Tribunal administratif Numéro 26503 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 janvier 2010 3e chambre Audience publique du 21 juillet 2010 Recours formé par Monsieur …et consorts, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 26503 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 janvier 2010 par Maître Olivier Lang, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Kosovo), et de son épouse, Madame …, née le … à …, agissant tant en leur nom propre qu’en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs …, née le … à …(Kosovo) et …, né le … à …, tous de nationalité kosovare, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant, d’une part, à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 10 décembre 2009 portant refus de leur demande de protection internationale et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 mars 2010 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Guillaume Gros, en remplacement de Maître Olivier Lang, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Guillou-Jacques en leurs plaidoiries respectives.
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Le 19 septembre 2008, Monsieur …et sa compagne, Madame …, accompagnés de leurs enfants mineurs … et …, ci-après désignés par « les consorts …», introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée « la loi du 5 mai 2006 ».
Monsieur …fut entendu le 15 octobre 2008, le 12 novembre 2008, le 2 décembre 2008 et le 20 janvier 2009 et Madame …fut entendue le 14 octobre 2008 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur leur situation et sur les motifs se trouvant à la base de leur demande de protection internationale.
Par décision du 10 décembre 2009, notifiée aux intéressés en mains propres le 16 décembre 2009, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, dorénavant en charge du dossier, ci-après dénommé « le ministre », informa les consorts …que leur demande de protection internationale avait été rejetée comme étant non fondée. Cette décision est libellée comme suit :
« Madame, Monsieur, J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentée auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration en date du 19 septembre 2008.
En application de la loi précitée, votre demande de protection internationale a été évaluée par rapport aux conditions d'obtention du statut de réfugié et de celles d'obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.
En mains le rapport de la Police judiciaire du 19 septembre 2008, ainsi que les rapports d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration des 14 et 15 octobre 2008.
Monsieur, il résulte de vos déclarations auprès de la Police judiciaire que vous auriez été demandeur d'asile en Allemagne en 1993 et que vous auriez été marié à une allemande. Un an après le divorce, vous seriez retourné au Kosovo. Madame, en 2002 vous aviez demandé un visa auprès de l'ambassade allemande à Skopje en Macédoine pour pouvoir visiter votre tante à Hagen. Vous y seriez resté pendant trois mois avant de retourner au Kosovo. Madame, Monsieur, vous indiquez avoir quitté le Kosovo en date du 16 septembre 2008 et avoir payé 5.000.- € pour le voyage. Vous ne pouviez donner des détails quant au voyage.
Monsieur, il résulte de vos déclarations auprès de l'agent du Service des Réfugiés que vous appartiendriez à l'ethnie des albanais et que vous auriez vécu dans l'appartement de vos parents dans le nord de …. Vous dites que vous auriez gagné de l'argent en trafiquant de manière illégale des marchandises pour les serbes. Vous précisez en outre que vous auriez gagné 700.- € pour votre travail comme interprète auprès de la KFOR et vous dites que vous auriez investi cet argent dans le trafic de marchandises. Vous indiquez qu'en raison de votre travail comme traducteur, vous seriez assez souvent passé au côté sud de la ville, raison pour laquelle les albanais vous accuseraient maintenant d'avoir collaboré avec les serbes (9/19).
En 2005, au côté sud de …, des hommes masqués de l'AKSH vous auraient poignardé vos deux bras parce qu'ils vous auraient reproché de collaborer avec les serbes en raison des marchandises que vous trafiqueriez. Vous dites que vous auriez été soigné dans un hôpital de la KFOR marocaine.
Selon vos dires, vous auriez rencontré votre concubine lorsque vous auriez passé vos vacances au Kosovo en 2000. Cependant, vous ne l'auriez plus revue jusqu'en 2003, étant donné que vous auriez été condamné en Allemagne à une peine de 20 mois de prison pour avoir trafiqué des drogues. Vers la fin de l'année 2002, après avoir purgé la peine, les autorités allemandes vous auraient rapatrié à Pristina, où vous auriez vécu chez votre famille. Vous expliquez que la famille de votre concubine n'aurait pas été d'accord avec votre liaison et ainsi vous vous seriez enfui avec elle au nord de la ville de …. Depuis lors, le père de votre concubine vous menacerait.
Selon vos dires, il vous considérerait comme espion, étant donné que vous auriez travaillé comme interprète pour la KFOR et que vous vous entendriez aussi bien avec les albanais qu'avec les serbes.
Vous continuez vos dires en indiquant que vous seriez menacé depuis 2006 et que depuis l'indépendance du Kosovo, vous n'oseriez plus sortir de votre appartement. Selon vos dires, les membres de l'AKSH seraient en possession d'une photo de vous, raison pour laquelle ils pourraient facilement vous retrouver. Vous dites soupçonner que quelqu'un leur aurait dit que vous feriez du commerce avec les serbes et donc vous seriez un espion pour eux. De plus, entre 2004 et 2006, un haut-fonctionnaire serbe vous aurait payé pour emmener des documents dans des villages serbes dans la commune de Gnjilane. Vous dites croire que des membres de l'AKSH vous auraient vu et ainsi ils vous considéraient comme espion. Vous dites que vous auriez maintenant également des problèmes avec ce haut-fonctionnaire et que vous seriez recherché par ses hommes. Selon vos indications, le mari de votre voisine aurait raconté à votre concubine que vous seriez recherché par cet homme, étant donné que vous auriez été arrêté par l'AKSH et que normalement personne ne serait relâché de ces derniers. Par conséquent, ce haut-fonctionnaire soupçonnerait que vous auriez « tout révélé » auprès de l'AKSH.
En outre, vous auriez eu des problèmes avec les serbes du côté nord de …, parce que ces derniers soupçonneraient que vous auriez parlé avec des membres de l'AKSH. Vous indiquez également que vous auriez depuis toujours eu peur que les serbes pourraient découvrir que vous seriez albanais. Maintenant, ils seraient tous au courant que vous seriez albanais, étant donné qu'une voisine aurait raconté à votre concubine que vous seriez recherché. Cependant, vous admettez que vous n'auriez pas eu de problèmes au nord de … parce que vous auriez fait attention et parce que vous ne seriez plus sorti.
