article 46 du statut général serait inconstitutionnel serait recevable, étant donné qu’il s’agirait d’un moyen nouveau et non d’une demande nouvelle qui, par ailleurs, serait d’ordre public.

Le délégué du gouvernement estime à cet égard que la Cour administrative aurait renvoyé le dossier devant le tribunal administratif pour « voir statuer sur l’ensemble des moyens en réformation utilement invoqués, y compris les volets du non-respect du délai raisonnable », de sorte qu’il serait évident que ce renvoi se limiterait aux moyens en réformation invoqués devant le tribunal administratif lors de la première instance ayant abouti au jugement précité du 11 mars 2009. Or, en l’espèce, la demanderesse invoquerait un moyen nouveau au moment des plaidoiries s’étant déroulées postérieurement à l’arrêt de la Cour administrative qui, par conséquent, n’était pas inclus dans la requête introductive d’instance, si bien que le tribunal administratif devrait rejeter ce nouveau moyen comme étant irrecevable.

Force est au tribunal de constater que la question de la constitutionnalité d’une disposition légale est un moyen d’ordre public pouvant être invoqué à tout stade de la procédure contentieuse, de sorte que le moyen afférent est à admettre. Cependant, dans la mesure où la Cour administrative, dans l’arrêt précité du 13 octobre 2009, a retenu que l’article 46 du statut général n’est pas applicable au cas de la demanderesse, il n’y a pas lieu, sous peine de méconnaître l’autorité de chose jugée de l’arrêt de la Cour administrative, de soumettre à la Cour Constitutionnelle la question de la constitutionnalité de l’article 46 du statut général, étant donné qu’une décision sur la question n’est pas nécessaire pour rendre un jugement. Conformément aux termes de l’article 6, alinéa 2, a) de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle, la demande de saisine de la Cour Constitutionnelle d’une question préjudicielle est partant à écarter.

Quant au fond, force est de constater que la décision déférée a détaillé les faits reprochés à la demanderesse comme suit :

« Il est reproché à … d'avoir violé à de multiples reprises au cours des années 2001 à 2004 ses devoirs de fonctionnaire énoncés aux articles 9, 10 et 12 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat, ci-après le statut, ainsi qu'aux articles 6 et 8 du règlement grand-ducal du 13 avril 1984 portant fixation de la durée normale de travail et des modalités de l'horaire de travail mobile dans les services de l'Etat.

[…] Les faits reprochés à … ont eu lieu entre 2001 et 2004. Par courriers datés du 29 septembre 2004, 18 octobre 2004, 25 novembre 2004 et 23 décembre 2004 le Ministre de la culture, de l'enseignement supérieur et de la recherche a saisi le Commissaire afin qu'il procède à une instruction. Les faits à instruire ont été explicités, pour autant que de besoin, par le ministre suivant courrier du 30 mars 2006. Le Commissaire a rassemblé un dossier volumineux contenant des pièces à l'appui des nombreux reproches émis à l'encontre de …, a recueilli les différentes prises de position de l'employée et de sa supérieure hiérarchique, a clôturé son instruction et dressé son rapport en date du 20 janvier 2007. … ayant plaidé l'inconstitutionnalité de divers [sic] dispositions du statut, le Conseil a dû surseoir à statuer en attendant l'arrêt de la Cour Constitutionnelle du 14 décembre 2007. Les débats quant au fond de l'affaire ont eu lieu le 12 février 2008.

Le Conseil estime, contrairement à l'argumentation développée par …, que ce délai n'est pas excessif compte tenu notamment de la multiplicité des reproches formulés à l'égard de l'employée de l'Etat, des prises de positions recueillies en cause et de la défense adoptée par ….

La saisine du Conseil est dès lors régulière et il convient de statuer au fond sur les reproches inventoriés dans le rapport du Commissaire du 20 janvier 2007.

… a été engagée le … comme employée de bureau au …, son cadre étant de 25 heures par semaine.

Aux termes du contrat d'engagement tout à fait succinct, … s'est expressément obligée à se conformer aux instructions de ses chefs hiérarchiques, devoir primordial de tout fonctionnaire qui lui incombe également en application de l'article 9, paragraphe 1er, alinéa 2 du statut, … y étant soumise au vu des dispositions énoncées à l'article 1er, alinéa 5.

