Tribunal administratif Numéro 27317 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 septembre 2010 3e chambre Audience publique extraordinaire du 1er octobre 2010 Recours formé par Monsieur …, contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 120 L. 29.8.2008)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 27317 du rôle et déposée le 23 septembre 2010 au greffe du tribunal administratif par Maître Arnaud Ranzenberger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité marocaine, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, tendant à la réformation d'une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 13 septembre 2010, ordonnant la prorogation de son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 24 septembre 2010 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Perrine Lauricella, en remplacement de Maître Arnaud Ranzenberger, et Madame le délégué du gouvernement Betty Sandt en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 29 septembre 2010 ;
Vu le courrier du délégué du gouvernement, déposé le 29 septembre 2010 au greffe du tribunal administratif, informant le tribunal que Monsieur … n’a pas pu être éloigné en raison de son comportement;
Vu l’avis du tribunal administratif du 30 septembre 2010 prononçant la rupture du délibéré afin de permettre aux parties de renseigner le tribunal si une nouvelle décision de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière a été prise et, dans l’affirmative, de prendre position sur la question de l’objet du recours ;
Vu les pièces supplémentaires déposées au greffe du tribunal administratif le 1er octobre 2010 par le délégué du gouvernement ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Perrine Lauricella, en remplacement de Maître Arnaud Ranzenberger, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Guillou-Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique extraordinaire du 1er octobre 2010.
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En date du 7 mai 2007, Monsieur …, déclarant être de nationalité irakienne, déposa une demande de protection internationale auprès des autorités luxembourgeoises. Cette demande fit l’objet d’une décision de refus de la part du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en date du 4 décembre 2008. Un test linguistique auquel l’intéressé fut soumis le 28 octobre 2008 révéla qu’il ne serait pas de nationalité irakienne, mais éventuellement algérienne ou tunisienne.
Par jugement du tribunal correctionnel de Luxembourg du 3 juin 2009, Monsieur … fut condamné par défaut du chef de vol à une peine d’emprisonnement de 6 mois.
Par arrêté du 15 octobre 2009, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ci-
après « le ministre », prononça une interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois à l’encontre de Monsieur …. Par arrêté du même jour, notifié à l’intéressé le 6 novembre 2009, le ministre ordonna son placement en rétention au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximale d’un mois au motif que son éloignement immédiat n’était pas possible en raison de circonstances de fait.
Le 12 novembre 2009, le ministre adressa aux autorités algériennes, tunisiennes et marocaines une demande d’identification de l’intéressé. Ces demandes n’ayant pas été suivies d’effet dans l’immédiat, le ministre prorogea l’arrêté de placement ci-avant visé du 15 octobre 2009, une première fois par un arrêté du 2 décembre 2009, notifié à l’intéressé le 4 décembre 2009, ainsi qu’une itérative fois par un arrêté du 4 janvier 2010, notifié le même jour à l’intéressé, en motivant la nécessité de ces reconductions par le fait que l’identification de l’intéressé par les autorités algériennes, tunisiennes et marocaines était toujours en cours d’instruction.
Le recours contentieux introduit par Monsieur … à l’encontre de la décision de prorogation de son placement du 4 janvier 2010 au Centre de séjour fut déclaré non justifié par un jugement du tribunal administratif du 1er février 2010, inscrit sous le numéro 26519 du rôle.
Le 19 janvier 2010, Monsieur … fit l’objet d’un ordre d’écrou en vue de l’exécution du prédit jugement correctionnel du 3 juin 2009 et il fut à cette fin transféré du Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière au Centre pénitentiaire.
Par courrier du 31 mars 2010, le Consulat général du Royaume du Maroc à Liège informa les autorités luxembourgeoises que Monsieur … figurait au fichier central de ses services comme citoyen marocain.
Le terme de l’emprisonnement de Monsieur … se situant au 18 juillet 2010, le ministre ordonna par arrêté du 13 juillet 2010, notifié à l’intéressé le 16 juillet 2010, le placement de celui-
ci au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de la décision en question, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois.
