Tribunal administratif N° 26471 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 janvier 2010 1re chambre Audience publique du 19 mai 2010 Recours formé par Madame …, … contre une décision du bourgmestre de la commune de Kehlen en matière d'urbanisme
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 26471 du rôle et déposée le 8 janvier 2010 au greffe du tribunal administratif par Maître Nathalie PRUM-CARRE, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, employée privée, demeurant à L-…, …, …, tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation d’une autorisation de construire, référencée sous le…, délivrée par le bourgmestre de la commune de Kehlen, en date du 9 septembre 2009 à la société …, établie et ayant son siège social à L-…, …, …, et relative à la construction d'une résidence de six appartements à L-…, … ;
Vu l'exploit de l'huissier de justice suppléant Gilles HOFFMANN, en remplacement de l’huissier de justice Carlos CALVO, demeurant à Luxembourg, du 19 janvier 2010, portant signification du prédit recours à l'administration communale de Kehlen en la personne de son bourgmestre ainsi qu’à la société …, préqualifiée ;
Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif en date du 25 janvier 2010 par Maître Marc THEISEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société …, préqualifiée ;
Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif en date du 29 janvier 2010 par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l'administration communale de Kehlen ;
Vu la requête en sursis à exécution et subsidiairement en abréviation des délais inscrite sous le numéro 26711 du rôle et déposée le 15 mars 2010 au greffe du tribunal administratif par Maître Nathalie PRUM-CARRE, au nom de Madame … ;
Vu l'exploit de l'huissier de justice Joséane GLODEN, demeurant à Esch-sur-Alzette, du 17 mars 2010, portant signification du prédit recours à l'administration communale de Kehlen en la personne de son bourgmestre ainsi qu’à la société …, préqualifiée ;
Vu l’ordonnance présidentielle du 22 mars 2010 rendue dans le rôle n° 26471 imposant une abréviation des délais sur base de l’article 8 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;
Vu l’ordonnance présidentielle du 23 mars 2010 déclarant la requête en sursis à exécution et subsidiairement en abréviation des délais sans objet et ordonnant la radiation du rôle n° 26711 ;
Vu le mémoire en réponse, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 2 avril 2010 par Maître Albert RODESCH au nom de l'administration communale de Kehlen, notifié le 1er avril 2010 à Maître Nathalie PRUM-CARRE ainsi qu’à Maître Marc THEISEN;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 2 avril 2010 par Maître Marc THEISEN au nom de la société …, notifié le 2 avril 2010 à Maître Nathalie PRUM-CARRE ainsi qu’à Maître Albert RODESCH ;
Vu le mémoire en réplique, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 19 avril 2010 par Maître Nathalie PRUM-CARRE au nom de la demanderesse, notifié le même jour à Maîtres Albert RODESCH et Marc THEISEN ;
Vu le mémoire en duplique, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 29 avril 2010 par Maître Albert RODESCH au nom de l'administration communale de Kehlen, notifié le même jour à Maître Nathalie PRUM-CARRE ainsi qu’à Maître Marc THEISEN;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 4 mai 2010 par Maître Marc THEISEN au nom de la société …, notifié le même jour à Maître Nathalie PRUM-CARRE ainsi qu’à Maître Albert RODESCH ;
Vu les pièces versées et notamment la décision attaquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maître Nathalie PRUM-CARRE, Maître Martial BARBIAN, en remplacement de Maître Marc THEISEN, et Maître Christian ENGEL, en remplacement de Maître Albert RODESCH, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 mai 2010.
___________________________________________________________________________
En date du 14 août 2007, le bourgmestre de la commune de Kehlen accorda à la société …une autorisation de bâtir, référencée sous le n° 173/2007 en vue de la construction d'une résidence au n° …, …à Kehlen.
La société …céda ensuite ledit terrain avec l'autorisation émise à la société … qui entama les travaux de construction.
La société … acquit par la suite le terrain voisin, portant le numéro … et sis au n°… de la … à Kehlen et introduisit une demande de démolition de l'immeuble existant sur cette parcelle, demande à laquelle le bourgmestre de la commune de Kehlen fit droit par autorisation référencée sous le n° 11/2009 et datée du 11 janvier 2009.
Le 31 juillet 2009, la société … introduisit une demande en obtention d’une autorisation de construction pour un immeuble résidentiel de 6 unités en lieu et place du bâtiment démoli, autorisation qui lui fut accordée par le bourgmestre sous le n° 74/2009 en date du 9 septembre 2009.