Engagée pour travailler hebdomadairement pendant 25 heures à la …, ci-après la …, … avait l'obligation impérieuse de se conformer aux ordres et injonctions de la directrice ….

Celle-ci était en droit de définir au cours de la période visée par la procédure disciplinaire, à savoir de 2001 à 2004, les tâches à accomplir par l'employée … et de décider des travaux que celle-ci devait exécuter prioritairement puisqu'en sa qualité de directrice de la …, elle est responsable des choix d'orientation de la …, des acquisitions à faire prioritairement par la …, du non-dépassement des budgets alloués à la … et des services prestés par les employés. … était ainsi tenue d'exécuter les ordres lui conférés par sa supérieure hiérarchique, elle n'avait aucune qualité pour remettre en discussion les ordres formels reçus, voire pour contrecarrer les choix de la directrice, même si ceux-ci devaient différer de ceux opérés antérieurement par les prédécesseurs de celle-ci.

Il résulte de l'instruction menée en cause que … n'a pas suivi les ordres formels et réitérés de … et qu'elle n'a pas exécuté les travaux lui imposés concernant l'acquisition d'ouvrages à caractère général en matières de biologie, de chimie et de médecine. Elle n'a de même pas exécuté les travaux de catalogage et d'indexation lui rappelés à de multiples reprises par la directrice.

Il résulte encore de l'instruction menée en cause que … a acquis de nombreux livres d'artistes étrangers, bien qu'il lui fût rappelé que l'acquisition de ces ouvrages ne figurait pas parmi les priorités de la …. Elle n'a pas non plus respecté les procédures prévues en matière d'acquisition d'ouvrages, a engagé la … au-delà des limites budgétaires décidées pour l'acquisition de livres d'artistes, ces engagements ayant ex post dû être avalisés par la directrice afin de ne pas léser les fournisseurs et ternir à l'égard de tiers l'image de la ….

Au vu des ordres précis et formels de …, il est d'ailleurs sans incidence de savoir si … a effectivement créé une importante et prestigieuse collection de livres d'artistes au sein de la …, cette tâche ne figurant pas parmi les priorités de la … et ne correspondant pas au budget de celle-ci.

De même, il n'y a pas lieu d'examiner si, en dehors de l'acquisition d'une importante collection de livres d'artistes, il était possible à un cadre de 25 heures par semaine de s'occuper de la commande, du catalogage et de l'indexation des livres de biologie, de chimie et de médecine, étant donné que … était tenue de se conformer aux ordres et choix de son supérieur hiérarchique lui demandant d'acquérir prioritairement des ouvrages à caractère général dans les domaines précités en vue d'informer le grand public et de susciter son intérêt pour l'évolution de ces sciences, ce que … s'est obstinée à ne pas faire au cours de la période incriminée.

En agissant de la sorte, … a violé les prescriptions énoncées aux paragraphes 1. et 2.

de l'article 9 du statut en omettant de se conformer aux ordres de service de ses supérieurs et en n'exécutant pas les tâches qui lui étaient confiées.

… n'a pas non plus respecté les prescriptions concernant l'horaire mobile, ni les horaires de travail réglementaires.

… affirme certes qu'elle n'était pas astreinte à un horaire de travail déterminé avant l'entrée en fonction de … en 1999, mais elle ne conteste pas qu'elle était d'accord pour travailler selon les règles de l'horaire mobile à la demande de la nouvelle directrice.

Ainsi, il lui est reproché à raison d'avoir eu un solde négatif de 15 heures au mois d'avril 2003 et d'avoir omis de les rattraper au cours du mois de mai 2003, ce qui constitue un manquement à l'article 6 paragraphes 1 et 2 du règlement grand-ducal du 13 avril 1984 portant fixation de la durée normale de travail et des modalités de l'horaire de travail mobile dans les services de l'Etat.

Il est également acquis en cause que … n'a pas respecté les horaires de travail réglementaires tels que fixés par courriers des 23 novembre 2001 et 13 août 2004 aux dates énumérées au point 5) du rapport du Commissaire et que l'employée a de ce fait transgressé les prescriptions énoncées à l'article 8, paragraphe 1 du règlement précité. Les horaires de travail de … avaient d'ailleurs été fixés suite à une concertation préalable avec l'employée et il est ainsi incompréhensible qu'ils n'ont pas été observés à de multiples reprises par celle-ci, lesdites absences de … de son poste de travail n'étant par ailleurs pas justifiées par des activités préalablement autorisées pour le compte de la ….

