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13/09/2010 | LUXEMBOURG | N°27217

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 septembre 2010, 27217


Tribunal administratif N° 27217 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 août 2010 Audience publique extraordinaire du 13 septembre 2010 Recours formé par Monsieur …, … contre des décisions du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 15 L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 27217 du rôle etdéposée le 16 août 2010 au greffe du tribunal administratif par Maître Nathalie Nimesgern, avocat Ã

  la Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, n...

Tribunal administratif N° 27217 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 août 2010 Audience publique extraordinaire du 13 septembre 2010 Recours formé par Monsieur …, … contre des décisions du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 15 L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 27217 du rôle etdéposée le 16 août 2010 au greffe du tribunal administratif par Maître Nathalie Nimesgern, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Géorgie), de nationalité géorgienne, demeurant à …, tendant à l’annulation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 10 août 2010 prise sur base de l’article 15 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection, par laquelle il s’est déclaré incompétent pour examiner la demande de protection internationale déposée en date du 21 juin 2010 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 août 2010 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en sa plaidoirie à l’audience publique du 8 septembre 2010.

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Le 21 juin 2010, Monsieur … introduisit au Luxembourg une demande en obtention d'une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection, dénommée ci-après « la loi du 5 mai 2006 ».

Par décision du 10 août 2010, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, dénommé ci-après « le ministre », se basant sur l’article 15 de la loi modifiée du 5 mai 2006, et les dispositions de l'articles 16 paragraphe 1er du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, dénommé ci-après « le règlement », se déclara incompétent pour connaître de la demande de protection internationale sous analyse, tout en soulignant que ce serait la République Polonaise qui aurait accepté en date du même jour de prendre en charge l’examen de la demande de protection internationale de Monsieur …, étant donné qu’il y aurait déposé précédemment une demande d’asile, à savoir en date du 31 juillet 2009, et l’informa que son transfert vers la Pologne sera organisé dans les meilleurs délais.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 16 août 2010, Monsieur … a introduit un recours tendant à l'annulation de la décision d'incompétence précitée du 10 août 2010.

A l’appui de son recours, le demandeur fait exposer que s’il avait déposé une demande de protection internationale en Pologne, cependant cette dernière n’aurait pas été capable de lui assurer une protection adéquate. En effet, en date du 24 septembre 2009, il aurait été victime d’une agression de la part d’un groupe de Tchéchènes musulmans lors de laquelle il aurait été jeté par terre et sa tête aurait heurté violemment le sol. En outre, des coups de pieds et de poings lui auraient été portés. Il explique que la Pologne devrait faire face à une forte immigration depuis la Géorgie d’où proviendraient à la fois des musulmans et des orthodoxes qui mèneraient une guerre civile acharnée en Géorgie et qu’il aurait dû fuir son pays d’origine pour échapper, entre autres, à ces combats.

Il estime que les autorités luxembourgeoises auraient dû constater que la Pologne n’aurait pas été capable de lui assurer une protection adéquate et qu’elles auraient dû, en conséquence, se déclarer compétentes pour connaître de sa demande de protection internationale en lieu et place de la Pologne. Il critique que les autorités ministérielles ne l’auraient pas auditionné au sujet de sa demande de protection internationale et estime être en droit de bénéficier d’un droit de séjour pour raisons humanitaires en raison de son état de santé.

Le délégué du gouvernement relève qu’aucune pièce ne documenterait l’agression dont le demandeur prétend avoir été victime en Pologne et que ce dernier resterait en défaut de prouver en quoi la Pologne ne lui aurait pas fourni de protection adéquate. Il estime qu’on pourrait difficilement soutenir que la Pologne, Etat membre de l’Union européenne, soit incapable de fournir une protection adéquate aux personnes qui ont subi sur son sol des actes de violence, et qu’un demandeur d’asile ne saurait se prévaloir d’un préjudice quelconque qu’il risque de subir au cas où sa demande d’asile serait examinée dans un Etat membre plutôt que dans un autre.

L’article 17 de la loi du 5 mai 2006 prévoit qu’en matière de décisions d’incompétence prises au titre de l’article 15 de la même loi, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives, de sorte que le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation introduit contre la décision déférée qui est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Aux termes de l’article 15 de la loi du 5 mai 2006, « (1) Si, en vertu d’engagements internationaux auxquels le Luxembourg est partie, un autre pays est responsable de l’examen de la demande, le ministre surseoit à statuer sur la demande jusqu’à la décision du pays responsable sur la prise respectivement reprise en charge.

(2) Lorsque le pays responsable accepte la prise en charge, le ministre se déclare incompétent pour l’examen de la demande de protection internationale par une décision motivée qui est communiquée par écrit au demandeur. Les informations relatives au droit de recours sont expressément mentionnées dans la décision. Le demandeur est transféré vers le pays responsable de l’examen de sa demande. » Il est constant en cause que le demandeur a déposé une demande de protection internationale en Pologne en date du 31 juillet 2009, de sorte que le ministre a partant valablement pu se référer aux dispositions du règlement qui dispose dans son article 16 que « L'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile en vertu du présent règlement est tenu de:

a) prendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 17 à 19, le demandeur d'asile qui a introduit une demande dans un autre État membre; […] » Dans la mesure où c’est le règlement même qui, dans son article 3, consacre le principe qu’une demande d’asile présentée par un ressortissant d’un pays tiers à l’un quelconque des Etats membres est examinée par un seul Etat membre, en l’occurrence celui que les critères énoncés au chapitre III dudit règlement désignent comme responsable, le demandeur en obtention d’une protection internationale ne dispose partant pas de la possibilité de choisir l’Etat membre qui sera appelé à examiner sa demande quant au fond.

En l’espèce, le cas de figure vérifié dans le chef du demandeur, à savoir le dépôt d’une demande de protection internationale auprès des autorités polonaises préalablement à celle déposée au Luxembourg permet au ministre, par application du règlement, de solliciter la reprise en charge de l’intéressé par les autorités polonaises.

Cette conclusion n’est pas énervée par l’allégation du demandeur que les autorités polonaises ne seraient pas capables de lui assurer une protection adéquate, étant donné que même à supposer que la prétendue agression dont le demandeur se prétend victime ait effectivement eu lieu, le demandeur n’argue même pas avoir sollicité la protection de la part des autorités polonaises. Partant, le moyen afférent laisse d’être fondé.

Concernant l’état de santé du demandeur, s’il est le cas échéant susceptible d’être pris en compte dans le cadre d’une demande de sursis à l’éloignement au sens de l’article 130 de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, il est cependant étranger au cadre légal d’une décision d’incompétence en vertu de l’article 15 de la loi du 5 mai 2006, de sorte que le moyen afférent laisse d’être fondé.

Le demandeur n’ayant pas invoqué de dispositions légales ou réglementaires qui auraient été concrètement violées en l’espèce par le ministre, le recours laisse partant d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Martine Gillardin, vice-président, Claude Fellens, premier juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 13 septembre 2010 par le premier vice-président, en présence du greffier assumé Anne-Marie Wiltzius, greffier de la Cour administrative.

s.Anne-Marie Wiltzius s.Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 13 septembre 2010 Le greffier du tribunal administratif 4


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 27217
Date de la décision : 13/09/2010

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2010-09-13;27217 ?

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