Suite à la demande des autorités luxembourgeoises, le Consulat général du Royaume du Maroc à Liège transmit par courrier du 3 août 2010 un laissez-passer d’une durée d’un mois émis le 22 juillet 2010 au nom de Monsieur ….
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 4 août 2010, Monsieur … fit introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la prédite décision de rétention datée du 13 juillet 2010.
Par jugement du 11 août 2010, inscrit sous le numéro 27170 du rôle, le tribunal administratif déclara recevable le recours principal en la forme, mais quant au fond, le déclara non justifié.
Par arrêté du 13 août 2010, le ministre prorogea le placement de Monsieur … au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de la décision en question, au motif qu’un laissez-passer au nom de Monsieur … avait été émis par les autorités consulaires marocaines et que l’éloignement de l’intéressé serait prévu pour le 18 août 2010.
Le 18 août 2010, le rapatriement de Monsieur … vers son pays d’origine n’a pas pu être effectué en raison du comportement de celui-ci. Monsieur … fut conduit au commissariat de police et se vit notifier un arrêté du ministre prit en date du même jour et ordonnant son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de la décision en question.
Par un arrêté du ministre du 13 septembre 2010, notifié à l’intéressé le 17 septembre 2010, le ministre prorogea le placement de Monsieur … au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une nouvelle durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question, aux motifs suivants :
« Vu les articles 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;
Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;
Vu mon arrêté notifié en date du 18 août 2010 décidant du placement temporaire de l’intéressé ;
Considérant que l’intéressé s’est opposé à son éloignement du 18 août 2010 ;
Considérant qu’un nouveau laissez-passer a dû être sollicité auprès des autorités consulaires marocaines ;
- que ce document de voyage a été délivré aux autorités luxembourgeoises le 6 septembre 2010 ;
Considérant que l’éloignement de l’intéressé est actuellement en cours d’organisation ;
- que l’éloignement immédiat de l’intéressé est impossible en raison de circonstances de fait ;
Considérant qu’il y a nécessité de reconduire la décision de placement ; (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 23 septembre 2010, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la prédite décision du 13 septembre 2010 portant prorogation de son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une nouvelle durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question.
Etant donné que l'article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, seul un recours en réformation a pu être introduit en l’espèce.
Suite à une question afférente posée par le tribunal à l’audience publique du 29 septembre 2010, le délégué du gouvernement a informé en cours du délibéré le tribunal que l’éloignement du demandeur vers son pays d’origine prévu pour le 29 septembre 2010 avait échoué au vu de son comportement agressif et dangereux.
Par avis du 30 septembre 2010, le tribunal a prononcé la rupture du délibéré afin de permettre aux parties de le renseigner si une nouvelle décision de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière a été prise et, dans l’affirmative, de prendre position sur la question de l’objet du recours.
A l’audience publique extraordinaire du 1er octobre 2010, le délégué du gouvernement a expliqué qu’une nouvelle décision de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière a été prise à l’encontre du demandeur en date du 29 septembre 2010 et notifiée le même jour à l’intéressé.
Sur question du tribunal quant à l’objet du recours en réformation, eu égard au fait qu’une nouvelle décision de placement au Centre de séjour a été prise à l’encontre du demandeur, le mandataire du demandeur a estimé qu’alors même qu’une nouvelle décision de placement a été prise, la décision de placement déférée du 13 septembre 2010 continuerait à produire ses effets, de sorte à vouloir maintenir son recours en réformation.
Le délégué du gouvernement a répondu que le but d’une mesure de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière serait l’éloignement de l’intéressé vers son pays d’origine. Dès lors, une telle mesure de placement cesserait ses effets à compter du moment où l’intéressé sortirait du Centre de séjour et que par voie de conséquence une nouvelle décision de placement au Centre de séjour devrait être prise en cas d’échec de l’éloignement. Le représentant étatique en conclut que la décision déférée du 13 septembre 2010 aurait cessé de produire ses effets.
