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18/05/2010 | LUXEMBOURG | N°25799

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 mai 2010, 25799


Tribunal administratif N° 25799 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 juin 2009 3e chambre Audience publique du 18 mai 2010 Recours formé par la société anonyme … S.A., contre une décision de l’administration des Douanes et Accises en matière d’entrepositaire agréé

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 25799 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 juin 2009 par Maître Pascale Hansen, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de la société anonyme … S.A., établie et ayan

t son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fon...

Tribunal administratif N° 25799 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 juin 2009 3e chambre Audience publique du 18 mai 2010 Recours formé par la société anonyme … S.A., contre une décision de l’administration des Douanes et Accises en matière d’entrepositaire agréé

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 25799 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 juin 2009 par Maître Pascale Hansen, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de la société anonyme … S.A., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonction, tendant principalement à la réformation sinon à l’annulation d’une décision de l’administration des Douanes et Accises du 17 janvier 2008 lui refusant le statut d’entrepositaire agréé ;

Vu le mémoire en réponse déposé le 9 novembre 2009 au greffe du tribunal administratif par le délégué du gouvernement ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 8 décembre 2009 au greffe du tribunal administratif par Maître Pascale Hansen ;

Vu le mémoire en duplique déposé le 8 janvier 2010 au greffe du tribunal administratif par le délégué du gouvernement ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maître Pascale Hansen et Madame le délégué du gouvernement Betty Sandt en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 24 mars 2010.

Le 17 août 2007, la société anonyme … S.A., ci-après « la société … », introduisit auprès de l’administration des Douanes et Accises une demande afin d’obtenir le statut d’entrepositaire agréé.

Le 17 janvier 2008, l’administration des Douanes et Accises prit à l’égard de la société … une décision de refus libellée comme suit : « Par la présente, j’ai le regret qu’au vu de l’avis négatif du receveur compétent je ne réserve pas de suite favorable à votre demande sous rubrique.

Pour vos importations, vous pouvez néanmoins agir en tant qu’opérateur non-

enregistré, à condition de lever préalablement un certificat de cautionnement pour chaque livraison de produits d’accise en provenance d’un autre pays de l’E.U.

Le certificat de cautionnement sera délivré dans votre cas par Monsieur le Receveur du bureau des douanes et accises d’….

Le transport de produits d’accise sera couvert conjointement par un « Document Administratif d’Accompagnement » (DAA) ou un « Document d’Accompagnement Simplifié » (DAS) et le certificat de cautionnement ci-dessus… ».

La motivation inhérente à la décision de refus a été précisée à travers plusieurs échanges de courriers.

Par requête déposée le 10 juin 2009 au greffe du tribunal administratif, la société … fit déposer un recours en réformation sinon en annulation contre la décision de refus de l’administration des Douanes et Accises du 17 janvier 2008.

Aucun recours en réformation n’étant prévu en la présente matière, le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal.

Au niveau du recours en annulation introduit à titre subsidiaire, la société anonyme … souligne que dans la mesure où la décision litigieuse ne contiendrait aucune instruction sur les voies de recours en méconnaissance de l’article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, le recours serait recevable pour avoir été introduit dans le délai de la loi.

L’article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 cité ci-avant est libellé comme suit :

« Les décisions administratives refusant de faire droit, en tout ou en partie, aux requêtes des parties ou révoquant ou modifiant d´office une décision ayant créé ou reconnu des droits doivent indiquer les voies de recours ouvertes contre elles, le délai dans lequel le recours doit être introduit, l´autorité à laquelle il doit être adressé ainsi que la manière dans laquelle il doit être présenté ».

La décision litigieuse, dans la mesure où elle refuse de faire droit à la demande de la société demanderesse, tombe dans le champ d’application de l’article 14 du règlement grand-

ducal du 8 juin 1979, de sorte que l’omission d’informer l’administré sur les voies de recours a pour effet d’empêcher que le délai du recours contentieux ne commence à courir1.

Il s’ensuit que le recours en annulation introduit à titre subsidiaire ayant par ailleurs été introduit dans les formes de la loi, est recevable.

