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30/06/2010 | LUXEMBOURG | N°26230

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 30 juin 2010, 26230


Tribunal administratif Numéro 26230 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 octobre 2009 3e chambre Audience publique du 30 juin 2010 Recours formé par Monsieur …, contre une décision du ministre de l’Education nationale et de la Formation Professionnelle en matière de reconnaissance de diplômes

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 26230 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 23 octobre 2009 par Maître Alain Bingen, avocat à la Cour, inscrit

au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, ...

Tribunal administratif Numéro 26230 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 octobre 2009 3e chambre Audience publique du 30 juin 2010 Recours formé par Monsieur …, contre une décision du ministre de l’Education nationale et de la Formation Professionnelle en matière de reconnaissance de diplômes

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 26230 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 23 octobre 2009 par Maître Alain Bingen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’un arrêté du 27 juillet 1999 du ministre de l’Education Nationale et de la Formation professionnelle, reconnaissant ses études en vue d’un classement au grade E2 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 18 décembre 2009 par le délégué du gouvernement ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 18 janvier 2010 par Maître Alain Bingen au nom de Monsieur … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, Maître Alain Bingen et Monsieur le délégué du gouvernement Daniel Ruppert en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 24 mars 2010.

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Monsieur … fut engagé à partir du 1er septembre 1975 par l’administration communale de … en tant que chargé de cours de l’enseignement musical sous le statut de l’employé communal.

Par arrêté du 27 juillet 1999, le ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle, désigné ci-après par « le ministre », a reconnu les études de Monsieur … en vue d’un classement au grade E2, aux motifs suivants :

« Vu la loi du 28 avril 1998 portant :

a) harmonisation de l’enseignement musical dans le secteur communal ;

b) modification de l’article 5 de la loi du 24 mai 1989 sur le contrat de travail ;

1 c) modification de la loi modifiée du 22 juin 1963 fixant le régime des traitements des fonctionnaires de l’Etat ;

Vu le règlement grand-ducal du 25 septembre 1998 fixant les conditions de formation, d’admission aux emplois et de rémunération des chargés de cours des établissements d’enseignement musical du secteur communal ;

Vu l’arrêté ministériel du 7 avril 1999 portant nomination de la Commission consultative ayant pour mission de conseiller le Ministre de l’Education Nationale et de la Formation Professionnelle dans toute question de reconnaissance de diplômes dans le domaine de l’enseignement musical ;

Considérant que Monsieur … est titulaire des Diplômes suivants :

• Diplôme de Premier Prix de Solfège du Conservatoire de Luxembourg ;

• Diplôme de Prix de capacité de Trombone à coulisse du Conservatoire de Luxembourg ;

• Diplôme Spécial de Trombone du Conservatoire Royal de Bruxelles ;

Vu l’avis de la Commission consultative à l’enseignement musical en date du 15 juillet 1999 (…) ».

Lors de la constitution du syndicat intercommunal des villes de … et de … pour l’organisation d’un enseignement musical, désigné ci-après par « le syndicat intercommunal », le contrat de travail de Monsieur … fut repris par ledit syndicat, sauf que l’intéressé fut engagé sous le statut d’employé privé.

Par courrier de son mandataire du 16 juin 2009, Monsieur … s’est adressé au syndicat intercommunal pour solliciter la reconnaissance de son statut d’employé communal et son classement au grade E3.

Par courrier du 23 juillet 2009, le syndicat intercommunal informa le mandataire de Monsieur … que ce dernier exerçait sa fonction comme chargé de cours de l’enseignement musical à titre accessoire et que sa profession principale était celle de membre de la musique militaire grand-ducale sous le statut du fonctionnaire d’Etat. Suivant le syndicat intercommunal, les statuts de fonctionnaire d’Etat et d’employé communal n’étaient cependant pas cumulables. Ledit syndicat informa l’intéressé par le même courrier que le classement des chargés de cours de l’enseignement musical n’incombe pas au conseil communal ou au comité syndical mais à une commission consultative ayant pour mission de conseiller le ministre dans toute question de reconnaissance de diplômes dans le domaine de l’enseignement musical. Le syndicat termine en précisant que la commission aurait avisé le dossier de Monsieur … et par arrêté ministériel du 27 juillet 1999 ses diplômes avaient été reconnus en vue d’un classement au grade E2.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 23 octobre 2009, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle du 27 juillet 1999 reconnaissant ses études en vue d’un classement au grade E2. La décision ainsi déférée porte sur la reconnaissance des diplômes étrangers du demandeur en vue de son classement.

