Tribunal administratif N° 26838 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 avril 2010 3e chambre Audience publique du 6 octobre 2010 Recours formé par Monsieur …, sans domicile connu, contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de police des étrangers
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 26838 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 avril 2010 par Maître David Travessa Mendes, avocat à la Cour, assisté de Maître Nadine Reiter, avocat, les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Albanie), de nationalité albanaise, sans domicile fixe, élisant domicile en l’étude de Maître Travessa Mendes, demeurant à L-1251 Luxembourg, 5 avenue du Bois, tendant à l’annulation d’une décision du 1er décembre 2009 par laquelle le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration a refusé au demandeur, d’une part, l’octroi d’une tolérance et, d’autre part, une autorisation de séjour pour raisons humanitaires, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 20 janvier 2010, rendue sur recours gracieux ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 22 avril 2010 ;
Vu l’ordonnance du président du tribunal administratif du 29 avril 2010, n° 26839 du rôle, par laquelle la requête du demandeur tendant à voir prononcer un sursis à l’exécution, sinon à voir instituer une mesure de sauvegarde a été déclarée non justifiée ;
Vu le mémoire en réplique de Maître Travessa Mendes déposé au greffe du tribunal administratif en date du 21 mai 2010 ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 juin 2010 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Nadine Reiter et Monsieur le délégué du gouvernement Daniel Ruppert en leurs plaidoiries respectives.
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La demande en reconnaissance du statut de réfugié introduite le 16 décembre 2002 par Monsieur … fut rejetée par une décision du ministre de la Justice du 1er mars 2004, confirmée sur recours gracieux par une décision du même ministre du 26 avril 2004. Le recours contentieux introduit par Monsieur … à l’encontre de ces décisions fut rejeté par un jugement du tribunal administratif du 24 novembre 2004 (n° 18106 du rôle) et, définitivement en instance d’appel, par un arrêt de la Cour administrative du 17 mars 2005 (n° 19071C du rôle).
Faisant suite à une demande du 9 mars 2007 de Monsieur … en vue de la délivrance d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires, respectivement en reconnaissance d’un statut de tolérance, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration refusa d’y faire droit par décision du 16 mars 2007. Le recours contentieux introduit par Monsieur … à l’encontre de cette décision fut définitivement rejeté par un arrêt de la Cour administrative du 21 février 2008 (n° 23778C du rôle).
Saisi d’une nouvelle demande du 13 novembre 2009 en obtention, principalement, d’une tolérance sur le fondement de l’article 22 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après désignée par « la loi du 5 mai 2006 », et, subsidiairement, d’une autorisation de séjour pour motifs humanitaires sur le fondement de l’article 78 (1) d) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après dénommée « la loi du 29 août 2008 », le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministre », refusa d’y faire droit par une décision du 1er décembre 2009 qui est libellée comme suit :
« En mains votre courrier du 13 novembre 2009 dans lequel vous sollicitez une tolérance, subsidiairement une autorisation de séjour pour des motifs humanitaires pour le compte de votre mandant.
Je me permets de vous rappeler que votre mandant est définitivement débouté de sa demande d'asile depuis le 17 mars 2005 et qu'il est dans l'obligation de quitter le territoire luxembourgeois. Une première demande d'autorisation de séjour et de tolérance lui a été refusée par décision du 19 mars 2007, refus qui a été confirmé par arrêt de la Cour administrative en date du 21 février 2008. Il nous a été confirmé par l'Office luxembourgeois de l'accueil et de l'intégration que votre mandant a disparu de son logement depuis le 5 août 2008.
En ce qui concerne votre demande de tolérance, je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à cette demande étant donné qu'il n'existe pas de preuves que l'exécution matérielle de son éloignement vers l'Albanie, son pays d'origine, serait impossible en raison de circonstances de fait indépendantes à sa volonté conformément à l'article 22 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.
Par ailleurs, après avoir procédé à l'examen du dossier de votre mandant conformément à l'article 103 de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et de l'immigration, je suis toutefois au regret de vous informer que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à cette demande. En effet, si vous entendez invoquer un droit de séjour en tant que travailleur salarié sinon pour raisons d'ordre privé conformément à l'article 38 de la prédite loi du 29 août 2008, je me permets de vous rappeler qu'une demande en autorisation de séjour doit selon l'article 39 (1), introduite (sic) par le ressortissant d'un pays tiers auprès du ministre, être favorablement avisée avant l'entrée sur le territoire luxembourgeois. Or, comme tel n'est pas le cas en espèce, votre demande doit être déclarée irrecevable.
