Tribunal administratif N° 25781 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 juin 2009 1re chambre Audience publique du 6 octobre 2010 Recours formé par la société…, … contre une décision du bourgmestre de la Ville de Luxembourg en matière d'urbanisme
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 25781 du rôle et déposée le 5 juin 2009 au greffe du tribunal administratif par Maître André LUTGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée …, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son gérant actuellement en fonctions, tendant à l’annulation d'une décision datée du 9 mars 2009 du bourgmestre de la Ville de Luxembourg accordant l’autorisation de construire à l’architecte …, agissant au nom et pour compte de Madame …et de Monsieur …, relative à un projet portant sur la construction d'un immeuble résidentiel sur le lot …du plan d'aménagement …, sis aux numéros … et … de l’impasse partant de la rue de …;
Vu l'exploit de l'huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 5 juin 2009, portant signification du prédit recours en annulation à l'administration communale de la Ville de Luxembourg, en la personne de son bourgmestre, à Madame …, Madame …et Monsieur … ainsi qu’à la société … ;
Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif en date du 15 juin 2009 par Maître Christian POINT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l'administration communale de la Ville de Luxembourg ;
Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif en date du 22 juin 2009 par Maître Victor ELVINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, de Madame …et de Monsieur … ainsi que de la société ……;
Vu le mémoire en réponse, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 23 septembre 2009 par Maître Victor ELVINGER au nom de Madame …, de Madame …, de Monsieur … ainsi que de la société …, notifié le même jour à Maîtres André LUTGEN et Christian POINT ;
Vu la requête en abréviation des délais introduite le 23 septembre 2009 par Maître Victor ELVINGER au nom de Madame …, de Madame …, de Monsieur … ainsi que de la société …;
Vu l’avis du tribunal du 6 octobre 2009 informant les différents mandataires des parties qu’il ne fait pas droit à la prédite demande en abréviation des délais ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 5 novembre 2009 par Maître Christian POINT au nom de l'administration communale de la Ville de Luxembourg, notifié le même jour à Maîtres André LUTGEN et Victor ELVINGER ;
Vu le mémoire en réplique, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 4 décembre 2009 par Maître André LUTGEN au nom de la demanderesse, notifié le même jour à Maîtres Victor ELVINGER et Christian POINT ;
Vu la requête en prorogation du délai légal pour déposer les mémoires en duplique de l'administration communale de la Ville de Luxembourg déposée au greffe du tribunal administratif en date du 22 décembre 2009 par Maître Christian POINT ;
Vu l’ordonnance du 24 décembre 2009 accordant la prorogation des délais pour le dépôt des mémoires en duplique ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 22 janvier 2010 par Maître Christian POINT au nom de l'administration communale de la Ville de Luxembourg, notifié le même jour à Maîtres André LUTGEN et Victor ELVINGER ;
Vu le mémoire en duplique, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 25 janvier 2010 par Maître Victor ELVINGER au nom de Madame …, de Madame …et de Monsieur … ainsi que de la société ……, notifié le même jour à Maîtres André LUTGEN et Christian POINT ;
Vu le courrier du 4 mai 2010 adressé par Maître André LUTGEN au tribunal concernant la péremption de l’autorisation de bâtir déférée ;
Vu la prise de position afférente adressée le 4 mai 2010 par Maître Victor ELVINGER au tribunal ;
Vu l’avis du tribunal du 10 mai 2010 ordonnant aux parties de prendre position par voie de mémoire supplémentaire en droit et en fait par rapport à la question de l’importance des travaux réalisés et en concluant quant à l’incidence d’une éventuelle péremption sur la recevabilité des recours introduits par le …;
Vu le mémoire supplémentaire, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 2 juillet 2010 par Maître André LUTGEN au nom de la demanderesse, notifié le même jour à Maîtres Victor ELVINGER et Christian POINT ;
Vu le mémoire supplémentaire, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 24 août 2010 par Maître Victor ELVINGER au nom de Madame …, de Madame …et de Monsieur … ainsi que de la société …, notifié le même jour à Maîtres André LUTGEN et Christian POINT ;
Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 3 septembre 2010 par Maître Christian POINT au nom de l'administration communale de la Ville de Luxembourg, notifié le même jour à Maîtres André LUTGEN et Victor ELVINGER ;
Vu les pièces versées et notamment la décision attaquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maître André LUTGEN, Maître Gilles DAUPHIN, en remplacement de Maître Christian POINT, et Maître Serge MARX, en remplacement de Maître Victor ELVINGER, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 20 septembre 2010.
