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03/05/2010 | LUXEMBOURG | N°26539

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 mai 2010, 26539


Tribunal administratif N° 26539 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 janvier 2010 2e chambre Audience publique du 3 mai 2010 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 19, L.5.5.2006)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 26539 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 28 janvier 2010 par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …

, née le … (Kosovo), de nationalité kosovare, demeurant actuellement à L- …, tendant ...

Tribunal administratif N° 26539 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 janvier 2010 2e chambre Audience publique du 3 mai 2010 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 19, L.5.5.2006)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 26539 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 28 janvier 2010 par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … (Kosovo), de nationalité kosovare, demeurant actuellement à L- …, tendant 1) à la réformation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l'Immigration du 22 décembre 2009 lui refusant une protection internationale et 2) à l’annulation de l'ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 25 février 2010 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan Fatholahzadeh et Madame le délégué du gouvernement Sousie Schaul en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 avril 2010.

Le 5 janvier 2009, Madame … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après « la loi du 5 mai 2006 ».

Les 16 janvier et 1er avril 2009, Madame … fut entendue par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 22 décembre 2009, notifiée en mains propres le 4 janvier 2010, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration informa Madame … de ce que sa demande avait été rejetée comme étant non fondée au sens de l’article 19, paragraphe 1 de la loi du 5 mai 2006 après l’avoir évaluée par rapport aux conditions d’obtention du statut de réfugié et de celles d’obtention du statut conféré par la protection subsidiaire. Par la même décision, le ministre a enjoint à la demanderesse de quitter le territoire.

Ladite décision est libellée comme suit :

« J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale au sens de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentée auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration en date du 5 janvier 2009.

En application de la loi précitée du 5 mai 2006, votre demande de protection internationale a été évaluée par rapport aux conditions d'obtention du statut de réfugié et de celles d'obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.

En mains le rapport du Service de Police Judiciaire de la même date et le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration des 16 janvier et 1er avril 2009.

Il ressort de vos déclarations auprès de la (sic !) Service de Police Judiciaire que vous auriez été coiffeuse de profession et que vous auriez travaillé dans votre propre salon jusqu'à ce que des albanais auraient menacé de fermer votre commerce. Par conséquent, vous auriez décidé de quitter le Kosovo aussi vite que possible. Vous dites avoir payé la somme de 1.800.-

Euros à un passeur pour être conduit au Luxembourg.

Il résulte de vos déclarations auprès de l'agent du Service des Réfugiés que vous appartiendriez à l'ethnie des Roms et que vous auriez vécu ensemble avec vos parents, votre frère et sa famille à Vitomirica. Vous indiquez que durant le conflit en 1999, votre famille se serait enfuie vers Rozaje. En attendant de passer la frontière vers le Monténégro, vous, ainsi que d'autres filles auraient été enlevées par des paramilitaires de Akan. Vous auriez toutes été amenées à un lieu différent, où des Serbes vous auraient gardées et violées. Aidée par un autre prisonnier, vous auriez réussi à vous enfuir après un mois et vous auriez retrouvé vos parents à Rozaje. Vous seriez encore restée deux mois à Rozaje, puis vous et votre famille seriez retournés à Vitomirica.

En raison de la situation et vos problèmes psychologiques que vous auriez eus après l'enlèvement, vous seriez partie en Allemagne en 2000 pour vivre chez votre frère. Vers la mi-

2001, vous seriez retournée au Kosovo. Vous indiquez que l'organisation IOM vous aùrait aidée pour ouvrir votre propre salon de coiffure où vous auriez commencé le travail en 2004.

Vous dites que deux ans après l'ouverture, trois jeunes albanais auraient commencé à vous menacer. Selon vos dires, au mois d'août 2008, ils auraient cassé votre salon de coiffure dans votre présence, cependant vous n'auriez pas osé porter plainte et vous ajoutez que votre frère, un policier de profession, vous aurait conseillé de ne pas parler avec la Police. Vous indiquez que ces trois albanais vous auraient également menacé par téléphone de vous violer, si vous ne quittiez pas le pays.

Selon vos dires, vous n'auriez pas de problèmes avec les autres villageois, mais que vous auriez dû quitter le Kosovo comme vous auriez eu peur que vous seriez à nouveau violée.