Quant au motif de refus invoqué selon lequel la mise en place de l’entrepôt de la société … dans l’enceinte d’un autre dépôt rendrait un contrôle adéquat de l’administration des Douanes et Accises impossible, la société … s’interroge, d’un côté, sur la nécessité de la séparation des deux entrepôts dans la mesure où les accises pour les vins seraient zéro et que 1 C.E. 24 février 1984, Pas. 26, 82 et les références citées sous Pas. adm. 2008, V° PANC, n° 166.

partant aucun contrôle ne serait nécessaire. D’un autre côté, la société … fait valoir, en s’appuyant sur l’article 19 du règlement ministériel du 29 juillet 1994 portant publication de l’arrêté ministériel belge du 10 juin 1994 relatif au régime d’accise des vins, des autres boissons fermentées et des produits intermédiaires, qu’elle remplirait les conditions exigées quant à la disposition du dépôt dans lequel les produits importés seraient stockés. Elle précise qu’une personne responsable de l’autorité compétente aurait pu s’assurer, lors d’une visite des locaux, que les deux emplacements seraient délimités, de sorte qu’un contrôle s’avérerait possible même en l’absence de cloisons fixes et amovibles. Elle ajoute que l’administration des Douanes et Accises n’aurait pas le droit d’exiger une séparation par des cloisons en dur et inamovibles au motif que cette exigence ne reposerait sur aucune base légale.

La société … fait encore valoir que la décision litigieuse violerait l’article 11 (6) de la Constitution et notamment le principe de la liberté de commerce et ce d’autant plus dans la mesure où l’administration des Douanes et Accises semblerait employer différents paires de mesures pour des situations identiques, alors que de nombreux viticulteurs luxembourgeois se seraient vus octroyer un numéro d’accises bien qu’ils n’exporteraient pas 80% de leur production.

La société demanderesse fait enfin valoir que la décision litigieuse devrait encourir l’annulation pour abus de droit, abus de pouvoir, sinon pour erreur manifeste d’appréciation alors qu’il n’existerait aucune raison valable et légale pour lui refuser le statut d’entrepositaire agréé dans la mesure où elle remplirait toutes les conditions légales requises en la matière.

Elle ajoute que l’abus de pouvoir serait d’autant plus flagrant, étant donné que l’administration des Douanes et Accises lui refuserait de passer, sans raison valable, par un autre entrepositaire agréé et qu’elle lui imposerait de payer une caution de 625 € par document expédié (DAA), malgré le fait que les accises à payer seraient zéro. Elle estime que les certificats de garantie prévus à l’article 286 de la loi générale sur les douanes et accises du 18 juillet 1977 ne pourraient plus être exigés alors que cet article ne serait plus applicable au vu de la législation européenne en vigueur.

Le délégué du gouvernement insiste qu’en application des directives européennes existant en la matière, un contrôle adéquat serait indispensable afin d’assurer à terme la perception de l’impôt. Par ailleurs, l’argumentation de la société demanderesse en se référant au taux d’accise appliqué au Luxembourg pour le vin qui serait effectivement égal à zéro, ne tiendrait pas compte des situations de revente du vin dans un autre Etat membre et du fait que le commerce de la société … concernerait toutes sortes de boissons alcooliques où le taux appliqué ne serait pas égal à zéro.

Le représentant étatique souligne, par ailleurs, que la décision litigieuse ne serait pas fondée sur l’article 19 invoquée par la société …, lequel ne figurerait pas au règlement ministériel du 29 juillet 1994, mais dans le corps de l’arrêté ministériel belge du 10 juin 1994, étant donné que ledit article 19 aurait trait aux produits stockés à l’intérieur d’un même dépôt agréé. En effet, la disposition légale inhérente au motif de refus invoqué serait l’article 20 § 2 de la loi belge du 10 juin 1997 relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise, publié par règlement ministériel du 29 septembre 1997 selon lequel l’autorisation requise ne serait octroyée pour autant que des mesures de surveillance et de contrôle nécessaires puissent être effectuées. Or, en l’espèce l’existence de deux entrepôts différents à l’intérieur de la même enceinte, sans séparation effective entre ces deux dépôts, ne permettrait pas aux instances compétentes d’effectuer un contrôle approprié.

