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14/07/2010 | LUXEMBOURG | N°26472

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 juillet 2010, 26472


Tribunal administratif N° 26472 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 janvier 2010 3e chambre Audience publique du 14 juillet 2010 Recours formé par la société … S.àr.l., contre une décision du directeur de l’administration de l’Emploi en matière d’aide à l’embauche de chômeurs

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 26472 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 11 janvier 2010 par Maître Max Mailliet, avocat à la Cour, inscr

it au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société … S.àr.l., établie et ay...

Tribunal administratif N° 26472 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 janvier 2010 3e chambre Audience publique du 14 juillet 2010 Recours formé par la société … S.àr.l., contre une décision du directeur de l’administration de l’Emploi en matière d’aide à l’embauche de chômeurs

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 26472 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 11 janvier 2010 par Maître Max Mailliet, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société … S.àr.l., établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son gérant actuellement en fonctions, tendant à l’annulation d’une décision du 4 septembre 2008 par laquelle le directeur de l’administration de l’Emploi a refusé de lui accorder l’aide à l’embauche de chômeurs âgés ou de chômeurs de longue durée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 mars 2010 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Max Mailliet et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Guillou-Jacques en leurs plaidoiries respectives.

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Après avoir embauché Madame …, née le …, avec effet au 1er mai 2008 moyennant un contrat de travail à durée indéterminée, la société … S.àr.l. introduisit le 2 septembre 2008 une demande d’aides à l’embauche de chômeurs âgés et de chômeurs de longue durée.

Par une décision du 4 septembre 2008, le directeur de l’administration de l’Emploi, ci-après dénommée « l’Adem », rejeta cette demande au motif que Madame … ne remplit pas la condition d’inscription comme demandeur d’emploi auprès de ladite administration depuis au moins un mois telle que prévue à l’article L. 541-1 du Code du travail.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 11 janvier 2010, la société … S.àr.l. a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision précitée du directeur de l’Adem du 4 septembre 2008.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement se rapporte à la sagesse du tribunal en ce qui concerne l’intérêt à agir de la société … S.àr.l. et en ce qui concerne la recevabilité du recours introduit vingt mois après la prise de la décision litigieuse.

La demanderesse n’a pas pris position par rapport à ces moyens d’irrecevabilité.

La décision attaquée constituant une décision administrative refusant de faire droit à une demande, elle doit conformément à l’article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes contenir une indication sur les voies de recours ouvertes pour agir à son encontre.

Force est de constater que la décision déférée ne contient pas une telle information sur les voies de recours, de sorte qu’aucun délai de recours n’a pu commencer à courir en l’espèce.

Il s’ensuit que le moyen tiré de la tardiveté du recours est à rejeter pour ne pas être fondé.

Il convient encore de retenir qu’étant donné que la décision litigieuse refuse de faire droit à une demande en obtention d’une aide à l’embauche, la partie demanderesse a un intérêt suffisant à agir à l’encontre de ladite décision.

Aucun autre moyen d’irrecevabilité n’ayant été soulevé en l’espèce, le recours en annulation est recevable pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes de la loi.

Quant au fond, la demanderesse fait exposer que Madame …, de nationalité luxembourgeoise et résidant avec son mari en Allemagne, n’aurait pas été inscrite au chômage au Luxembourg, mais en Allemagne. Elle conteste ainsi la circonstance que cette inscription en Allemagne s’opposerait à l’attribution de l’aide à l’embauche, alors que Madame … aurait travaillé toute sa vie au Luxembourg et qu’elle ne se serait inscrite au chômage en Allemagne uniquement pour la raison qu’elle et son conjoint y ont transféré leur domicile, tout en continuant à travailler au Luxembourg.

La demanderesse invoque un moyen unique tiré d’une violation du principe d’égalité devant la loi, tel que consacré par l’article 10bis de la Constitution, en ce que la règlementation applicable et partant la décision litigieuse opérerait une différence de traitement entre le ressortissant luxembourgeois résidant au Luxembourg et le ressortissant luxembourgeois résidant à l’étranger, ayant tous les deux travaillé au Luxembourg. En cas d’embauche du premier travailleur, l’entreprise se verrait accorder une aide à l’embauche, tandis qu’elle se verrait refuser une telle aide en cas d’embauche du ressortissant luxembourgeois résidant à l’étranger, sans que cette différence de traitement soit justifiée par des critères objectifs. En outre, cette législation ne tiendrait pas compte de la hausse des prix de l’immobilier qui obligerait les Luxembourgeois à chercher un logement dans les communes limitrophes des pays voisins.

