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14/04/2010 | LUXEMBOURG | N°26463

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 avril 2010, 26463


Tribunal administratif Numéro 26463 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 janvier 2010 1re chambre Audience publique du 14 avril 2010 Recours formé par Monsieur …et consorts, contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art.23 L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête déposée le 5 janvier 2010 au greffe du tribunal administratif, inscrite sous le numéro 26463 du rôle, par Maître Edmond DAUPHIN, avocat

à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur...

Tribunal administratif Numéro 26463 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 janvier 2010 1re chambre Audience publique du 14 avril 2010 Recours formé par Monsieur …et consorts, contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art.23 L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête déposée le 5 janvier 2010 au greffe du tribunal administratif, inscrite sous le numéro 26463 du rôle, par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Nigéria), de Madame …, née le … à … (Nigéria) et de leurs enfants mineurs …, né le … à … et …, née le … à …, tous de nationalité nigérienne, ayant élu domicile en l’étude de Maître Edmond DAUDHIN, sise à L-2440 Luxembourg, 57, rue de Rollingergrund, tendant à principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 4 décembre 2009 portant rejet de leur demande en obtention d’une protection internationale ;

Vu le complément au recours, ainsi qualifié, déposé au greffe du tribunal administratif par Maître Edmond DAUPHIN en date du 6 janvier 2010 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 janvier 2010 ;

Vu le mémoire en réplique déposé par Maître Edmond DAUPHIN au greffe du tribunal administratif en date du 24 février 2010 ;

Vu le mémoire en duplique déposé par le délégué du gouvernement au greffe du tribunal administratif en date du 3 mars 2010 ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maîtres Edmond DAUPHIN et Arthur SCHUSTER et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 8 mars 2010 ;

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Le 9 mars 2004, Monsieur …et Madame … introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une première demande en vue d’obtenir le statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, sinon au sens de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire.

Par décisions du 3 août 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration rejeta leurs demandes respectives.

Le recours contentieux introduit par Monsieur …à l’encontre de la décision ministérielle de refus fût rejeté par jugement du tribunal administratif du 22 février 2006 (n°20467 du rôle), confirmé en appel par un arrêt de la Cour administrative du 1er juin novembre 2006 (n°21170C du rôle), tandis que le recours contentieux introduit par Madame… à l’encontre de la décision ministérielle lui refusant le statut de réfugié fut rejeté par jugement du tribunal administratif 27 mars 2006 (n°20465 du rôle) confirmé en appel par un arrêt de la Cour administrative du 11 juillet 2006 (n°21325C du rôle).

Monsieur …et Madame… bénéficièrent par la suite d’une tolérance valable jusqu’au 30 juin 2009.

Le 19 novembre 2009, Monsieur …et Madame… introduisirent, en leurs noms et au nom de leurs enfants … et …, une nouvelle demande de protection internationale au sens de l’article 23 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection. Ils furent entendus par les services du ministère compétent en date du 25 novembre 2009.

Par décision du 4 décembre 2009, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, entretemps en charge du dossier, rejeta cette nouvelle demande pour être irrecevable, décision libellée en les termes suivants :

« Par la présente, j’accuse réception de vos nouvelles demandes en obtention d’une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentées le 19 novembre 2009.

Il ressort de vos dossiers que vous avez tous les deux déposé une première demande d’asile en date du 19 mars 2004, demandes qui ont été rejetées par le Ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en date du 3 août 2005.

Monsieur, vous aviez invoqué à la base de cette première demande que vous auriez eu des problèmes avec votre père qui aurait voulu que vous convertissiez à l’Islam.

Cependant, après avoir refusé de vous convertir, vous auriez également eu des problèmes avec d’autres musulmans. A part le fait que vous n’aviez présenté aucun motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, il fut également relevé dans la prédite décision ministérielle que vos déclarations étaient marquées de nombreuses incohérences et invraisemblances de façon que les faits que vous aviez décrits à l’appui de votre demande d’asile étaient mis en cause. Lors de votre décision de refus il a également été souligné que de nombreuses contradictions existeraient entre le récit de votre prétendue épouse et le vôtre.