En effet, l’enquête faite par le receveur des Douanes et Accises, fin 2007, aurait fait apparaître que le plan versé par la société demanderesse n’aurait pas mentionné l’existence d’un autre dépôt agréé comme lieu de réception d’une société à responsabilité limitée, dénommée …, à l’intérieur du local loué par la société …. Par ailleurs, l’administration des Douanes et Accises n’aurait pas exigé une cloison en dur mais au contraire un fil de fer ou un treillis auraient été suffisants afin de mettre en œuvre une délimitation effective entre les deux entrepôts. Enfin, le délégué du gouvernement fait valoir que les moyens relatifs à la violation de la liberté de commerce, à un abus de droit, un abus de pouvoir sinon une erreur manifeste d’appréciation ne seraient pas fondés.

Il ressort des pièces déposées que le motif de refus ayant trait à une délimitation insuffisante des deux entrepôts au sein du même local est inhérent à la décision de refus litigieuse.

En effet, l’avis du receveur d’… du 17 décembre 2007 précise sous le point 7 ce qui suit : « L’entrepôt indiqué dans la demande se trouve dans le même local que le dépôt de l’opérateur enregistré « … Sàrl ». Lors de la visite des lieux, les produits des deux sociétés en question étaient mélangés et il n’était pas possible de dire quel produit appartenait à quelle société ». Ensuite, un courrier du 10 mars 2008 émanant de l’administration des Douanes et Accises et adressé à la société …, suite à une lettre du 14 février 2008 de ladite société sollicitant les justifications qui ont motivé la décision de refus, fait état de ce que le fait que l’entrepôt prévu par la société se trouve dans l’enceinte d’un autre dépôt ne peut être accepté.

Enfin, une itérative lettre de l’administration des Douanes et Accises du 30 janvier 2008 adressée au mandataire de la société … précise que « l’enquête menée par le receveur des douanes et accises à … fît apparaître que le plan des locaux présenté ne mentionnait pas l’existence, dans le même local où le requérant a voulu installer son entrepôt fiscal, d’un dépôt agréé comme lieu de réception dans le cadre d’une autre autorisation permanente en matière d’accise, que Monsieur … ne pouvait raisonnablement ignorer.

Par la suite l’administration lui signalait à plusieurs reprises que la coexistence des deux emplacements serait tolérée à condition de les limiter par une cloison de séparation.

En effet, l’article 20 § 2 du régime général précise qu’une autorisation sera seulement accordée aux personnes physiques ou morales permettant une surveillance et un contrôle approprié du régime sollicité.

Je soutiens l’avis de Monsieur le Receveur d’… qui considérait, qu’à défaut de séparation stricte des deux dépôts, un contrôle efficace ne serait pas possible. Tout contrôle aurait dû se faire en présence des deux titulaires d’autorisation et des confusions concernant les éventuels manquants ou excédants dans l’entrepôt fiscal auraient été inévitables… ».

Quant à la nécessité d’un contrôle en la matière, c’est à bon droit que le délégué du gouvernement reteint que la nécessité absolue de contrôles résulte de la loi belge du 10 juin 1997 relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise, publiée par règlement ministériel modifié du 29 septembre 1997 pour être exécutée au Grand-Duché de Luxembourg, ci-après « la loi belge du 10 juin 1997 », ceci en transposition des principes de base gouvernant les accises établis par la législation communautaire, notamment la directive modifiée 92/12/CEE du Conseil du 25 février 1992 relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise et de la directive 2008/118/CE du Conseil du 16 décembre 2008 relative au régime général d’accise et ayant abrogé la directive 92/12/CEE avec effet au 1er avril 2010. En vertu de ces principes communautaires transposés au Luxembourg, l’accise devient exigible lors de la mise à la consommation et le taux de l’accise à retenir est celui en vigueur à la date de l’exigibilité dans l’Etat membre où s’effectue la mise à la consommation. Les produits peuvent être envoyés en suspension de droit d’accises depuis un entrepôt fiscal d’un Etat membre vers un dépôt fiscal ou vers un opérateur enregistré ou non enregistré dans un autre Etat membre. Ils peuvent aussi être mis à la consommation, auquel cas des droits d’accises doivent être acquittés. Un contrôle adéquat est indispensable, afin d’assurer à terme la perception de l’impôt aux taux fixés par les Etats membres.

