Tribunal administratif N° 26401 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 décembre 2009 3e chambre Audience publique du 2 juin 2010 Recours formé par Monsieur …, contre une décision du conseil de gouvernance de l’Université du Luxembourg en matière de congé scientifique
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 26401 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 9 décembre 2009 par Maître Albert Rodesch, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du 18 juillet 2009 prise par le conseil de gouvernance de l’Université du Luxembourg au sujet d’une demande en attribution d’un congé scientifique formulée par lui ;
Vu l’exploit du 15 décembre 2009 de l’huissier de justice suppléant Gilles Hoffmann, agissant en remplacement de l’huissier de justice Carlos Calvo, les deux demeurant à Luxembourg, portant signification dudit recours à l’établissement public Université du Luxembourg, établi à L-1511 Luxembourg, 162A avenue de la Faïencerie ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Monique Wirtgen, en remplacement de Maître Albert Rodesch, en sa plaidoirie.
En date du 26 mai 2009, Monsieur … présenta au conseil de gouvernance de l’Université du Luxembourg, ci-après désigné par « le conseil de gouvernance », une demande en attribution d’un congé scientifique, principalement pour le semestre d’été 2010, et subsidiairement pour le semestre d’hiver 2010/2011.
En sa séance du 18 juillet 2009, le conseil de gouvernance considéra cette demande comme étant non recevable. Ladite décision fut communiquée à Monsieur …, par courrier du 21 juillet 2009, dont les termes sont les suivants :
« Nous avons le regret de vous informer que le Conseil de Gouvernance de l’Université du Luxembourg, en sa séance du 18 juillet 2009, a décidé de ne pas donner une suite favorable à votre demande de congé scientifique pour les semestres d’hiver et d’été de l’année académique 2010-2011.
En effet, l’article 36, alinéa 1, de la loi du 12 août 2003 portant création de l’Université prévoit qu’« un congé scientifique peut être accordé à un professeur occupé à tâche complète pour chaque période de 7 années d’enseignement à l’Université ». Etant donné que votre nomination en tant que professeur date du 1er août 2006, votre demande n’est pas recevable. » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 9 décembre 2009, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation à l’encontre de la décision précitée du conseil de gouvernance du 18 juillet 2009.
Aucun recours au fond n’étant prévu contre les décisions prises en matière d’attribution d’un congé scientifique, seul un recours en annulation a valablement pu être introduit en l’espèce.
Le recours en annulation dirigé contre la décision du conseil de gouvernance du 18 juillet 2009 est dès lors recevable pour avoir par ailleurs été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi.
A l’audience des plaidoiries, le tribunal a soulevé la question de la portée du recours eu égard au libellé du dispositif de la requête et aux termes du courrier précité du 21 juillet 2009.
En effet, il se dégage de la demande formulée par Monsieur … que le congé scientifique a été sollicité principalement pour le semestre d’été 2010 et subsidiairement pour le semestre d’hiver 2010/2011, tandis que dans son courrier du 21 juillet 2009, le conseil de gouvernance n’a pris position explicitement que par rapport à la demande subsidiaire visant le semestre d’hiver 2010/2011. Le conseil de gouvernance n’a pas expressément pris position par rapport à la demande visant le semestre d’été 2010, mais a, d’autre part, refusé le congé scientifique pour le semestre d’été 2011, qui n’a pas été sollicité par Monsieur …. Si dans la motivation du recours, le demandeur fait état d’une décision de refus implicite visant sa demande d’un congé scientifique pour le semestre d’été 2010, suivant le dispositif de la requête introductive, il sollicite uniquement l’annulation de la décision du 18 juillet 2009, lui transmise par courrier du 21 juillet 2009.
Le mandataire de Monsieur … a confirmé à l’audience des plaidoiries que le recours vise également le refus du congé scientifique pour le semestre d’été 2010.
Le tribunal est amené à retenir que dans la mesure où le conseil de gouvernance était saisi d’une demande visant un congé scientifique tant pour le semestre d’été 2010, que pour le semestre d’hiver 2010/2011, et qu’il a explicitement refusé ledit congé pour le semestre d’hiver 2010/2011 et le semestre d’été 2011 au motif que Monsieur … ne remplirait pas la condition d’ancienneté en tant que professeur, il a implicitement, mais nécessairement dans la même séance également refusé le congé pour le semestre d’été 2010. Il y a dès lors lieu d’admettre que le recours porte sur le refus du conseil de gouvernance de faire droit à la demande visant à la fois le semestre d’été 2010 et le semestre d’hiver 2010/2011.
