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18/08/2010 | LUXEMBOURG | N°27209

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 août 2010, 27209


Tribunal administratif Numéro du rôle 27209 du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 août 2010 Audience publique du 18 août 2010 Recours formé par Monsieur … …, Schrassig contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de police des étrangers (L.29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 27209 du rôle et déposée le 13 août 2010 au greffe du tribunal administratif par Maître Arnaud RANZENBERGER, avocat à la Cour, in

scrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … …, né le à … (Gamb...

Tribunal administratif Numéro du rôle 27209 du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 août 2010 Audience publique du 18 août 2010 Recours formé par Monsieur … …, Schrassig contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de police des étrangers (L.29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 27209 du rôle et déposée le 13 août 2010 au greffe du tribunal administratif par Maître Arnaud RANZENBERGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … …, né le à … (Gambie), de nationalité gambienne, retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à l’annulation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 27 avril 2010 lui refusant l’entrée et le séjour au territoire luxembourgeois ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 16 août 2010 ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Perrine LAURICELLA, en remplacement de Maître Arnaud RANZENBERGER, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 18 août 2010.

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En date du 18 octobre 2004, Monsieur … … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971.

Par décision du 17 décembre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa Monsieur … de ce que sa demande avait été rejetée.

Le recours contentieux introduit par Monsieur … à l’encontre de ladite décision fut définitivement rejeté par un arrêt de la Cour administrative du 28 avril 2008, inscrit sous le numéro 19582C du rôle.

Par jugement du Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg du 26 novembre 2008, Monsieur … … fut condamné à une peine d’emprisonnement pour infraction à la loi modifiée du 19 décembre 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie.

Par arrêté du 27 avril 2010, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, entre-temps en charge du dossier, ci-après dénommé « le ministre », prit un arrêté de refus de séjour à l’encontre de Monsieur … en application des articles 100, 103 et 109 à 115 de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration.

L’arrêté de refus de séjour est fondé sur les considérations et motifs suivants :

« Vu les articles 100, 103 et 109 à 115 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Attendu que l’intéressé n’est pas en possession d’un passeport en cours de validité ;

Attendu que l’intéressé n’est pas en possession d’un visa en cours de validité ;

Attendu que l’intéressé constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics ;

Attendu que l’intéressé n’est pas en possession d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois ou d’une durée de travail ».

Par arrêté du même jour, soit du 27 avril 2010, le ministre ordonna la rétention administrative de Monsieur … au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de la décision. Ledit arrêté a fait l’objet d’un recours contentieux, recours qui a été déclaré irrecevable par un jugement du tribunal administratif du 29 juillet 2010 n°27109 du rôle.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 13 août 2010, Monsieur … … a fait introduire un recours contentieux tendant à l’annulation de l’arrêté ministériel du 27 avril 2010 lui refusant le séjour au Grand-Duché de Luxembourg.

Aucun recours au fond n’étant prévu en la matière, le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation introduit.

En ce qui concerne la recevabilité dudit recours en annulation, le délégué du gouvernement entend en premier lieu résister à la demande de Monsieur … … en soulevant la nullité de la requête introductive d’instance pour libellé obscur au motif que dans ladite requête le demandeur aurait sollicité d’abord l’annulation de l’arrêté de refus de séjour du 27 avril 2010, pour ensuite demander dans le dispositif de la même requête non seulement l’annulation dudit arrêté mais également sa libération immédiate, ce qui pourrait laisser supposer que le demandeur attaquerait en réalité la mesure de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière.

Il y a lieu de rappeler qu’il appartient au tribunal d’apprécier in concreto si l’exposé sommaire des faits et des moyens, ainsi que les conclusions s’en dégageant, est suffisamment explicite ou non. L'exceptio obscuri libelli, qui est d'application en matière de contentieux administratif, sanctionne de nullité l'acte y contrevenant, étant entendu que son but est de permettre au défendeur de savoir quelle est la décision critiquée et quels sont les moyens à la base de la demande, afin de lui permettre d'organiser utilement sa défense1.

Il y a encore lieu de souligner que l’obligation prévue par l’article 1er, alinéa 2 tiret 3 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, aux termes duquel la requête introductive d’instance doit contenir l’exposé sommaire des moyens invoqués, est à appliquer corrélativement avec l’article 29 de la même loi, aux termes duquel « l’inobservation des règles de procédure n’entraîne l’irrecevabilité de la demande que si elle a pour effet de porter effectivement atteinte aux droits de la défense ».

Or, si en l’espèce le libellé de la requête introductive d’instance peut effectivement prêter à confusion dans la mesure où elle indique d’un côté tendre à l’annulation de l’arrêté de refus de séjour du 27 avril 2010 et de l’autre côté, dans son dispositif, tendre également à la mise en liberté immédiate du demandeur, la partie étatique omet cependant de préciser en quoi l’imprécision alléguée des moyens du demandeur porterait atteinte à ses droits de la défense, et ceci d’autant plus que dans son mémoire en réponse, elle a pris position non seulement en ce qui concerne l’arrêté de refus de séjour, mais également en ce qui concerne l’arrêté de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière.

Il en résulte qu’en l’absence de grief effectif porté aux droits de la défense, le moyen d’irrecevabilité pour libellé obscur est à écarter2.