Selon vos dires, vous ne pourriez plus retourner au Kosovo, étant donné que vous seriez recherché partout. Vous ajoutez cependant que votre concubine voudrait retourner au Kosovo, comme elle n'y aurait pas de problèmes. Vous ajoutez qu'elle vous reprocherait sans cesse que vous l'auriez emmenée au Luxembourg.
Vous continuez vos dires en admettant que vous n'auriez pas voulu venir au Luxembourg, mais que ce serait le passeur qui vous aurait laissé descendre au Grand-Duché.
Selon vos dires, vous vous seriez déjà renseigné comment vous pourriez sortir de la procédure d'asile au Luxembourg, étant donné que vous voudriez vivre soit en Suède, soit en Allemagne.
Après avoir été renseigné sur le règlement Dublin, vous dites que vous voudriez attendre la décision sur votre procédure d'asile et partir par après dans un des deux pays mentionnés ci-
dessus.
Vous présentez une carte d'identité établie par l'UNMIK et périmée depuis 2006.
Madame, il ressort de vos indications que vous auriez vécu du côté sud de … chez votre famille jusqu'en 2003, date à laquelle vous auriez déménagé à …-nord pour y vivre avec votre concubin. Vous ajoutez que votre famille n'aurait pas été d'accord avec votre liaison parce que votre concubin n'aurait pas fait d'études. Selon vos dires, votre père serait albanais, tandis que votre mère appartiendrait à l'ethnie des bosniaques, raison pour laquelle vous parleriez aussi bien l'albanais que le bosniaque.
Vous expliquez que votre concubin aurait occasionnellement travaillé comme interprète pour la KFOR française au côté sud de la ville. Après qu'il aurait été licencié, il n'aurait plus travaillé, mais il aurait parfois vendu des cigarettes.
Vous indiquez que vous auriez quitté le Kosovo parce que les serbes ne vous toléreraient plus au côté nord de la ville, depuis la déclaration d'indépendance. Selon vos dires, votre concubin aurait était menacé par des membres de l'AKSH et vous dites que ces menaces vous auraient été transmises par un intermédiaire (8/13). Selon vos dires, votre concubin aurait été agressé en 2007, cependant vous ne pourriez donnes (sic) d'autres détails. Vous précisez que votre mari n'aurait pas eu de problèmes en raison du trafic de marchandises, mais parce qu'il aurait collaboré avec les serbes avant le conflit. Vous dites que les serbes qui vivraient dans votre immeuble « gueuleraient » avec vous à chaque fois que vous quittiez votre appartement, cependant ils vous menaceraient uniquement avec des mots. Vous résumez les raisons pourquoi vous auriez quitté le Kosovo comme suit :
« Nous n'avions que ce logement-là, il était gratuit. Je ne peux pas aller chez les miens et lui il ne peut pas aller chez les siens, nous n'avons personne. (…) Nous ne sommes pas en sécurité et nous n'avons aucun revenu. Le problème est que nous sommes des résidents du nord de … et mon beau-père avait collaboré avec les serbes avant le conflit et c'est pour cela que mon mari n'est pas bien vu. » Enfin, vous admettez n'avoir subi aucune persécution, ni mauvais traitement et de ne pas être membre d'un parti politique. Vous présentez une carte d'identité établie par l'UNMIK et périmée depuis 2006.
Il y a d'abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.
Or, les faits que vous alléguez ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécuté dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi modifiée du 5 mai 2006.
En premier lieu, Monsieur, il convient de constater que vos déclarations concernant vos soi-disant problèmes qui vous auraient poussés à quitter le Kosovo sont assez vagues, confuses, sinon contradictoires. Ainsi, vous indiquez que vous auriez eu des problèmes avec des membres de l'AKSH en raison de votre trafic de marchandises. Or, force est de constater que vous n'expliquez que très brièvement vos problèmes avec ce groupe et vous êtes incapable d'entrer dans les détails. De plus, il convient de relever que vous dites avoir été agressé par des membres de l'AKSH en 2005, tandis que votre concubine indique que cette attaque se serait produite en 2007. Même en supposant que votre concubine ne connaîtrait pas tous les détails de vos problèmes, il est peu crédible qu'elle ne se rappellerait pas de la date de cet événement. A cela s'ajoute que vous indiquez que vous auriez été soigné dans un hôpital de la KFOR. Or, force est de constater que vous n'apportez aucun élément de preuve pour étayer ces déclarations. A cela s'ajoute qu'un incident qui daterait de 2005 est trop éloigné dans le temps pour être pris en compte dans l'examen de votre demande de protection internationale. De plus, nonobstant le fait que vos déclarations sont assez vagues et que vous n'apportez aucun élément de preuve, il convient encore d'ajouter que vous (sic) soi-disant problèmes avec des hommes masqués que vous soupçonnez être des membres de l'AKSH, proviennent de votre travail illégal comme trafiquant de marchandises. Or, notons dans ce contexte que des problèmes résultant d'activités criminelles ne pourraient être pris en considération pour une demande de protection internationale. Ajoutons également que vos indications que les membres de l'AKSH seraient en possession d'une photo de vous, raison pour laquelle ils pourraient vous retrouver, sont peu convaincantes.
De plus, vous dites avoir des problèmes avec les albanais du côté sud de la ville parce que vous auriez trafiqué et vendu des marchandises pour les serbes. Cependant, votre concubine indique que vous n'auriez pas eu des problèmes en raison du trafic de marchandises, mais parce que vous auriez collaboré avec les serbes avant le conflit et elle ajoute que votre père aurait également collaboré avec les serbes avant le conflit, raison pour laquelle vous seriez mal vu. Or, nonobstant le fait que vos déclarations se contredisent fondamentalement, il convient de constater que vous dites vivre du côté nord de … et vu le fait que vous indiquez ne plus vous rendre au côté albanais de la ville, il est peu crédible que vous auriez des problèmes avec des albanais. A cela s'ajoute que les déclarations de votre concubine que vous receviez des menaces à travers un intermédiaire sont peu crédibles. De plus, il convient de constater que vous n'avez jamais parlé de telles menaces.
