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09/06/2010 | LUXEMBOURG | N°26444

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 juin 2010, 26444


Tribunal administratif N° 26444 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 décembre 2009 3e chambre Audience publique du 9 juin 2010 Recours formé par la société … S.A., contre une décision du directeur de l’administration de l’Emploi en matière de participation de l’Etat au salaire d’un travailleur handicapé

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 26444 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 24 décembre 2009 par Maître Victor Gil

len, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la soc...

Tribunal administratif N° 26444 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 décembre 2009 3e chambre Audience publique du 9 juin 2010 Recours formé par la société … S.A., contre une décision du directeur de l’administration de l’Emploi en matière de participation de l’Etat au salaire d’un travailleur handicapé

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 26444 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 24 décembre 2009 par Maître Victor Gillen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société … S.A., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration de l’Emploi du 24 septembre 2009 portant refus de lui accorder une participation aux frais de salaire de son employé Monsieur … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Maître Victor Gillen en sa plaidoirie.

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Par décision du 28 novembre 2003, la Commission d’orientation et de reclassement professionnel des travailleurs handicapés, ci-après appelée « COR », après avoir constaté une diminution de la capacité de travail de 30%, reconnut à l’employé de la société … S.A., Monsieur …, la qualité de travailleur handicapé.

Le 23 décembre 2003, le directeur de l’administration de l’Emploi, ci-après désignée par « l’ADEM », informa la société … que le Service des travailleurs handicapés était disposé à participer, sur proposition de la COR du 28 novembre 2003, aux frais de salaire de Monsieur …, à raison de 40 % pour une durée de trois ans à partir du 1er décembre 2003.

Par lettre de sa fiduciaire du 16 février 2009, la société … formula une demande de renouvellement du subside accordé à Monsieur … avec effet au 1er janvier 2007.

Cette demande fut rappelée par un courrier du 22 avril 2009 et complétée par courrier du 9 juin 2009.

Par décision du 24 septembre 2009, le directeur de l’ADEM refusa de faire droit à la demande de la société … en les termes suivants :« Vu l’article L.562-8. du Code du Travail et l’article 15 de la loi du 12 septembre 2003 relative aux personnes handicapées et de son règlement d’application du 7 octobre 2004, la commission d’orientation et de reclassement professionnel est appelée à statuer sur votre demande en vue d’une participation aux frais de salaire.

Lors de sa séance du 22 septembre 2009, la commission précitée m’a proposé de ne pas vous accorder une participation aux frais de salaire pour le candidat mentionné ci-dessus. En effet, une perte de rendement telle que décrite par vous dans votre lettre n’a pas pu être constatée et partant une prise en charge des frais de salaire au taux minimum de 40% n’est nullement justifiée.

Contre la présente décision du directeur de l’Administration de l’Emploi un recours est admissible par acte d’avoué au titre de l’article L.531-5. du Code du travail et de l’article 2 paragraphe 1er de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif. Ce recours doit être introduit, sous peine d’irrecevabilité, dans un délai de 3 mois à partir de la notification de la présente décision, conformément à l’article 13 paragraphe 1 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ».

Par requête déposée le 24 décembre 2009 au greffe du tribunal administratif, la société … S.A. a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision directoriale précitée du 24 septembre 2009.

Malgré le fait que le recours a été notifié le 24 décembre 2009 par les soins du greffe du tribunal administratif à l’Etat, aucun mémoire en réponse n’a été déposé pour compte de celui-ci dans le délai prévu par l’article 5 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives. Conformément aux dispositions de l’article 6 de la même loi, le tribunal statue néanmoins à l’égard de toutes les parties par un jugement ayant les effets d’une décision contradictoire, même si la partie défenderesse n’a pas comparu dans le délai prévu par la loi. Il convient encore de rappeler que bien que la demanderesse ne se trouve pas confrontée à un contradicteur, il n’en reste pas moins que le tribunal, outre de vérifier s’il est compétent pour connaître du recours et si ce dernier est recevable, doit examiner les mérites du ou des différents moyens soulevés.

Aucune disposition légale n’instaurant un recours au fond en matière de participation de l’Etat au salaire d’un travailleur handicapé, seul un recours en annulation a pu être dirigé contre la décision litigieuse. Le tribunal doit partant se déclarer incompétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal.

Par contre, le recours subsidiaire en annulation est recevable pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, la société … fait exposer qu’en 2003, son employé Monsieur …, à la suite de la perte de l’usage d’un œil, se serait vu accorder par la COR la qualité de travailleur handicapé. La demanderesse fait grief au directeur de l’ADEM d’avoir refusé le renouvellement de la participation aux frais de salaire de Monsieur …, malgré le fait que la situation de celui-ci n’aurait pas changé depuis 2003, tel que cela serait d’ailleurs confirmé par les certificats médicaux versés à l’appui de son recours.

