Tribunal administratif N° 26091 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 septembre 2009 3e chambre Audience publique du 30 juin 2010 Recours formé par Monsieur …, contre une décision du ministre des Transports en matière de permis de conduire à points
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 26091 du rôle et déposée le 16 septembre 2009 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean Tonnar, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, dépanneur, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Transports du 13 juillet 2009 l’informant que le nombre de points restants du capital dont est doté son permis de conduire est de zéro ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 décembre 2009 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Madame le délégué du gouvernement Betty Sandt en sa plaidoirie.
Par courrier du 13 juillet 2009 du ministre des Transports, désigné ci-après par « le ministre », Monsieur … fut informé que deux points ont été retirés du capital dont est doté son permis de conduire, à la suite d’un dépassement de vitesse verbalisé le 19 juin 2009. Le même courrier informa Monsieur … que le capital de points restants dont est doté son permis de conduire est de zéro.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 16 septembre 2009, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision précitée du ministre du 13 juillet 2009.
Aucune disposition du Code de la route, ni aucun autre texte de loi ne prévoyant un recours au fond en la présente matière, seul un recours en annulation a pu être introduit contre la décision précitée du ministre du 13 juillet 2009.
Le tribunal n’est partant pas compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal.
Le délégué du gouvernement soulève l’irrecevabilité du recours en annulation introduit à titre subsidiaire, au motif que le demandeur se limiterait à invoquer l’illégalité des décisions de retrait de points antérieures à la décision litigieuse, qui auraient entre-temps acquis autorité de chose décidée, de sorte que le recours du demandeur serait à déclarer irrecevable pour avoir été introduit de manière tardive.
Ce raisonnement du délégué du gouvernement ne saurait être suivi par le tribunal. En effet, il se dégage du libellé tant de la motivation que du dispositif de la requête introductive d’instance que le recours du demandeur est dirigé à l’encontre de la décision ministérielle du 13 juillet 2009 l’informant que le nombre de points restants du capital dont est doté son permis de conduire est de zéro. Le fait que le demandeur invoque à l’appui de son recours un moyen tiré de l’absence de notification des retraits de points antérieurs à la décision actuellement litigieuse ne saurait entraîner l’irrecevabilité du présent recours pour cause de tardivité.
Dès lors, le moyen d’irrecevabilité rationae temporis du recours soulevé par le délégué du gouvernement est à rejeter pour ne pas être fondé.
Aucun autre moyen d’irrecevabilité n’ayant été soulevé, le recours en annulation est recevable pour avoir été, par ailleurs, introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours, Monsieur … fait plaider que la décision déférée du 13 juillet 2009 énoncerait un certain nombre d’infractions commises entre le 16 juin 2004 et le 19 juin 2009, ayant entraîné des réductions de points du capital dont est doté son permis de conduire dont il n’aurait cependant pas été informé. Le seul courrier d’information relatif aux différentes réductions de points qu’il aurait reçu serait précisément celui du 13 juillet 2009. Il estime que s’il avait été informé en temps et lieu utiles des différentes réductions de points, il aurait suivi un cours de sensibilisation au centre de formation pour conducteurs.
Le délégué du gouvernement rétorque que le retrait de points serait une sanction administrative qui interviendrait de plein droit, sans que le ministre dispose d’un pouvoir d’appréciation. Il soutient, par ailleurs, que contrairement aux affirmations du demandeur, le ministre aurait valablement notifié chaque retrait de points au demandeur.
Quant à la notification des décisions portant retrait de points du capital dont est affecté un permis de conduire, l’article 2bis, paragraphe 2, dernier alinéa de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques, ci-
après « la loi du 14 février 1955 », dispose que : « Toute réduction de points donne lieu à une information écrite de l’intéressé sur la ou les infractions à l’origine de la réduction de points ainsi que sur le nombre de points dont le permis de conduire concerné reste affecté. Les modalités de cette information sont arrêtées par règlement grand-ducal. » Les modalités de l’information visées à l’article 2bis précité sont règlementées à l’article 15, paragraphe 1 du règlement grand-ducal du 26 août 1993 relatif aux avertissements taxés, aux consignations pour contrevenants non-résidents ainsi qu’aux mesures d’exécution de la législation en matière de mise en fourrière des véhicules et en matière de permis à points, désigné ci-après par « le règlement grand-ducal du 26 août 1993 », qui dispose que:
« Le ministre des Transports procède à l’imputation des points retirés et en informe l’intéressé endéans les huit jours ouvrables à compter des communications prévues aux articles 13 et 14.
Cette information est faite sous pli fermé et recommandé dans le cas de déduction de points. » Les dispositions qui précèdent prévoient les conditions de la notification des décisions portant retrait de points du capital dont est affecté un permis de conduire, mais ne conditionnent pas la régularité de la procédure suivie, et partant la légalité des décisions portant retrait de points. En effet, la procédure de notification a pour seul objet de rendre opposables les décisions de retrait de points à l’administré concerné et partant de déclencher le délai dont il dispose pour introduire un recours contentieux à leur encontre. La décision constatant la perte de l’intégralité des points affectés au capital dont est doté le permis de conduire d’un administré ne peut cependant se baser sur les décisions de retrait de points antérieures, que pour autant que ces dernières étaient opposables à l’administré.
Si les décisions antérieures consécutives portant retrait de points du capital dont est doté le permis de conduire d’un administré n’ont pas été notifiées à ce dernier, la légalité de la décision constatant l’épuisement de la totalité des points d’un permis de conduire n’en est toutefois pas affectée, lorsque ladite décision comporte elle-même un récapitulatif de l’ensemble des retraits de points effectués antérieurement et rendant ainsi opposables ces différents retraits de points à l’administré concerné, qui demeure, par ailleurs, recevable à exciper de l’illégalité de chacun de ces retraits.