Par la suite, vous indiquez que vous auriez également eu des problèmes en raison de votre travail comme interprète pour la KFOR. Cependant, force est à nouveau de constater que vous n'expliquez que très brièvement ces soi-disant problèmes. De plus, vous dites que vous auriez travaillé de manière régulière comme interprète pour la KFOR et que vous auriez gagné 700.- €. Or, votre concubine déclare que vous auriez uniquement de temps en temps, selon le besoin, travaillé comme interprète pour la KFOR française, ce qui est d'ailleurs surprenant sachant que vous dites ne pas maîtriser la langue française. Dans ce même contexte, vous indiquez que votre présumé beau-père vous considérerait comme espion, étant donné que vous auriez travaillé comme interprète pour la KFOR et que vous vous entendriez aussi bien avec les albanais qu'avec les serbes. Or, il convient de souligner que des problèmes de nature privée ne sauraient justifier une demande de protection internationale.
Par la suite, vous dites avoir eu des problèmes avec les serbes du côté nord de …, parce que ces derniers soupçonneraient que vous auriez parlé avec des membres de l'AKSH. Or, il est peu crédible que les serbes seraient au courant que l'AKSH vous aurait apparemment attaqué du côté sud de la ville en 2005 ou en 2007. Vous ajoutez que vous auriez également eu des problèmes avec les serbes à partir de la déclaration d'indépendance du Kosovo et que vous auriez depuis toujours eu peur que les serbes pourraient découvrir que vous seriez albanais. Or, à nouveau vous n'entrez pas dans les détails, vous dites simplement qu'une voisine vous aurait mis au courant que les serbes sauraient que vous seriez albanais, ce qui est peu convaincant.
Toutefois, vous admettez vous-même que vous n'auriez jamais eu des problèmes du côté nord de la ville.
Pour finir, il convient de souligner qu'il est assez étonnant que vous auriez eu des problèmes avec le père de votre concubine, les albanais du côté sud de …, des membres de l'AKSH, un haut-fonctionnaire serbe, les serbes du côté nord de la ville, etc. Force est plutôt de constater que les incohérences, les invraisemblances et le fait que vous restez tout au long de vos déclarations assez vague, démontrent clairement que vous essayez d'inventer plusieurs histoires, afin que le statut du réfugié vous soit accordé.
Au vu de ce qui précède, il convient de souligner que les trop nombreuses confusions, incohérences et contradictions entachent la crédibilité de votre récit et ne nous permettent pas d'établir de façon probante que vous ayez été victime d'un acte de persécution ou d'une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève.
Madame, quant à vos déclarations, force est de constater qu'à part des problèmes de nature financière, vous dites ne pas avoir eu des problèmes au Kosovo. A cela s'ajoute que selon les indications de votre concubin, vous n'auriez jamais voulu quitter votre pays d'origine.
Or, il convient de constater qu'il est assez étrange que vous auriez voulu rester au Kosovo, sachant que votre concubin énumère une longue liste de problèmes qu'il aurait eu dans votre pays d'origine. Dans ce contexte, il convient de se poser la question si vous étiez tout simplement pas au courant des problèmes de votre concubin, ou si vous n'aviez effectivement pas eu de problèmes, autres que de nature financière, au Kosovo.
Madame, Monsieur, pour résumer il convient également de souligner que vous n'avez remis aux autorités luxembourgeoises aucun certificat de résidence ou autre document pour prouver que vous auriez effectivement vécu du côté nord de la ville de …. Les deux cartes d'identité que vous avez présentées au Service des Réfugiés sont en effet établies à …, cependant en 2001, et expirées en 2006. Par ailleurs, il convient de remarquer, Monsieur, qu'il est assez étrange que votre carte d'identité ait été établie en 2001, sachant que selon vos déclarations vous auriez été en prison en Allemagne entre 2000 et fin 2002.
Monsieur, quant à vos soi-disant problèmes avec des membres masqués de l'AKSH, notons que, selon le rapport du BAA du 27 septembre 2009, „Die AKSH wurde von der UNMIK als terroristische Vereinigung eingestuft (diese Einstufung hat weiterhin Gültigkeit). (…) Nach Informationen (akkordiert mit Intel) besteht keine Zwangsrekrutierung von Mitgliedern und richten sich allfällige Drohungen – wenn überhaupt – gegen Funktionäre in der Verwaltung." De plus, selon un autre rapport du BAA du 14 février 2007, „Eine akute Gefährdung der Sicherheitslage in der Region stellt die „Albanische Nationale Armee" (AKSh), vormals „Front für Albanische Nationale Einheit" (FBKSh), die Verbindungen zu ehemaligen und aktiven Mitgliedern des KPC und zu Strukturen der organisierten Kriminalität hat, derzeit jedoch nicht dar. UNMIK hat allerdings diese bewaffnete Gruppierung als terroristische Organisation verboten, wodurch schon die reine Mitgliedschaft zu einer strafbaren Handlung wird.
Strafrechtliche Anzeigen werden seitens der KPS aufgenommen und verfolgt. Sollte eine Person kein Vertrauen in die Dienste der KPS haben, besteht die Möglichkeit sich auch direkt an die UNMIK Polizei, oder an die Staatsanwaltschaft zu wenden. Darüber hinaus besteht die Möglichkeit, den Ombudsmann zu konsultieren. (Bericht zur Fact Finding Mission in den Kosovo 14.-19.5.2006, 06.2006) " Notons dans ce même contexte qu'en application de l'article 28 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection au cas de l'espèce, il ne ressort pas du rapport d'audition que l'Etat ou d'autres organisations étatiques présentes sur le territoire de votre pays ne peuvent ou ne veulent pas vous accorder une protection à l'encontre des serbes et des albanais qui vous agresseraient. Vous n'avez par ailleurs pas requis la protection des autorités de votre pays et par conséquent il n'est pas démontré que les autorités kosovares seraient dans l'incapacité de vous fournir une protection.