Le rejet de votre de demande d’asile a été confirmé par la Cour administrative en date du 1er juin 2006 (N°21.1790c). Dans son arrêt la Cour administrative a constaté que « les persécutions subies par l’actuel appelant du fait de son appartenance à la religion chrétienne proviennent selon ses propres dires, de la part de son père et de la communauté locale musulmane de …. (…) De plus, « (…) le fait que les coups et blessures que l’appelant prétend avoir subis ne sont pas invoqués par son épouse, dont l’audition est jointe au dossier, ainsi que sur les nombreuses contradictions et invraisemblances de son récit détaillées dans le refus ministériel pour lesquelles il n’a, ni en première instance, ni en instance d’appel, fourni la moindre explication. …et le Sud du pays étant majoritairement peuplés de chrétiens et le Nigéria comptant plus de 100 millions d’habitants, le tribunal a conclu à juste titre au rejet de la demande compte tenu de la possibilité réelle d’une fuite interne. » Madame, vous aviez invoqué à la base de votre première demande d’asile que votre père n’aurait pas accepté votre union avec votre prétendu époux, Monsieur…. En raison des disputes que vous auriez eues avec votre père et quelques uns de ses amis, vous auriez dû quitter votre pays d’origine. A part le fait que vous n’aviez présenté aucun motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, il fut également relevé dans la prédite décision ministérielle que vos déclarations étaient marquées de nombreuses incohérences et invraisemblances de façon que les faits que vous aviez décrits à l’appui de votre demande d’asile étaient également mis en cause. Lors de votre décision de refus il a également été souligné qu’ils existeraient de nombreuses contradictions entre le récit de votre concubin et le vôtre.

Le rejet de votre demande d’asile a été confirmé par la Cour administrative en date du 1er juin 2006. Dans son arrêt la cour administrative (N°21.325c) a constaté que « (…) En effet, même en faisant abstraction des contradictions relevées par le ministre dans le récit de …, il ressort tant du procès-verbal de l’audition de la demanderesse que des développements subséquents faits d’instance que les problèmes par elle invoqués en raison de son appartenance à la religion chrétienne proviennent exclusivement de son beau-père, partant d’un membre de sa famille, ainsi que de personnes proches de celui, qui auraient exercé des pressions sur elle afin de l’obliger à se convertir à l’Islam. Or, un tel problème d’ordre familial, même lié à la conviction religieuse, est étranger aux motifs de persécutions visés par la Convention de Genève. (…) » Madame, Monsieur, au cours des années qui ont suivi le rejet de vos demandes d’asile, vous présentez à travers trois avocats en tout six demandes pour l’obtention d’un statut de tolérance ou d’une autorisation de séjour sur base humanitaire, lesquelles furent toutes refusées. 1 Notons qu’en date du 28 août 2008 une tolérance provisoire vous fut 1 1ère demande le 14 juin 2006, refusée le 5 juillet 2006. 2e demande le 17 octobre 2006, refusée le 23 novembre 2006 et confirmée par CA en date du 29 janvier 2008 (N°23.595). 3e demande le 14 mars 2008, refusée le 21 mars 2008. 4e demande le 22 octobre 2008, refusée le 14 novembre 2008. 5e demande le 6 mars 2009, refusée le 31 mars 2009. 6e demande le 12 juin 2009, refusée le 15 juillet 2009. 2e demande d’asile le 19 novembre 2009.

accordée jusqu’au 31 mars 2009 en raison d’une maladie de votre enfant …. En date du 15 juillet 2009, un suris à l’éloignement vous est refusé.

Madame, Monsieur, en date du 19 novembre 2009, vous présentez une nouvelle demande d’asile, lesquelles sont enregistrées séparément. Cependant, pour des raisons de transparence, l’analyse de vos demandes sera faite dans une seule décision. Notons cependant que vous aviez été auditionnés séparément en date du 25 novembre 2009.