Elle relève ensuite que cette législation conduirait à un résultat paradoxal en ce qu’elle traiterait de manière différente le salarié, luxembourgeois ou autre, résidant à l’étranger et qui a été licencié à la suite d’un plan social et celui qui a été licencié en dehors d’un tel plan. En effet, la condition de l’inscription au chômage au Luxembourg ne serait pas exigée dans le chef du premier travailleur, tandis qu’elle le serait dans le cas du second pour qu’une aide à l’embauche soit accordée.

Le délégué du gouvernement rétorque que ce serait à bon droit que l’aide à l’embauche sollicitée ait été refusée, alors que Madame …, si elle remplirait certes la condition d’âge prévue à l’article L. 541-1 du Code du travail, ne remplirait toutefois pas la condition d’être inscrite comme demandeur d’emploi auprès de l’Adem.

Il conclut ensuite au rejet du moyen tiré d’une rupture d’égalité de traitement entre les Luxembourgeois résidant au pays et les Luxembourgeois résidant à l’étranger.

Il estime que ce moyen ne serait pas pertinent, dès lors que l’élément déterminant pour obtenir l’aide en question ne serait pas la résidence au Luxembourg, mais l’inscription comme demandeur d’emploi auprès de l’Adem.

Aux termes de l’article L. 541-1 du Code du travail : « Le fonds pour l’emploi rembourse aux employeurs du secteur privé les cotisations de sécurité sociale, part employeur et part assuré, pour les chômeurs embauchés, qu’ils soient indemnisés ou non indemnisés, à condition qu’ils soient âgés de quarante-cinq ans accomplis et qu’ils soient inscrits comme demandeurs d’emploi auprès d’un bureau de placement de l’Administration de l’emploi depuis au moins un mois.

Les demandeurs d’emploi âgés de quarante à quarante-quatre ans accomplis doivent être inscrits comme demandeurs d’emploi auprès d’un bureau de placement de l’Administration de l’emploi depuis trois mois au moins et ceux âgés de trente à trente-

neuf ans accomplis depuis douze mois au moins.

La condition d’inscription auprès d’un bureau de placement de l’Administration de l’emploi ne s’applique pas aux demandeurs d’emploi âgés de quarante ans accomplis et affectés par un «plan de maintien dans l’emploi au sens de l’article L.

513-3, homologué par le ministre ayant l’Emploi dans ses attributions. » Il résulte de l’alinéa 1er de cette disposition que l’employeur du secteur privé a droit au remboursement des cotisations de la sécurité sociale lorsqu’il embauche un chômeur âgé de quarante-cinq ans accomplis et ayant été inscrit depuis au moins un mois auprès d’un bureau de placement de l’Adem.

En l’espèce, il est constant que la salariée embauchée par la partie demanderesse, à savoir Madame …, si elle remplit la première condition d’être âgée au moins de quarante-cinq ans, étant donné qu’au moment de l’introduction de la demande elle était âgée de cinquante-deux ans, ne remplit toutefois pas la condition d’avoir été inscrite comme demandeur d’emploi auprès d’un bureau de placement de l’Adem.

L’affirmation de la demanderesse d’avoir été inscrite comme demandeur d’emploi en Allemagne n’est pas contredite par le délégué du gouvernement.

Il s’ensuit que le directeur de l’Adem a, en principe, valablement pu refuser l’aide à l’embauche sollicitée par la société … S.àr.l., étant donné que Madame … ne remplit pas la seconde des deux conditions cumulatives, relative à l’inscription comme demandeur d’emploi auprès de l’Adem.

Il convient toutefois encore d’examiner le moyen tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement tel que consacré par l’article 10bis de la Constitution, en ce que la réglementation applicable et partant la décision déférée opérerait un traitement inégal entre le ressortissant luxembourgeois résidant au Luxembourg et le ressortissant luxembourgeois ne résidant pas au Luxembourg.