De plus, le BAA a déjà noté en février 2007 que „Der Gefährdungsgrad von Personen, welche direkt der Kollaboration mit Serben beschuldigt werden, richtet sich nach: a) dem Verhalten dieser Personen während ihrer Tätigkeit bzw. ausgeübten Funktion und b) ihrem Verhalten nach dem bewaffneten Konflikt 1999. In den Bereichen GJAKOVE und KAMENICA sind albanische Polizeibeamte tätig, welche während des serbischen Regimes 1989 – 1999 in der POLIZEI gearbeitet haben! Im Jahr 2006 (März bis Dezember) ist nur eine sehr geringe Anzahl von solchen Verbrechen im Zusammenhang mit Kollaboration in Erinnerung." (VB Pichler, Anfragebeantwortung, 22.12.2006). (…) Seitens des UNMIK/KPS/KFOR Truppen besteht allgemein ausreichender und effektiver Schutz für Angehörige der albanischen Volksgruppe, einschließlich derer, die der Kollaboration mit dem serbischen Regime bezichtigt wurden.
UNMIK/KPS/KFOR sind weiters willens und in der Lage Schutz für diejenigen zu bieten, die Furcht vor Verfolgung haben und können sicherstellen, dass die gesetzlich vorgeschriebenen Maβnahmen zur Ausforschung, Anklage und Bestrafung der Täter auch umgesetzt bzw durchgeführt und angewandt werden. (UK Home Office, Operational Guidance Note, Republic of Serbia (including Kosovo), 06.2006) Ethnische Albaner, denen eine Zusammenarbeit mit den Serben vorgeworfen wird, können durchaus Diskriminierungen und Misshandlungen ausgesetzt sein. Jedoch besteht in der Mehrheit der Fälle ausreichend staatlicher Schutz, wobei auch eine interne Fluchtmöglichkeit eine Option darstellt. UK Home Office, Operational Guidance Note, Republic of Serbia (including Kosovo), 06.2006) Strafrechtliche Anzeigen werden seitens der KPS aufgenommen und verfolgt. Fehlleistungen von einzelnen Polizeiorganen können jedoch nicht ausgeschlossen werden. Sollte eine Person kein Vertrauen in die Dienste der KPS haben, besteht die Möglichkeit sich auch direkt an die UNMIK Polizei, oder an die Staatsanwaltschaft zu werden. Darüber hinaus besteht die Möglichkeit, den Ombudsmann zu konsultieren. (Bericht zur Fact Finding Mission in den Kosovo 14.-19.5.2006, 06.2006)" En dernier lieu, force est de constater qu'il demeure complètement invraisemblable que vous n'auriez pas pu vous installer dans une autre région de votre pays d'origine et ainsi profiter d'une fuite interne.
Au vu de ce qui précède, il convient de conclure que vous n'alléguez aucun fait susceptible de fonder raisonnablement une crainte de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.
De plus, force est de constater que vos récits ne contiennent pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, les faits invoqués à l'appui de vos demandes ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptibles de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 19§1 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.
La présente décision vaut ordre de quitter le territoire. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 18 janvier 2010, les consorts …ont fait introduire un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision précitée du ministre du 10 décembre 2009, par laquelle ils se sont vu refuser la reconnaissance d’un statut de protection internationale, et un recours tendant à l’annulation de la décision du même jour, incluse dans le même document, portant à leur égard l’ordre de quitter le territoire.
1. Quant au recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision de refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées, un recours en réformation a valablement pu être dirigé contre la décision ministérielle déférée, lequel recours est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi. Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
A l’appui de leur recours, les demandeurs exposent que Monsieur …serait d’origine albanaise et que Madame … serait d’origine bochniaque et qu’ils auraient vécu en couple à partir de 2003 dans la partie nord de la ville de …. Ils relatent que Monsieur …aurait travaillé comme traducteur pour la KFOR et, à ce titre, il se serait rendu dans la partie sud de …, et qu’il aurait fait le coursier pour un homme politique serbe dénommé …, ce qui l’aurait amené à se déplacer dans le Sud du Kosovo. Ils précisent que Monsieur …aurait été agressé à deux reprises par des membres des milices albanaises, sans que sa plainte auprès de la police après la première agression ait connu des suites. Ils affirment que la vie de Monsieur …serait en danger partout au Kosovo dans la mesure où il serait recherché par les hommes d’… et par l’Aksh. S’y ajouterait encore le fait qu’après la déclaration d’indépendance du Kosovo, ils auraient été victimes de l’hostilité des Serbes de la partie nord de …. Ils auraient ainsi été contraints de vivre reclus chez eux, de sorte qu’ils se seraient résolus à quitter le Kosovo.
En droit, les demandeurs reprochent tout d’abord au ministre de ne pas avoir procédé à un examen plus approfondi de leur demande de protection internationale et de ne pas avoir respecté les obligations d’objectivité et d’impartialité dans le cadre de l’instruction de leur demande. Ils reprochent plus particulièrement à l’autorité ministérielle de ne pas leur avoir posé les questions pertinentes, mais de leur opposer au contraire un défaut de crédibilité à partir du caractère prétendument vague de leurs déclarations. Ils estiment qu’il aurait au contraire appartenu à l’agent en charge de l’entretien d’insister sur des points restés non clairs et de leur poser des questions plus ciblées de manière à faire ressortir les éléments justifiant l’octroi d’une protection internationale, d’autant plus qu’ils n’auraient pas été assistés d’un avocat lors des entretiens au ministère des Affaires étrangères. Ils contestent en outre l’existence de prétendues incohérences ou contradictions dans leur récit, telles qu’elles ont été relevées par le ministre dans sa décision.