En ce qui concerne le moyen soulevé selon lequel le taux de l’accise sur le vin mis à la consommation au Luxembourg serait égal à zéro, force est de constater que s’il est certes exact que le taux appliqué au Luxembourg pour le vin en cas de mise à la consommation au Luxembourg est égal à zéro, il n’en reste pas moins que si le vin réceptionné par un entrepositaire agréé en régime suspensif au Luxembourg est ensuite revendu dans un autre Etat membre en régime suspensif, le taux de l’Etat membre où s’effectue la mise à la consommation sera appliqué. Si le vin réceptionné en régime suspensif au Luxembourg est acheté par des personnes qui n’ont pas la qualité d’entrepositaire agréé, d’opérateur enregistré ou non enregistré et qu’il est expédié par le vendeur, après avoir été mis à la consommation au Luxembourg, il doit être soumis à l’accise dans l’Etat membre de destination. Au vu de ces différents principes, le Luxembourg est tenu d’assurer un contrôle adéquat des mécanismes introduits en vertu du droit communautaire, afin de garantir une imposition correcte. A cela s’ajoute que l’article 2 des statuts de la société demanderesse précise que son commerce ne se limite pas seulement au vin mais a pour objet « toutes opérations d’achat, d’échange et de vente, d’exploitation et d’élaboration de vins et boissons spiritueux au Grand-Duché de Luxembourg et à l’étranger ». En application du règlement ministériel du 30 avril 1998 portant publication de la loi belge du 7 janvier 1998 concernant la structure et les taux d’accise des droits d’accise sur l’alcool et les boissons alcoolisées, le taux d’accise concernant notamment les produits intermédiaires et la bière mis en consommation au Luxembourg n’est pas égal à zéro.

Au vu de ce qui précède, l’argumentation avancée par la société … mettant en cause la nécessité d’un contrôle par les autorités compétentes n’est pas fondée au vu des principes issus du droit communautaire applicables en matière d’accises et au vu de l’objet social de la société … lequel concerne toutes sortes de boissons alcooliques pour lesquelles le taux appliqué n’est pas égal à zéro, de sorte que le moyen soulevé est à écarter pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne la situation de fait inhérente à la décision de refus, il ressort des pièces déposées que l’entrepôt de la société … renfermait en fait encore un autre dépôt, à savoir celui de la société à responsabilité limitée … sàrl, ci-après « la société … ». S’il est certes exact que le croquis relatif au plan d’implantation du dépôt envisagé par la société … annexé à la demande d’autorisation ne renseignait pas l’existence d’un autre dépôt au sein du dépôt indiqué par la société …, le croquis rectifié par l’administration des Douanes et accises renseigne la zone de stockage de la société … à l’intérieur même du dépôt de la société …. La société demanderesse ne conteste d’ailleurs pas l’existence du dépôt de la société … en ce qu’elle admet, dans le cadre de son mémoire en réplique, « que dans le même hall se trouvaient sur différentes étagères des vins appartenant à la société « … » tout en insistant qu’une séparation claire et précise aurait existé. Par ailleurs, l’affirmation du délégué du gouvernement selon laquelle l’aménagement des lieux a été seulement modifié de façon à réaliser une délimitation adéquate entre les deux dépôts suite à la visite des lieux du 6 juillet 2009 ayant eu lieu dans le cadre d’une procédure de référé rayée dans la suite n’est pas non plus contestée par la société demanderesse. En effet, celle-ci précise ce qui suit dans le cadre de son mémoire en réplique : « …lors de la visite des lieux dans le cadre de l’affaire de référé en présence de Monsieur le Président du Tribunal Administratif, le 6 juillet 2009, la société … s’est engagée, sans reconnaissance préjudiciable aucune et dans un esprit conciliateur, à faire enlever tout le stock de la société « … », ceci afin d’obtenir le statut d’opérateur enregistré et pour débloquer la situation. De sorte que, actuellement, dans l’entrepôt concerné, ne se trouvent uniquement des biens appartenant à la société requérante ». Le délégué du gouvernement souligne encore que c’est après avoir répondu à la condition de délimitation entre les deux dépôts en cause que la société … s’est vue attribuer en date du 29 septembre 2009 l’autorisation en tant qu’opérateur enregistré, également annexée en tant que pièce.

Au vu de ladite situation de fait, la base légale inhérente à la décision de refus est effectivement l’article 20 § 2 de la loi belge du 10 juin 1997 à laquelle la lettre de l’administration des Douanes et Accises du 30 janvier 2008 fait d’ailleurs expressément référence.