Vous dites croire que ces albanais auraient voulu vous chasser de Vitomirica parce que votre commerce aurait marché très bien et vous dites ignorer si ces jeunes auraient su que vous auriez été kidnappé durant le conflit.

Enfin, vous admettez n'avoir subi aucune autre persécution ni mauvais traitement, et ne pas être membre d'un parti politique.

Il y a d'abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Or, les faits que vous alléguez ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, fonder dans votre chef une crainte fondée d'être persécuté dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi précitée du 5 mai 2006. En effet, en l'espèce, à supposer avérés les faits que ces trois jeunes albanais auraient détruit votre salon de coiffure et vous auraient menacé de vous violer, aussi déplorable et condamnable que cela puisse être, ne pourraient être considérés comme actes de persécution du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève. En effet, les craintes que vous exprimez s'analysent en l'expression d'un simple sentiment général d'insécurité, plutôt qu'en une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève. Par conséquent les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont pas remplies.

En outre, en application de l'article 28 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection au cas de l'espèce, il ne ressort pas du rapport d'audition que l'Etat ou d'autres organisations étatiques présentes sur le territoire de votre pays ne peuvent ou ne veulent pas vous accorder une protection à l'encontre des serbes et des albanais qui vous agresseraient. Vous n'avez par ailleurs pas requis la protection des autorités de votre pays, ce qui est par ailleurs étonnant, étant donné que vous dites que votre frère serait policier de profession. Par conséquent, il n'est pas démontré que les autorités kosovares seraient dans l'incapacité de vous fournir une protection quelconque.

En outre, votre récit ne contient pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, les faits invoqués à l'appui de votre demande ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 19§1 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.

La présente décision vaut ordre de quitter le territoire (…)».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 28 janvier 2010, Madame … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 22 décembre 2009 lui refusant une protection internationale et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision.

1. Quant au recours dirigé contre la décision portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 19, paragraphe 3 de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées, une demande en réformation a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée.

Il s’ensuit que le recours en réformation est recevable dans la mesure où il est dirigé contre ce volet de la décision déférée pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes et délai prévus par loi.

A l’appui de son recours, la demanderesse fait valoir que la décision ministérielle devrait être réformée pour violation de la loi, sinon pour erreur manifeste d’appréciation des faits dans la mesure où les faits invoqués justifieraient dans son chef une crainte de persécution en raison de son appartenance à un groupe social vulnérable. Elle fait valoir qu’elle aurait été victime en 1999 de violences sexuelles de la part des Serbes et qu’après son retour au Kosovo, après avoir passé quelque temps en Allemagne, elle aurait subi à partir de 2004 des menaces de trois jeunes Albanais arrivés de la région de Drenica. Elle aurait été menacé continuellement et au moment où ses agresseurs auraient vandalisé son salon de coiffure et l’auraient menacé de viol, elle aurait décidé de quitter le pays. Elle précise qu’elle aurait refusé de porter plainte suite au conseil de son frère policier qui l’aurait mis en garde sur les répercussions possibles d’une telle plainte sur l’ensemble de la famille. Pour le surplus, la demanderesse fait valoir qu’en tant que membre appartenant à la minorité rom du Kosovo elle aurait toujours été discriminée et humiliée et qu’il lui serait impossible de bénéficier d’une possibilité de fuite interne au vu de la situation générale des Roms au Kosovo. Elle ajoute que l’accès aux soins resterait également précaire. La demanderesse se réfère par ailleurs au rapport de l’UNHCR du 9 novembre 2009 intitulé « UNHCR’s Eligibility guidelines for assessing the international protection needs of individuals from Kosovo » et à un deuxième rapport intitulé « Kosovo : Un an d’indépendance » du 3 mars 2009 rédigé par Monsieur Murat Yilmaz, membre du conseil exécutif de la fondation d’aide humanitaire IHH.

Elle conclut que les persécutions vécues par elle s’inscriraient dans un contexte de persécutions généralisées à l’égard des minorités vulnérables vivant au Kosovo sans que les autorités ne soient en mesure de lui apporter une quelconque protection, de sorte que sa crainte serait suffisamment personnalisée et individualisée.