Monsieur, il résulte de vos déclarations que votre vie serait toujours en danger au Nigeria. Vous invoquez qu’en raison de la publication de votre nom dans le jugement du 27 mars 2006 sur le site internet de l’Etat luxembourgeois, tous les intégristes musulmans du Nigéria croiraient que vous seriez de retour dans votre pays d’origine, étant donné que votre demande d’asile fut refusée par les autorités luxembourgeoises. Ainsi, ces musulmans menaceraient votre beau-père et vous indiquez que votre frère vous aurait prévenu de ne plus revenir au Nigeria. Pour étayer vos déclarations, vous présentez une lettre tapée à la machine de votre frère et également un extrait du site internet « Google », imprimé en date du 26 février 2007. Selon vos dires, cet extrait vous aurait été envoyé par fax de la part d’un ami se trouvant en Italie, mais également de votre frère se trouvant au Nigeria. Vous expliquez que le fax ne contiendrait pas de numéro de fax ou de téléphone parce que cette page aurait été envoyée de manière « privée », sans que le numéro soit indiqué. Vous ajoutez également que vous auriez été membre d’un culte secret qui se serait composé aussi bien de chrétiens que de musulmans. Vous dites ne pas vouloir entrer trop dans les détails concernant ce culte secret, étant donné que vous n’auriez plus confiance dans la discrétion de l’Etat luxembourgeois. Vous précisez cependant, qu’en raison de cette appartenance, vous pourriez facilement être retrouvé partout au Nigéria, étant donné que ses membres seraient partout. Vous indiquez que vous n’auriez pas pu révéler cette appartenance lors de votre première demande d’asile puisque vous auriez eu peur. Vous ajoutez que votre prétendue épouse ne serait pas au courant de votre appartenance à ce culte.

Finalement vous ajoutez que les problèmes que vous auriez évoqués à la base de votre première demande seraient les mêmes que vous décriviez à la base de votre demande d’asile actuelle, cependant vous voudriez ajouter vos problèmes avec ce culte secret, ainsi que le fait que vous ne pourriez plus retourner au Nigeria en raison de la publication de votre nom avec le jugement du Tribunal administratif.

Madame, quant à votre deuxième demande d’asile, vous indiquez que votre père aurait été attaqué par des musulmans inconnus en raison de la publication du nom de votre mari sur internet en relation avec le jugement du Tribunal administratif. Vous ne pouvez donner aucun détail, étant donné que vous ne seriez pas au courant des affaires de votre prétendu époux.

Madame, Monsieur, je suis au regret de vous informer qu’en vertu des dispositions de l’article 23 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, vos nouvelles demandes de protection internationale sont irrecevables au motif que vous n’avez présenté aucun élément ou fait nouveau augmentant de manière significative la probabilité que vous remplissiez les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié ou au statut conféré par la protection subsidiaire.

En effet, Monsieur, vous déclarez vous-même que les problèmes seraient restés les mêmes que ceux que vous aviez invoqués à la base de votre première demande d’asile. A cela s’ajoute que votre soi-disant appartenance à un culte secret, dont vous refusez de donner des détails, ne saurait également pas augmenter la probabilité que vous remplissez les conditions requises pour pouvoir bénéficier du statut de réfugié selon la Convention de Genève. Il en est de même en ce qui concerne votre déclaration que vous ne pourriez plus retourner au Nigéria puisque votre nom aurait été publié avec le jugement du 27 mars 2006. Même si vous prétendez que vous auriez uniquement été au courant de ce fait depuis début de l’année 2007, il convient de se poser la question pourquoi vous avez attendu plus que deux ans et demi pour déposer une nouvelle demande d’asile. Pour le surplus, il convient également de constater qu’il est totalement impossible que la population entière du Nigéria soit au courant de votre demande d’asile au Luxembourg et soit capable de lire un jugement en langue française. En outre, selon nos recherches, votre nom ne fait plus partie dudit jugement. Par ailleurs, le jugement portant le numéro 20.465 n’est pas le vôtre, mais celui de votre prétendue épouse. Par conséquent, même à supposer la situation complètement invraisemblable que certaines personnes soit au courant de votre situation au Luxembourg, il convient de souligner que vous pourriez toujours bénéficier d’une fuite interne dans votre pays d’origine. En vous rendant dans une région, où les chrétiens représentent la majorité, vous pouviez facilement éviter les problèmes avec ce soi-disant culte secret et avec les intégristes musulmans.