Madame …, se prévalant de sa qualité de propriétaire de la parcelle voisine, inscrite au cadastre, section A de Kehlen, n° …, sur laquelle est érigée une maison ancienne correspondant au n° … de la …, a fait introduire, par requête déposée le 8 janvier 2010 au greffe du tribunal administratif, un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la prédite décision du 9 septembre 2009 du bourgmestre de commune de Kehlen relative à la construction d'un immeuble résidentiel au n° … ,… A l’appui de son recours, Madame … fait plaider que l'autorisation de construire litigieuse ne mentionnerait pas les terrains visés par la construction projetée. Outre que cette indétermination des propriétés concernées devrait conduire à l’annulation de l’autorisation déférée, elle affirme encore que la construction litigieuse empièterait sur la parcelle voisine.
Elle estime encore que les deux résidences que la société … voudrait implanter sur les quatre parcelles en cause formeraient un tout et que, notamment, leur urbanisation ne pourrait se faire que de façon conjointe, et ce, particulièrement, au regard des voies d'accès aux emplacements de stationnements sis à l'arrière des bâtiments en cours de réalisation et projeté, de sorte qu’il aurait appartenu au bourgmestre de refuser la délivrance de l’autorisation sollicitée et d’exiger l’élaboration d’un projet d'aménagement particulier couvrant les deux résidences projetées.
Elle affirme ensuite que les parcelles accueillant les deux résidences auraient fait l'objet de multiples remaniements, ce qui contreviendrait à l’obligation de solliciter préalablement une autorisation de morcellement.
La demanderesse relève de surcroît que la décision entreprise violerait un certain nombre de dispositions du règlement des bâtisses communal, et notamment ses articles 4.1, 4.3, 4.7, 4.13 et 4.14, 4.17 ainsi que 4.18.
Enfin, elle estime que les conditions fixées par l'autorisation de construire n'auraient manifestement pas été remplies au jour de sa délivrance.
Quant à la recevabilité :
Aucune disposition légale ne prévoit de recours au fond en matière d’urbanisme et plus particulièrement en matière de permis de construire, de sorte que le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal.
En ce qui concerne la recevabilité du recours subsidiaire en annulation, tant l’administration communale de Kehlen que la société … soulèvent le défaut d’intérêt à agir de la demanderesse, en contestant tant sa qualité de propriétaire du terrain adjacent que toute aggravation concrète de son éventuelle situation de voisin, en soulignant le fait que la maison sise …, n° …, serait inhabitée depuis des années et que la demanderesse n'allèguerait pas en quoi l'implantation de la construction autorisée par la décision sous examen serait de nature à aggraver concrètement sa situation personnelle.
Madame… entend résister à ces moyens d’irrecevabilité en exposant avoir hérité de la propriété sise au n° …, …, de sorte qu’elle en serait propriétaire.
En ce qui concerne son intérêt à agir, elle explique que sa propriété serait certes ancienne, mais néanmoins en bon état et qu’elle aurait été habitée de manière interrompue jusqu’en 2007 par sa grand-mère. Elle estime être en droit de désirer conserver les lieux en l'état et de vouloir préserver la valeur économique de son bien, valeur qui serait mise en cause par la construction d'une résidence de six appartements directement contre les murs de sa propriété.
Elle estime en effet qu’en l'espèce, l'autorisation entreprise affecterait la valeur économique de sa propriété en ce qu'elle autoriserait l'ouverture dans la toiture d'une porte-
fenêtre permettant l'accès à une terrasse carrelée et d'une superficie suffisante pour un usage fréquent, donnant notamment sur l'arrière-cour de sa propriété à l'aplomb de laquelle elle se trouve et ce depuis une hauteur d'environ huit mètres. Elle donne encore à considérer que l'autorisation litigieuse porterait également atteinte à l'occupation paisible des lieux et donc à la valeur financière des biens, puisqu'elle autoriserait l'implantation derrière la résidence d'emplacements de stationnement qui ne manqueraient pas de générer bruit et pollution, alors que la partie arrière des parcelles constructibles, plus éloignée des rues et de leur trafic est en général réservée à l'implantation des espaces nécessaires au repos.
En ce qui concerne la question de la qualité pour agir de la demanderesse, il résulte d’un acte notarié de donation du 28 mars 1991 que Madame… s’est vue léguer la nue-
propriété de l’immeuble sis au n°…, …, la donatrice, entre-temps décédée, s’étant réservée l’usufruit. Il en résulte que Madame… doit à tout le moins être considérée comme nue-
propriétaire de l’immeuble - bâti et non-bâti - sis au n° …, …, et par conséquent comme détentrice de droits réels sur ledit immeuble pouvant librement disposer de l’immeuble : à ce titre, elle doit être considérée comme intéressée à conserver la valeur économique de l’immeuble.