A l’appui de son recours, le demandeur expose être docteur en … et avoir enseigné au Centre Universitaire de Luxembourg depuis 1998. Il précise que depuis la création de l’Université du Luxembourg par la loi du 12 août 2003 portant notamment création de l’Université du Luxembourg et modifiant différentes autres lois, ci-après désignée par « la loi du 12 août 2003 », il aurait d’abord enseigné en qualité d’assistant-professeur, puis, depuis le 1er août 2006, en qualité de professeur. Il souligne encore avoir toujours été occupé à tâche complète et avoir tout au long de son curriculum académique enseigné … aux étudiants, dans une première phase au Centre universitaire et ensuite aux étudiants de l’Université du Luxembourg.
En droit, le demandeur fait valoir qu’il remplirait les conditions prévues par l’article 36 de la loi du 12 août 2003, qui, d’après lui, seraient au nombre de trois, à savoir être professeur, être occupé à tâche complète et avoir été occupé à tâche complète pendant une période de sept années d’enseignement à l’Université du Luxembourg. Il donne à considérer que ledit article 36 ne prévoirait pas que le demandeur du congé scientifique doive être professeur à l’Université depuis sept ans. En lui refusant l’attribution d’un congé scientifique au motif qu’il n’est professeur que depuis le 1er août 2006 et que de ce fait, il n’aurait pas été occupé en tant que professeur à tâche complète pendant une période de sept années d’enseignement à l’Université du Luxembourg, le conseil de gouvernance aurait ajouté une quatrième condition non prévue par la loi du 12 août 2003, de sorte que la décision litigieuse devrait être annulée pour violation de la loi.
Le demandeur insiste encore sur la finalité du congé scientifique telle qu’elle se dégagerait de la législation luxembourgeoise et des législations étrangères et qui serait celle de promouvoir la recherche et il fait valoir que le fait d’exiger que le demandeur d’un congé scientifique ait enseigné en tant que professeur à tâche complète pendant sept années serait contraire à cette finalité. A cet égard, le demandeur s’appuie sur l’exposé des motifs du projet de loi ayant donné lieu à la loi du 12 août 2003, ainsi que sur l’avis du Conseil d’Etat du 1er juillet 2003, d’une part, et sur les dispositions de l’article 3 de la même loi, d’autre part. Il fait encore valoir que dans l’optique de cette finalité, il serait admis par toutes les législations étrangères, en citant les législations française, suisse, allemande et anglaise, qu’un congé scientifique peut être accordé au profit des professeurs, respectivement au profit des chercheurs et autres intervenants dans le cadre de l’enseignement universitaire.
Il en conclut que le sens qu’il conviendrait de donner à l’article 36 de la loi du 12 août 2003 ne pourrait être que celui que l’attribution d’un congé scientifique doive être largement ouverte, de sorte que devraient pouvoir en bénéficier les professeurs ayant reçu leur nomination depuis moins de sept ans, mais qui ont déjà enseigné à leur université depuis au moins sept années que ce soit en tant qu’assistant ou en tant que professeur.
Enfin, le demandeur souligne que sa demande d’un congé scientifique serait motivée par la volonté de se concentrer sur la recherche.
Il convient de relever que l’établissement public Université du Luxembourg n’a pas fourni de mémoire en réponse dans le délai légal, bien que la requête introductive lui ait été notifiée par exploit de l’huissier de justice suppléant Gilles Hoffmann en date du 15 décembre 2009. Conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le tribunal statue néanmoins à l’égard de toutes les parties par un jugement ayant les effets d’une décision contradictoire, même si la partie défenderesse n’a pas comparu dans le délai prévu par la loi.
La question litigieuse en l’espèce est celle de savoir si, au regard des dispositions de l’article 36 (1) de la loi du 12 août 2003, la condition liée à la durée d’enseignement est remplie dès que l’intéressé a occupé une tâche complète d’enseignement pendant au moins sept ans, à quelque titre que ce soit, ou s’il est requis que l’intéressé ait enseigné en qualité de professeur pendant l’intégralité de ladite période de sept ans. En effet, le demandeur estime en substance que la condition relative à une occupation pendant une période de sept ans prévue à l’article 36 (1) de la loi du 12 août 2003 ne viserait qu’un enseignement à tâche complète pendant cette période, peu importe le titre de l’enseignant, la condition liée à la qualité de professeur ne devant être remplie qu’au jour de la demande, tandis qu’il se dégage de la lettre du conseil de gouvernance du 21 juillet 2009 que l’Université de Luxembourg considère que la condition relative à la durée de l’enseignement est liée à la qualité de professeur, de sorte qu’un congé scientifique ne pourrait être attribué qu’à la condition notamment que l’intéressé a enseigné pendant sept ans en tant que professeur et que les périodes d’enseignement en d’autres qualités ne sauraient être prises en compte à ce titre.