De même, votre mandat (sic) ne fait pas état de motifs humanitaires d'une exceptionnelle gravité tels que prévus à l'article 78 (1) d) de la prédite loi justifiant une autorisation de séjour au Luxembourg. Le fait qu'il serait au Luxembourg depuis décembre 2002 et qu'il serait bien intégré dans la société luxembourgeoise ne sauraient être considérés comme « un motif humanitaire d'une exceptionnelle gravité ».
La présente décision est susceptible d'un recours en annulation devant le Tribunal administratif. Ce recours doit être introduit par requête signée d'un avocat à la Cour dans un délai de trois mois à partir de la notification de la présente.
Conformément à l'article 111 de la loi du 29 août 2008 votre mandant dispose d'un mois à compter de la date de notification de la présente pour quitter le territoire luxembourgeois.
Comme nous ne disposons pas d'adresse de votre mandant, nous vous prions de lui faire parvenir cette décision. (…) ».
Suite à un recours gracieux introduit par lettre du 13 janvier 2010, le ministre confirma sa décision de refus en date du 20 janvier 2010 à défaut d’éléments pertinents nouveaux.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 20 avril 2010, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision du 1er décembre 2009 par laquelle le ministre lui a refusé, d’une part, l’octroi d’une tolérance et, d’autre part, une autorisation de séjour pour raisons humanitaires, ainsi que de la décision confirmative du même ministre du 20 janvier 2010, rendue sur recours gracieux.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif également le 20 avril 2010, inscrite sous le n° 26839 du rôle, Monsieur … a fait introduire une demande tendant à voir ordonner le sursis à exécution des décisions ministérielles précitées, sinon l’institution d’une mesure de sauvegarde en attendant la solution du recours au fond. Par ordonnance du 29 avril 2010, le président du tribunal administratif a déclaré non justifiée la demande ainsi introduite devant lui.
1) Quant à la recevabilité du recours Aucune disposition légale ne prévoyant un recours au fond contre une décision portant refus d’une tolérance, telle que régie par l’article 22 de la loi du 5 mai 2006, respectivement contre une décision rendue en la matière des autorisations de séjour, seul un recours en annulation a pu être introduit contre la décision ministérielle déférée prise en ses deux volets.
Il convient en premier lieu de trancher la question de la recevabilité du recours soulevée par le délégué du gouvernement faute par le demandeur d’avoir indiqué son domicile dans la requête introductive d’instance.
En effet, dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement, tout en se référant à l’ordonnance de référé du 29 avril 2010, précitée, se rapporte à la sagesse du tribunal quant à la recevabilité du recours dans la mesure où l’adresse du demandeur ne figure pas dans la requête introductive d’instance et que lors des plaidoiries de référé, le mandataire du demandeur aurait refusé de fournir l’adresse de son client. A cet égard, il souligne que le demandeur n’aurait toujours pas révélé son adresse dans le cadre de la présente instance.
Dans son mémoire en réplique, le demandeur, eu égard à la solution retenue par l’ordonnance présidentielle du 29 avril 2010, précitée, expose qu’il résiderait en alternance chez divers amis à Luxembourg. Il invoque également une décision du tribunal administratif du 5 février 2009 (n° 24745 du rôle) pour en conclure que le présent recours serait recevable.
Conformément à l’article 1er de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, désignée ci-après par « la loi du 21 juin 1999 », la requête introductive d’instance doit contenir, notamment, les noms, prénoms et domicile du requérant. Ladite disposition doit néanmoins être combinée avec l’article 29 de la loi du 21 juin 1999, aux termes duquel l’inobservation des règles de procédure n’entraîne l’irrecevabilité de la demande que pour autant que cette inobservation porte atteinte aux droits de la défense.
En l’espèce, le demandeur a indiqué dans la requête introductive d’instance être sans domicile fixe, tout en élisant domicile en l’étude de son mandataire. Dans son mémoire en réplique, il n’a pas non plus indiqué son adresse, mais a déclaré résider en alternance chez divers amis.