Le principe constitutionnel de l’égalité devant la loi, tel qu’inscrit à l’article 10bis de la Constitution, suivant lequel tous les Luxembourgeois sont égaux devant la loi, est compris comme interdisant le traitement de manière différente des situations similaires, à moins que la différenciation soit objectivement justifiée. Il appartient par conséquent aux pouvoirs publics, tant au niveau national qu'au niveau communal, de traiter de la même façon tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit. Par ailleurs, lesdits pouvoirs publics peuvent, sans violer le principe de l'égalité, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents, à condition que les différences instituées procèdent de disparités objectives, qu'elles soient rationnellement justifiées, adéquates et proportionnées à leur but.

En l’espèce, il convient tout d’abord de relever que la partie demanderesse n’a ni allégué ni a fortiori établi qu’elle aurait été traitée de manière différente qu’un autre employeur se trouvant dans la même situation qu’elle.

La demanderesse se borne à invoquer une inégalité de traitement entre l’employeur qui a engagé un chômeur résidant au Luxembourg et l’employeur qui a engagé un chômeur ne résidant pas au Luxembourg et ne pouvant de ce fait pas s’inscrire comme demandeur d’emploi auprès d’un bureau de placement de l’Adem, de sorte à ne pas remplir l’une des deux conditions cumulatives de l’article L. 541-1 du Code du travail, étant donné que seul le premier se verrait accorder une aide à l’embauche. Ce faisant, elle se prévaut en substance de la non-conformité de l’article L.

541-1 du Code du travail, et plus particulièrement de la condition ayant trait à l’inscription comme demandeur d’emploi auprès d’un bureau de placement de l’Adem, avec l’article 10bis (1) de la Constitution.

Or, force est de constater que la situation d’un chômeur résidant au Luxembourg et de ce fait habilité à s’inscrire comme demandeur d’emploi auprès d’un bureau de placement de l’Adem n’est pas comparable à celle d’un chômeur qui, n’étant pas domicilié au Luxembourg, ne peut de ce fait pas s’inscrire au Luxembourg auprès de l’Adem, mais doit au contraire s’inscrire à l’agence de l’emploi du pays de sa résidence.

S’il est vrai qu’à part le domicile, rien ne semble distinguer la situation de ces salariés tombés en chômage au Luxembourg, il n’en demeure pas moins qu’au vu des différences de ces deux situations existant en droit en fonction de la résidence du chômeur, leurs situations ne sont pas suffisamment comparables, de sorte que le principe constitutionnel de l’égalité devant la loi ne trouve pas application en l’espèce.

Il en va de même de l’argumentation de la demanderesse selon laquelle l’article L. 541-1 du Code de travail créerait une inégalité entre les salariés licenciés dans le cadre d’un plan de maintien dans l’emploi et ceux qui ne sont pas affectés par un tel plan, dès lors que la condition tenant à l’inscription auprès d’un bureau de placement de l’Adem ne serait pas exigée de la part des salariés licenciés à l’issue d’un plan social.

Or, il y a lieu d’admettre que la situation d’un demandeur d’emploi affecté par un plan de maintien dans l’emploi n’est pas comparable à celle du salarié qui est licencié sans qu’un tel plan joue, de sorte que le principe d’égalité ne saurait trouver application.

Il s’ensuit que la question de constitutionnalité de l’article L. 541-1 du Code du travail soulevée par la demanderesse est à écarter comme étant dénuée de tout fondement au sens de l’article 6, alinéa 2 c) de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle, de sorte qu’il n’y a pas lieu de saisir la Cour Constitutionnelle de la question.

Aucun autre moyen n’ayant été invoqué en cause, le recours en annulation est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par :

Martine Gillardin, vice-président, Annick Braun, juge, Thessy Kuborn, juge, et lu à l’audience publique du 14 juillet 2010 par le vice-président, en présence de Judith Tagliaferri, greffier.

s. Judith Tagliaferri s. Martine Gillardin Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 15.07.2010 Le Greffier du Tribunal administratif 5


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 26472
Date de la décision : 14/07/2010

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2010-07-14;26472 ?

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