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Le 4 mars 2008, le bureau d'architectes … présenta au nom et pour le compte de Madame …et de Monsieur … une demande d'accord de principe pour la construction d'un immeuble à logements situé …, ….
Le 4 juin 2008, les sociétés …, …, …et …communiquèrent au bourgmestre de la Ville de Luxembourg leur objections par rapport à l'autorisation de principe sollicitée.
Par décision du 31 juillet 2008, le bourgmestre de la Ville de Luxembourg délivra sous la référence n° … un accord de principe, et en informa par courrier de la même date les opposants, respectivement leurs conseils.
Le bureau d'architectes … soumit le 1er août 2008 une demande en vue de l'obtention de l'autorisation de construire.
Le 5 janvier 2009, Monsieur …fut informé de la possibilité de consulter le dossier et invité à soumettre, le cas échéant, ses observations.
Le 16 janvier 2009, Maître André LUTGEN formula des objections pour compte de la société …, tandis que le même jour, Maître Yann BADEN formula des objections pour compte des sociétés …, …, …et de Monsieur ….
Le 9 mars 2009, le bourgmestre de la Ville de Luxembourg délivra l’autorisation de bâtir sollicitée sous la référence n° … et par courriers du même jour les opposants en furent informés.
Par requête déposée le 5 juin 2009 au greffe du tribunal administratif la société à responsabilité limitée …. a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la prédite décision du 9 mars 2009 du bourgmestre de la Ville de Luxembourg relatif à la construction d'un immeuble résidentiel sur le lot … du plan d'aménagement particulier « …».
Quant à la recevabilité :
Etant donné que la loi ne prévoit aucun recours de pleine juridiction en matière de permis de construire, le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation dirigé contre l’autorisation de bâtir litigieuse.
Tant la Ville de Luxembourg, ci-après « la Ville », que Madame …, Madame …, Monsieur … et la société ……soulèvent le défaut d’intérêt à agir de la société …, ci-après « la société …», en donnant à considérer que celle-ci ne serait propriétaire d’aucune parcelle de l’îlot…, devant accueillir la construction faisant l’objet de la décision déférée.
La demanderesse, de son côté, met en substance en exergue la nécessité de réaliser un remembrement de toutes les parcelles qui font partie du PAP « …», qu’il conviendrait nécessairement de considérer comme un tout, et l’entrave à la mise en œuvre d’un tel remembrement que constitue à ses yeux l’autorisation de bâtir entreprise. Elle expose être, contrairement aux affirmations des consorts … et …, propriétaire de terrains compris dans le lot …, et en tout état de cause être propriétaire de terrains compris dans le PAP « …», de sorte qu’elle serait propriétaire de terrains sis à proximité de la parcelle devant accueillir l’immeuble couvert par l’autorisation litigieuse.
En ce qui concerne le défaut d’intérêt à agir dans le chef de la demanderesse tel que soulevé, il y a lieu de rappeler qu’en matière de recours en annulation dirigé contre un acte administratif, le demandeur doit justifier d’un intérêt personnel et direct à obtenir l’annulation de l’acte qu’il attaque, le juge administratif devant seulement avoir égard à ce que le demandeur avance à ce sujet, dès lors qu'il lui appartient de démontrer son intérêt.
L’intérêt à agir est l’utilité que présente pour le demandeur la solution du litige qu’il demande au juge d’adopter1, étant souligné que l’intérêt à agir n’est pas à confondre avec le fond du droit en ce qu’il se mesure non au bien-fondé des moyens invoqués à l’appui d’une prétention, mais à la satisfaction que la prétention est censée procurer à une partie, à supposer que les moyens invoqués soient justifiés2.
Il résulte à ce propos des écrits des parties que la demanderesse possède indiscutablement des terrains compris dans le PAP « …» et qu’elle estime indispensable de procéder avant l’exécution de ce PAP à un remembrement, afin de rééquilibrer la répartition ultérieure des parcelles, ainsi que les plus-values et charges résultant du PAP, rééquilibrage qui deviendrait irréalisable, respectivement faussé par l’autorisation de bâtir entreprise, ainsi que par l’exécution de ladite autorisation.
Aussi, il ressort des écrits de la demanderesse que celle-ci craint de subir du fait de l’existence de l’autorisation, sinon de la construction litigieuse, une aggravation concrète de sa situation de participant au PAP « …», de sorte à pouvoir être considérée comme ayant qualité et intérêt à agir à l'encontre de l’autorisation de construire déférée.