Dans un deuxième temps, la partie étatique soulève l’irrecevabilité ratione temporis du recours en annulation introduit contre l’arrêté de refus de séjour du 27 avril 2010.

Le demandeur entend résister à ce moyen en affirmant que l’arrêté déféré ne lui aurait jamais été notifié et qu’il n’aurait eu connaissance de ladite décision qu’en date du 4 juin 2010, date à laquelle son litismandataire aurait reçu communication de son dossier administratif.

1 Trib. adm. 6 juillet 2009, n°25141 du rôle, Pas. adm. 2009, V° Procédure contentieuse, n°356 2 Cour adm. 13 mars 2008, n°23083C du rôle, Pas. adm. 2009, V°Procédure contentieuse, n°357 Force est au tribunal de rappeler que l’article 110 de la loi du 29 août 2008 concernant la libre circulation des personnes et de l’immigration dispose en son point (1) que :

« Les décisions visées à l’article 109 sont notifiées par la voie administrative. Copie de la décision est remise à la personne concernée. Si la personne concernée n’est pas sur le territoire, la décision peut lui être notifiée à l’intervention de l’autorité diplomatique ou consulaire compétente ».

Il y a lieu de souligner que si, en règle générale, la loi n’a pas fixé la forme de la notification administrative et s’il suffit que l’acte soit porté à la connaissance de l’intéressé par l’administration, la notification ne se présume pas et il incombe à l’administration de prouver qu’elle a accompli les formalités requises pour faire courir un délai3.

Il appartient encore au tribunal de constater que l’arrêté de placement du requérant du 27 avril 2010 fait expressément référence à l’arrêté de séjour du même jour. Si le demandeur semble certes toujours contester que ledit arrêté de placement lui ait été notifié en bonne et due forme, il appartient cependant au tribunal de souligner que la question relative à la notification de l’arrêté de placement bénéficie de l’autorité de la chose jugée dans la mesure ou elle a d’ores et déjà fait l’objet d’un jugement du tribunal administratif du 29 juillet 2010, n°27109 du rôle, dans lequel il a été retenu que la notification dudit arrêté de placement a été faite en bonne et due forme par le service de la Police des Etrangers et des Jeux. Ainsi, en ayant été en possession de l’arrêté ministériel ordonnant son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, le demandeur a nécessairement eu connaissance de l’existence de l’arrêté de refus de séjour litigieux, lequel constitue un préalable nécessaire et indispensable à la mesure de placement.

En ce qui concerne le document intitulé « récépissé » versé par le demandeur lui-

même, et contenant la signature « XXX », s’il ne saurait à lui seul constituer une preuve de notification dudit arrêté au demandeur, étant donné que le nom de celui-ci n’y figure pas expressément, force est cependant de retenir que ledit document n’a pas d’existence propre mais forme un tout avec l’arrêté de refus de séjour du 27 avril 2010. Or, dans ledit arrêté de séjour, Monsieur … … a formellement été désigné comme en étant le destinataire, de sorte que l’agent de la Police grand-ducale, en apposant sa signature sur ledit « récépissé » a nécessairement attesté de la notification de cette décision à l’intéressé, à savoir Monsieur … …, après avoir procédé à l’identification de ce dernier.

Il échet en outre de relever qu’en tout état de cause, lorsque, et au moment où il est procédé à la communication directe d’une décision, il est demandé à l’intéressé de signer par une mention qu’il en a pris connaissance, le refus de signer le procès-verbal de notification ne peut avoir pour conséquence de rendre inopérante la notification4 tout comme en l’espèce l’affirmation qu’il s’agirait de la signature d’un tiers, affirmation non étayée par la production de la prétendue signature « réelle » de l’intéressé..

3 Trib. adm. 10 mai 1999, n° 10990 du rôle, Pas. adm. 2009, V°Procédure contentieuse n°170.

4 cf. CE français, 29 juillet 1983, n°38272, Epx Philippot.

Force est partant au tribunal de constater que la notification de l’arrêté de refus de séjour déféré du 27 avril 2010 a été régulière. En application des articles 1256 et 1258 du Nouveau Code de Procédure civile, le délai légal de 3 mois, tel que prévu par l’article 133 de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, endéans lequel le recours en annulation contre la décision de refus d’entrée et de séjour sur le territoire luxembourgeois aurait dû être introduit a dès lors commencé à courir à partir du 28 avril 2010 à minuit et a pris fin en date du 28 juillet 2010 à la même heure. Le présent recours ayant été déposé au greffe du tribunal administratif en date du 13 août 2010, il a été introduit après l’expiration du délai de recours.

Il résulte des développements qui précèdent que le recours est à déclarer irrecevable pour cause de tardiveté.

Par ces motifs ;

le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement, déclare le recours en annulation introduit par Monsieur … … à l’encontre de l’arrêté de refus de séjour du 27 avril 2010 irrecevable ratione temporis ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 18 août 2010 par :

Marc Sünnen, premier juge, Annick Braun, juge, Thessy Kuborn, juge, en présence du greffier en chef de la Cour administrative Erny May, greffier assumé.

s. Erny May s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original.

Luxembourg, le 18 août 2010 Le greffier 5


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 27209
Date de la décision : 18/08/2010

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2010-08-18;27209 ?

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