A défaut d’indication de son domicile dans la requête introductive, le demandeur a ainsi enfreint les dispositions de l’article 1er de la loi du 21 juin 1999, en ce que, même s’il ne dispose, le cas échéant, pas de domicile fixe, il devrait pourtant pouvoir indiquer l’adresse à laquelle il séjournait au moment de l’introduction du présent recours. Néanmoins, le tribunal est amené à relever que cette irrégularité de procédure n’a pas empêché le délégué du gouvernement de prendre position quant au fond dans son mémoire en réponse. Il convient encore de souligner que l’Etat a soulevé la question de la recevabilité du recours pour la première fois seulement dans son mémoire en duplique, suite à l’ordonnance de référé du 29 avril 2010, précitée. Dès lors, s’il est vrai qu’en pratique l’indication de ce domicile a un intérêt certain pour le ministre afin de procéder au rapatriement du demandeur, le défaut de ce faire n’a pas porté atteinte aux droits de la défense de la partie étatique dans la présente instance.
Il s’ensuit que le recours en annulation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, est à déclarer recevable.
2) Quant au volet du recours ayant trait au refus d’une tolérance A l’appui de son recours, le demandeur, déclarant être originaire d’Albanie, après avoir rappelé les différentes procédures introduites par lui, fait valoir que suite au refus définitif de l’octroi du statut de réfugié, il aurait signé le 16 août 2005 une déclaration de vouloir bénéficier d’un retour assisté dans son pays d’origine. Ne disposant pas de passeport en cours de validité, il aurait marqué son accord à ce qu’un laissez-passer soit demandé. Il souligne que jusqu’au mois d’août 2008, il aurait été logé comme demandeur d’asile débouté par le ministère compétent, de sorte que sa résidence aurait été connue par les services administratifs. Il en conclut qu’il se serait tenu à la disposition des autorités compétentes pendant trois ans après avoir été débouté de sa demande en obtention du statut de réfugié en vue d’un rapatriement dans son pays d’origine. Ainsi, si un rapatriement en Albanie n’aurait pas été effectué, respectivement se serait avéré impossible, cette circonstance serait indépendante de sa volonté.
En renvoyant à l’article 103 de la loi du 29 août 2008 ayant trait aux circonstances dont le ministre tient compte avant de prendre une décision de refus de séjour, le demandeur fait valoir qu’il se trouverait sur le territoire luxembourgeois depuis le 16 décembre 2002 et que compte tenu de son intégration sociale et culturelle au Luxembourg depuis plus de sept ans, compte tenu du fait que pendant plus de trois ans après avoir été débouté de sa demande de statut de réfugié il serait resté à la disposition des autorités compétentes pour un retour volontaire dans son pays d’origine, compte tenu de son âge, de sa situation familiale et économique et eu égard au fait qu’il n’aurait plus de lien avec son pays d’origine, il y aurait lieu de considérer qu’un retour forcé dans son pays d’origine serait à l’heure actuelle « contraire à toute logique » et que son éloignement s’avérerait impossible en raison de circonstances de fait.
Le délégué du gouvernement rétorque que l’octroi d’une tolérance serait réservé au cas où l’exécution matérielle de l’éloignement s’avère impossible en raison de circonstances de fait indépendantes de la volonté du demandeur et que l’octroi d’une telle tolérance constituerait une faculté pour le ministre. A cet égard, le représentant étatique souligne que le demandeur aurait disparu depuis 2008 et qu’il aurait été signalé aux fins de découvrir sa résidence. Il en conclut que si effectivement, au moment de la prise des décisions litigieuses, il y aurait eu une impossibilité matérielle de procéder au rapatriement du demandeur, cette impossibilité serait due au seul fait de ce dernier, qui se serait soustrait à son obligation de quitter le territoire luxembourgeois.
Dans son mémoire en réplique, le demandeur fait valoir qu’en date du 16 septembre 2005, un laissez-passer aurait été demandé à l’ambassade d’Albanie à Bruxelles, tout en soulevant la question pour quelle raison aucun rapatriement n’aurait été effectué. Une deuxième demande de laissez-passer aurait été introduite le 13 mars 2007. En 2008, soit trois ans après avoir été définitivement débouté de sa demande en obtention du statut de réfugié, il resterait toujours dans l’attente d’un rapatriement. Ainsi, l’absence de l’exécution matérielle d’un retour forcé ne lui serait pas imputable. L’affirmation du délégué du gouvernement suivant laquelle l’impossibilité matérielle du rapatriement serait due au fait qu’il se serait soustrait à son obligation de quitter le Luxembourg serait contredite par sa déclaration de vouloir bénéficier d’un retour assisté signée le 16 août 2005. Le fait qu’il ne soit plus logé par l’Office luxembourgeois de l’accueil et de l’information (OLAI) depuis août 2008 et qu’en date du 4 août 2008, il ait été signalé aux fins de découvrir sa résidence ne saurait constituer, d’après le demandeur, une impossibilité de rapatriement due à sa volonté. Par rapport à l’intégration sociale et culturelle au Luxembourg dont il fait état, le demandeur souligne qu’il parlerait et comprendrait les trois langues officielles au Luxembourg, qu’il n’aurait plus aucun lien avec sa famille en Albanie en raison des problèmes de persécution et de sécurité en Albanie, en citant à cet égard le rapport d’audition établi à l’occasion de sa demande en obtention du statut de réfugié. Il conclut qu’à l’heure actuelle, le ministre n’aurait pu fournir un laissez-passer voire affirmer qu’un tel laissez-passer puisse être délivré.