De même, les absences de … en date des 13 mai 2003, 26 septembre 2003, 5 mai 2004, 1er octobre 2004, 4 octobre 2004, 18 octobre 2004 et 9 novembre 2004 n'avaient pas été autorisées par un supérieur hiérarchique de …. Même si celle-ci a participé ces jours à des réunions, expositions ou conférences, il n'en reste pas moins que sa participation à ces manifestations n'était ni demandée, ni autorisée par un supérieur hiérarchique, de sorte que toutes ces absences, non préalablement autorisées, n'étaient pas justifiées et constituent des manquements à l'article 12 du statut.

Reste à retenir les comportements distraits de l'employée, tels que l'omission de fermer la fenêtre et d'éteindre l'ordinateur de son bureau à la fin d'une journée de travail en septembre 2002, l'omission de veiller à la fermeture des locaux, sinon des vitrines où étaient exposés des livres d'artistes en date du 14 novembre 2002, l'omission d'annuler en date des 3 juin 2003 et 29 novembre 2004 des entrevues qu'elle avait fixées, mais auxquelles elle ne pouvait pas assister le moment venu, ainsi que le fait de rappeler à sa supérieure le non-

paiement de factures qu'elle ne lui avait pas encore transmises, qui constituent des manquements aux articles 10, paragraphes 1 et 2 du statut puisque ceux-ci imposent au fonctionnaire d'éviter, dans l'exercice de ses fonctions, tout ce qui pourrait compromettre les intérêts du service public et d'adopter un comportement de dignité et de civilité dans les rapports avec les usagers du service public qu'il doit traiter avec prévenance.

Il est encore établi en cause que … a omis de se comporter avec dignité et civilité dans ses rapports de service avec sa supérieure hiérarchique, outrepassant ainsi le devoir lui imposé à l'article 10, alinéa 1 du statut, compte tenu plus spécialement de la terminologie démesurée et injurieuse employée vis-à-vis de … lors d'une réunion du 21 mai 2004 et dans un courrier du 31 mai 2004, de même que par le fait d'adresser directement une missive en date du 15 octobre 2004 aux ministre et secrétaire d'Etat du ressort sans passer par la voie hiérarchique.

Enfin, … a fait accrocher, sans concertation préalable avec un supérieur hiérarchique, une oeuvre dans le hall de la … portant le titre mentionné en toutes lettres « l'étendue du désastre », partant une oeuvre tout à fait inappropriée à l'accueil des visiteurs d'une …, et elle a de ce fait manifesté un comportement qui aurait pu donner lieu à scandale et compromettre les intérêts du service public.

Aux termes de l'article 53 du statut, l'application des sanctions se règle notamment d'après la gravité de la faute commise, la nature et le grade des fonctions et les antécédents du fonctionnaire inculpé. Elles peuvent être appliquées cumulativement.

… est entrée en service le … et aucun antécédent disciplinaire n'est consigné dans son dossier jusqu'à l'heure actuelle. La multiplicité des manquements retenus à sa charge amènent le Conseil à retenir que … doit être considérée comme professionnellement inapte à exercer sa profession d'employée de l'Etat.

En effet, ses refus obstinés et réitérés d'exécuter les ordres légitimes de sa supérieure hiérarchique, de se conformer aux procédures prescrites, notamment en matière d'engagement de fonds publics, et de respecter ses horaires de travail, manquements dont … n'a toujours pas pris conscience à l'heure actuelle, doivent être sanctionnés conformément à l'article 47 9. du statut, à savoir par la mise en retraite d'office de … pour inaptitude professionnelle.

La demanderesse estime cependant qu’un examen et une analyse détaillés du dossier disciplinaire versé feraient apparaître non pas une violation caractérisée de ses devoirs de fonctionnaire, mais plutôt une appréciation différente concernant l'exécution de certaines tâches. En effet, il ne résulterait d'aucun élément du dossier que son attitude aurait nui à l'image de la …, au contraire elle souligne que par ses publications elle aurait contribué au rayonnement non seulement national mais également international de celle-ci.

