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29/09/2010 | LUXEMBOURG | N°26655

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 septembre 2010, 26655


Tribunal administratif Numéro 26655 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 mars 2010 1ère chambre Audience publique du 29 septembre 2010 Recours formé par Monsieur …, Luxembourg contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art.19. L-5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête déposée le 3 mars 2010 au greffe du tribunal administratif, inscrite sous le numéro 26655 du rôle, par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH

, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M...

Tribunal administratif Numéro 26655 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 mars 2010 1ère chambre Audience publique du 29 septembre 2010 Recours formé par Monsieur …, Luxembourg contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art.19. L-5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête déposée le 3 mars 2010 au greffe du tribunal administratif, inscrite sous le numéro 26655 du rôle, par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Iran), de nationalité afghane, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 3 février 2010 portant rejet de sa demande en obtention d’une protection internationale comme n’étant pas fondée et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision du 3 février 2010 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 mars 2010 ;

Vu la constitution de nouvel-avocat déposée par Maître Arnaud RANZENBERGER en date du 20 avril 2010 au greffe du tribunal administratif ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Perrine LAURICELLA -

MOPHOU, en remplacement de Maître Arnaud RANZENBERGER et Monsieur le délégué du gouvernement Daniel RUPPERT en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 mai 2010.

Vu l’avis du tribunal du 7 juillet 2010 ayant prononcé la rupture du délibéré ;

Entendu Maître Khaldia DJELDJAL, en remplacement de Maître Arnaud RANZENBERGER, et Madame le délégué du gouvernement Sousie SCHAUL en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 20 septembre 2010.

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Le 28 janvier 2009, Monsieur … introduisit une demande de protection internationale au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, sinon au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection.

En date du 4 février 2009, Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il fut entendu en date des 28 juillet, 15 et 21 septembre et 2 octobre 2009 par un agent du ministère des Affaires étrangères sur sa situation, ainsi que sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 3 février 2010, notifiée au demandeur en date du 4 février 2010, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ci-après « le ministre », informa le requérant que sa demande avait été rejetée comme étant non fondée. Cette décision est libellée comme suit :

« J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentée auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration en date du 28 janvier 2009.

En application de la loi précitée du 5 mai 2006, votre demande de protection internationale a été évaluée par rapport aux conditions d'obtention du statut de réfugié et de celles d'obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.

En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 5 février 2009 et les rapports d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration datés des 28 juillet, 15 septembre, 21 septembre et 2 octobre 2009.

Il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire que vous auriez quitté l'Iran avec toute votre famille en été 2008 avec l'intention d'aller en Europe. Vous seriez d'abord allé à Tabriz, ville proche de la frontière turque. De là, avec l'aide d'un passeur, vous auriez traversé la frontière à pied, à cheval et en voiture. Vous seriez arrivé à Van en Turquie, où de nombreuses familles attendaient pour partir et chaque quinzaine, quatre personnes auraient été emmenées à Istanbul. C'est là que vous auriez été séparé de votre famille. Vous auriez ensuite été emmené à Istanbul où vous auriez encore dû attendre une semaine avant de partir dans un minibus. Dans une ville côtière, vous auriez embarqué avec vingt-cinq autres candidats réfugiés sur un bateau pneumatique. Après une tempête, vous auriez accosté vers 8.00 heures sur une île grecque. Vous auriez été contrôlé par la police et vous seriez resté environ dix jours sur cette île. On vous aurait alors ordonné de quitter la Grèce sous trente jours mais on vous aurait envoyé à Athènes. Dans cette ville, vous auriez fréquenté le quartier ATIKI qui serait un lieu de rencontre avec les passeurs. Là, un passeur aurait organisé la suite de votre voyage. Il vous aurait d'abord emmené dans une maison et puis vous aurait caché dans le caisson d'un camion qui devait prendre place sur un bateau. A l'arrivée le chauffeur du camion vous aurait fait sortir de votre cachette et vous aurait déposé auprès d'un autre passeur. Celui-ci vous aurait accompagné en bus et en train jusqu'à Luxembourg. Vous ajoutez que les autorités turques auraient trouvé vos parents et les auraient renvoyés en Iran. De là, ils auraient été refoulés en Afghanistan mais après quatre ou cinq mois, ils seraient repartis en Iran.