En vertu de l’article 22 de la loi du 5 mai 2006, tel que modifié par la loi du 29 août 2008, « (1) Si la demande de protection internationale est définitivement rejetée au titre des articles 19 et 20 qui précèdent, le demandeur sera éloigné du territoire. Les articles 124 (2), (3) et (4), 125 et 129 à 131 de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration sont applicables.
(2) Si l'exécution matérielle de l'éloignement s'avère impossible en raison de circonstances de fait indépendantes de la volonté du demandeur, le ministre peut décider de tolérer l’intéressé provisoirement sur le territoire jusqu'au moment où ces circonstances de fait auront cessé. » Il résulte de cette disposition que l’octroi d’un statut de tolérance constitue une faculté du ministre que celui-ci peut exercer si l'exécution de la mesure d'éloignement, qui est de droit en cas de refus du statut de refugié, est matériellement impossible. Il faut encore que cette impossibilité matérielle d’exécution se dégage de circonstances de fait qui sont indépendantes de la volonté du demandeur.
La preuve d’une éventuelle impossibilité matérielle de procéder à l’exécution de la mesure d’éloignement obéit aux règles de preuve de droit commun, ce qui implique que pour tolérer l’étranger sur le territoire, le ministre doit vérifier l’existence de circonstances de fait qui empêchent l’exécution matérielle de l’éloignement. L’application du droit commun entraîne encore qu’en cas de contestation de ces circonstances, il appartient à celui qui en revendique l’existence, en l’occurrence à l’étranger qui revendique cette tolérance, d’en établir l’existence.
En l’espèce, il ressort d’une note au dossier du 4 août 2009 du ministère des Affaires étrangères que depuis le 5 août 2008, le demandeur n’est plus logé par les services de l’OLAI.
En vertu d’un courrier du ministre du même jour, le demandeur a été signalé aux fins de découvrir sa résidence. Il se dégage encore tant des explications fournies par le demandeur lors des plaidoiries dans le cadre du recours en référé introduit par lui, que de celles fournies dans le cadre du mémoire en réplique dans la présente instance, que le demandeur n’a pas révélé le lieu, pour le moins temporaire, de sa résidence. Il suit de ces considérations qu’au jour de la prise des décisions litigieuses, date par rapport à laquelle le tribunal doit apprécier la légalité des décisions attaquées, l’exécution matérielle de l’éloignement était certes impossible puisque l’adresse du demandeur était inconnue, mais cette impossibilité était due à des circonstances imputables au demandeur qui n’a pas révélé le lieu de sa résidence, étant entendu que la connaissance de ce lieu ou du moins la certitude de pouvoir découvrir ce lieu dans un avenir rapproché constitue en pratique un préalable à toute démarche administrative destinée au rapatriement du demandeur. Cette conclusion ne saurait être énervée par le seul fait que le demandeur a signé en 2005 une déclaration de retour volontaire, compte tenu du fait qu’il refuse à l’heure actuelle de dévoiler sa résidence, rendant ainsi impossible l’exécution d’un retour forcé. L’affirmation du demandeur suivant laquelle il serait resté à la disposition du ministre en vue d’un retour dans son pays d’origine se trouve contredite par les éléments du dossier et plus particulièrement par les événements postérieurs à la signature de la prédite déclaration. Il convient encore d’ajouter que le tribunal n’est pas saisi d’éléments permettant de retenir que la délivrance d’un laissez-passer soit impossible, de sorte que les développements du demandeur relatifs au fait que malgré des demandes antérieures adressées à l’ambassade d’Albanie à Bruxelles, aucun laissez-passer n’a été délivré, laissent d’être fondés.