Ni la loi modifiée du 28 avril 1998 portant a) harmonisation de l’enseignement musical dans le secteur communal ; b) modification de l’article 5 de la loi du 24 mai 1989 sur le contrat de travail ; c) modification de la loi modifiée du 22 juin 1963 fixant le régime des traitements des fonctionnaires de l’Etat, désignée ci-après par « la loi du 28 avril 1998 », ni le règlement grand-ducal modifié du 25 septembre 1998 fixant les conditions de formation, d’admission aux emplois et de rémunération des chargés de cours des établissements d’enseignement musical du secteur communal, désigné ci-après par « le règlement grand-ducal du 25 septembre 1998 », ni le règlement grand-ducal du 5 mars 1999 instaurant une commission consultative ayant pour mission de conseiller le Ministre de l’Education Nationale et de la Formation Professionnelle dans toute question de reconnaissance de diplômes dans le domaine de l’enseignement musical, désigné ci-après par « le règlement communal du 5 mars 1999 », ni aucune autre disposition légale ne prévoyant un recours au fond en matière de reconnaissance des diplômes dans le domaine de l’enseignement musical, seul un recours en annulation a pu être introduit en l’espèce, de sorte que le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation introduit par le demandeur.

A titre liminaire, le tribunal est amené à analyser le moyen d’irrecevabilité du recours, tel que soulevé par le délégué du gouvernement au motif que le recours aurait été introduit de manière tardive. Le représentant étatique soulève à cet égard que l’affirmation du demandeur qu’il ne se serait vu notifier la décision déférée qu’en date du 23 juillet 2009 ne serait qu’une pure allégation. En fait, le demandeur aurait été rémunéré en fonction du grade E2 depuis l’année 1999 sans jamais demander une explication à ce sujet.

Le demandeur réplique que le recours n’aurait pas été introduit de manière tardive. En effet, les délais pour introduire un recours n’auraient tout au plus pu courir à partir du 27 juillet 2009, date à laquelle la décision déférée lui aurait été notifiée.

Aux termes de l’article 13 (1) de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives : « (…) le recours au tribunal n’est plus recevable après trois mois du jour où la décision a été notifiée au requérant ou du jour où le requérant a pu en prendre connaissance ».

Partant, la notification de la décision administrative à l’intéressé ou la prise de connaissance de la décision par l’intéressé déclenchent le délai pour introduire un recours contentieux contre ladite décision.

En l’espèce, si la partie étatique ne conteste pas que le demandeur n’a pas eu notification de la décision déférée, elle affirme cependant que le demandeur en aurait eu connaissance en raison du fait qu’il aurait été rémunéré en fonction du grade E2 depuis l’année 1999. Le tribunal ne saurait toutefois pas partager cette analyse. En effet, si Monsieur … a éventuellement pu déterminer son classement en fonction de sa rémunération, il n’a pas pour autant, à travers ce même raisonnement, pu prendre connaissance de l’existence d’une décision ministérielle portant reconnaissance de ses diplômes. Or, la décision déférée en l’espèce porte précisément sur la reconnaissance des diplômes du demandeur et non point sur son classement.

Par ailleurs, abstraction faite de la date de notification de la décision déférée au demandeur, force est au tribunal de constater que ladite décision ne porte aucune indication sur les voies de recours ouvertes à son encontre. Il s’ensuit qu’en l’espèce les délais pour introduire un recours contentieux contre la décision déférée n’ont pas commencé à courir.

Eu égard aux éléments qui précèdent le moyen d’irrecevabilité du recours soulevé par le délégué du gouvernement est à rejeter pour ne pas être fondé.

Aucun autre moyen d’irrecevabilité n’ayant été soulevé, le recours est recevable pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes de la loi.

Quant au fond, Monsieur … fait valoir qu’il serait titulaire d’un diplôme de Premier Prix de Solfège du Conservatoire, d’un diplôme de Prix de capacité de trombone à coulisse du Conservatoire et d’un diplôme spécial de trombone du Conservatoire Royal de Bruxelles et qu’en vertu de l’article 4 b) du règlement grand-

ducal du 25 septembre 1998, le chargé de cours de l’enseignement musical titulaire d’un diplôme ou certificat de fin d’études délivré après au moins trois années d’études par un établissement d’enseignement supérieur de musique, de danse ou d’art dramatique, reconnu par le ministre serait classé dans le grade E3.

