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22/04/2010 | LUXEMBOURG | N°26795

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 22 avril 2010, 26795


Tribunal administratif Numéro 26795 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 avril 2010 2e chambre Audience publique du 22 avril 2010 Recours formé par Monsieur …, alias …, contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 26795 du rôle et déposée le 12 avril 2010 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky Stoffel,

avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mon...

Tribunal administratif Numéro 26795 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 avril 2010 2e chambre Audience publique du 22 avril 2010 Recours formé par Monsieur …, alias …, contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 26795 du rôle et déposée le 12 avril 2010 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, alias …, déclarant être né le … à … (Bosnie-

Herzégovine), actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d'une décision du 25 mars 2010 du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ordonnant la prolongation de son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une nouvelle durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 avril 2010 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Bouchra Fahime-Ayadi, en remplacement de Maître Nicky Stoffel, et Monsieur le délégué du gouvernement Daniel Ruppert en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 19 décembre 2006, Monsieur …, alias …, présenta une demande d’asile au Luxembourg. Par une décision du 14 mars 2007, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration refusa d’y faire droit.

Par jugement du 2 juillet 2007 (n° du rôle 22857), le tribunal administratif rejeta le recours introduit contre cette décision ministérielle.

Le 6 juin 2008, le demandeur fut rapatrié à Sarajevo.

Suite à une nouvelle demande d’asile déposée au Luxembourg le 26 juin 2009, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration prit une décision d’incompétence ainsi qu’un arrêté de refus de séjour en date du 29 juillet 2009, étant donné qu’il s’est avéré que la Slovénie était compétente pour analyser la demande introduite par le demandeur en application du règlement (CE) N° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des Etats membres par un ressortissant d’un pays tiers.

Le demandeur fut transféré vers la Slovénie le 25 août 2009.

Etant revenu au Luxembourg, le demandeur fut condamné à une peine d’emprisonnement de 6 mois et à une amende de 1000 euros du chef de vol simple par jugement du 30 septembre 2009 du Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg siégeant en matière correctionnelle.

Au jour de sa libération, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, dénommé ci-après « le ministre », ordonna, par décision du 25 février 2010 le placement du demandeur en rétention administrative au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de la décision en question, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois.

Ladite décision, notifiée le même jour à l’intéressé, est fondée sur les motifs suivants :

« Vu les articles 120 à 123 de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu l’arrêté de refus de séjour pris à son encontre le 29 juillet 2009 Considérant que l’intéressé est démuni de tout document de voyage valable ;

Considérant que l’intéressé se trouvait en détention ;

Considérant que l’intéressé a déjà été éloigné en date du 25 août 2009 vers la Slovénie en vertu du règlement (CE) N° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;

- qu’il est revenu au pays malgré l’arrêté de refus de séjour ;

- qu’une nouvelle demande de reprise en charge en vertu du règlement (CE) N° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 sera adressé aux autorités slovènes dans les meilleurs délais ;

Considérant qu’en attendant l’accord de reprise, l’éloignement immédiat de l’intéressé est impossible en raison de circonstances de fait ».

Par arrêté du 25 février 2010, le ministre refusa à Monsieur …, alias Monsieur … l’entrée sur le territoire, en se référant non seulement à son arrêté de refus de séjour du 29 juillet 2009 mais également au fait que l’intéressé était revenu au pays « malgré l’arrêté de refus de séjour du 29 juillet 2009 ».

Par requête déposée le 3 mars 2010 au greffe du tribunal administratif, le demandeur fit introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de cette décision initiale de placement au prédit Centre de séjour, recours dont il fut débouté par jugement du 12 mars 2010 (n° 26659 du rôle).

En date du 25 mars 2010, le ministre prit un arrêté ordonnant la prorogation de la mesure de placement de Monsieur …, alias Monsieur … au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une nouvelle durée d’un mois à partir de la notification, aux motifs suivants :

« Vu les articles 120 à 123 de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu mon arrêté pris en date du 25 février 2010 décidant du placement temporaire de l'intéressé ;

Considérant qu’un accord de réadmission a été délivré par les autorités bosniaques ;

Considérant qu’en attendant l’éloignement de l’intéressé (sic !) ;

Considérant que l’éloignement immédiat de l’intéressé est impossible en raison de circonstances de fait ;

Considérant qu’il y a nécessité de reconduire la décision de placement ».

Par requête déposée le 12 avril 2010 au greffe du tribunal administratif, le demandeur a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle de prorogation du placement précitée du 25 mars 2010.

Etant donné que l'article 123, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement en rétention, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal. Le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire est dès lors irrecevable.