En l’espèce, force est au tribunal de constater que la décision déférée du 13 juillet 2009 portant retrait de deux points et constatant l’épuisement de la totalité des points dont est affecté le permis de conduire du demandeur, récapitule l’ensemble des retraits de points effectués antérieurement, de sorte que la décision litigieuse rend opposables les retraits de points antérieurs au demandeur.
Il s’ensuit qu’un défaut de notification des différentes décisions antérieures ayant constaté des retraits consécutifs de points du capital dont est doté le permis de conduire, ne saurait affecter la légalité de la décision déférée du 13 juillet 2009 constatant l’épuisement de la totalité des points affecté au capital dont est doté le permis de conduire du demandeur, de sorte que le moyen tiré d’un défaut de notification des décisions sur lesquelles le ministre s’est basé pour constater la perte de l’intégralité des points affectés au permis de conduire, est à rejeter pour ne pas être fondé.
De surcroît, le tribunal constate que, contrairement aux affirmations du demandeur, les décisions antérieures portant retrait de points du capital dont est affecté son permis de conduire, lui ont, à l’exception d’une seule, toutes été notifiées.
Il se dégage de l’article 2bis, paragraphe 2, dernier alinéa de la loi du 14 février 1955, ainsi que de l’article 15, paragraphe 1 du règlement grand-ducal du 26 août 1993, précités, qu’une décision portant réduction des points dont est doté le capital d’un permis de conduire, est valablement notifiée à l’intéressé si elle lui est envoyée par courrier recommandé.
En l’espèce, il ressort tout d’abord d’un avis de réception, figurant au dossier administratif qu’en date du 29 juin 2004 une décision ministérielle du 28 juin 2004 ayant retiré deux points a été remise au demandeur. Ladite décision a partant été valablement notifiée au demandeur au sens de l’article 15, paragraphe 1 du règlement grand-ducal du 26 août 1993.
Il ressort encore du dossier administratif qu’une décision du 29 novembre 2004, portant retrait de deux points du chef d’une infraction commise par le demandeur le 21 novembre 2004, lui a été envoyée par lettre recommandée, retournée à l’expéditeur avec la mention « non réclamé ». Il y a partant lieu de constater que la décision du 29 novembre 2004 a été valablement notifiée au demandeur.
De même, il ressort du dossier administratif qu’une décision du 28 février 2005, portant retrait d’un point du chef d’une infraction commise par le demandeur le 31 janvier 2005, lui a été envoyée par lettre recommandée, retournée à l’expéditeur avec la mention « non réclamé ». Il y a partant lieu de constater que la décision du 28 février 2005 a été valablement notifiée au demandeur.
Enfin, il ressort d’un relevé avisé par l’entreprise des Postes et Télécommunications qu’une décision du 25 avril 2007 portant retrait de six points du capital dont est doté le permis de conduire du demandeur, du chef de trois infractions commises le 25 février 2006, a été envoyée par courrier recommandé du 25 avril 2007 au demandeur, de sorte qu’elle lui a été valablement notifiée.
Quant à l’infraction commise en date du 6 avril 2007 relevée par le ministre dans la décision déférée et ayant, suivant le libellé de la décision déférée, donné lieu à une réduction de deux points, force est au tribunal de constater qu’aucune décision ni aucune preuve de notification d’une telle décision ne figure au dossier administratif.
Il s’ensuit que contrairement aux affirmations du demandeur, les décisions des 28 juin et 29 novembre 2004, du 28 février 2005 et du 25 avril 2007 lui ont valablement été notifiées en vertu de l’article 15, paragraphe 1 du règlement grand-ducal du 26 août 1993.
En second lieu, le demandeur fait valoir que dans la mesure où seule la perte des douze points dont est doté le permis de conduire entraînerait une suspension du droit de conduire, il serait « injuste » que son droit de conduire aurait été suspendu alors qu’il se serait vu retirer non pas douze points, mais un total de quinze points. Il ajoute que la suspension de son droit de conduire reviendrait à mettre un terme à son avenir professionnel.
Le délégué du gouvernement rappelle que la réduction des points interviendrait de plein droit, en ajoutant qu’en vertu de l’article 2bis, paragraphe 3 de la loi du 14 février 1955, la perte de l’ensemble des points d’un permis de conduire entraînerait la suspension du droit de conduire de douze mois, de sorte qu’il aurait du mal à suivre l’interprétation du demandeur selon laquelle une suspension du permis de conduire, suite à la perte de quinze points du capital dont est doté le permis de conduire, serait une sanction illégale.
A cet égard, force est au tribunal de constater que le moyen avancé par le demandeur a trait à une décision de suspension du droit de conduire. Toutefois, le tribunal est saisi en l’espèce d’un recours tendant à l’annulation de la décision du 13 juillet 2009 constatant que le nombre de points restants du capital dont est doté le permis de conduire du demandeur est de zéro et non point d’une décision portant suspension du droit de conduire du demandeur. Le moyen du demandeur est dès lors à rejeter pour ne pas être pertinent.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en annulation est à rejeter pour n’être fondé dans aucun de ses moyens.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal ;
reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
Martine Gillardin, vice-président, Françoise Eberhard, juge, Annick Braun, juge, et lu à l’audience publique du 30 juin 2010 par le vice-président, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Martine Gillardin Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 01.07.2010 Le Greffier du Tribunal administratif 5