Le demandeur explique par ailleurs qu’il aurait été inscrit auprès du Conservatoire royal de musique de Bruxelles durant trois années, sanctionnées par le diplôme de premier prix avec distinction pour le trombone le 10 juin 1974.

Le demandeur conclut que le ministre aurait fait une appréciation erronée de ses études en ne lui reconnaissant pas le classement du grade E3.

Le délégué du gouvernement estime qu’en vertu de l’article 4 c) du règlement grand-ducal du 25 septembre 1998 le demandeur aurait justement été classé au grade E2. Il explique en substance qu’à l’époque où le demandeur aurait obtenu ses diplômes, deux sortes de diplômes ou certificats auraient existé, à savoir les diplômes réguliers et les diplômes spéciaux. Les diplômes réguliers permettraient d’être classé au grade E3 ou E3ter tandis que les diplômes spéciaux, sanctionnant des études non complètes et non reconnues en Belgique, ne pourraient être reconnus au Luxembourg à un niveau équivalent au plus haut diplôme luxembourgeois et ne permettraient partant d’être classé qu’au grade E2.

Le demandeur insiste sur le fait qu’il remplirait les conditions énoncées à l’article 4b) du règlement grand-ducal du 25 septembre 1998. Il estime par ailleurs que la distinction opérée par l’Etat entre des diplômes réguliers et des diplômes attribués aux candidats qui ne fréquentaient pas les branches secondaires ne serait pas consacrée par la réglementation applicable au cas d’espèce.

Aux termes de l’article 3 de la loi du 28 avril 1998 : « Chaque branche d’enseignement comprend, en principe, les quatre divisions suivantes :

a) la division inférieure, se clôturant par l’obtention de la première mention ;

b) la division moyenne, se clôturant par l’obtention du diplôme de la division moyenne ;

4 c) la division moyenne spécialisée, se clôturant par l’obtention du premier prix ;

d) la division supérieure, se clôturant par l’obtention du diplôme supérieur ».

L’article 4 de la même loi continue : « Le diplôme du 1er prix visé à l’article 3, sub c, correspond au niveau secondaire reconnu par l’Etat. Le diplôme visé au même article sub d, est reconnu équivalent à une première année d’études supérieures. L’examen pour l’obtention du diplôme supérieur se déroulera au niveau national dans un conservatoire.

Un règlement grand-ducal détermine les différentes branches enseignées, les modalités d’obtention, de délivrance et de la nomenclature des diplômes ainsi que les modalités de transition entre les différents ordres d’établissements et niveaux d’enseignement. L’avis de la commission nationale des programmes prévue à l’article 10 doit être demandé ».

En vertu de l’article 2 du règlement grand-ducal du 25 septembre 1998, pris en exécution de la loi du 28 avril 1998 : « Peuvent être engagés en qualité de chargé de cours de l’enseignement musical ou comme chargé de direction d’une école de musique dans le secteur communal sous le statut de l’employé communal les candidats qui remplissent les conditions suivantes : (…), 6. être au moins détenteur d’un diplôme du 1er prix visé aux articles 3 et 4 de la loi du 28 avril 1998 portant harmonisation de l’enseignement musical dans le secteur communal et modifiant l’article 5 de la loi du 24 mai 1989 sur le contrat de travail ou d’un diplôme étranger reconnu équivalent par le Ministre de l’Education Nationale.

Peuvent être engagés en qualité de chargé de cours de l’enseignement musical dans le secteur communal sous le statut de l’employé privé les candidats remplissant les conditions définies sub 2, 3, 4 et 6 du présent article. (…) ».