Aux termes de l’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 : « Lorsque l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 ou d’une demande de transit par voie aérienne en vertu de l’article 127 est impossible en raison de circonstances de fait, ou lorsque le maintien en zone d’attente dépasse la durée de quarante-huit heures prévue à l’article 119, l’étranger peut, sur décision du ministre être placé en rétention dans une structure fermée.
(…) ».
Il résulte de cette disposition qu’une mesure de placement est prise lorsque l’exécution d’une mesure d’éloignement est impossible en raison de circonstances de fait, le placement devant servir à permettre aux autorités ministérielles de faire les démarches nécessaires afin de pouvoir procéder à l’exécution de la mesure de l’éloignement. La finalité d’une mesure de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière est donc de mettre l’étranger en situation irrégulière à disposition du gouvernement dans les limites et conditions de la loi, en attendant que l’exécution de la mesure d’éloignement devient possible, étant précisé que l’exécution de la mesure de placement est distincte de la mesure de rétention. Il s’ensuit qu’une décision de placement au Centre de séjour prise sur base des articles 120 et suivants de la loi du 29 août 2008 cesse ses effets nécessairement au moment où l’exécution de la mesure d’éloignement est entamée.
En l’espèce, il ressort des pièces versées au dossier qu’à 6.30 heures le 29 septembre 2010, le demandeur a été pris en charge au Centre de séjour provisoire par deux agents de la police judiciaire afin d’être conduit à l’aéroport d’où il aurait dû partir vers son pays d’origine. Il s’ensuit que l’exécution matérielle de la mesure d’éloignement du demandeur a commencé le 29 septembre 2010 à 6.30 heures, de sorte que la décision déférée de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière a cessé ses effets à ce moment.
Dans la mesure où au jour des présentes, la décision déférée a cessé de produire ses effets, le recours en réformation ne peut être analysé que dans la limite des moyens de légalité invoqués et il est partant à déclarer sans objet pour autant qu’il conclut à la libération du demandeur.
Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable dans cette mesure.
A l’appui de son recours, le demandeur soutient en premier lieu que le 18 août 2010, il aurait fait l’objet de violences et de brutalités durant la tentative par les autorités luxembourgeoises de le reconduire à la frontière. Il conclut à une violation flagrante de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme, ainsi qu’à un excès de pouvoir de la part des autorités administratives et estime que le tribunal administratif intervenant dans les procédures de reconduite à la frontière en tant que garant du respect des droits de l’homme, devrait procéder à la réformation de la décision déférée ordonnant la prorogation de son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière.
Le délégué du gouvernement estime que les affirmations du demandeur seraient sans pertinence dans le cadre d’un recours contre une décision portant prorogation d’un placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière et il conteste de façon formelle les affirmations du demandeur.
Force est au tribunal de constater qu’il est saisi en l’espèce d’un recours tendant à la réformation d’une décision portant prorogation d’une mesure de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière et que le moyen du demandeur tiré d’une violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme, en raison de violences prétendument subies lors d’une tentative de rapatriement, ne met en cause ni la légalité, ni la régularité de la décision déférée, mais a trait à une question de responsabilité de l’Etat, qui de surplus ne relève pas du champ de compétence des juridictions administratives, de sorte que ledit moyen est à rejeter pour être sans pertinence en l’espèce.
Le demandeur expose encore qu’il aurait fait l’objet de trois mesures de placement successives avant son emprisonnement en janvier 2010 et que dès la fin de son emprisonnement en juillet 2010 il aurait à nouveau fait l’objet de trois mesures de placement successives. Il estime qu’alors même que l’administration aurait pu effectuer des diligences en vue de son éloignement durant les mois de janvier 2010 à juillet 2010, elle ne les aurait effectuées qu’à compter du 13 juillet 2010. Il reproche ainsi à l’administration une inertie constitutive d’un excès de pouvoir.
L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, précité, permet au ministre, dans l’hypothèse où l’exécution d’une mesure d’éloignement est impossible en raison de circonstances de fait, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, étant entendu que le paragraphe (3) du même article permet au ministre de reconduire, en cas de nécessité, la décision de placement à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois.