En ce qui concerne plus particulièrement cette question et corrélativement le défaut d’intérêt à agir dans le chef de la demanderesse tel que soulevé, il y a lieu de rappeler qu’en matière de recours en annulation dirigé contre un acte administratif, le demandeur doit justifier d’un intérêt personnel et direct à obtenir l’annulation de l’acte qu’il attaque, le juge administratif devant seulement avoir égard à ce que le demandeur avance à ce sujet, dès lors qu'il lui appartient de démontrer son intérêt.
L’intérêt pour agir est l’utilité que présente pour le demandeur la solution du litige qu’il demande au juge d’adopter1, étant souligné que l’intérêt à agir n’est pas à confondre avec le fond du droit en ce qu’il se mesure non au bien-fondé des moyens invoqués à l’appui d’une prétention, mais à la satisfaction que la prétention est censée procurer à une partie, à supposer que les moyens invoqués soient justifiés2.
1 Voir Encyclopédie Dalloz, Contentieux administratif, V° Recours pour excès de pouvoir (Conditions de recevabilité), n° 247.
2 Trib. adm. prés. 27 septembre 2002, n° 15373, Pas. adm. 2009, V° Procédure contentieuse, n° 3.
Il résulte à ce propos des explications de la demanderesse que celle-ci critique en substance, au travers de ses arguments basés notamment sur un dépassement des limites voisines, sur l’absence d’intégration harmonieuse, sur la profondeur trop importante de l’immeuble, sur son hauteur illégale et sur l’affectation des combles, les dimensions trop importantes de l’immeuble tel que projeté par la société … et qu’elle craint de devoir subir du fait de la construction de cet immeuble résidentiel une dévaluation de sa propre (nue-
)propriété.
Or, en se basant sur de telles considérations, Madame…, en sa qualité de voisine directe et immédiate de l’immeuble projeté qui se trouvera dans son champ de vision justifie d'un intérêt personnel, direct et légitime suffisant à voir contrôler la conformité du permis aux dispositions réglementaires en vigueur.
Partant, le moyen d’irrecevabilité du recours en raison d’un défaut d’intérêt suffisamment caractérisé pour agir dans le chef de la demanderesse laisse d’être fondé.
La société … soulève encore l’irrecevabilité du recours dans le temps, en affirmant que l’autorisation de bâtir déférée aurait fait l’objet d’un affichage antérieurement à la date du 6 octobre 2009, à savoir en date du 22 septembre 2009. A ce propos, elle explique que le certificat en question aurait nécessité un deuxième affichage en date du 6 octobre 2009, tel qu’attesté par la commune de Kehlen, au motif que le premier certificat affiché le 22 septembre 2009 aurait « mystérieusement » été retiré des lieux au début du mois d'octobre 2009 et elle verse à ce sujet une attestation testimoniale dont il ressort que le certificat attestant de la délivrance de l'autorisation de construire litigieuse a été affiché une première fois aux abords du chantier en date du 22 septembre 2009.
A titre subsidiaire, elle offre de prouver par toutes voies de droit et notamment par témoignage les faits suivants :
« Le certificat attestant de la délivrance, par le Bourgmestre de la Commune de Kehlen, de l'autorisation de construire n° 74/2009 du 9 septembre 2009, a été affiché aux abords du chantier en date du 22 septembre 2009.
Le certificat affiché le 22 septembre 2009 mentionnait notamment que les plans relatifs à l'autorisation de construire susmentionnée, pour autant qu'ils portent sur l'implantation de la construction, ses parties extérieures et l'affectation de l'immeuble, pouvaient être inspectés à la maison communale.
Le certificat précité affiché le 22 septembre 2009 avait été retiré des lieux, par une personne inconnue, au début du mois d'octobre 2009, sans préjudice de la date exacte, ce qui a nécessité un second affichage du prédit certificat aux abords du chantier en date du 6 octobre 2009 ».
Madame…, de son côté, critique tant l’attestation testimoniale que l’offre de preuve au motif que le témoin en question serait un employé de la société …, de sorte qu’il ne saurait être considéré comme impartial et que son témoignage ne saurait être pris en considération.
Elle estime qu’en outre les allégations de l'employé de la société … se heurteraient aux affirmations du bourgmestre et de son secrétaire, selon lesquels le certificat aurait été affiché sur le chantier à partir du 6 octobre 2009.