L’article 3 du règlement grand-ducal du 25 septembre 1998 enchaîne : « Les chargés de cours de l’enseignement musical ou les chargés de direction d’une école de musique, visés à l’article 1er du présent règlement sont classés, conformément aux dispositions ci-dessous dans l’un ou l’autre des grades E1, E2, E3 ou E3ter (…) » et l’article 4 poursuit : « Les décisions individuelles de classement sont prises par les conseils communaux ou par les comités des syndicats de communes sous l’approbation du Ministre de l’Intérieur en tenant compte des règles suivantes :

a) le chargé de cours de l’enseignement musical ou le chargé de direction d’une école de musique remplissant toutes les conditions d’admission aux concours de recrutement pour la fonction de professeur de conservatoire est classé au grade E3ter ;

b) le chargé de cours de l’enseignement musical ou le chargé de direction d’une école de musique titulaire d’un diplôme ou certificat de fin d’études délivré après au moins trois années d’études par un établissement d’enseignement supérieur de musique, de danse ou d’art dramatique, reconnu par le Ministre de l’Education Nationale, est classé dans le grade E3 ;

c) le chargé de cours de l’enseignement musical ou le chargé de direction d’une école de musique titulaire d’un diplôme du degré 5 supérieur d’un conservatoire de musique luxembourgeoise ou d’un diplôme étranger reconnu équivalent par le Ministre de l’Education Nationale est classé au grade E2. Il en est de même du chargé de cours de l’enseignement musical ou le chargé de direction d’une école de musique titulaire d’un diplôme de fin d’études secondaires et d’un diplôme du 1er prix d’un conservatoire de musique luxembourgeois ou d’un diplôme étranger reconnu équivalent par le Ministre de l’Education Nationale.

d) le chargé de cours de l’enseignement musical ne remplissant pas les conditions d’accès aux grades E3ter, E3 ou E2, est classé au grade E1 ».

D’une lecture conjointe des textes qui précèdent se dégagent deux étapes consécutives dans la procédure de l’engagement des chargés de cours de l’enseignement musical. Ainsi, de prime abord, l’engagement en tant que chargé de cours de l’enseignement musical ou de l’employé privé est subordonné notamment à la condition que le candidat soit au moins détenteur d’un diplôme de 1er prix, tel que défini aux articles 3 et 4 de la loi du 28 avril 1998 ou d’un diplôme étranger reconnu équivalent. Une fois engagés, les chargés de cours de l’enseignement musical sont ensuite classés en fonction de leur diplôme dans un des grades suivants : E1, E2, E3 ou E3ter.

En vertu des articles 2., 6. et 4 b) et c) du règlement grand-ducal du 25 septembre 1998 la reconnaissance d’un diplôme étranger incombe au ministre, tandis qu’en vertu de l’article 4, alinéa 1 du règlement grand-ducal du 25 septembre 1998 les décisions individuelles de classement relèvent de la compétence des conseils communaux respectivement des comités des syndicats de communes sous l’approbation du ministre de l’Intérieur.

Ainsi la décision de reconnaissance des diplômes étrangers et la décision de classement des chargés de cours de l’enseignement musical dans différents grades sont deux décisions distinctes relevant de la compétence de deux autorités administratives différentes.

En l’espèce, la décision déférée émane du ministre et concerne la reconnaissance des diplômes étrangers détenus par le demandeur.

La reconnaissance d’un diplôme étranger par le ministre s’effectue en vue du classement ultérieur du chargé de cours de l’enseignement musical dans un grade déterminé, étant donné que l’unique critère suivant lequel le classement s’opère est la reconnaissance des diplômes. Ainsi, si un diplôme étranger est reconnu par le ministre comme équivalent à un diplôme du degré supérieur d’un conservatoire de musique luxembourgeois, le titulaire dudit diplôme sera classé au grade E2, conformément à l’article 4 c) du règlement grand-ducal du 25 septembre 1998.

Dès lors, si en l’espèce, le ministre a reconnu les études du demandeur en vue d’un classement au grade E2, en se référant au diplôme de premier prix de solfège du Conservatoire de Luxembourg, au diplôme de prix de capacité de trombone à coulisse du Conservatoire de Luxembourg, ainsi qu’au diplôme spécial de trombone du Conservatoire Royal de Bruxelles dont le demandeur est titulaire et au règlementgrand-ducal du 25 septembre 1998, le ministre a reconnu le diplôme du demandeur comme équivalent au diplôme du degré supérieur d’un conservatoire de musique luxembourgeois.