Si elle admet, d’un côté, être consciente qu'en sa qualité de subordonnée elle serait obligée de se conformer aux ordres de ses supérieurs hiérarchiques, elle estime, d’un autre côté, que tout directeur devrait veiller à ce qu’il crée par son attitude une ambiance propice à un bon travail pour ses subordonnés et tel n’aurait manifestement pas été le cas en l'espèce.

Elle souligne, d’autre part, qu'il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir respecté les ordres dans l'hypothèse où, au vu des circonstances, un tel respect absolu des instructions aurait été impossible.

Elle estime à cet égard qu’il aurait appartenu au commissaire du gouvernement d'analyser, au besoin par un consultant indépendant sinon en questionnant tous les membres du personnel avec lesquels elle aurait travaillé, si, compte tenu de l'horaire limité du travail et de ses compétences, il lui aurait été possible d'accomplir toutes les tâches que la directrice entendait lui confier. Le conseil de discipline aurait de façon générale critiqué le non respect des ordres qu’elle aurait reçus de la part de ses supérieurs hiérarchiques sans prendre position en détail par rapport aux différents reproches formulés par le commissaire du gouvernement dans la citation introductive d'instance et sans rechercher non plus si l'accomplissement de ses différentes tâches aurait été possible.

Afin d'évaluer la gravité des reproches, la demanderesse énumère ses tâches et cite quelques exemples concernant d'autres collègues de travail en faisant remarquer qu’aucun de ses collègues n’aurait eu autant de tâches qu’elle-même. Par ailleurs, la demanderesse conteste le reproche par rapport au délaissement de ses responsabilités en matière de commande, de catalogage et d’indexation des ouvrages de biologie, de chimie et de médecine qui ne serait établi ni par les pièces ni par les conclusions du commissaire du gouvernement qui se limiteraient à résumer sa propre prise de position et celle de la directrice en accordant foi aux déclarations de celle-ci sans vérification supplémentaire. Plus particulièrement, le commissaire du gouvernement n'aurait à aucun moment recherché si, compte tenu de ses tâches et de son horaire de travail, le reproche serait fondé.

La demanderesse offre de prouver par voie de consultation que : « compte tenu de l'organisation de la …, de l'horaire de travail et de ses qualifications […] [elle] a accompli les tâches lui confiées correctement. » Elle offre encore de prouver par voie de consultant « la véracité de l'ensemble des affirmations contenues dans sa prise de position février / mars 2007 ainsi que dans sa prise de position du 12 avril 2006. » En outre, contrairement à ce que voudrait faire entendre la directrice, les livres d'artistes représenteraient une très grande part dans sa tâche ce qui aurait limité forcément son temps pour exercer d'autres tâches. Il s'y ajouterait un problème de qualification dans le domaine des sciences exactes et appliquées. Elle aurait en effet à d'itératives reprises souligné qu'elle aurait été dans l'impossibilité d'assumer toutes les tâches qui lui auraient été confiées et notamment celles en relation avec les sciences. Ainsi, le commissaire du gouvernement n’aurait pas recherché de savoir si compte tenu de ses compétences et des tâches à effectuer en relation avec les sciences exactes et appliquées, elle aurait présenté les compétences nécessaires, mais, se fiant aux seules affirmations de la directrice, il aurait conclu dans la fin de son rapport à une faute grave, alors qu’il aurait été manifeste qu’elle n'aurait plus eu le temps de faire du catalogage.

Quant au reproche relatif à l’acquisition de livres d'artistes ou de beaux-arts en contradiction avec les principes de la …, la demanderesse estime qu'à l'époque les livres d'artistes luxembourgeois d'importance auraient été pratiquement inexistants à la …, et qu’il aurait été impératif d'en acquérir aux fins de réaliser une exposition et un catalogue digne de ce nom. De la sorte, elle aurait acquis de grandes compétences dans ce domaine des beaux-

arts et s'y serait attachée avec dévouement et chaque achat de livre aurait été soumis à la signature de la directrice depuis son entrée en fonction. Elle souligne qu’il n'existerait pas un seul livre d'artiste ni un seul livre illustré qu’elle ait acheté sans la signature de la directrice depuis l'entrée en fonction de cette dernière selon la procédure règlementaire. Elle n’aurait de toute façon pas eu la possibilité de signer et donc pas la possibilité d'acheter. Une facture sans signature de la directrice ne passerait pas par la comptabilité centrale de l'Etat et il serait établi que la directrice, par sa signature, aurait formellement donné son accord à l'acquisition des livres, de sorte que ce reproche laisserait d’être fondé.