Il résulte de vos déclarations que vous seriez né en Iran mais que les autorités iraniennes auraient une première fois renvoyé votre famille en Afghanistan lorsque vous aviez quatre ans. Après quatre ou cinq mois, vous seriez revenus en Iran avec votre famille.

Vous expliquez que votre père aurait eu des problèmes d'héritage avec des cousins de votre grand-père qui étaient devenus riches sous les Talibans et qui voulaient récupérer des terres ayant appartenus à votre grand-père. Ces cousins auraient assassiné votre grand-père et votre oncle pour récupérer ces terres. Ce serait pour cette raison que votre vie serait en danger en Afghanistan. Lors de votre bref retour en Afghanistan quand vous aviez quatre ans, une explosion aurait blessé votre père et vous aurait fait perdre un œil. Votre mère aurait aussi perdu ses parents et son frère à cause de la guerre en Afghanistan.

Vous expliquez qu'en Iran, les autorités auraient refusé l'inscription des Afghans dans les écoles officielles. Vous auriez alors dû étudier dans une école privée car vous vouliez devenir dessinateur sur ordinateur. Au bout de six mois, vous auriez passé un examen mais au moment d'aller chercher votre diplôme, les autorités ne vous auraient rien remis en disant qu'on n'aurait pas dû vous inscrire à l'école. Vous auriez protesté et le directeur aurait appelé la police. On vous aurait mis en garde-à-vue et frappé. Votre père aurait intercédé en votre faveur auprès du directeur qui aurait retiré sa plainte à condition que vous ne cherchiez plus à récupérer votre diplôme. Vous ajoutez que les Afghans n'auraient aucun droit en Iran, pas le droit de fréquenter les écoles et que les Iraniens refouleraient brutalement les Afghans encore sur leur territoire.

Il y a d'abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Or, les faits que vous alléguez ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécuté dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi précitée du 5 mai 2006.

Je relève d'abord que vous êtes de nationalité afghane et que vous n'avez jamais eu de problèmes dans votre pays d'origine, à savoir l'Afghanistan. Les querelles familiales entre votre grand-père et ses cousins ne vous concernent plus depuis longtemps, d'autant plus que les cousins ont obtenu ce qu'ils voulaient, c'est-à-dire les terrains du grand-père. En effet, les assassinats de votre grand-père et de votre oncle ont eu lieu en 1982/1983, soit trois ou quatre ans après le mariage de vos parents et il y a donc presque vingt ans. En ce qui concerne l'explosion qui aurait eu lieu en Afghanistan quand vous auriez eu quatre ans, rien ne prouve que ce soit votre famille qui était directement visée. Cette explosion pouvait être due à la situation y existant à cette époque-là. De plus, si vous deviez encore craindre vos cousins après tout ce temps, rien ne vous oblige à vous installer dans le village d'où est originaire votre famille. Une fuite interne à Kaboul ou dans toute autre ville est tout à fait possible.

Quant à la situation des Afghans en Iran, pour y répondre brièvement, même si le système de l'asile n'existe pas comme en Europe, ils y bénéficient d'une sorte de tolérance. Il résulte des renseignements en notre possession que leur permis de séjour est renouvelé tous les six mois moyennant paiement. Ils sont libres de circuler partout sauf au Baloutchistan. Ils ont accès à l'école primaire, à l'enseignement secondaire et à l'université moyennement paiement. Ils peuvent obtenir des permis de travail.

Ainsi, vous n'alléguez aucun fait susceptible d'établir raisonnablement une crainte de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.

En outre, votre récit ne contient pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, les faits invoqués à l'appui de votre demande ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. Ils ne justifient donc pas la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire.

Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 19§1 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.

La présente décision vaut ordre de quitter le territoire (…) ».

Par requête déposée le 3 mars 2010 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation de la décision ministérielle du 3 février 2010 en ce qu’elle lui a refusé le statut de la protection internationale et à l’annulation contre l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision.