En effet, l’article 20 § 2 de la loi belge du 10 juin 1997 dispose que l’autorisation pour obtenir la qualité d’entrepositaire agréé n’est octroyée « qu’aux personnes établies dans le pays qui offrent les garanties nécessaires pour l’application correcte des dispositions prévues par la présente loi et pour autant que les mesures de surveillance et de contrôle nécessaires puissent être effectuées sans entraîner la mise en place d’un dispositif administratif disproportionné par rapport aux besoins économiques en question ». L’article 13 de la même loi précise, par ailleurs, que l’entrepositaire agréé est notamment tenu de présenter les produits à toute réquisition et de se prêter à tout contrôle et recensement.

Par contre, l’article 19 de l’arrêté ministériel belge du 10 juin 1994 relatif au régime d’accise des vins, des autres boissons fermentées et des produits intermédiaires publié par règlement ministériel modifié du 29 juillet 1994, invoqué par la société … est libellé comme suit :

« Les établissements qui détiennent simultanément des vins, des autres boissons fermentées ou des produits intermédiaires qui ont été mis à la consommation et des vins, des autres boissons fermentées ou des produits intermédiaires en régime suspensif de l’accise, doivent stocker les deux catégories de produits dans des locaux distincts ou à l’intérieur de zones clairement délimitées ».

L’article 19 de la loi belge du 10 juin 1997 vise le stockage de produits, en régime acquitté et en régime suspensif de l’accise, stockés à l’intérieur du même dépôt agréé et non pas la situation de fait inhérente au refus litigieux, à savoir le défaut de séparation adéquat entre deux dépôts de sociétés distinctes à l’intérieur d’une même enceinte, de sorte que ledit article n’est pas applicable en l’espèce.

L’affirmation de la société demanderesse selon laquelle l’administration des Douanes et Accises aurait exigé une séparation en dur entre les deux dépôts ne saurait pas non plus être vérifiée par le tribunal. Cette exigence ne ressort, en effet, aucunement des pièces déposées.

Au vu de ce qui précède, il y a lieu de retenir qu’il est établi qu’il n’existait pas une délimitation suffisante entre le dépôt de la société … et celui de la société ….

Etant donné que dans le cadre d’un recours en annulation, la légalité d'une décision administrative s'apprécie en considération de la situation de droit et de fait au jour où elle a été prise2, c’est à bon droit que l’administration des Douanes et Accises a retenu, en conformité avec l’article 20 § 2 de la loi belge du 10 juin 1997, que l’existence de deux entrepôts différents à l’intérieur de la même enceinte, sans séparation effective entre ces deux dépôts, ne permet pas d’effectuer un contrôle approprié. S’il est certes exact que les textes pertinents ne prévoient pas en tant que telle la condition afférente à une délimitation appropriée entre deux dépôts se trouvant au sein d’une même enceinte, l’exécution pratique telle qu’exigée par l’administration des Douanes et Accises en vue de mettre en œuvre cette délimitation n’est pas à qualifier comme disproportionnée par rapport à la mission de contrôle dont elle est investie en matière d’accise.

En ce qui concerne le moyen soulevé selon lequel la décision litigieuse violerait la liberté de commerce, force est de constater que la décision litigieuse ne viole pas la liberté de commerce de la société … étant donné que celle-ci peut néanmoins se livrer au commerce avec des produits soumis à accises à condition de se procurer une autorisation spécifique pour chaque envoi qu’elle compte recevoir en régime suspensif auprès du bureau compétent de son ressort conformément à l’article 18 § 3 de la loi belge du 10 juin 1997. S’il est certes exact que cette procédure est contraignante et doit être renouvelée pour chaque envoi, il n’en reste pas moins que la société … peut se livrer au commerce de boissons alcooliques, de sorte que le moyen soulevé est à écarter pour ne pas être fondé.

Quant au moyen relatif à la procédure applicable aux viticulteurs, force est de constater que les viticulteurs sont soumis à des dispositions réglementaires différentes, à savoir l’arrêté ministériel belge du 10 juin 1994 relatif au régime d’accise des vins, des autres boissons fermentées et des produits intermédiaires publié par règlement ministériel du 29 juillet 1994, de sorte qu’une inégalité de traitement de la société … par rapport aux viticulteurs ne saurait être retenue.