Une impossibilité de procéder à l’éloignement immédiat d’un étranger en raison de circonstances de fait est vérifiée notamment lorsque ce dernier ne dispose pas des documents d’identité et de voyage requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise de l’intéressé. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour la durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée à trois reprises en cas de nécessité.
Cependant, en présence d’une personne démunie de documents de voyage et même de documents d’identité, tel que cela est le cas en l’espèce, le ministre doit d’abord procéder à une vérification de l’identité et de l’origine de la personne concernée et ensuite s’adresser aux autorités du pays d’origine afin d’établir l’identité de la personne concernée et de se faire délivrer des documents de voyage. La nécessité d’accomplir ces démarches supplémentaires entraîne forcément une extension du délai requis pour organiser la mesure d’éloignement et partant de la durée admissible de la mesure de rétention, ceci étant vrai a fortiori dans une situation comme, en l’espèce, où la personne concernée non seulement n’entreprend elle-même aucune démarche afin de contribuer à l’émission des documents de voyage par les autorités de son pays d’origine, mais refuse d’indiquer son identité1.
1 Cf. CA 19 août 2009, n° 25966C, disponible sous www, ja.etat.lu Le demandeur se trouvant en situation irrégulière au pays et étant par ailleurs démuni de documents de voyage, les conditions afin de pouvoir recourir à une mesure de placement sont remplies en l’espèce.
Il convient toutefois de rappeler qu’une mesure de rétention s’analyse en une mesure administrative privative de la liberté de mouvement de la personne concernée et qu’elle doit être limitée à la durée strictement nécessaire afin de permettre l’exécution d’une mesure d’éloignement. A cette fin, le ministre est dans l’obligation de faire entreprendre avec la diligence requise toutes les démarches nécessaires afin d’organiser cette mesure d’éloignement.
En l’espèce, concernant les démarches effectuées par le ministre, il y a lieu de constater que le ministre a pris contact le 24 août 2010 avec les autorités consulaires marocaines pour les informer que l’éloignement du demandeur prévu pour le 18 août 2010 n’a pas pu être effectué et pour solliciter l’émission d’un nouveau laissez-passer au profit du demandeur. Le 30 août 2010, les autorités consulaires du Maroc ont émis un laissez-passer au nom du demandeur. Le 7 septembre 2010, le ministre s’est adressé à la police judiciaire afin d’organiser l’éloignement du demandeur qui a ensuite été fixé au 29 septembre 2010.
Au vu des diligences ainsi déployées par les autorités ministérielles luxembourgeoises, le tribunal est amené à constater qu’au moment où il statue, des démarches suffisantes ont été entreprises afin de pouvoir procéder à l’éloignement du demandeur du territoire. Le demandeur critique encore de façon générale le fait que le ministre n’aurait pas entrepris de démarche précise durant la période de son emprisonnement, c’est-à-dire entre le mois de janvier 2010 et le 13 juillet 2010.
A cet égard il convient de rappeler qu’un laissez-passer étant en général établi pour une période déterminée - le laissez-passer émis en l’espèce en date du 22 juillet 2010 étant ainsi valable uniquement pour la durée d’un mois -, il aurait été prématuré d’en solliciter la délivrance à une date où le demandeur, a priori, ne pouvait pas encore faire l’objet d’un éloignement, étant donné qu’il était encore détenu au Centre pénitentiaire où il purgeait sa peine d’emprisonnement.
Force est dès lors de constater qu’en ce qui concerne la période de l’emprisonnement du demandeur, aucun reproche ne saurait être fait au ministre qui, pendant cette période, a déployé des diligences suffisantes afin de déterminer le véritable pays d’origine de l’intéressé en prenant contact avec les différentes autorités étrangères susceptibles d’entrer en ligne de compte à partir du test linguistique effectué, et une fois la nationalité effective du demandeur déterminée, a contacté les autorités marocaines compétentes en vue de préparer l’éloignement futur du demandeur, tout en attendant que le demandeur se trouve concrètement à sa disposition, après avoir purgé la peine d’emprisonnement à laquelle il a été condamné, au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour entamer les démarches finales permettant son rapatriement, à savoir l’obtention de papiers de voyage et ensuite l’organisation pratique de son rapatriement.