La requérante a produit un échantillon de pièces qui, selon elle, démontrerait l'absurdité de la « guerre » que la directrice aurait menée à son encontre, alors que son dévouement et ses compétences pour les livres d'artiste auraient largement contribué à la renommée de la … dans ce domaine.

Si personne ne contestait l'autorité de la directrice et son droit de regard, il serait évident que pour accomplir les projets dans le domaine prérelaté, qui, par ailleurs, auraient été avalisés par la direction, des moyens financiers devaient être mis à disposition. A propos de ce reproche le commissaire du gouvernement se serait borné à résumer ses prises de position et celles de la directrice sans procéder à de plus amples vérifications notamment auprès du service comptable. La demanderesse estime qu’une instruction digne de ce nom aurait dû consister à vérifier les dires des uns et des autres en questionnant notamment les responsables de la comptabilité ou en procédant à une mesure d'instruction aux fins de vérifier les règles et procédures existantes et sa responsabilité dans l'hypothèse d'un éventuel non respect et l'éventuelle incidence sur la gestion et la renommée de la …. Elle insiste encore sur la circonstance qu’en ce qui concerne la gestion des ressources humaines, les réalités démontreraient que la directrice ne serait guère une « championne » puisqu’un grand nombre de personnes compétentes et valables se seraient résignées à quitter la ….

Ce serait encore à tort que le conseil de discipline affirme que « Madame … n'a pas non plus respecté les prescriptions concernant l'horaire mobile ni les horaires de travail réglementaires» en se basant uniquement sur les déclarations de la directrice alors qu’il résulterait des pièces que ledit horaire a été modifié à plusieurs reprises et qu'une certaine souplesse était admise, qu’il a retenu le reproche au niveau des absences non autorisées comme fondé et qu’il a retenu le reproche de l'accrochage à l'initiative de Madame … d'une œuvre dans le hall de la …, alors qu'il ne serait établi en rien que ce serait elle qui aurait pris l'initiative ni en quoi l'accrochage de cette œuvre aurait pu donner lieu à scandale et compromettre les intérêts du service public.

La demanderesse fait en outre plaider qu’il ne serait pas sans intérêt de rappeler qu'un collègue de travail engagé pour s'occuper des expositions aurait exposé la même œuvre en 2007 sans que la directrice n'ait émis la moindre protestation et que de telles accusations relèveraient « plutôt de la paranoïa que d'une gestion responsable et sérieuse des ressources humaines. » Au vu de ses contestations et à supposer que l'accrochage d'une œuvre d'art puisse constituer une violation du statut général, ce qu’elle conteste, il aurait appartenu au commissaire du gouvernement sinon au conseil de discipline de rechercher les circonstances exactes de cet accrochage en questionnant notamment d'autres personnes impliquées et en recherchant en quoi une telle œuvre d'art aurait pu donner lieu à scandale.

Quant à la sanction, la demanderesse estime qu’elle ne correspond en rien aux réalités alors que les collègues avec lesquels elle aurait travaillé, lui attesteraient la « grande qualité des catalographiques, de son engagement professionnel depuis 1982 et de ses travaux scientifiques ». A supposer certains reproches établis, cette sanction extrêmement sévère ne serait en rien fondée. Le conseil de discipline se baserait en fait exclusivement sur les propositions « du Commissaire du gouvernement – Procureur » qui dans son rapport aurait considéré à tort la relation de travail comme irrémédiablement compromise. C'est plus particulièrement à tort que le conseil de discipline n'aurait retenu la moindre circonstance atténuante dans son chef, alors que celles-ci seraient nombreuses.

Le délégué du gouvernement, avant de prendre position sur les différents points abordés par la demanderesse dans son acte introductif d'instance, estime que la demanderesse cherche dans sa défense à prolonger, sinon à refaire, le procès d'harcèlement moral qu'elle a intenté contre sa directrice - et dont elle a été déboutée - au point de confondre les deux. Il y aurait donc lieu d'écarter des débats tout moyen, développement ou offre de preuve ne permettant pas exclusivement de rechercher si la demanderesse a commis ou non les manquements objectifs lui reprochés.