Quant à vos déclarations, Madame, force est de constater que celles-ci sont tellement vagues et insignifiantes qu’il doit être constaté que vous ne remplissiez pas les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié.

De plus, Madame, Monsieur, vos déclarations ne nous permettent pas d’établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptibles de faire l’objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Les nouvelles demandes en obtention d’une protection internationale sont dès lors déclarées irrecevables. » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 5 janvier 2010, les consorts …ont fait introduire un recours tendant à principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation de la décision ministérielle prévisée du 4 décembre 2009, leur notifiée en date du 10 décembre 2009.

Avant de procéder à l’examen de la recevabilité du prédit recours, il convient en premier lieu d’examiner le moyen de « forclusion » du mémoire en réplique déposé au nom des demandeurs le 24 février 2010 tel que soulevé par la partie étatique dans son mémoire en duplique, au motif que le tribunal avait fixé le délai pour déposer le mémoire en réplique au jeudi 6 janvier 2010.

Dans la présente matière, aux termes de l’article 23 (3) de la loi modifiée du 5 mai 2006, le tribunal doit statuer dans le mois de la requête introductive d’instance, ce qui conduit le tribunal, pour des raisons de bonne administration de la justice, et plus particulièrement afin de concilier les droits de la défense avec son obligation légale de statuer dans le mois de la requête, à fixer des délais d’instruction plus courts, par dérogation aux délais ordinaires. Une fois un calendrier pour la fourniture des mémoires ainsi fixé, ce sont ces délais spécifiques qui s’imposent par rapport aux délais ordinaires et leur non-respect est sanctionné par analogie à la sanction de la forclusion prévue à l’article 4 (6) de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives en cas de non-respect des délais ordinaires2. Il s’ensuit que c’est à juste titre que le délégué du gouvernement retient que le mémoire en réplique des demandeurs, déposé le 24 février 2010, soit plus d’un mois après l’expiration du délai afférent fixé par le tribunal, doit être écarté pour être tardif.

Le mémoire en réplique ayant été écarté, le même sort frappe le mémoire en duplique de la partie défenderesse, lequel ne constitue qu’une réponse à la réplique fournie.

En ce qui concerne la recevabilité du recours subsidiaire en réformation, force est de rappeler qu’étant donné que l’article 23 (3) de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection prévoit un recours en annulation en matière de nouvelles demandes déclarées irrecevables, seul un recours en annulation a pu être dirigé contre la décision ministérielle critiquée.

Le recours principal en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable. Il n’y a dès lors pas lieu d’examiner le recours en réformation introduit à titre subsidiaire.

A l’appui de leurs recours, les demandeurs affirment en premier lieu que la décision ministérielle déférée devrait encourir l’annulation, sinon la réformation pour avoir été prise en violation du principe de spécialité des formes substantielles, alors qu’elle aurait été prise par le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration et non pas par le « ministre des Affaires étrangères », lequel serait compétent en la matière.