Le recours en réformation est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur soutient que son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière constituerait un traitement dégradant, constitutif d’une atteinte intolérable à sa liberté, contraire aux articles 3 et 5 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), alors qu’il serait incarcéré sans avoir commis une infraction pénale. Il ajoute qu’il serait privé de sa liberté de circulation dans les mêmes conditions qu’un délinquant de droit commun. Il fait encore valoir dans ce contexte que le règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne des établissements pénitentiaires s’appliquerait au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière par application de l’article 5 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière.

Le demandeur soutient ensuite que les démarches accomplies par le ministre afin de pouvoir procéder à son éloignement du territoire seraient insuffisantes, en faisant valoir que l’autorité resterait en défaut d’établir qu’elle ait accompli des démarches utiles afin de pouvoir procéder à son éloignement rapide. Il estime ainsi que le simple fait d’attendre des résultats serait insuffisant pour justifier que des démarches concrètes et utiles ont été entreprises en vue de son éloignement dans les meilleurs délais et qu’une mesure de placement ne saurait servir à pallier à l’inertie des autorités administratives. Il soutient qu’en l’espèce, aucune mesure appropriée n’aurait été entreprise afin d’assurer son éloignement dans les meilleurs délais.

Il appert à l’examen des moyens ci-avant énoncés que le demandeur reformule à l’encontre de la décision de prorogation de la mesure de placement initiale essentiellement les mêmes critiques et moyens que ceux qu’il avait précédemment formulés à l’encontre de la décision de placement initiale du 25 février 2010.

Or, comme ces moyens visent non pas des vices qui sont propres à la décision de prorogation de la mesure de placement de l’intéressé, mais des vices allégués en rapport avec la légalité de la décision initiale de placement, sans que le demandeur n’apporte un quelconque élément nouveau se rapportant spécifiquement à la décision de prorogation déférée, et que la décision de placement initiale a fait l’objet d’un recours contenant ces moyens et que ces moyens ont déjà été toisés par le jugement précité du 12 mars 2010, - le tribunal ayant retenu qu’à cette date des démarches suffisantes avaient été entreprises et que la rétention administrative du demandeur au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ne constituait pas un traitement dégradant ni une atteinte illégale à sa liberté - jugement qui a acquis autorité de chose jugée, le demandeur ne saurait plus les faire valoir dans le cadre de son recours sous analyse. Pour le surplus, en ce qui concerne les diligences effectuées par le gouvernement en vue d’organiser le rapatriement du demandeur vers son pays d’origine, il échet de relever que suivant les explications fournies par le délégué du gouvernement et les éléments du dossier soumis au tribunal, l’ambassade de Bosnie-Herzégovine a émis en date du 18 mars 2010 un laissez-passer au nom du demandeur et que son transfert vers la Bosnie-Herzégovine avait été prévu pour le 16 avril 2010, ladite date du transfert ayant toutefois dû être reportée à la fin du mois d’avril en raison de la fermeture des aéroports en Europe pour des raisons de sécurité, lesdites informations ayant d’ailleurs été confirmées lors des plaidoiries par le mandataire du demandeur. Ces éléments sont partant de nature à démontrer l’efficacité et l’effectivité des mesures entreprises par le gouvernement afin d’organiser le rapatriement du demandeur vers son pays d’origine, de sorte qu’un défaut de diligences ne saurait lui être reproché. Cette conclusion permet par ailleurs de rejeter le reproche formulé par le demandeur suivant lequel le gouvernement ne serait pas en mesure de démontrer qu’il serait effectivement en mesure de procéder à l’exécution de la mesure d’éloignement prise à son encontre.

Le demandeur conclut encore à un défaut de motivation de l’arrêté ministériel litigieux, qui l’aurait mis dans l’impossibilité d’exercer ses droits de la défense.

En ce qui concerne ce moyen, il convient de relever que les motifs à la base de la décision litigieuse ressortent à suffisance de droit de ladite décision, étant donné que tant les éléments de fait que les éléments de droit, sur lesquels repose la décision incriminée, sont exposés dans ledit arrêté, dans la mesure où le ministre a indiqué les bases juridiques de son arrêté, tout en exposant que l’éloignement du demandeur serait impossible en raison de circonstances de fait en attendant que l’éloignement de l’intéressé puisse être organisé à la suite de l’émission d’un accord de réadmission délivré par les autorités bosniaques. Le moyen tiré d’un défaut de motivation laisse partant d’être fondé.

Aucun autre moyen n’ayant été soulevé en cause, le recours sous analyse est dès lors à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

déclare irrecevable le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Catherine Thomé, premier juge, Françoise Eberhard, juge, et lu à l’audience publique du 22 avril 2010 par le premier vice-président en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 22.04.2010 Le Greffier du Tribunal administratif 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 26795
Date de la décision : 22/04/2010

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2010-04-22;26795 ?

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