En outre, il fait valoir que la question de savoir si la demanderesse était en mesure d'accomplir les tâches qui lui ont été imposées relève du faux débat puisque qu’elle aurait toujours refusé d'exécuter les ordres organisant positivement l'ampleur et les priorités de sa tâche théorique et aurait préféré organiser elle-même ses priorités selon ses goûts et désirs. La majorité des ordres en cause auraient de plus tendu à essayer de recentrer la tâche théorique de la demanderesse qui s'était aventurée dans des objectifs trop ambitieux, non prioritaires et trop coûteux par rapport aux objectifs et moyens de la …. L'offre de preuve formulée par la demanderesse dans le dispositif de sa requête introductive d'instance devrait donc être rejetée pour défaut de pertinence.

Pour le surplus, le délégué du gouvernement estime que la demanderesse aurait à de nombreuses reprises manqué à ses devoirs, de sorte que la mesure prononcée par le conseil de discipline aurait été proportionnelle à la gravité des faits énoncés et démontrés.

Le tribunal, au vu des éléments et pièces du dossier, est amené à conclure que la demanderesse a, à de nombreuses reprises, refusé d'exécuter les ordres organisant positivement l'ampleur et les priorités de sa tâche et a préféré organiser elle-même ses priorités à sa guise.

En effet, plus particulièrement quant au reproche en relation avec le « délaissement de ses responsabilités en matière de commande, de catalogage et d'indexation des ouvrages de biologie, de chimie et de médecine », le tribunal constate que la demanderesse a reçu quelque onze réclamations, injonctions et rappels à l'ordre, tels que cités dans le rapport d'instruction du 20 janvier 20071 en ce qui concerne ses responsabilités en matière de commande, de catalogage et d'indexation des ouvrages de biologie, de chimie et de médecine pour le compte de la …, auxquels elle n’a donné aucune suite pour se concentrer plutôt sur la constitution d'un fonds de livres d'artistes dans une envergure ne correspondant pas aux priorités et au budget de la ….

Si la demanderesse estime toujours que les livres d'artistes représenteraient une très grande part de sa tâche, ce qui limiterait forcément son temps pour exercer d'autres tâches, le tribunal doit relever que le fait pour la demanderesse de consacrer trop de temps à cette matière est justement au cœur du reproche formulé et réitéré dans les nombreux rappels à l'ordre.

En ce qui concerne l’argumentation de la demanderesse selon laquelle elle « souffrirait d'un problème de qualification » dans le domaine des sciences exactes, il découle des éléments du dossier soumis, et notamment d’un courrier de la directrice de la … du 24 juin 2004, que cette dernière ne lui avait jamais demandé de constituer dans les matières biologie, chimie et médecine des collections très spécialisées, avec des ouvrages « pointus », mais qu’elle lui avait demandé d'acquérir des ouvrages à caractère général, dits de vulgarisation, pour informer le grand public et pour susciter l’intérêt public pour l'évolution des sciences.

S'il n’est pas contesté que la demanderesse a présenté des doléances en ce qu'elle aurait été dans l'impossibilité d'assumer toutes les tâches lui confiées, et notamment celles en relation avec les sciences exactes, la pièce 31 versée au dossier administratif démontre que la charge de travail effectivement demandée en matière de gestion des livres d'art laissait beaucoup de temps libre à la demanderesse pour vaquer à ses autres tâches et si elle n'arrivait plus à s'occuper des autres matières, c'était du fait qu'elle persistait dans son attitude et refusait de revoir ses ambitions personnelles en matière de livres d'art qui étaient en flagrante opposition avec la tâche qui lui était confiée en la matière par sa direction, étant entendu que le tribunal renvoie pour le surplus dans ce contexte au rapport d'instruction et à ses annexes, respectivement aux conclusions du conseil de discipline.

