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18/08/2010 | LUXEMBOURG | N°27206

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 août 2010, 27206


Tribunal administratif Numéro du rôle 27206 du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 août 2010 Audience publique du 18 août 2010 Recours formé par Monsieur … …, Schrassig contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 27206 du rôle et déposée le 12 août 2010 au greffe du tribunal administratif par Maître Patrice Rudatinya MBONYUMUTW

A, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsi...

Tribunal administratif Numéro du rôle 27206 du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 août 2010 Audience publique du 18 août 2010 Recours formé par Monsieur … …, Schrassig contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 27206 du rôle et déposée le 12 août 2010 au greffe du tribunal administratif par Maître Patrice Rudatinya MBONYUMUTWA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … …, alias … …, né le … à … (Nigéria), de nationalité nigérienne, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 5 août 2010 ordonnant la prolongation de son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une nouvelle durée d’un mois à partir de la notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 août 2010 ;

Vu le mémoire en réplique déposé par Maître Patrice Rudatinya MBONYUMUTWA au greffe du tribunal administratif en date du 17 août 2010 ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 18 août 2010 ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Patrice Rudatinya MBONYUMUTWA et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 18 août 2010 ;

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En date du 3 juin 2004 Monsieur … …, alias … …, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice, une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971.

Après que sa demande en reconnaissance du statut de réfugié fut rejetée par le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en date du 2 mai 2005, Monsieur … introduisit un recours devant les juridictions administratives afin de voir réformer la décision ministérielle de refus.

Par jugement du 26 octobre 2005, n°19851 du rôle, le tribunal administratif déclara le recours ainsi introduit irrecevable et par arrêt du 21 février 2006, n°20721C du rôle, la Cour administrative confirma le jugement de première instance.

Par jugement du Tribunal correctionnel de Diekirch du 1er décembre 2005, confirmé par un arrêt de la Cour d’appel du 7 mars 2007, Monsieur … fut condamné à une peine d’emprisonnement de douze mois, dont 4 avec sursis, ainsi qu’au paiement d’une amende de 600,- euros pour infraction à la loi modifiée du 19 décembre 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie.

Par jugement du 14 février 2008 de la chambre correctionnelle du Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, Monsieur … fut condamné à une seconde peine de 5 ans de prison, dont 1 avec sursis et à une amende de 4.000,- euros pour avoir enfreint la loi du 19 décembre 1973 précitée. Ledit jugement a été confirmé par un arrêt de la Cour d’appel du 15 octobre 2008, ainsi que par un arrêt de la Cour de cassation du 14 juillet 2009.

Les premières démarches ministérielles en vue du rapatriement Monsieur … furent entreprises à partir de sa première détention, c’est-à-dire à partir de mars 2007, et furent interrompues durant la période de sa seconde détention.

En date du 18 août 2009, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, entretemps en charge du dossier, ci-après « le ministre », prit un arrêté de refus de séjour à l’encontre de Monsieur …, arrêté qui lui fut notifié en date du 1er septembre 2009. Ledit arrêté de refus de séjour n’a jamais fait l’objet d’un recours de la part de Monsieur ….

En date du 1er mars 2010, les autorités luxembourgeoises s’adressèrent à l’ambassade du Nigéria, afin d’obtenir un laissez-passer pour Monsieur …, laissez-passer qui fut finalement délivré par les autorités nigérianes en date du 2 août 2010.

Par arrêté du 5 juillet 2010, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig.

La décision de placement, notifiée à Monsieur … en date du 9 juillet 2010, est fondée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu les articles 120 à 123 de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu la décision de refus de séjour de séjour du 18 août 2009, notifié le 1er septembre 2009 ;

Considérant que l’intéressé est démuni de tout document de voyage valable ;

Considérant qu’en attendant le résultat des recherches quant à l’identité et à la situation de l’intéressé, l’éloignement immédiat de l’intéressé est impossible en raison des circonstances de fait. » Cette première mesure de placement ne fit l’objet d’aucun recours contentieux de la part de Monsieur ….