En droit, la demanderesse soutient que la décision litigieuse serait illégale en ce qu’elle ne serait fondée sur aucun critère prévu par l’article 15 de la loi du 12 septembre 2003 relative aux personnes handicapées (actuellement l’article L-562-8 du Code du travail), ni sur aucun critère prévu par le règlement grand-ducal du 7 octobre 2004 portant exécution de la loi du 12 septembre 2003 relative aux personnes handicapées.

La demanderesse soutient en deuxième lieu que la décision déférée serait illégale pour défaut de motivation suffisante. Elle expose à cet égard que la décision ne permettrait pas de comprendre les raisons pour lesquelles sa demande a été refusée. Elle se réfère encore à l’article 25 du règlement grand-ducal du 7 octobre 2004, précité, pour soutenir que les éléments de l’avis de la COR ne seraient pas repris dans la décision de refus.

Il convient en premier lieu d’examiner le moyen tiré d’un défaut de motivation suffisante de la décision de refus, qui est préalable, l’examen de la régularité formelle devant précéder celui du bien-fondé de la décision litigieuse.

En vertu de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux et elle doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, lorsqu’elle refuse de faire droit à la demande de l’intéressé.

La sanction d’une absence de motivation d’une décision administrative ne consiste cependant que dans la suspension des délais de recours. La décision reste valable et l’administration peut produire ou compléter ses motifs postérieurement et même pour la première fois en cours d’instance.

En l’espèce, force est de constater que la décision litigieuse, qui est reproduite ci-dessus, contient certes une référence aux dispositions légales qui en constituent le fondement, mais elle n’indique pas avec suffisamment de précision les éléments de fait justifiant le rejet de la demande. En effet, le directeur, en se ralliant à l’avis de la COR, qui n’est pas joint à la décision, refuse de faire droit à la demande de la société … au motif qu’une perte de rendement telle que décrite par ladite société dans sa lettre n’a pas pu être constatée, de sorte qu’une prise en charge des frais de salaire ne serait nullement justifiée. Cette motivation n’est pas suffisamment précise pour permettre à la demanderesse de comprendre les raisons de ce refus. S’il est encore vrai que la motivation d’une décision administrative peut se limiter à un énoncé sommaire de son contenu et qu’il suffit, pour qu’un acte de refus soit valable, que les motifs aient existé au moment de la prise de décision, quitte à ce que l’administration concernée les fournisse a posteriori sur demande de l’administré, le cas échéant au cours de la procédure contentieuse, il convient de relever que l’Etat n’a pas pris position en l’espèce.

Or, en l’absence d’une prise de position de l’administration déposée dans le délai légal et faute par elle d’avoir produit le dossier administratif, tel qu’exigé par l’article 8 (5) de la loi du 21 juin 1999, précitée, le tribunal n’est pas en mesure de vérifier utilement le caractère légal et réel du motif de refus ainsi invoqué à l’appui de la décision litigieuse du directeur de l’ADEM du 24 septembre 2009.

Il s’ensuit que le moyen de la société demanderesse fondé en substance sur une violation de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, précité, est fondé et que la décision directoriale déférée du 24 septembre 2009 encourt l’annulation, sans qu’il y ait lieu d’examiner plus en avant les autres moyens et arguments de la demanderesse.

La demanderesse sollicite encore l’allocation d’une indemnité de procédure de 1.000 euros sur la base de l’article 33 de la loi précitée du 21 juin 1999. Compte tenu de l’issue du litige et du fait que l’Etat n’a pas pris position en l’espèce, la demande en obtention d’une indemnité de procédure est justifiée à concurrence d’un montant fixé ex aequo et bono à 500 euros.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

déclare le recours en annulation recevable en la forme ;

au fond, le déclare justifié ;

partant annule la décision déférée du directeur de l’administration de l’Emploi du 24 septembre 2009 et renvoie l’affaire audit directeur en prosécution de cause ;

condamne l’Etat à payer à la demanderesse une indemnité de procédure de 500 euros ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par :

Martine Gillardin, vice-président, Françoise Eberhard, juge, Annick Braun, juge, et lu à l’audience publique du 9 juin 2010 par le vice-président, en présence de Judith Tagliaferri, greffier.

s. Judith Tagliaferri s. Martine Gillardin Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 09.06.2010 Le Greffier du Tribunal administratif 4


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 26444
Date de la décision : 09/06/2010

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2010-06-09;26444 ?

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