1 Cf. page 5/31 du rapport d’instruction du 20 janvier 2007.

Concernant le reproche relatif à l’acquisition de livres d'artistes ou de beaux-arts en contradiction avec les priorités de la … et sans observer les procédures prévues, respectivement par dépassement des budgets alloués à ces fins, force est au tribunal de constater que celui-ci est établi par les pièces du dossier, et notamment par le courrier de la directrice de la … du 21 juillet 2004 dont le contenu n’a pas été utilement contesté par la demanderesse, et par les aveux de la demanderesse qui admet avoir passé à la comptabilité pour engagement des « factures », donc des documents dont il résulte que les contrats étaient formés et que la … était juridiquement liée avant même que la directrice ait pu donner son aval. En effet, les pièces précitées documentent que la demanderesse a commandé des ouvrages artistiques sans recourir à une autorisation préalable de sa hiérarchie.

Au vu des pièces soumises, il est également documenté à suffisance de droit que la demanderesse n'a pas respecté les horaires de travail réglementaires tels que fixés par courriers des 23 novembre 2001 et 13 août 2004 aux dates énumérées au point 5) du rapport du commissaire du gouvernement et que l'employée a de ce fait transgressé les prescriptions énoncées à l'article 8, paragraphe 1 du règlement précité du 13 avril 1984. Les horaires de travail de Madame … avaient d'ailleurs été fixés suite à une concertation préalable avec l'employée et il est ainsi incompréhensible qu'ils n'ont pas été observés à de multiples reprises, lesdites absences de son poste de travail n'étant par ailleurs pas justifiées par des activités préalablement autorisées pour le compte de la ….

De même, les absences de la demanderesse en date des 13 mai 2003, 26 septembre 2003, 5 mai 2004, 1er octobre 2004, 4 octobre 2004, 18 octobre 2004 et 9 novembre 2004 n'avaient pas été autorisées par un de ses supérieurs hiérarchiques. Même si celle-ci a participé à ces dates à des réunions, expositions ou conférences, il n'en reste pas moins que sa participation à ces manifestations n'était ni demandée, ni autorisée par un supérieur hiérarchique, de sorte que toutes ces absences, non préalablement autorisées, n'étaient pas justifiées et constituent des manquements à l'article 12 du statut général.

Il est encore établi en cause que la demanderesse a manqué de se comporter avec dignité et civilité dans ses rapports de service avec sa supérieure hiérarchique, outrepassant ainsi le devoir lui imposé à l'article 10, alinéa 1 du statut général, compte tenu plus spécialement de la terminologie démesurée employée vis-à-vis de la directrice lors d'une réunion du 12 mai 2004, documentée par une attestation testimoniale et dans un courrier du 21 mai 2004 de la directrice de la ….

Quant au respect du principe du délai raisonnable, la demanderesse estime qu’une durée d’instruction de 30 mois ne serait pas justifiable, de sorte que le dépassement du délai raisonnable serait à sanctionner par la nullité de la procédure sinon dans l'appréciation de la peine à prononcer conformément à une jurisprudence constante.

Force est au tribunal de constater à cet égard que si les faits à la base du cas d’espèce se sont déroulés entre 2001 et 2004, il n’en demeure pas moins que les premiers actes de la procédure disciplinaire datent du 12 octobre 2004, date à laquelle le commissaire du gouvernement a invité la demanderesse à une entrevue fixée au 18 octobre 2004, entrevue qui a été reportée sur demande expresse du mandataire de la demanderesse.