Ils estiment que le ministre n’aurait pas disposé de tous les éléments d’appréciation nécessaires pour se forger une opinion éclairée de leur situation. Ils concluent à une violation des articles 9 (3) et (6), 18 sub a) et 26 (3) de la loi du 5 mai 2006.
Ils précisent encore qu’ils auraient formulé le 18 janvier 2010 une « demande ultérieure » sur la base de l’article 32.1 de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres, sur le fondement d’un rapport de police du 18 juillet 2004 qui leur aurait été transmis par le frère de Monsieur Jashari, à travers laquelle ils auraient sollicité la réouverture de l’instruction de leur demande de protection internationale.
Ils demandent ainsi au tribunal de surseoir à statuer et de renvoyer leur demande au ministre pour permettre à ce dernier de procéder à une instruction plus approfondie de leur demande et pour lui permettre de toiser la demande ultérieure du 18 janvier 2010, sinon d’annuler la décision de refus déférée.
Le délégué du gouvernement réfute tout reproche quant à une instruction lacunaire de la demande de protection internationale des consorts …et quant à une représentation erronée du récit des demandeurs par le ministre dans sa décision.
Les articles 9 (3) et (6), 18 sub a) et 26 (3) de la loi du 5 mai 2006 assurent au demandeur d’une protection internationale que la personne qui mène l’entretien soit suffisamment compétente pour tenir compte de la situation personnelle et générale dans laquelle s’inscrit la demande, notamment quant à l’origine culturelle ou la vulnérabilité du demandeur d’asile, que ses déclarations fassent l’objet d’un rapport contenant au moins les informations essentielles relatives à sa demande et que la demande soit examinée individuellement, objectivement et impartialement, et qu’il soit tenu compte de tous les faits pertinents concernant le pays d’origine, de tous les documents et informations permettant de déterminer si le demandeur a fait ou pourrait faire l’objet de persécutions ou d’atteintes graves, ainsi que de son statut individuel et de sa situation personnelle.
Il convient tout d’abord de relever que s’il est vrai, comme le soutiennent les demandeurs, qu’il appartient au ministre de veiller à ce que l’entretien soit mené dans des conditions qui permettent au demandeur d’exposer l’ensemble des motifs de sa demande d’asile, et que le rapport fasse au moins état des informations essentielles relatives à la demande, il ne se dégage pas des rapports d’audition versés en cause que l’agent chargé de mener l’entretien n’aurait pas posé les questions qui s’imposaient. Au contraire, force est au tribunal de constater que face à des déclarations vagues ou confuses des demandeurs, l’agent a insisté à différentes reprises pour que les demandeurs s’expliquent ou précisent leurs déclarations, et qu’il a même attiré l’attention du demandeur sur le fait qu’il se contredisait pour lui permettre de rectifier ses propos (cf. p.16 du rapport d’audition du 15 octobre 2008).
Les demandeurs font encore grief au ministre d’avoir retenu « abusivement » dans sa décision que Monsieur …n’avait pas requis la protection des autorités, alors qu’aucune question concernant une éventuelle recherche de protection de la part des autorités n’aurait été posée au demandeur. S’il n’est pas contesté par la partie étatique que l’agent n’a pas interrogé Monsieur …sur le point de savoir s’il avait tenté d’obtenir une protection de la part des autorités, la question de savoir si son concubin s’était adressé à la police pour dénoncer l’agression dont il aurait été victime a toutefois été posée à Madame … qui a répondu que « la police se trouve dans le sud. Il n’a même pas osé aller chez le médecin, il est allé chez les marocains, mais ils sont partis maintenant » (p. 9 du rapport d’audition du 14 octobre 2008). Le seul fait que cette question n’ait pas été posée au demandeur ne saurait être suffisant pour conclure à une instruction lacunaire.
Force est également au tribunal de constater qu’un rapport a été établi retraçant les entretiens menés avec les demandeurs et qui contient les informations essentielles relatives à la demande de protection internationale, étant encore précisé que les demandeurs n’ont pas apporté dans le cadre de leur recours contentieux des motifs substantiellement différents de ceux qui figurent dans leurs rapports d’audition respectifs.
S’y ajoute qu’à la fin de l’audition, sur question spéciale de l’agent en charge de l’entretien de savoir si les demandeurs souhaitaient ajouter des précisions ou des déclarations supplémentaires sur n’importe quel sujet que l’on aurait omis ou négligé de leur demander, les demandeurs ont répondu par la négative. S’il est exact que les demandeurs n’ont pas été assistés d’un avocat au cours de leurs entretiens, bien qu’ils en aient eu la possibilité comme tout demandeur de protection internationale de requérir une telle assistance, à moins qu’ils n’en aient pas été informés sur leurs droits, ce qui n’est pas allégué en l’espèce et d’ailleurs contredit par les déclarations signées des demandeurs du 19 septembre 2008, par lesquelles ils ont confirmé avoir été informés de leur droit d’être assistés d’un avocat lors de l’entretien, ce constat n’est pas de nature à faire conclure que l’instruction ait été lacunaire, dès lors que la présence d’un avocat lors des entretiens n’est pas requise par la loi, conformément à l’article 9 (3) de la loi du 5 mai 2006.
De même, le fait constant que Monsieur …n’a pas estimé nécessaire que l’on procède à une relecture du rapport d’audition dans sa langue maternelle ne saurait être reproché au ministre, dès lors qu’il ressort du rapport d’audition qu’en début d’audition, l’attention du demandeur a été attirée sur l’importance de sa coopération dans le cadre de l’établissement du rapport d’audition.
Contrairement à l’affirmation des demandeurs selon laquelle l’agent n’aurait pas insisté sur la relecture du rapport d’audition, il se dégage du rapport d’audition de Monsieur …que lorsque ce dernier a déclaré en fin d’audition ne pas estimer nécessaire que l’on procède à la relecture et qu’il n’avait même pas pris un avocat, l’agent lui a posé la question s’il en était certain et le demandeur lui a répondu par l’affirmative.