Par avis du 7 juillet 2010, le tribunal a prononcé la rupture du délibéré après avoir constaté qu’à la date de l’introduction du recours, Monsieur … était mineur et mis sous tutelle d’après ordonnance du 13 février 2009 du juge des tutelles auprès du tribunal de la jeunesse et des tutelles près le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, conformément en applications des articles 236 et suivants du code civil afghan.

Dans ce cadre, il y a lieu de rappeler que l’article 450, alinéa 1er du Code Civil luxembourgeois dispose que :

« Le tuteur prendra soin de la personne du mineur et le représentera dans tous les actes civils, sauf les cas dans lesquels la loi ou l’usage autorise les mineurs à agir eux-

mêmes. ».

Il résulte de la disposition légale qui précède qu’il appartient au tuteur de représenter le mineur dans tous ses actes civils, y compris dans les actions en justice qui le concernent.

Ainsi, si le mineur peut certes être entendu en toute procédure judiciaire conformément à l’article 388-1 du Code Civil luxembourgeois, il ne peut cependant pas être partie à un litige.

Dans cet ordre d’idées, la Cour d’appel, dans un arrêt du 7 mai 2003 Pas. V°32, p.

408, a notamment retenu que :

« Conformément à l’article 388-1 du Code civil, le mineur capable de discernement peut être entendu toute procédure le concernant. L’audition du mineur ne lui confère cependant pas la qualité de partie à la procédure. Lorsque le mineur amène un avocat à participer à son audition, il ne s’agit ni d’une représentation, ni d’une assistance au sens procédural du terme, mais il s’agit de l’aider à exprimer ses sentiments, de lui apporter une aide morale et psychologique. Il ne s’agit pas de défendre la cause d’une partie, mais d’accompagner le mineur qui doit être présent. En effet, l’article 388-1 ne prévoit pas qu’un avocat puisse représenter un mineur dans les procédures civiles qui le concernent aux fins de défendre ses intérêts ».

En l’espèce le recours tel que déposé par Maître FATHOLAZADEH a été introduit en date du 3 mars 2010, au nom personnel de Monsieur …, date à laquelle ce dernier était encore mineur.

Même si, en termes de plaidoiries orales, le litismandataire du requérant a soutenu que la tutrice nommée par l’ordonnance du juge des tutelles du 13 février 2009 aurait donné son accord oral quant au recours intenté par Monsieur …, il reste cependant en défaut de rapporter ne serait-ce qu’un commencement de preuve d’un tel accord oral, alors qu’il ne verse aucune pièce en ce sens, telle qu’une attestation testimoniale de la tutrice en question dans laquelle cette dernière aurait pu attester de son accord oral, voire d’une confirmation ex post du mandat prétendument donné Finalement, en ce qui concerne l’affirmation du demandeur selon laquelle la décision entreprise aurait été uniquement notifiée à Monsieur … et non pas à sa tutrice, Madame …, cette circonstance, à la supposer établie, ne serait en tout état de cause, pas de nature à dispenser du respect de l’article 450 alinéa 1er du Code Civil précité, mais uniquement, le cas échéant, à empêcher les délais de recours de courir.

Au vu de l’ensemble des développements qui précèdent, et sans qu’il ne soit besoin de statuer plus en avant, le recours tel qu’intenté par Monsieur … est à déclarer irrecevable pour défaut de capacité à agir.

Par ces motifs ;

le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, déclare le recours en réformation contre la décision ministérielle portant refus du statut de réfugiée et d’une protection subsidiaire irrecevable ;

déclare le recours en annulation contre la décision déférée portant ordre de quitter le territoire irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 29 septembre 2010 par :

Marc Sünnen, premier juge, Claude Fellens, premier juge, Thessy Kuborn, juge, en présence du greffier assumé Michèle Feit.

s. Michèle Feit s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 30.09.2010 Le Greffier assumé du Tribunal administratif 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 26655
Date de la décision : 29/09/2010

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2010-09-29;26655 ?

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