Le délégué du gouvernement estime pour sa part que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation de la demanderesse, de sorte que celle-ci serait à débouter de son recours.

1.1. Quant au statut de réfugié La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…)».

Les articles 31 et 32 de la loi du 5 mai 2006 précisent également le contenu de la notion de réfugié.

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par la demanderesse lors de ses auditions, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse, amène le tribunal à conclure qu’elle reste en défaut de faire état à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle fondée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social au sens de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006.

Ainsi, concernant la crainte exprimée par la demanderesse d’être victime d’actes de persécutions en raison de son appartenance à la minorité ethnique des Roms, force est de constater que s’il est certes exact que le rapport de l’UNHCR du 9 novembre 2009 intitulé « UNCHR’S eligibility guidelines for assessing the international protection needs of individuals from Kosovo » fait état de ce que la situation des Roms demeure problématique et précise sous l’intitulé « Main Groups at risk » que « Kosovo Roma inhabiting any part of Kosovo, continue to face serious restrictions to their freedom of movement and the exercise of fundamental human rights, including serious societal and sometimes administrative discrimination that would limit in particular their ability to exercise their political, social and economic rights. Furthermore, there are reports of threats and physical violence perpetrated against these communities », il n’en reste pas moins que ce rapport ne permet pas de conclure que tout membre de la minorité des Roms soit du seul fait de cette appartenance exposé à des persécutions au sens de la Convention de Genève et de la loi du 5 mai 2006, sans qu’il n’y ait lieu de procéder à un examen de sa situation individuelle et des actes de persécutions mis en avant.

Il s’ensuit que la situation générale au Kosovo n’est pas telle que l’appartenance à la minorité des Roms entraînerait pour la demanderesse un risque particulier de persécution au sens de la loi du 5 mai 2006.

Néanmoins, malgré ce constat général, il convient d’examiner si, en l’espèce, compte tenu de la situation particulière de la demanderesse, les faits dont elle fait état, sont susceptibles de générer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève et de la loi du 5 mai 2006.

A cet égard, la demanderesse fait état de menaces provenant de trois Albanais nouvellement venus au village en ce que ces individus auraient saccagé son salon de coiffure et auraient proféré par téléphone des menaces de viol.

La demanderesse fait, par ailleurs, état de ce qu’elle a pu ouvrir en 2004, avec l’aide de l’Organisation internationale pour les migrations, un salon de coiffure lequel fonctionnait très bien et qu’elle a pu commencer à vivre une vie normale parmi les autres villageois et encadrée par ses parents et frères et sœurs. Les seuls problèmes concrets mis en avant par elle sont liés aux menaces de trois Albanais qui sont nouvellement venus au village. La demanderesse répond en effet à la question « Est-ce-que vous avez eu des problèmes ou des menaces d’autres personnes ? » que « tous les villageois qui connaissent le malheur de ma famille étaient bien avec nous. Mais tous les nouveaux arrivés se sont comportés mal envers nous ». De plus, la demanderesse répond de façon très générale aux différentes questions posées par son avocat, à la fin de l’entretien, sur les éventuelles discriminations dont elle aurait été victime à cause de son appartenance à la minorité des Roms et fait notamment état d’un sentiment d’être discriminée, sans cependant faire état d’incidents concrets, si ce n’est la considération qu’elle a fait l’objet de remarques humiliantes.

Force est, dès lors, de constater que les faits invoqués sont certes condamnables, mais s’analysent en substance en des harcèlements de la part de membres de la majorité albanaise au Kosovo, lesquels, à défaut d’autres faits ou éléments, ne sont pas suffisamment graves pour pouvoir retenir dans le chef de la demanderesse l’existence d’une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève justifiant la reconnaissance du statut de réfugié.

Certes, en vertu de l’article 31 (1) a) et b) de la loi du 5 mai 2006 des actes peuvent être qualifiés de persécution par leur accumulation. Il est néanmoins requis, dans cette hypothèse, que ces actes, pris dans leur globalité, revêtent un degré de gravité certain pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme. Tel n’est cependant pas le cas en l’espèce, dans la mesure où elle ne fait état que d’un seul incident en 2008, et où des menaces, à défaut d’autres précisions plus concrètes fournies par la demanderesse lors de ses auditions quant à leur nature et quant à leur fréquence, ne sauraient être considérés, même pris dans leur globalité, comme suffisamment graves pour pouvoir être qualifiés d’acte de persécution.