Les demandeurs reprochent encore au ministre d’avoir conclu à un défaut de crédibilité de leur récit en raison du caractère vague de leurs déclarations. A cet égard, il ne saurait être reproché au ministre d’avoir tiré les conclusions qu’il a tirées dans le cas d’espèce, étant donné qu’il ressort du rapport d’audition que l’agent en charge de l’entretien a donné la possibilité aux demandeurs de préciser leurs propos. Si le ministre a estimé par la suite à la lecture des rapports d’audition que des contradictions se dégageaient du récit des demandeurs, cette appréciation de la crédibilité du récit des demandeurs relève plutôt du contrôle de la décision quant au fond, et non pas d’une instruction insuffisante ou partiale de la demande de protection internationale.
Il suit de ce qui précède et sans qu’il y ait lieu de faire droit à la demande tendant à voir surseoir à statuer pour permettre au ministre de procéder à un complément d’instruction ou d’instruire la « demande ultérieure » formulée par les demandeurs par le biais de leur avocat en date du 18 janvier 2010 sur le fondement de l’article 32.1 de la directive 2005/85/CE, précitée, dans laquelle ils se prévalent d’un rapport de police du 18 juillet 2004 qu’ils viendraient de recevoir, que le moyen des demandeurs tiré d’une violation des articles 9 (3) et (6), 18 sub a) et 26 (3) de la loi du 5 mai 2006 et tendant à voir annuler la décision au motif d’une instruction lacunaire laisse partant d’être fondé.
Les demandeurs affirment ensuite que le ministre leur reprocherait à tort d’avoir fait des déclarations contradictoires ou incohérentes, alors qu’il aurait fait une lecture incorrecte des rapports d’audition.
Ils font ensuite grief au ministre d’avoir conclu à l’absence d’un défaut de protection de la part des autorités, en relation avec les menaces émanant d’anciens membres de l’UCK et de l’Aksh, alors que la plainte de Monsieur …n’aurait pas été suivie d’effets, tout en dénonçant l’inefficience du système judiciaire et policier et la corruption au Kosovo, malgré la présence d’autorités et de forces internationales au Kosovo. Ils se référent à cet égard entre autres au rapport « Commission Staff Working Document » de la Commission européenne du 14 octobre 2009 au Parlement européen, intitulé « Kosovo under UNSCR 1244/99 2009 Progress Report », ainsi que du dernier rapport de l’UNHCR du 9 novembre 2009 sur le Kosovo intitulé « UNHCR’S Eligibility Guidelines for Assessing the International Protection Needs of Individuals from Kosovo », qui démontreraient que l’Etat kosovar, respectivement les partis ou organisations internationales qui le contrôlent, ne pourraient ou ne voudraient pas accorder une protection contre des persécutions ou contre des atteintes graves. Ils soutiennent, en se prévalant des articles 28 c) et 29 (2) de la loi du 5 mai 2006, que comme la situation serait telle qu’elle ne permettrait pas de conclure qu’une protection soit généralement accordée par l’Etat kosovar ou les organisations internationales, il faudrait conclure qu’il est alors démontré que ces autorités ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection.
Ils contestent ensuite l’existence d’une possibilité de fuite interne dans leur chef, au motif que Monsieur …aurait des raisons de craindre des persécutions tant dans la partie serbe que dans la partie albanaise du Kosovo. Ils reprochent dans ce contexte au ministre d’avoir fait une mauvaise application de l’article 30 de la loi du 5 mai 2006 en ce que le ministre aurait omis de préciser dans quelle partie du Kosovo il n’y aurait aucune raison de craindre d’être persécuté, ni aucun risque de subir des atteintes graves.
En ordre subsidiaire, les demandeurs, en renvoyant à leurs développements présentés dans le contexte du volet de la décision refusant le statut de réfugié, estiment qu’ils rempliraient les conditions pour se voir accorder le statut conféré par la protection subsidiaire.
Le délégué du gouvernement rétorque que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs, de sorte que leur recours serait à rejeter comme non fondé.
Aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 c) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».
Le tribunal, statuant en tant que juge du fond en matière de demandes de protection internationale, doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, tout en prenant en considération la situation, telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance. Cet examen ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il s’agit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.
En l’espèce, l’examen des déclarations faites par les demandeurs lors de leurs entretiens respectifs, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle fondée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leurs opinions politiques ou de leur appartenance à un certain groupe social au sens de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006.
En ce qui concerne tout d’abord la crédibilité du récit des demandeurs qui a été remise en cause par le ministre, le tribunal est amené à constater, à l’instar du ministre, que les déclarations des demandeurs en ce qui concernent les problèmes rencontrés au Kosovo et la cause de ces problèmes ont été imprécises et même confuses, voire contradictoires.
Ainsi, contrairement à ce qui est soutenu par les demandeurs, aucun reproche ne saurait être retenu à l’égard du ministre d’avoir fait état de ce que les problèmes dont se prévaut Monsieur …trouveraient notamment leur source dans le trafic illégal de cigarettes, étant donné que le demandeur a lui-même déclaré qu’il faisait des affaires avec les Serbes et notamment qu’il revendait du tabac dans la partie nord de …. Les demandeurs reprochent encore au ministre d’avoir retenu erronément que le demandeur aurait déclaré éprouver des craintes à l’égard des Albanais du sud de …. Or, il appert à la lecture du rapport d’audition que le demandeur a bien déclaré que les Albanais lui en voulaient parce qu’ils lui reprocheraient d’avoir collaboré avec les Serbes, de sorte qu’aucun reproche ne saurait être retenu à charge du ministre d’avoir déformé les déclarations du demandeur. Quant à la conclusion du ministre que les problèmes évoqués par le demandeur avec son beau-père serait de nature privée, il y a lieu de retenir que le demandeur a déclaré être parti vivre avec Madame … dans la partie nord de …, malgré l’opposition du père de celle-ci, de sorte qu’il ne saurait être reproché au ministre d’avoir mal interprété les propos du demandeur en qualifiant ce problème du demandeur avec le père de sa concubine de problème de droit privé. Il convient encore de relever que les demandeurs n’ont pas apporté d’explications quant au point relevé par le ministre dans sa décision relatif au fait que la carte d’identité du demandeur a été établie en 2001, alors que, d’après les déclarations du demandeur, il aurait été incarcéré en Allemagne à cette même époque.