Partant, le moyen d’irrecevabilité du recours en raison d’un défaut d’intérêt suffisamment caractérisé pour agir dans le chef de la demanderesse laisse d’être fondé.
Par courrier daté 4 mai 2010 adressé au tribunal administratif, le litismandataire de la demanderesse a signalé au tribunal que l’autorisation de bâtir déférée, accordée le 9 mars 2009, serait périmée depuis le 10 mars 2010 à défaut pour les bénéficiaires de cette autorisation d’avoir entrepris des travaux significatifs.
1 Voir Encyclopédie Dalloz, Contentieux administratif, V° Recours pour excès de pouvoir (Conditions de recevabilité), n° 247.
2 Trib. adm. prés. 27 septembre 2002, n° 15373, Pas. adm. 2009, V° Procédure contentieuse, n° 3.
Par avis du 10 mai 2010, le tribunal, conformément à l’article 30 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, a ordonné aux parties à développer par voie de mémoire supplémentaire la question de la péremption éventuelle de l’autorisation de construire déférée, en prenant notamment position en droit et en fait par rapport à la question de l’importance des travaux réalisés et en concluant quant à l’incidence d’une éventuelle péremption sur la recevabilité du recours.
La demanderesse expose à ce sujet en substance qu’actuellement le terrain destiné à accueillir l'immeuble résidentiel dont s'agit aurait fait l'objet, pour tous travaux, d'une opération de débroussaillage et de préparation du sol, de sorte que l'autorisation de construire litigieuse serait devenue caduque et aurait partant cessé de produire d’effet en date du 10 mars 2010.
Elle maintient cependant sa demande tendant à voir annuler la décision déférée, nonobstant la péremption alléguée, en expliquant nécessiter un jugement au fond relatif à l’argumentation avancée par elle et en affirmant conserver un intérêt à voir statuer sur sa demande d'annulation afin de pouvoir ensuite s’appuyer car elle pourra s'appuyer sur la décision du juge administratif afin de faire valoir ses droits civils et en particulier afin de rechercher la responsabilité civile de l'autorité auteur de la décision à annuler.
Si les parties tierces-intéressées admettent certes que les travaux de construction relatifs au lot … n'ont pas encore commencé, elles estiment cependant que cette inaction serait indépendante de leur volonté, mais qu'elle résulterait des innombrables recours introduits par le ….
Par ailleurs, si elles concèdent que lorsque ni la réformation, ni l'annulation d'une décision administrative ne sauraient avoir un effet concret, le demandeur pourrait néanmoins garder un intérêt à obtenir de la part de la juridiction administrative une décision relative à la légalité de la mesure déférée, elles estiment qu’il n'en demeure pas moins que cette adaptation jurisprudentielle de l'intérêt à agir serait à nuancer dans la mesure où la seule possibilité d'une action judiciaire en paiement de dommages-intérêts ne serait pas suffisante pour justifier un intérêt à agir, étant donné qu’il serait insuffisant d'avancer la possibilité d'une éventuelle action en responsabilité pour tenter de justifier d'un intérêt à agir.
Les parties tierces-intéressées concluent dès lors à l’irrecevabilité pure et simple du recours.
La Ville de Luxembourg, pour sa part, expose avoir délivré en date du 7 avril 2010 une nouvelle autorisation de bâtir pour la construction d’un immeuble résidentiel sur le lot ….
Aux termes de l’article 37, alinéa 4 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, « l’autorisation de construire est périmée de plein droit, si dans un délai d’un an, le bénéficiaire n’a pas entamé la réalisation des travaux de manière significative. Le délai de péremption peut être prorogé par le bourgmestre pour une période maximale d’un an sur demande motivée du bénéficiaire ».
En instaurant la péremption des permis de bâtir, le législateur national, s’inspirant directement de la législation bruxelloise3, a voulu lutter contre les permis spéculatifs, c'est-à-
dire les permis demandés par des personnes qui n'ont pas réellement l'intention de les utiliser, mais qui entendent seulement donner à leur bien immobilier une plus-value. Il a ainsi voulu éviter que les autorités urbanistiques soient empêchées, passé un délai, d'apprécier à nouveau librement le bon aménagement des lieux à cause de tels permis spéculatifs4, les travaux parlementaires décrivant explicitement le but du délai de péremption comme étant « de lutter contre la spéculation, et plus particulièrement contre le dépôt de projet par des personnes qui n’ont pas réellement l’intention de les exécuter, mais qui entendent seulement donner aux fonds concernés une plus-value et qui empêchent, passé un délai, les autorités urbanistiques compétentes d’apprécier à nouveau librement le bon aménagement des lieux à cause de l’autorisation accordée. Il convient encore d’éviter qu’un propriétaire, en se prévalant de droits acquis, obtenu dans le passé et dont il s’abstiendrait cependant de faire usage, ne puisse faire indéfiniment échec aux prescriptions qui auraient été édictées dans la suite »5.