Par arrêté du 5 août 2010, notifié au demandeur en date du 9 août 2010, le ministre prorogea le placement de Monsieur … pour une nouvelle durée d’un mois, ledit arrêté étant motivé comme suit :

« Vu les articles 120 à 123 de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu mon arrêté pris en date du 5 juillet 2010 décidant du placement temporaire de l’intéressé ;

Considérant que les autorités nigérianes ont délivré un laissez-passer en date du 4 août 2010 ;

Considérant qu’en attendant le départ qui sera organisé dans les meilleurs délais, l’éloignement immédiat de l’intéressé est impossible en raison de circonstances de fait ;

Considérant qu’il y a nécessité de reconduire la décision de placement ».

Par requête déposée le 12 août 2010 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la prédite décision ministérielle de prorogation.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation.

Il n’y a dès lors pas lieu d’examiner le recours subsidiaire en annulation introduit par le requérant.

Le recours en réformation ayant pour le surplus été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur expose les faits et rétroactes se trouvant à la base de sa mesure de placement et précise qu’en date du …, il aurait épousé à la mairie de …, en France, une dénommée … …, de nationalité néerlandaise, et qu’un enfant serait issu de cette union.

En droit, le demandeur expose que la décision ministérielle de prorogation de la mesure de placement devrait encourir la réformation, étant donné qu’elle aurait été prise en violation de la loi du 29 août 2008 concernant la libre circulation des personnes et l’immigration. Dans cet ordre d’idées, il fait valoir que d’après l’article 12 de la loi précité, le conjoint serait la première personne considérée comme membre de famille d’un citoyen de l’Union européenne. Il précise encore, en se basant sur l’article 13 de la même loi que les membres de la famille d’un citoyen de l’Union européenne auraient le droit de quitter le territoire en vue de se rendre dans un autre Etat membre, sans qu’un visa de sortie ou une obligation équivalente ne puisse leur être imposés. Le demandeur en conclut qu’il aurait le droit de quitter le territoire national sans visa de sortie, de sorte que ce serait également à tort que les autorités luxembourgeoises ont adressé une demande préalable de réadmission aux autorités françaises. De même, il estime que si son épouse ne se trouverait plus en France, mais serait retournée aux Pays-Bas, il pourrait librement la rejoindre dans ce pays.

Le requérant estime par ailleurs que d’après l’article 23 de la loi précitée du 29 août 2008, les autorités luxembourgeoises auraient dû lui accorder les moyens nécessaires pour se procurer un nouveau passeport, respectivement pour renouveler son passeport lequel aurait expiré en date du 10 mars 2010, de façon à lui permettre de circuler librement sur le territoire luxembourgeois.

Le demandeur fait encore plaider qu’en sa qualité de membre de famille d’un citoyen de l’Union, et conformément à l’article 30 de la loi précitée du 29 août 2008, il ne saurait faire l’objet d’une mesure d’éloignement du territoire luxembourgeois, si ce n’est pour des raisons impérieuses d’ordre public ou de sécurité publique, raisons qui n’auraient pas été indiquées dans la décision ministérielle attaquée et n’existeraient pas dans son chef.

Finalement, le demandeur fait plaider que l’arrêté ministériel litigieux devrait encourir la réformation dans la mesure où il serait contraire à l’article 8 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales.

Le délégué du gouvernement de son côté, estime que la mesure de rétention initiale prononcée à l’égard du requérant, de même que l’arrêté de prorogation de ladite mesure qui s’en est suivi, seraient justifiés au sens de la loi du 29 août 2008 précitée.

Il est constant que la décision de rétention initiale a été prise sur base des articles 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration.

Aux termes de l'article 120 paragraphe 1er de cette loi « lorsque l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 […] est impossible en raison des circonstances de fait, […] l’étranger peut, sur décision du ministre être placé en rétention dans une structure fermée ».

Il en découle qu’une décision de rétention au sens de la disposition précitée présuppose qu’une mesure d’éloignement puisse être légalement prise ainsi qu’il existe une impossibilité d’exécuter cette mesure.