Le tribunal est partant amené à constater que les craintes éprouvées par la demanderesse en raison de son origine ethnique et de la situation sécuritaire prévalant actuellement au Kosovo constituent en substance l’expression d’un sentiment général d’insécurité, sans que la demanderesse ait établi un état de persécution personnelle vécu dans un passé récent ou une crainte qui serait telle que la vie lui serait à raison intolérable dans son pays d’origine.

Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que les faits mis en avant par la demanderesse ne sont pas suffisamment graves pour pouvoir être qualifiés comme des actes de persécution, il devient sans pertinence d’examiner la question de savoir si une protection suffisante est offerte à la demanderesse dans son pays d’origine.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a rejeté la demande en reconnaissance du statut de réfugié de la demanderesse.

1.2. Quant au statut conféré par la protection subsidiaire En ce qui concerne le refus du ministre d’accorder à la demanderesse le bénéfice de la protection subsidiaire telle que prévue par la loi du 5 mai 2006, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 2, e) de la loi du 5 mai 2006, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire», « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 37 de la même loi énumère en tant qu’atteintes graves, sub a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

La demanderesse fait valoir que sa déposition serait assez éloquente concernant le manque de sécurité au Kosovo vis-à-vis des minorités vulnérables du Kosovo et sur le fait qu’elle n’y bénéficierait d’aucune protection efficace, de sorte qu’elle s’exposerait en cas de retour dans son pays d’origine à des atteintes graves et serait dès lors fondée subsidiairement à se prévaloir du bénéfice de la protection subsidiaire au sens de la loi de 2006.

Le tribunal constate qu’à l’appui de sa demande de protection subsidiaire, la demanderesse n’invoque pas d’autres motifs que ceux qui sont à la base de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié.

Or, au vu des conclusions dégagées ci-avant au sujet de la demande en reconnaissance du statut de réfugié, force est de constater que les risques invoqués par la demanderesse de subir des traitements inhumains ou dégradants de la part de membres de la communauté albanaise du Kosovo ne sont pas suffisamment sérieux et ne revêtent pour le surplus pas un caractère de gravité suffisant pour justifier l’octroi d’un statut de protection subsidiaire, alors que son récit ne fait que traduire un sentiment général d’insécurité.

Il s’ensuit que la demanderesse reste en défaut d’avancer un quelconque élément concret permettant au tribunal de retenir qu’elle risquerait personnellement de subir des atteintes graves au sens du prédit article 37.

En outre, tel que cela a déjà été retenu ci-avant, la demanderesse n’a soumis aucun indice concret dont il ressortirait une incapacité ou un refus actuels des autorités en place au Kosovo à lui fournir une protection adéquate.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent, que le ministre a dès lors valablement pu, au terme de l’analyse de la situation de Madame …, rejeter la demande de protection internationale comme non fondée au sens de l’article 19, paragraphe 1 de la loi du 5 mai 2006, de sorte que le recours est à rejeter comme étant non fondé.

2. Quant au recours dirigé contre la décision portant ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 19, paragraphe 3 de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire et que le recours a été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

La demanderesse fait valoir que face aux menaces réelles et sérieuses pesant sur sa vie il y aurait lieu d’annuler l’ordre de quitter le territoire intervenu pour violation de la loi.

Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que la demanderesse ne remplit pas les conditions pour prétendre à une protection internationale, et dans la mesure où l’ordre de quitter le territoire ne constitue que la conséquence automatique et légale d’une décision de refus de la protection internationale et eu égard aux moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause la légalité de la décision déférée portant ordre de quitter le territoire.

Partant, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en réformation contre la décision ministérielle portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en annulation contre la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Catherine Thomé, premier juge, Annick Braun, juge, et lu à l’audience publique du 3 mai 2010 par le premier vice-président, en présence du greffier Arny Schmit s. Arny Schmit s. Carlo Schockweiler 8


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 26539
Date de la décision : 03/05/2010

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2010-05-03;26539 ?

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