En outre, abstraction faite même de toute intention spéculative du bénéficiaire du permis, il importe de tenir compte de ce que les règles urbanistiques et les conceptions urbanistiques changent de manière telle qu'un projet d'urbanisme ou de lotissement qui peut être autorisé à un moment donné peut fort bien ne plus pouvoir l'être après quelques années compte tenu de ces changements.
Force est encore de constater que si le législateur luxembourgeois s’est certes inspiré directement de l’article 87 de l’ordonnance bruxelloise du 27 août 1991 organique de la planification et de l’urbanisme, il n’en a cependant pas repris la teneur intégrale6 et n’a pas explicitement imposé, en cas de travaux de construction, de transformation ou de reconstruction – c’est-à-dire les cas visés à l’article 84, § 1er, 1°, 2° et 4° de l’ordonnance bruxelloise du 27 août 1991 – la nécessité de commencer les travaux d’édification de gros-
œuvre, de sorte à avoir retenu une notion moins stricte, limitée à l’exigence d’un commencement de manière significative des travaux.
3 Projet de loi n° 44863 concernant l'aménagement communal et le développement urbain, Commentaire des articles, ad. art. 37.
4 D. Lagasse, « La péremption des permis d’urbanisme et de lotir », Pratique notariale et droit administratif, 1998, p.58.
5 Projet de loi n° 44863 concernant l'aménagement communal et le développement urbain, Commentaire des articles, ad. art. 36.
6 « Le permis est périmé si dans les deux années de sa délivrance, le bénéficiaire n'a pas entamé sa réalisation de façon significative ou, dans les cas visés à l'article 84, § 1er, 1°, 2° et 4°, s'il n'a pas commencé les travaux d'édification du gros œuvre ou encore s'il n'a pas, le cas échéant, mis en œuvre les charges imposées en application de l'article 86 ».
Il en résulte, à l’instar des solutions dégagées sur base des législations wallonne, flamande et française, qui exigent toutes un commencement des travaux7 significatif, que le critère de travaux entrepris est constitué par le premier acte d’exécution qui est posé sur le chantier, dans la mesure où ce travail matériel est conforme à l’implantation autorisée de la construction8, à condition que les travaux entamés soient d’une importance suffisante et témoignent de l’intention réelle du bénéficiaire du permis de mettre celui-ci en œuvre et que lesdits travaux fassent l’objet du permis en question : ainsi, des travaux de démolition couverts par une autorisation distincte ne suffisent normalement pas à empêcher la péremption du permis de bâtir9.
La péremption du permis de bâtir, qui consiste en l’anéantissement de l’acte, opère de plein droit, par le simple fait de l’expiration du délai et met son bénéficiaire dans la situation de celui qui n'a plus de permis, de sorte que la réalisation des travaux constituera pour lui une infraction à la loi susceptible de sanctions et d’arrêt des travaux.
Dès lors, le recours en annulation d'un permis de bâtir devient sans objet lorsqu'il se périme en cours d'instance10, un requérant n’ayant plus d’intérêt à poursuivre un recours à l’encontre d’un acte ayant disparu11.
En l’espèce, il est constant en cause que les bénéficiaires de l’autorisation de bâtir déférée n’ont à ce jour qu’entrepris des travaux de débroussaillage, de sorte à ne pas voir entamé la réalisation des travaux autorisés de manière significative : il s’ensuit qu’à la date des plaidoiries et de la prise en délibéré de la présente affaire, le permis délivré le 9 mars 2009 est périmé pour inaction ayant perduré plus d’un an.
7 Voir notamment article 87 CWATUP et article R.421-17 du Code de l’urbanisme français.
8 Ph. Quertainmont, « La péremption du permis de bâtir et son influence sur l’intérêt dans le chef du requérant devant le Conseil d’Etat », RJDA, 1975, p.167-168.
9 CdE belge, 27 novembre 1992, De Beco et Praet, n° 41208.
10 CdE belge, 27 novembre 1992, De Beco et Praet, n° 41208 ; CdE belge, 8 janvier 2007, n° 166.415.
11 CdE belge, 29 mars 1995, François-Baron, n° 52566 ; CdE belge 1er octobre 1996, Carbonelle et consorts, n° 62.073, CdE belge, 17 juin 1997, Toussaint, n° 66.835.
