Tribunal administratif N° 27309 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 septembre 2010 1re chambre Audience publique du 27 septembre 2010 Recours formé par Monsieur …, Schrassig, contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 10, L 5.5.2006)
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 27309 du rôle et déposée le 17 septembre 2010 au greffe du tribunal administratif par Maître Nathalie NIMESGERN, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … , déclarant être de nationalité tunisienne, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à l’annulation sinon à la réformation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 16 septembre 2010, ordonnant sa rétention administrative pour une durée de trois mois au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 22 septembre 2010 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER, en sa plaidoirie à l’audience publique du 27 septembre 2010.
En date du 1er septembre 2010, Monsieur … fut interpellé par la Police grand-ducale lors d’un contrôle routier. Etant donné qu’il n’était pas en mesure de présenter des papiers d’identité, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ci-après dénommé « le ministre », prit à l’encontre de Monsieur … un arrêté de refus de séjour ainsi qu’une décision de placement en rétention en date du 2 septembre 2010 sur base de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après dénommée « la loi du 29 août 2008 ». Le même jour, à savoir le 2 septembre 2010, le ministre sollicita auprès de la police des photographies ainsi que la prise des empreintes digitales de Monsieur … et saisit la police judiciaire aux fins d’une recherche dans le système EURODAC, qui s’avéra négative.
Le 7 septembre 2010, les autorités luxembourgeoises saisirent les autorités tunisiennes en vue de l’obtention d’un laissez-passer.
En date du 15 septembre 2010, Monsieur … déposa par l’intermédiaire de son mandataire une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après « la loi du 5 mai 2006 ».
Par arrêté du 16 septembre 2010, le ministre décida de placer l’intéressé, dans l’attente de son éloignement, au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximum de trois mois à partir de la notification, sur base de l’article 10 de la loi du 5 mai 2006, et rapporta la décision de placement du 2 septembre 2010 précitée.
Cette décision est basée sur les considérations et les motifs suivants :
« Vu l’article 10 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection ;
Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;
Vu mon arrêté de placement en rétention du 2 septembre 2010 ;
Considérant que l’intéressé a déposé une demande de protection internationale au Luxembourg en date du 14 septembre 2010 ;
- que cette demande a été déposée dans le but de prévenir son éloignement du territoire luxembourgeois ;
Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à l’instruction de la demande de protection internationale […] ; » Par requête déposée le 17 septembre 2010 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait déposer un recours tendant à l’annulation sinon à la réformation de la décision ministérielle prévisée du 16 septembre 2010.
Etant donné que l’article 10, paragraphe (4) de la loi du 5 mai 2006, par renvoi aux articles 121 (1), (2) et (4), 122 et 123 de la loi du 29 août 2008, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en annulation.
Le recours subsidiaire en réformation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.
A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir qu’il aurait déposé au Luxembourg une demande de protection internationale, de sorte qu’il se trouverait en situation régulière au Grand-Duché du Luxembourg. Il affirme ne pas avoir déposé la prédite demande dans le seul but d’éviter son éloignement, mais dans le but de se voir reconnaître le statut de réfugié politique. Il n’y aurait dès lors aucun risque de fuite. Au contraire, il souhaiterait pouvoir demeurer sur le territoire luxembourgeois. Il en conclut que dans ces conditions le ministre n’aurait pas été en droit de décider de son placement en rétention.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.
Conformément aux dispositions de l’article 10 (1), a) de la loi du 5 mai 2006 précitée, un demandeur de protection internationale peut, sur décision du ministre, être placé dans une structure fermée pour une durée maximale de trois mois lorsque « la demande de protection internationale a été déposée dans le but de prévenir un éloignement de la personne concernée alors que celle-ci se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg ».
Dans la mesure où il est constant qu’à la date de l’interpellation du demandeur par la police, à savoir le 1er septembre 2010, ce dernier n’était pas en mesure de présenter une pièce d’identité ou un titre de séjour lui permettant de séjourner légalement sur le territoire luxembourgeois, il est établi en cause que le demandeur se trouvait en séjour irrégulier au Luxembourg avant le dépôt de la demande de protection internationale.
Force est encore au tribunal de constater qu’il ne ressort pas des déclarations du demandeur telles qu’actées au procès-verbal n° 10711 dressé par la Police grand-ducale le 2 septembre 2010, qu’il ait eu l’intention de se rendre au Luxembourg pour y déposer une demande de protection internationale. Ce n’est au contraire qu’après que les autorités luxembourgeoises avaient entamé des démarches auprès des autorités de l’Etat d’origine du demandeur, afin d’organiser son éloignement, qu’il a déposé une demande de protection internationale. Ainsi, la conclusion du ministre selon laquelle le demandeur a déposé la demande de protection internationale dans le but de prévenir un éloignement est vérifiée en l’espèce. Le moyen afférent laisse partant d’être fondé.
Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est à rejeter comme étant non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
se déclare incompétent pour connaître du recours principal en annulation ;
reçoit le recours en réformation en la forme ;
au fond le dit non justifié et en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 27 septembre 2010 par :
Claude Fellens, premier juge, Françoise Eberhard, juge Thessy Kuborn, juge, en présence du greffier Arny Schmit.
s. Schmit s. Fellens 3