Dans un deuxième temps, les demandeurs font plaider que le fait nouveau à la base de leur deuxième demande de protection internationale consisterait en la publication sur internet du nom de Monsieur …dans le jugement du 27 mars 2006 relatif à la première demande de protection internationale de Madame…. Les demandeurs estiment en effet que suite à cette publication leur situation serait sérieusement aggravée, alors que Monsieur …apparaîtrait maintenant comme traître ayant rompu le secret absolu auquel il aurait été soumis en tant que membre influent d’une organisation secrète au Nigéria, de sorte à être exposé à la torture pouvant conduire à la mort. Par ailleurs, ils estiment ne pas pouvoir bénéficier d’une fuite interne, alors que tant les mouvements terroristes que la société secrète seraient établis sur l’ensemble du territoire nigérien. En outre les demandeurs font plaider que suite à cette publication le père de Madame… aurait été sauvagement agressé et grièvement blessé.

Les demandeurs précisent par ailleurs qu’ils auraient informé leur avocat de la prédite publication dès le moment où ils ont eu connaissance, mais que ce dernier aurait omis de les inviter à déposer une nouvelle demande, de sorte qu’il ne saurait leur être reproché d’avoir attendu plus de deux ans et demi avant d’entamer une telle procédure.

2 Trib. adm. 9 février 2009 n°25264 du rôle, Pas. adm. 2009 V°Procédure contentieuse, n°611 Les demandeurs font encore plaider que contrairement aux affirmations du ministre, le fait d’envoyer un fax sans indiquer le numéro de fax, serait une pratique courante ayant pour objet d’éviter de faire courir un risque tant à l’expéditeur qu’au destinataire d’un tel fax.

Finalement, les demandeurs estiment qu’une expulsion dans leur chef serait contraire à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Le délégué du gouvernement de son côté estime que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des requérants.

En ce qui concerne le moyen des demandeurs relatif à une prétendue violation du principe de spécialité des formes substantielles, alors que la décision ministérielle déférée a été prise par le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration et non pas par le « ministre des Affaires étrangères », lequel serait compétent en la matière, force est au tribunal de souligner que conformément à l’arrêté grand-ducal du 27 juillet 2009 portant constitution des ministères, l’immigration et l’asile sont des attributions qui relèvent de la compétence du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, de sorte que ledit moyen est à rejeter comme étant non fondé.

Dans un deuxième temps, il appartient au tribunal de souligner qu’en ce qui concerne l’appartenance de Monsieur …à un culte secret, même à la supposer établie, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 23 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, telle que modifiée :

« (1) Le ministre considérera comme irrecevable la nouvelle demande d’une personne à laquelle la protection internationale a été définitivement refusée ou d’une personne qui a explicitement ou implicitement retiré sa demande de protection internationale, à moins que des éléments ou des faits nouveaux apparaissent ou sont présentés par le demandeur et qu’ils augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié ou au statut conféré par la protection subsidiaire, à condition que le demandeur concerné a été, sans faute de sa part, dans l’incapacité de les faire valoir au cours de la précédente procédure, y compris durant la phase contentieuse.

(2) Le demandeur concerné devra indiquer les faits et produire les éléments de preuve à la base de sa nouvelle demande de protection internationale dans un délai de 15 jours à compter du moment où il a obtenu ses informations. Le ministre peut procéder à l’examen préliminaire prévu au paragraphe (1) en le limitant aux seules observations écrites présentées hors du cadre d’un entretien ».

Le droit à l’ouverture d’une nouvelle procédure d’instruction d’une demande de protection internationale est ainsi conditionné par la soumission d’éléments qui, d’une part, doivent être nouveaux, et, d’autre part, comporter des indications sérieuses d’une crainte fondée de persécution, le demandeur devant avoir été dans l’incapacité – sans faute de sa part – de se prévaloir de ces nouveaux éléments au cours de la procédure précédente, en ce compris la procédure contentieuse.