Tandis qu’en vertu des article 3 et 4 du règlement grand-ducal du 25 septembre 1998, le classement du chargé de cours de l’enseignement musical dans un grade déterminé s’effectue en fonction de la reconnaissance du diplôme étranger détenu par l’intéressé, les critères conditionnant la reconnaissance des diplômes étrangers par le ministre ne ressortent ni de la loi du 28 avril 1998, ni du règlement grand-ducal du 25 septembre 1998, à l’exception de la condition figurant à l’article 4 b) du règlement grand-ducal du 25 septembre 1998, suivant laquelle le diplôme étranger à reconnaître en vue d’un classement au grade E3, doit sanctionner au moins trois années d’études.

En l’absence de dispositions légales subordonnant la reconnaissance des diplômes étrangers à des conditions déterminées, le ministre est juge de l’opportunité de reconnaître ou de ne pas reconnaître un diplôme. L’appréciation du ministre doit pourtant reposer sur des critères objectifs et s’opérer d’une manière non arbitraire. Le juge de l’annulation vérifie à cet égard les faits formant la base de la décision administrative qui lui est soumise et examine si ces faits sont de nature à justifier la décision. Cet examen amène le juge à vérifier si les faits à la base de la décision sont établis, cette vérification pouvant s’étendre le cas échéant au caractère proportionnel de la mesure prise par rapport aux faits établis, mais elle est cependant limitée aux cas exceptionnels où une flagrante disproportion des moyens laisse entrevoir un usage excessif du pouvoir par cette autorité1.

En l’espèce, le demandeur verse des pièces en cause, desquelles il ressort qu’il a fréquenté régulièrement les cours auprès du Conservatoire royal de musique de Bruxelles depuis 1971, pour obtenir le 10 juin 1974 le diplôme spécial de premier prix pour le trombone. Il ressort par ailleurs de la décision déférée que le demandeur est titulaire du diplôme de premier prix de solfège du Conservatoire de Luxembourg, ainsi que du diplôme de prix de capacité de trombone à coulisse du Conservatoire de Luxembourg.

Le délégué du gouvernement argumente que les diplômes étrangers du demandeur ne sauraient être reconnus qu’en vue d’un classement au grade E2, et non point en vue d’un classement au grade E3, étant donné qu’il existerait une distinction entre les diplômes réguliers et les diplômes spéciaux. En effet, les diplômes spéciaux, tels que celui détenu par le demandeur, ne seraient pas reconnus en Belgique et ne porteraient pas sur les « branches secondaires nécessaires », de sorte qu’ils ne pourraient être reconnus qu’en vue d’un classement au grade E2.

Force est de prime abord de constater que les diplômes versées en cause par le demandeur portent sur un total d’au moins trois années d’études. Par ailleurs, si le diplôme émis par le Conservatoire royal de musique à Bruxelles, détenu par le demandeur est certes intitulé « diplôme spécial », il ne contient pas d’explications relatives à cette désignation et la distinction opérée par le déléguée du gouvernement entre les diplômes réguliers et les diplômes spéciaux ne repose ni sur un élément 1 Cour adm. 8 octobre 2002, n° 14845C du rôle, Pas. adm. 2009, V° « Recours en annulation », n° 28.figurant au dossier, versé en cause, ni sur une disposition légale. Si le représentant étatique fait encore valoir que les diplômes spéciaux ne seraient pas reconnus en Belgique et ne porteraient pas sur l’intégralité des branches, ces faits ne ressortent ni des diplômes du demandeur, ni des éléments figurant au dossier versé en cause.

A défaut par la partie étatique d’expliquer plus en avant la raison pour laquelle le diplôme étranger du demandeur, portant toutefois sur des études d’au moins trois ans, ne sauraient être reconnu en vue d’un classement au grade E3, le tribunal est amené à conclure que la décision portant reconnaissance des diplômes du demandeur en vue d’un classement au grade E2 ne repose pas sur des critères objectivement retraçables et que la distinction opérée entre diplômes réguliers et diplômes spéciaux n’est pas susceptible de justifier la décision déférée, en l’absence de toute précision supplémentaire.

Il s’ensuit que la décision déférée encourt l’annulation.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare justifié ;

partant, annule l’arrêté du 27 juillet 1999 du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle, reconnaissant les études du demandeur en vue d’un classement au grade E2 condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par:

Catherine Thomé, premier juge, Claude Fellens, premier juge, Françoise Eberhard, juge et lu à l’audience publique du 30 juin 2010 par le premier juge Catherine Thomé, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Catherine Thomé Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 02.07.2010 Le Greffier du Tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 26230
Date de la décision : 30/06/2010

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2010-06-30;26230 ?

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