La première de ces conditions est considérée comme remplie lorsqu’un étranger a fait l’objet d’un refus de séjour pris sur base des articles 100 et 109 à 115 de la loi du 29 août 2008, qui entraîne, conformément à l’article 111, paragraphe (1) de la même loi, l’obligation dans le chef de l’étranger de quitter le territoire et qui habilite le ministre, conformément aux articles 111, paragraphe (3), et 124, paragraphe (1), de la même loi, à le renvoyer dans son pays d’origine, respectivement à prendre des mesures coercitives pour procéder à son éloignement, ou encore lorsqu’il a fait l’objet d’une décision d’expulsion sur base des articles 116 à 118 de la même loi.

Monsieur … … ayant fait l’objet d’un arrêté de refus de séjour en date du 18 août 2009, qui, à défaut de recours, est actuellement coulé en force de chose décidée, la première condition se trouvant à la base de la mesure de placement est remplie en l’espèce.

Le tribunal est amené à souligner que la deuxième condition, à savoir l’impossibilité d’exécuter la mesure d’éloignement, n’a pas fait l’objet de contestations de la part du demandeur, de sorte que ce dernier n’a avancé aucun moyen susceptible d’énerver la légalité de la mesure de placement initiale.

Aux termes de l’article 120 (3) de la loi du 29 août 2008, une décision de placement peut être reconduite à trois reprises en cas de nécessité et chaque fois pour la durée d’un mois.

Force est au tribunal de constater qu’en l’espèce, le demandeur ne fait état d’aucun moyen pouvant mettre en doute la nécessité et partant d’énerver la légalité de la reconduction de sa mesure de placement, étant donné que l’ensemble des moyens invoqués dans le cadre du recours sous analyse ont exclusivement trait au refus de séjour prononcé à l’encontre du requérant.

En ce qui concerne la mesure d’éloignement, il appartient encore au tribunal de souligner que si le demandeur estime être en droit de séjourner au Grand-Duché de Luxembourg au motif qu’il devrait être considéré comme membre de famille d’un citoyen européen, de sorte à ne pas pouvoir faire l’objet d’une telle mesure, il lui aurait appartenu d’introduire un recours en ce sens contre de l’arrêté de refus de séjour prononcé à son encontre en date du 18 août 2009 et pris sur base des articles 100 et 109 à 115 de la loi du 29 août 2008, arrêté qui entraîne conformément à l’article 111, paragraphe (1) de la même loi l’obligation dans le chef de l’étranger de quitter le territoire et qui habilite le ministre, conformément aux articles 111, paragraphe (3), et 124, paragraphe (1), de la même loi, à le renvoyer dans son pays d’origine, respectivement à prendre des mesures coercitives pour procéder à son éloignement, ou encore lorsqu’il a fait l’objet d’une décision d’expulsion sur base des articles 116 à 118 de la même loi. En l’espèce, le demandeur a cependant omis d’introduire un recours contre l’arrêté ministériel de refus de séjour du 18 août 2009 dans les délais légaux, de sorte qu’il ne saurait plus mettre en cause la légalité dudit arrêté de refus dans le cadre du présent recours dirigé contre un arrêté de prorogation d’une mesure de rétention. Dans le même ordre d’idées, il y a encore lieu de souligner que contrairement aux affirmations du demandeur, c’est en premier lieu l’arrêté de refus de séjour qui l’empêche de circuler librement et de quitter le territoire national et non pas la mesure de placement, qui ne constitue qu’une mesure prise en exécution de la mesure d’éloignement pris à son encontre.

Ainsi, en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de l’arrêté de reconduction de la mesure de placement, de sorte que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu d’analyser le recours en annulation introduit à titre subsidiaire ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 18 août 2010 par :

Marc Sünnen, premier juge, Annick Braun, juge, Thessy Kuborn, juge en présence du greffier en chef de la Cour administrative Erny May, greffier assumé.

s. Erny May s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original.

Luxembourg, le 18 août 2010 Le greffier 7


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 27206
Date de la décision : 18/08/2010

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2010-08-18;27206 ?

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