Il s’ensuit encore que comme la décision qui fait l'objet du recours a été anéantie de par sa péremption, elle n'a plus d'existence légale, de sorte que le recours en annulation dirigé contre cette décision est devenu sans objet.
Cette conclusion n’est pas énervée par la jurisprudence citée par la demanderesse, cette jurisprudence ne trouvant à s’appliquer que dans la situation particulière où un acte administratif a certes cessé de produire ses effets, mais où il continue toujours légalement d’exister : dans ce cas de figure particulier, qui se rencontre principalement en matière de rétention administrative, le demandeur garde un intérêt à obtenir une décision relativement à la légalité de la mesure, de la part de la juridiction administrative, puisqu'en vertu d'une jurisprudence constante des tribunaux judiciaires, respectivement la réformation ou l'annulation des décisions administratives individuelles constitue une condition nécessaire pour la mise en œuvre de la responsabilité des pouvoirs publics du chef du préjudice causé aux particuliers par les décisions en question.
En l’espèce cependant, la situation est toute autre, puisque l’acte déféré a cessé d’exister juridiquement.
Quant à l’affirmation selon laquelle la demanderesse conserverait un intérêt à voir trancher son argumentation au fond, il convient de rappeler que ces moyens ont d’ores et déjà fait l’objet de décisions de justice dans des rôles parallèles ; par ailleurs, un recours contentieux ayant pour seul but de provoquer une prise de position est irrecevable pour défaut d’intérêt, les juridictions administratives n’ayant pas été instituées pour procurer aux plaideurs des satisfactions purement platoniques ou leur fournir des consultations12.
Les parties tierces-intéressées sollicitent la condamnation de la partie demanderesse à une indemnité de procédure d’un montant de 10.000 euros, en soulignant que le …, dont fait partie la demanderesse, les aurait entraîné dans 23 procédures judiciaires dans lesquelles le …aurait systématiquement succombé, mais qui les aurait obligé à mobiliser des moyens considérables pour se défendre contre les multiples attaques non justifiées du ….
Il ressort de ces explications - et de l’importance du montant réclamé - que les parties de Maître ELVINGER tentent en fait dans cette mesure de se faire ainsi indemniser des dommages prétendument causés par l’acharnement procédural du …, dommages qui ne résultent cependant pas de la seule instance sous analyse, mais également d’autres procédures contentieuses menées en vain par le ….
La demande tendant à l’obtention d’une indemnité de 10.000 euros étant de la sorte à qualifier de demande en obtention de dommages-intérêts pour procédure vexatoire, voire pour un comportement du …considéré comme fautif, elle est à rejeter, les juridictions administratives n’étant pas compétentes pour indemniser un quelconque préjudice tiré du fond du litige13, cette question relevant du juge judiciaire.
Néanmoins dans la mesure où la demande s’inscrit dans le cadre de l’article 33 de la prédite loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, il y a lieu au vu des circonstances particulières du présent litige et notamment 12 Voir en ce sens trib. adm. 14 janvier 2009, n° 22029.
13 Cour adm. 22 avril 1999, n° 10489C, Pas. adm. 2009, V° Procédure contentieuse, n° 796.
en raison de son issue, du fait que les parties tierces-intéressées ont été obligées de se défendre en justice sous l’assistance d’un avocat et ont été obligées de déposer des actes de procédure, le tribunal retient qu’il serait inéquitable de laisser à la charge des parties tierces-intéressées l’intégralité des frais et honoraires non compris dans les dépens.
Compte tenu des éléments d’appréciation en possession du tribunal, des devoirs et degré de difficulté de l’affaire ainsi que du montant réclamé, et au vu de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, il y a lieu d’évaluer ex æquo et bono l’indemnité à allouer à chacune des parties de Maître ELVINGER un montant de 750 euros.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, déclare le recours en annulation irrecevable , condamne la société à responsabilité limitée …à payer à Madame …, à Madame …, à Monsieur … ainsi qu’à la société ……chaque fois une indemnité de procédure d’un montant de 750.- € , condamne la demanderesse aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 6 octobre 2010 par :
Marc Sünnen, premier juge, Claude Fellens, premier juge, Thessy Kuborn, juge, en présence du greffier assumé Michèle Feit, s. Feit s. Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 6.102010 Le Greffier assumé du Tribunal administratif 9