Aux termes de l’article 36 (1) de la loi du 12 août 2003, « un congé scientifique peut être accordé à un professeur occupé à tâche complète pour chaque période de 7 années d’enseignement à l’Université. Ce congé scientifique continu est de six mois avec maintien de l’intégralité de la rémunération de base ou de douze mois avec une réduction de 50% de la rémunération de base ».
L’article 32 de la loi du 12 août 2003 définit les différents membres formant le corps académique, à savoir les professeurs, les assistants-professeurs, les chargés de cours et les chargés d’enseignement, étant précisé que la nomination dans ces différentes catégories d’enseignant dépend de la formation, respectivement, pour ce qui est de la fonction de professeur, de la réalisation de contributions écrites en matière de recherche.
Force est de constater que l’article 36 (1), précité, ne vise comme bénéficiaire d’un congé scientifique que les enseignants ayant la qualité de professeur. Il convient encore de relever que ledit article 36 (1) ne comporte, en ce qui concerne la condition relative à la durée minimale d’enseignement de sept ans, aucune référence aux autres catégories d’enseignants énumérés à l’article 32, précité. Eu égard au libellé de l’article 36 (1), qui met directement en relation la condition liée à la durée d’enseignement et l’exigence tenant à la qualité de professeur, et à défaut de disposition expresse permettant de conclure que des périodes d’enseignement en une autre qualité que celle de professeur puissent être prises en compte, il convient d’admettre que le législateur a entendu faire bénéficier d’un congé scientifique uniquement les enseignants ayant eu la qualité de professeur pendant toute la durée de la période d’enseignement de sept ans requise.
Cette conclusion ne saurait être énervée par les documents parlementaires cités par le demandeur. En effet, il convient de relever, d’une part, que les passages cités par le demandeur ont trait à l’orientation que le législateur a entendu donner à l’Université à créer, qui se dégage d’ailleurs de l’article 2 de la loi du 12 août 2003 définissant les missions et objectifs de l’Université, mais ne visent pas spécifiquement le congé scientifique prévu à l’article 36 de la loi, étant précisé par ailleurs que ledit article 36 n’a pas, quant à la question qui est litigieuse, donné lieu à des observations particulières ni de la part des rédacteurs du projet de loi, ni de la part des différents intervenants ayant donné leur avis préalable à l’adoption de la loi. D’autre part, le tribunal ne saurait faire prévaloir par rapport à la loi une prétendue volonté du législateur que le demandeur entend dégager des documents parlementaires, du moment que le texte même de l’article 36 (1), qui pourrait certes être plus explicite, mais qui pourtant sur la question litigieuse ne comporte aucune ambiguïté, ne permet pas de dégager une telle volonté du législateur. Enfin, si, en vertu de l’article 3 de la loi du 12 août 2003, l’Université se fonde notamment sur « la symbiose de l’enseignement et de la recherche », cette disposition ne permet pas de donner une interprétation à l’article 36 (1) qui ne se dégage pas des termes dudit article, étant précisé au demeurant que la disposition précitée de l’article 3 vise essentiellement la recherche à l’intérieur de l’Université, par opposition à des travaux de recherche que les enseignants professeurs seront le cas échéant amenés à effectuer durant le congé scientifique.
Le demandeur ne saurait pas non plus utilement s’appuyer sur les législations étrangères en matière de congé scientifique, étant donné qu’il appartient au tribunal de faire application des dispositions de la loi luxembourgeoise, sans pouvoir mettre les termes de celle-ci en échec par une référence à des dispositions législatives étrangères.
En l’espèce, il est constant que le demandeur n’a la qualité de professeur que depuis le 1er août 2006. Dès lors, c’est à juste titre que le conseil de gouvernance a retenu, dans sa séance du 18 juillet 2009, que le demandeur ne remplit pas la condition liée à la durée de l’enseignement en qualité de professeur pendant au moins sept ans. Il est certes vrai qu’il ressort des éléments du dossier que le demandeur était professeur-assistant depuis la création de l’Université. Or, dans la mesure où en vertu de l’article 32, précité, la fonction de professeur-assistant est distincte de celle de professeur, et comme il vient d’être retenu que seules sont susceptibles d’être prises en compte les périodes d’enseignement en qualité de professeur, le demandeur ne saurait utilement se prévaloir des périodes d’enseignement en qualité de professeur-assistant.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond le déclare non justifié, partant en déboute ;
condamne le demandeur aux frais ;
Ainsi jugé par :
Martine Gillardin, vice-président, Françoise Eberhard, juge, Annick Braun, juge, et lu à l’audience publique du 2 juin 2010 par le vice-président, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Martine Gillardin Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 02.06.2010 Le Greffier du Tribunal administratif 5