Enfin, une intégration sociale et culturelle au Luxembourg, à la supposer avérée, son âge, sa situation familiale et économique ou encore l’absence de lien avec son pays d’origine, à les supposer avérés, ne sont pas de nature à constituer des circonstances rendant impossible l’exécution matérielle de l’éloignement au sens de l’article 22 (2) de la loi 5 mai 2006. En effet, ces éléments ne sauraient être considérés comme étant constitutifs d’obstacles matériels rendant l’exécution matérielle de son éloignement du territoire impossible, étant entendu que les obstacles visés par la loi à travers l’emploi des termes « exécution matérielle » doivent avoir trait à l’éloignement proprement dit et non aux conditions d’accueil réservées à la personne concernée dans son pays d’origine, respectivement sa situation au Luxembourg.
Quant à l’âge du demandeur d’une tolérance, le demandeur reste en défaut d’étayer, voire même d’expliquer en quoi son âge puisse constituer un obstacle à l’exécution de la mesure d’éloignement.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le demandeur n’a pas établi que l’exécution matérielle de son éloignement est impossible en raison de circonstances de fait indépendantes de sa volonté, de sorte que le ministre pouvait, sans violer la loi, refuser l’octroi du statut de tolérance.
Il s’ensuit que le recours pour autant qu’il vise le refus du ministre d’accorder une tolérance au demandeur est à rejeter comme étant non fondé.
3) Quant au volet du recours ayant trait au refus d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires Le demandeur soutient qu’il remplirait les conditions exigées pour bénéficier d’une autorisation de séjour pour motif humanitaire d’une exceptionnelle gravité au sens de l’article 78 (1) d) de la loi du 29 août 2008 compte tenu du fait qu’il se trouverait sur le territoire luxembourgeois depuis le 16 décembre 2002 et compte tenu de son intégration sociale et culturelle au Luxembourg depuis plus de sept ans, compte tenu du fait que pendant plus de trois ans après avoir été débouté de sa demande de statut de réfugié il serait resté à la disposition des autorités compétentes pour un retour volontaire dans son pays d’origine, compte tenu de son âge, de sa situation familiale et économique et eu égard au fait qu’il n’aurait plus de lien avec son pays d’origine.
Le délégué du gouvernement conteste l’existence de motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité, tout en soulignant que le fait d’avoir été demandeur d’asile depuis 2002 ne pourrait constituer un tel motif. Il souligne encore que le demandeur serait resté en défaut de prouver en quoi les décisions attaquées seraient disproportionnées au regard de l’article 103 de la loi du 29 août 2008.
Aux termes de l’article 78 de la loi du 29 août 2008 « (1) A condition que leur présence ne constitue pas de menace pour l’ordre public, la santé ou la sécurité publiques et qu’ils disposent de la couverture d’une assurance maladie et d’un logement approprié, le ministre peut accorder une autorisation de séjour pour raisons privées :
(…) d) au ressortissant de pays tiers qui fait valoir des motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité.
(…) ».
Le tribunal est amené à retenir qu’en l’espèce, les moyens avancés par le demandeur ne sont pas de nature à faire retenir dans son chef l’existence de tels motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité.
En effet, quant à l’absence d’attaches du demandeur avec son pays d’origine, son âge, sa situation familiale ou une bonne intégration au Luxembourg, si ces éléments peuvent, le cas échéant, entrer en ligne de compte au regard de l’article 78 (1) d) de la loi du 29 août 2008, force est de constater que le demandeur reste en défaut, au vu des contestations afférentes du délégué du gouvernement, d’étayer ses affirmations tenant à ces éléments, voire même d’expliquer en quoi ces éléments seraient à considérer comme constituant des motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité dans son chef. Le demandeur reste pareillement en défaut d’expliquer en quoi sa situation économique, qui par ailleurs n’est pas autrement expliquée, soit susceptible de constituer un motif humanitaire d’une exceptionnelle gravité.
Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent, et à défaut d’autres moyens, que le recours est également à rejeter comme étant non fondé pour autant qu’il vise le refus du ministre d’accorder au demandeur une autorisation de séjour pour raisons humanitaires.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
Martine Gillardin, vice-président, Françoise Eberhard, juge, Annick Braun, juge, et lu à l’audience publique du 6 octobre 2010 par le vice-président, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Martine Gillardin Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 06.10.2010 Le Greffier du Tribunal administratif 8