Ensuite, par courrier du 18 octobre 2004, le commissaire du gouvernement a été saisi de faits nouveaux nécessitant l'ouverture d'une nouvelle instruction disciplinaire traitée par jonction avec l'affaire déjà en cours d'instruction depuis le 29 septembre 2004. Par courrier du 1212 novembre 2004, le commissaire du gouvernement a proposé d'auditionner la demanderesse le 23 novembre 2004. En réponse à ce courrier, le mandataire de la demanderesse a informé le commissaire du gouvernement du dépôt d'une plainte pour harcèlement moral de sa mandante à l'encontre de la directrice de la … et a demandé de reporter le début de l'instruction après le résultat de cette plainte. Par la suite, par courriers des 25 novembre 2004 et 23 décembre 2004, le commissaire du gouvernement a été saisi à deux reprises de faits nouveaux nécessitant l'ouverture successive de deux nouvelles instructions traitées par jonction avec les affaires déjà en cours d'instruction suite aux saisines des 29 septembre 2004 et 18 octobre 2004. A défaut pour le ministre du ressort d'avoir donné des suites à la plainte pour harcèlement moral déposée par la demanderesse, le commissaire du gouvernement a informé, en date du 18 avril 2005, le mandataire de la demanderesse qu'il ne lui était dorénavant plus possible de surseoir plus longuement à l'instruction. Par courrier du 21 avril 2005, le mandataire de la demanderesse a réitéré sa demande de surseoir à l'instruction du dossier en attendant que le recours relatif à sa plainte pour harcèlement moral soit vidé. Par courrier du 12 février 2006, le ministre du ressort a informé le commissaire du gouvernement que, par un jugement du 26 janvier 2006, la demanderesse venait d'être déboutée de son recours introduit pour harcèlement moral. Le mandataire de la demanderesse étant resté silencieux à ce sujet, le commissaire du gouvernement a à nouveau invité la demanderesse à une entrevue fixée cette fois au 22 mars 2006, refixée au 24 mars 2006 suite à la demande du mandataire de la demanderesse empêché pour la date proposée. Par courrier du 22 mars 2006, l'entrevue du 24 mars 2006 a dû être reportée pour empêchement du commissaire du gouvernement. Une nouvelle date pour une entrevue destinée à permettre à la demanderesse de prendre position a été fixée au 12 avril 2006, date à laquelle elle s'est présentée. C’est finalement en date du 20 janvier 2007 que le commissaire du gouvernement a rendu son rapport d’instruction, le conseil de discipline s’étant réuni une première fois en date du 12 juin 2007.

Force est dès lors au tribunal de constater que l’instruction disciplinaire a été échelonnée par des actes intervenant chacun dans un délai raisonnable par rapport à l'acte précédent, de sorte que le moyen tiré du dépassement du délai raisonnable laisse d’être fondé.

Finalement, quant à l’offre de preuve par consultation formulée par la demanderesse, force est au tribunal de constater que l’expertise judiciaire est une mesure d’instruction destinée à fournir, en vue de la solution du litige, des renseignements d’ordre technique que le juge ne peut pas se procurer lui-même et qui ne peuvent s’obtenir qu’avec le concours d’un spécialiste dans une science, dans un art, ou dans un métier.2 En l’espèce, le tribunal est amené à conclure que l’offre de preuve par expertise sinon par consultation formulée par la demanderesse est à rejeter étant donné que les pièces versées en cause documentent à suffisance de droit tant que la demanderesse s’est obstinée à ignorer les multiples rappels à l’ordre lui adressés par ses supérieurs hiérarchiques, notamment en ce qui concerne l’étendue de la tâche lui confiée, que les manquements qui lui sont reprochés dans le cadre de la procédure disciplinaire.

Eu égard aux considérations qui précèdent, le tribunal est amené à conclure que les manquements commis par Madame … à ses devoirs présentent une gravité manifeste ressortant tant de l’accumulation d’un nombre important de fautes commises sur une période particulièrement longue, que des perturbations manifestes de l’organisation de son service en découlant. En outre, force est au tribunal de constater que, d’un côté, Madame … n’a pas su profiter des chances que la … lui a offertes avant même de déclencher une procédure 2 Voir en ce sens TA 8 juin 2005, n° 18679 et 19195 du rôle, Pas. adm. 2009, v° Procédure contentieuse, n° 562.

disciplinaire à son encontre et que, d’un autre côté, elle n’a pas montré le moindre signe de repentir ou de prise de conscience, alors que les rappels à l’ordre et les instructions venant de ses supérieurs hiérarchiques étaient nombreux et sans équivoque.

Au vu de tous ces éléments, le tribunal arrive à la conclusion que la sanction adéquate à prononcer à l’égard de la demanderesse, au vu de la gravité des faits et de l’état d’esprit actuel de la demanderesse qui se traduit par la négation des faits documentés par des pièces dont elle avait connaissance, est la mise à la retraite d’office, de sorte que la décision déférée du conseil de discipline est à confirmer. Partant, le recours sous analyse laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties et sur renvoi de la Cour administrative ;

au fond, déclare le recours en réformation non justifié et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par :

Martine Gillardin, vice-président, Marc Sünnen, premier juge, Claude Fellens, premier juge, et lu à l’audience publique du 13 octobre 2010 par le vice-président, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Martine Gillardin Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 15.10.2010 Le Greffier du Tribunal administratif 14


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 24499a
Date de la décision : 13/10/2010

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2010-10-13;24499a ?

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