Enfin, même à admettre pour les besoins du raisonnement, quod non, que l'affichage ait bien eu lieu antérieurement à la date portée dans le courrier du 23 octobre 2009, la demanderesse affirme qu’il ressortirait du témoignage versé en cause que cet affichage n'aurait pas perduré, de sorte qu’il n’aurait pas pu produire d'effet. Elle estime à ce sujet que retenir la validité de l’affichage nonobstant son interruption serait dépourvu de sens, étant donné qu'il suffirait alors d'exposer un certificat pendant quelques heures, pour faire courir le délai de procédure, puis de l'enlever ensuite, ôtant ainsi toute possibilité aux tiers d'être informés de l'autorisation accordée.
En ce qui concerne la question de l’éventuelle tardiveté du recours, l’article 13 (1) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives dispose que :
« Sauf dans les cas où les lois ou règlements fixent un délai plus long ou plus court et sans préjudice des dispositions de la loi du 22 décembre 1986 relative au relevé de la déchéance résultant de l’expiration d’un délai imparti pour agir en justice, le recours au tribunal n’est plus recevable après trois mois du jour où la décision a été notifiée au requérant ou du jour où le requérant a pu en prendre connaissance ».
Aux termes des alinéas 5 et 8 de l’article 37 de la loi du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, intitulé « Autorisations de construire » :
« (…) Un certificat délivré par le bourgmestre attestant que la construction projetée a fait l’objet de son autorisation est affiché aux abords du chantier par le maître de l’ouvrage. Ce certificat mentionne notamment qu’à la maison communale le public peut prendre inspection des plans afférents pour autant qu’ils portent sur l’implantation de la construction, ses parties extérieures et l’affectation de l’immeuble. (…) Le délai de recours devant les juridictions administratives commence à courir trois jours à compter de la date d’affichage [du prédit certificat] ».
Les deux articles précités sont à lire conjointement. Ainsi, l’article 13 (1) de la loi précitée du 21 juin 1999 prévoit deux hypothèses alternatives dans lesquelles un recours peut être déclaré irrecevable faute d’avoir été introduit dans les délais, à savoir celle où le demandeur dépose son recours plus de trois mois après s’être vu formellement notifier la décision litigieuse, et celle où il introduit un recours plus de trois mois après avoir pu prendre connaissance de l’acte faisant grief, l’article 37 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 précitée ayant à cet égard retenu pour des raisons pratiques que la prise de connaissance d’une autorisation de construire par les tiers intéressés est réputée avoir eu lieu trois jours après l’affichage d’un certificat attestant de l’octroi de l’autorisation à construire.
Ces deux hypothèses ne sont pas énervées par l’article 37 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 précitée qui dispose que le délai de recours contre l’autorisation court à compter de la date d’affichage de l’autorisation, sans qu’il n’exclut la deuxième hypothèse consacrée par l’article 13 (1) de la loi précitée du 21 juin 1999 selon laquelle le délai peut courir à compter de la prise de connaissance de la décision litigieuse.
En effet, si le législateur, partant du constat, d’une part, qu’une notification individuelle aux personnes intéressées par une autorisation de construire n’est pas toujours possible pour des raisons pratiques, liées notamment à l’impossibilité d’identifier toutes les personnes susceptibles d’être intéressées, et d’autre part, que l’affichage in extenso des autorisations de construire avec les plans afférents est impraticable, a estimé nécessaire d’imposer la formalité d’une notification générale telle que retenue à l’article 37 de la loi précitée du 19 juillet 2004, à savoir l’affichage d’un certificat aux abords du chantier, et ceci afin de faire courir le délai du recours contentieux3, cette formalité, qui a été prévue pour des raisons de sécurité juridique, ne s’impose cependant pas dans l’hypothèse où les intéressés ont eu une connaissance effective de l’autorisation de construire, la preuve de pareille connaissance appartenant cependant à la partie qui l’invoque.4 En l’espèce, si l’autorisation de bâtir litigieuse porte la date du 9 septembre 2009, de sorte qu’il peut être supposé qu’elle a été délivrée concomitamment ou postérieurement à cette date, les parties sont en désaccord sur la date et la durée d’affichage.
Le tribunal tient à souligner en ce qui concerne cette question d’un éventuel affichage du certificat attestant de la délivrance d’une autorisation qu’il aurait en tout état de cause appartenu au bourgmestre ou à son délégué de vérifier dans le cadre ses fonctions de police des bâtisses l’affichage dudit certificat, et d’émettre le cas échéant une attestation régulière afférente.