Le moyen du demandeur tiré d’une insuffisance des démarches effectuées par le ministre en vue de son éloignement est partant à rejeter pour ne pas être fondé.
Enfin, le demandeur fait valoir qu’il aurait fait l’objet d’une privation de liberté de six mois, ce qui serait en complète disproportion avec la finalité poursuivie par l’autorité administrative et constituerait une violation des principes posés par l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme.
A cet égard, force est au tribunal de constater que si le demandeur a effectivement été placé en rétention administrative pendant une durée totale de six mois au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, il ne s’agit pas d’une période de six mois consécutifs. En effet, le demandeur a été placé audit Centre en novembre 2009 jusqu’en janvier 2010, c’est-à-dire pour une période de trois mois, pour ensuite être transféré au Centre pénitentiaire où il a purgé une peine d’emprisonnement. Dès sa libération de prison, le demandeur a de nouveau été placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière en vue de l’organisation de son rapatriement. Il s’ensuit que le demandeur a fait l’objet de deux périodes distinctes de placement au Centre de séjour.
Il y a encore lieu de rappeler qu’en date du 18 août 2010, le demandeur aurait dû être éloigné vers son pays d’origine, mais que l’opération a échoué en raison du comportement du demandeur qui s’est opposé à son rapatriement au moment d’embarquer dans l’avion, de sorte que les autorités ministérielles se sont vu obligées de le placer de nouveau en rétention au Centre de séjour en vue de préparer un second transfert vers le Maroc. Le demandeur est dès lors particulièrement mal venu de reprocher au ministre une durée excessive de placement.
Quant au moyen tiré d’une atteinte à la liberté telle que protégée par l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’Homme, cette disposition prévoit expressément la possibilité de détenir une personne contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. Il convient encore de préciser que le terme d’expulsion utilisé à l’article 5 est à entendre dans son acceptation la plus large et vise toutes les mesures d’éloignement respectivement de refoulement d’une personne se trouvant en séjour irrégulier dans un pays. Le fait même d’être retenu ne saurait dès lors être remis en cause par le demandeur au regard des dispositions de la Convention européenne des droits de l’Homme. Le moyen afférent est partant à rejeter pour ne pas être fondé.
Enfin, à l’audience publique du 29 septembre 2010, le mandataire du demandeur a avancé un nouveau moyen en expliquant que son mandant aurait reçu une citation à prévenu pour le 26 octobre 2010 et que s’il était éloigné vers son pays d’origine avant cette date, il ne pourrait pas être entendu par le juge d’instruction, ce qui constituerait une violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme.
Indépendamment de la pertinence de ce moyen dans le cadre d’un recours tendant à la réformation d’une décision de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, force est au tribunal de constater que la procédure devant les juridictions administratives est essentiellement écrite, de sorte qu’un moyen formulé pour la première fois oralement lors de l’audience des plaidoiries est à rejeter comme étant irrecevable.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent et à défaut de tout autre moyen soulevé en cause que le recours sous analyse n’est justifié en aucun des moyens et est à rejeter comme non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit en la forme le recours en réformation dans la limite des moyens de légalité invoqués et le déclare sans objet pour le surplus ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
donne acte au demandeur qu’il déclare bénéficier de l’assistance judiciaire ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
Martine Gillardin, vice-président, Françoise Eberhard, juge, Annick Braun, juge Et lu à l’audience publique extraordinaire du 1er octobre 2010 à 16.00 heures par le vice-
président, en présence du greffier assumé Michèle Feit.
s. Michèle Feit s. Martine Gillardin Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 1 octobre 2010 Le Greffier assumé du Tribunal administratif 9