Quant aux craintes de persécutions mises en avant par les demandeurs, Monsieur …fait état de persécutions et d’une crainte de subir des persécutions tant de la part des Albanais que de la part des Serbes, tandis que Madame … fait uniquement état de sa crainte de persécutions de la part des Serbes dans la partie nord de ….
D’après les demandeurs, les craintes de persécutions éprouvées par Monsieur …trouveraient leur source, d’une part, dans le fait d’avoir travaillé comme traducteur pour la KFOR française, ce qui l’aurait amené à se déplacer dans la partie sud de …, et, d’autre part, dans le fait d’avoir fait le coursier pour un homme politique serbe du nom de … qui lui aurait demandé d’apporter des documents dans les villages serbes de la commune de Gnjilane dans la partie sud du Kosovo. Le demandeur serait également recherché par les hommes du dénommé … qui croiraient qu’il aurait « tout » révélé à l’Aksh lorsqu’il se trouvait entre leurs mains. Les demandeurs font encore état, d’une manière générale, de l’hostilité des Serbes habitant dans la partie nord de …, depuis la déclaration d’indépendance du Kosovo, qui ne toléreraient plus des Albanais dans leur quartier.
Il convient de relever que si les demandeurs affirment, dans le cadre de la requête introductive d’instance, que Monsieur …aurait été agressé à deux reprises par des membres de l’Aksh qui le soupçonneraient d’être un espion ou un collaborateur des Serbes, tant le demandeur que la demanderesse n’ont toutefois au cours de leurs auditions respectives fait état que d’une seule agression, étant encore relevé que les déclarations des deux concubins quant à la date de cette agression sont divergentes, le demandeur ayant indiqué qu’elle serait survenue en hiver 2005, tandis que sa concubine a indiqué qu’elle serait survenue en 2007, sans qu’ils n’apportent une explication quant à cette contradiction. Le rapport de police du 18 juillet 2004 que les demandeurs ont versé en cause, sans être accompagné d’une traduction en langue française, mais qui, selon les affirmations du délégué du gouvernement non contestées, est censé documenter la plainte du demandeur pour une agression qui aurait eu lieu en juillet 2004 au cours de laquelle il aurait été agressé par trois personnes masquées et à laquelle il serait parvenu à s’échapper en sautant de la voiture qui le transportait, relate ainsi une agression aux circonstances quasi identiques de celle qui serait survenue un an plus tard et que le demandeur a évoqué lors de son audition au ministère des Affaires étrangères. Ce document, au vu de ce qu’il n’est revêtu d’aucun tampon ou d’un numéro d’identité, et qu’il mentionne la profession de coiffeur comme étant celle du demandeur, alors que le demandeur n’a pas déclaré cette profession comme étant la sienne, ne présente pas des garanties d’authenticité suffisante pour établir la réalité de cette prétendue agression de 2004. Il s’ensuit que la crédibilité du récit des demandeurs en relation avec ces prétendues agressions est dès lors gravement ébranlée.
En ce qui concerne encore les menaces dont les demandeurs font état de la part du dénommé …, ces craintes reposent uniquement sur des présomptions et non pas sur un quelconque élément concret, l’affirmation que la voisine des demandeurs leur aurait rapporté que le demandeur serait ainsi recherché semble plus qu’invraisemblable, de sorte que ces menaces ne sauraient, même à les supposer établies, suffire pour retenir une crainte fondée de persécutions pour ce motif dans le chef des demandeurs.
Quant à l’hostilité exprimée par les Serbes habitant dans la partie nord de … à l’égard des demandeurs d’origine albanaise, cette hostilité, aussi regrettable qu’elle soit, à défaut d’autres éléments, ne suffit pas pour les faire qualifier de persécutions ou pour admettre que les demandeurs font valoir une crainte fondée de persécutions à cet égard.
Quant aux problèmes du demandeur avec le père de Madame …, ces problèmes sont de nature privée, tel que cela a été retenu ci-avant, et ne sauraient partant rentrer dans le champ d’application de la loi du 5 mai 2005.
Par ailleurs, même à admettre la véracité des faits relatés par les demandeurs, les faits de persécution allégués émanent en tout état de cause de personnes privées, sans lien avec l’Etat.
Or, conformément aux termes de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006, en cas de persécution par des entités non étatiques, la crainte d’être persécuté est considérée comme fondée si les autorités ne veulent ou ne peuvent pas fournir une protection effective au demandeur ou s’il n’y a pas d’Etat susceptible d’accorder une protection : c’est l’absence de protection qui est décisive, quelle que soit la source de la persécution.
A cet égard, si les parties sont en désaccord quant à l’effectivité de la protection pouvant éventuellement être apportée par les autorités kosovares, les demandeurs concluant à l’absence de protection sur base de divers rapports d’organisations internationales, tandis que la partie étatique souligne l’évolution positive théorique du système judiciaire et policier au Kosovo, le tribunal est amené à constater que les demandeurs, à part le rapport de police du 18 juillet 2004 concernant un dépôt de plainte, dont l’authenticité est plus que douteuse, ne se sont pas adressés aux autorités pour requérir leur protection ou intervention.
Or, indépendamment des faiblesses du système judiciaire et policier kosovar, une absence de protection ne saurait être raisonnablement retenue lorsque, comme en l’espèce, la victime alléguée refuse elle-même de donner une chance aux autorités en requérant leur protection ; en d’autres termes, la seule affirmation des faiblesses du système ne saurait être retenue comme preuve suffisante d’une absence de protection concrète dans le chef des demandeurs, lorsque ceux-ci, comme en l’espèce, ne se sont pas adressés auxdites autorités, et ce sans motif précis et circonstancié.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a rejeté la demande en reconnaissance du statut de réfugié des demandeurs.