A défaut d’une telle attestation susceptible de clarifier la situation de manière indiscutable ainsi qu’au vu des explications de la société … relatives à un premier affichage effectué dès le 22 septembre 2009, confortées par une attestation testimoniale et formellement offertes en preuve, il convient, avant tout autre progrès en cause, de faire droit à l'offre de preuve formulée par la société …, reprise au dispositif du présent jugement, qui est pertinente et concluante en ce qu'elle tend à établir la date et la durée de l’affichage du certificat visé à l’article 37 de la loi précitée du 19 juillet 2004, et, le cas échéant et a fortiori, la date de début du délai de recours.
S’il est vrai que la demanderesse conteste la recevabilité de ce témoignage au motif que le témoin proposé serait à considérer comme partie en cause, ou du moins comme partial, il y a cependant lieu de rappeler qu’aux termes de l'article 405 du Nouveau Code de procédure civile, chacun peut être entendu comme témoin, à l'exception des personnes qui sont frappées d'une incapacité de témoigner en justice. L’abolition par le règlement grand-ducal du 22 août 1985 des causes de reproches inscrites dans l’ancien article 283 du Code de procédure civile a eu pour conséquence que désormais les témoins ayant une communauté d’intérêts avec une 3 Voir Projet de loi concernant le développement urbain et l’aménagement communal, doc. parl. 4486-3, p. 65 et 66.
4 Cf. trib. adm. 15 mai 2006, no 20625 du rôle ; trib. adm. 3 octobre 2007, no 22520 du rôle, www.ja.etat.lu.
des parties ne sont plus reprochables5, de sorte que la capacité de témoigner est la règle et l'incapacité l'exception.
De même, la notion de partie en cause doit être interprétée restrictivement et ne viser en principe que les personnes directement engagées dans l’instance judiciaire. La simple existence d’un lien de parenté ou de subordination entre parties et le témoin, en l’absence d’autres circonstances rendant suspecte sa déposition faite sous la foi du serment, ne permet pas d’écarter le témoignage d’une personne sous prétexte d’un intérêt matériel ou moral à l’issue du procès découlant de son lien de parenté ou de subordination avec l’une des parties, mais il appartient au juge d’apprécier librement la sincérité d’un témoin, comme d’un attestant.
En l’espèce, il est certain que l’attestant et témoin proposé est un préposé de la société … S’il peut avoir un intérêt à l'issue du procès, cette circonstance est à prendre en considération dans l'appréciation de son témoignage, mais cela n’entraîne pas son incapacité de témoigner.
Il y a partant lieu de procéder, avant tout autre progrès en cause, à cette mesure d’instruction.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, déclare le recours principal en réformation irrecevable, reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme, au fond, avant tout autre progrès en cause, admet l’offre de preuve formulée par de la …, partant ordonne l’audition du témoin …, technicien manager, demeurant à F-…, …, … afin de voir établir les faits suivants :
«Le certificat attestant de la délivrance, par le Bourgmestre de la Commune de Kehlen, de l'autorisation de construire n° 74/2009 du 9 septembre 2009, a été affiché aux abords du chantier en date du 22 septembre 2009.
Le certificat affiché le 22 septembre 2009 mentionnait notamment que les plans relatifs à l'autorisation de construire susmentionnée, pour autant qu'ils portent sur l'implantation de la construction, ses parties extérieures et l'affectation de l'immeuble, pouvaient être inspectés à la maison communale.
Le certificat précité affiché le 22 septembre 2009 avait été retiré des lieux, par une personne inconnue, au début du mois d'octobre 2009, sans préjudice de la date exacte, 5 Th. Hoscheit, Chronique de droit judiciaire privé : les témoins, Pas. 32, p. 9.
ce qui a nécessité un second affichage du prédit certificat aux abords du chantier en date du 6 octobre 2009 » ;
fixe jour et heure pour l’enquête au 9 juin 2010 à 11 heures, fixe jour et heure pour la contre-enquête au 30 juin 2010 à 11 heures, chaque fois dans la salle d’audience du tribunal administratif, 1, rue du Fort Thüngen, L-1499 Luxembourg, charge le premier juge Marc Sünnen de l’exécution de cette mesure d’instruction, ordonne à la partie demanderesse de déposer au greffe du tribunal pour le 16 juin 2010 au plus tard la liste des témoins à entendre lors de la contre-enquête, refixe l’affaire pour continuation des débats à l’audience publique du 4 octobre 2010 à 9:00 heures, réserve les frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 19 mai 2010 par :
Marc Sünnen, premier juge, Claude Fellens, premier juge, Thessy Kuborn, juge, en présence du greffier assumé Michèle Feit, s. Michèle Feit s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 19 mai 2010 Le Greffier assumé du Tribunal administratif 9