En ce qui concerne le moyen soulevé selon lequel la décision devrait encourir l’annulation pour abus de droit, abus de pouvoir, sinon pour erreur manifeste d’appréciation, force est de constater que dans la mesure où il a été retenu que la société … ne remplit pas toutes les conditions requises afin de se voir octroyer l’autorisation sollicitée, ni un abus de droit, ni un abus de pouvoir sinon une erreur manifeste d’appréciation ne saurait être retenu, de sorte que le moyen soulevé est à rejeter pour ne pas être fondé.

La société … fait encore valoir que l’abus de pouvoir serait d’autant plus flagrant dans la mesure où l’administration des Douanes et Accises lui imposerait de payer une caution de 625 € par document expédié (DAA), malgré le fait que les accises à payer seraient zéro. Elle estime que les certificats de garantie prévus à l’article 286 de la loi générale sur les douanes et accises du 18 juillet 1977 ne pourraient plus être exigés alors que cet article ne serait pas applicable au vu de la législation européenne en vigueur.

Force est de constater que si la décision litigieuse sous examen fait certes état de ce que la société … peut agir en tant qu’opérateur non enregistré à condition que la livraison et le transport de produits d’accise soient couverts par un certificat de cautionnement et conjointement par un « Document Administratif d’Accompagnement » ou un « Document d’Accompagnement Simplifié », il n’en reste pas moins que ladite décision se limite à fixer le principe même de ces exigences. Le montant de la garantie à payer est fixé ultérieurement, au cas par cas, par le receveur compétent de l’administration des Douanes et Accises, de sorte que le tribunal ne saurait se livrer à l’analyse de ce moyen dans la mesure où la décision 2 Cf. CA 18 mai 2006, n° 21112C, V° Recours en annulation, n° 11.

litigieuse n’a pas fixé le montant de la garantie due. Enfin, le principe même des exigences arrêtées ne saurait être mis en cause dans la mesure où lesdites exigences sont conformes aux dispositions de l’article 18 § 3 de la loi belge du 10 juin 1997 en ce qu’il prévoit que « si l’opérateur visé au ° 1 n’est pas encore enregistré par l’administration, il doit se conformer aux prescriptions suivantes :

1° effectuer, préalablement à la réception des produits, une déclaration et garantir le paiement de l’accise en jeu auprès du receveur qui délivre ensuite une autorisation pour l’opération considérée ;

2° acquitter l’accise lors de la réception des produits selon les modalités fixés par le ministre des Finances ;

3° se prêter à tout contrôle permettant à l’administration de s’assurer de la réception effective des produits et du paiement de l’accise dont ils sont passibles ».

Pour le surplus, l’affirmation de la société demanderesse selon laquelle les certificats de garantie prévus à l’article 286 de la loi générale sur les douanes et accises du 18 juillet 1977 ne pourraient plus être exigés dans la mesure où cet article ne serait pas applicable au vu de la législation européenne en vigueur, reste, en l’absence d’autres précisions, en l’état de simple allégation.

Le moyen avancé par la société demanderesse dans son mémoire en réplique selon lequel l’attitude de l’administration des Douanes et Accises lui refusant l’autorisation en tant qu’entrepositaire agréé malgré la considération que l’emplacement des lieux aurait été modifié suite à la visite des lieux du 6 juillet 2009 et que la caution exigée de 4.000 euros aurait été déposée, serait en soi constitutive d’un abus de droit n’est pas non plus fondé. En effet, tel que déjà souligné ci-avant le tribunal est tenu dans le cadre d’un recours en annulation d’analyser la situation de droit et de fait telle qu’elle a existé au moment de la décision prise, de sorte que des éléments de faits survenus après la décision prise ne sauraient avoir une incidence sur la légalité de cette dernière.

La décision refusant à la société … l’autorisation en tant entrepositaire agréé se justifiant par l’analyse de ce seul moyen, l’analyse des autres motifs de refus invoqués et les moyens y relatifs devient surabondant.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour analyser le recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

condamne la société … aux frais ;

Ainsi jugé par :

Catherine Thomé, premier juge, Claude Fellens, premier juge, Françoise Eberhard, juge, et lu à l’audience publique du 18 mai 2010 par le premier juge Catherine Thomé, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Catherine Thomé Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 18.05.2010 Le Greffier du Tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 25799
Date de la décision : 18/05/2010

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2010-05-18;25799 ?

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