Quant au volet de la décision litigieuse portant refus dans le chef des demandeurs d’un statut de protection subsidiaire, il échet de rappeler qu’aux termes de l’article 2 e) de la loi du 5 mai 2006, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».
L’article 37 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Le tribunal constate qu’à l’appui de leur demande de protection subsidiaire, les demandeurs invoquent les mêmes motifs que ceux exposés à la base de leur demande de reconnaissance du statut de réfugié.
Or, au vu des conclusions dégagées ci-avant au sujet de la demande en reconnaissance du statut de réfugié, force est de constater que les risques invoqués par les demandeurs de subir des traitements inhumains ou dégradants de la part des membres de la communauté albanaise du Kosovo, respectivement de la part de l’UCK ou de l’Aksh ou des hommes du dénommé …, ne sont tantôt pas suffisamment sérieux et avérés pour justifier l’octroi du statut de protection subsidiaire, alors que les faits invoqués par les demandeurs, même pris dans leur globalité, ne revêtent pas un degré de gravité suffisante pour pouvoir être qualifiés de traitements inhumains ou dégradants au sens de l’article 37 précité, tantôt, compte tenu des doutes émis par le tribunal, pas suffisamment crédibles. Plus particulièrement, les demandeurs restent en défaut d’établir qu’en cas de retour au Kosovo, ils risqueraient la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre leur vie ou leur personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
Il se dégage de tout ce qui précède et en l’absence d’autres éléments, que c’est à juste titre que le ministre a retenu que les demandeurs n’ont pas fait état de motifs sérieux et avérés permettant de croire qu’ils courent le risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 et qu’il leur a partant refusé l’octroi d’une protection subsidiaire au sens de l’article 2 e) de ladite loi.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a, au terme de l’analyse de la situation des demandeurs, déclaré la demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée.
Le recours en réformation est partant à rejeter comme étant non fondé.
2. Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire contenu dans une décision statuant sur une demande de protection internationale, le recours en annulation introduit contre pareil ordre contenu dans la décision déférée du 10 décembre 2009 est recevable pour avoir été, par ailleurs, introduit dans les formes et délai de la loi.
Les demandeurs soutiennent en premier lieu que si la décision de refus d’octroi du statut de protection internationale encourt la réformation, l’ordre de quitter devrait également être annulé.
En ordre subsidiaire, ils concluent à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire, au motif qu’il violerait de façon autonome tant l’article 129 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration que l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme (ci-après « CEDH »). Les demandeurs estiment en effet que le champ d’application de ces dispositions serait plus large que celui de l’article 2 c) et e) de la loi du 5 mai 2006. Ils considèrent que le degré du risque de faire l’objet de mauvais traitements exigé pour obtenir la reconnaissance d’une protection internationale serait beaucoup plus élevé que celui requis pour interdire l’éloignement de l’étranger vers le pays dans lequel ce risque existe et que l’on ne saurait automatiquement conclure qu’un demandeur de protection internationale débouté ne puisse pas faire valablement état d’un risque de traitements inhumains ou dégradants dans son pays d’origine qui interdirait son éloignement vers ce pays. Les demandeurs estiment que la situation de détresse totale dans laquelle ils seraient plongés en cas de retour au Kosovo, mêlée aux sentiments de peur, indépendamment de tout risque d’action humaine attentatoire à leur encontre, serait constitutive pour eux d’un traitement inhumain et dégradant. Enfin, ils soutiennent que l’article 3 de la CEDH, combiné à l’article 129 de la loi du 29 août 2008, poserait un principe absolu d’interdiction de refoulement vers un pays où la personne concernée risque de faire l’objet de traitements contraires à l’article 3 de la CEDH.
Aux termes de l’article 19 (1) de la loi du 5 mai 2006, une décision négative du ministre en matière de protection internationale vaut ordre de quitter le territoire.
Il résulte de l’article 19 (1) de la loi du 5 mai 2006 que l’ordre de quitter le territoire constitue la conséquence légale et automatique de la décision de refus de protection internationale. Il s’ensuit que dans le cadre d’un recours en annulation dirigé contre un ordre de quitter le territoire pris par application des dispositions de la loi du 5 mai 2006, la légalité de cette décision ne peut être attaquée que pour un vice qui lui est propre, et non pas pour tenir indirectement en échec le refus de protection internationale.
Il se dégage des conclusions ci-avant retenues par le tribunal que le ministre a refusé à bon droit d’accorder aux demandeurs un statut de protection internationale, de sorte qu’il a également pu valablement émettre l’ordre de quitter le territoire.
Si l’article 3 de la CEDH et l’article 129 de la loi du 29 août 2008 peuvent être invoqués et pris en considération en dehors des demandes de protection internationale dans d’autres procédures, le moyen d’annulation fondé sur ces dispositions est toutefois inopérant dans le cadre d’un recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire pris en exécution d’une décision de refus de protection internationale, étant donné qu’il n’en constitue que la conséquence automatique et légale.
Les demandeurs n’ayant invoqué aucun moyen relatif à la légalité intrinsèque de l’ordre de quitter le territoire, le recours en annulation est à rejeter comme étant non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 10 décembre 2009 portant refus d’une protection internationale ;
dit qu’il n’y a pas lieu de surseoir à statuer ;
au fond, déclare le recours en réformation non justifié et en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation introduit contre la décision portant refus d’une protection internationale ;
reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
donne acte aux demandeurs qu’ils déclarent bénéficier de l’assistance judiciaire ;
condamne les demandeurs aux frais.
Ainsi jugé par:
Martine Gillardin, vice-président, Françoise Eberhard, juge, Annick Braun, juge, et lu à l’audience publique du 21 juillet 2010, par le juge Françoise Eberhard déléguée à cette fin, en présence du greffier Arny Schmit.
s. Arny Schmit s. Martine Gillardin Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 21 juillet 2010 Le Greffier du Tribunal administratif 18