En l’espèce, il résulte des pièces versées en cause et plus particulièrement de la page 6 du procès-verbal de l’entretien de Monsieur …du 25 novembre 2009 ayant eu lieu à la Direction de l’Immigration que ce dernier n’a pas révélé son appartenance à un culte secret alors qu’il aurait eu trop peur. Force est dès lors de retenir que le demandeur n’était pas dans l’incapacité de révéler son appartenance à ce culte lors de sa première demande de protection internationale, mais qu’il a délibérément omis d’en informer tant le ministre lors de la phase précontentieuse, que le tribunal administratif et la Cour administrative lors de la procédure contentieuse. Le simple fait que Monsieur …aurait eu peur de révéler son appartenance à ce culte secret ne saurait être interprété comme une incapacité au sens de l’article 23 de la loi du 5 mai 2006 précitée et ceci d’autant plus qu’il reste en défaut de préciser concrètement de quoi il aurait eu peur.

Il s’ensuit que cet élément ne saurait justifier l’instruction d’une nouvelle demande de protection internationale, alors que le demandeur, en omettant de préciser son appartenance à un culte secret, a bien commis une faute telle que visée à l’article 23 de la loi modifiée du 5 mai 2006 susmentionnée.

En ce qui concerne l’argument selon lequel le nom de Monsieur …aurait été publié sur internet dans le jugement du tribunal administratif relatif à la première demande de protection internationale de Madame…, il y a lieu de rappeler que l’article 23 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et aux formes complémentaires de protection soumet le droit à l’ouverture d’une nouvelle procédure d’instruction d’une demande de protection internationale notamment à la condition que les éléments nouveaux dont un demandeur fait état, soient invoqués dans un délai de 15 jours à compter du moment où il en a eu connaissance. Or, il résulte des pièces versées en cause et plus particulièrement du procès-verbal du 25 novembre 2009 susmentionné que Monsieur …avait pris connaissance de ladite publication en 2007, c’est-à-dire deux ans avant l’introduction de sa deuxième demande de protection internationale.

La loi ne prévoit toutefois pas explicitement de sanction en cas de non-respect de ce délai de présentation de quinze jours, de sorte que la violation de ce délai ne saurait, automatiquement, avoir pour conséquence que le fait en question doive être écarté. Il n’en reste cependant pas moins que le simple fait que le nom de Monsieur …a été publié sur internet dans le cadre du jugement rendu par le tribunal administratif suite à la première demande de protection internationale de Madame… ne constitue pas un élément susceptible d’augmenter de manière significative la probabilité que les demandeurs remplissent les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié ou au statut conféré par la protection subsidiaire.

En effet, force est de constater que ledit jugement a été publié sur le site des juridictions administratives en langue française. Or, la langue française n’est pas une langue usuelle répandue au Nigéria, pays dominé par les langues anglaise, hausa, yoruba, igbo (Ibo), fulani. Il est ainsi invraisemblable que ledit jugement ait été lu par un grand nombre de musulmans et de membres du prétendu culte secret comme semblent le suggérer les demandeurs.

Par ailleurs il appartient au tribunal de constater que contrairement aux affirmations des demandeurs, ledit jugement ne contient aucune information sur le culte secret auquel Monsieur …affirme appartenir, de sorte qu’il ne saurait apparaître à la lecture de ce seul jugement comme traître aux yeux des autres membres.

Finalement, c’est encore à juste titre que le délégué du gouvernement retient que les demandeurs peuvent bénéficier d’une fuite interne et s’installer dans une ville comme la ville de …, laquelle est peuplée de 17 millions d’habitants et est à majorité chrétienne.

Au vu des considérations qui précèdent, force est de retenir que la publication sur internet du nom de Monsieur …n’est pas de nature à augmenter de manière significative la probabilité que les demandeurs remplissent les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié ou au statut conféré par la protection subsidiaire, de sorte que le moyen afférent est à rejeter.

Finalement, en ce qui concerne l’argument des demandeurs que leur expulsion dans le Nigéria serait contraire à l’article 3 de la Convention européenne des Droits de l’Homme, force est de rappeler que cet article doit être interprété en ce sens qu'il ne prohibe pas seulement à l'Etat partie à ladite convention de ne pas pratiquer la torture et de ne pas infliger de traitements inhumains ou dégradants, mais il fait peser sur l'Etat une sorte d'obligation de comportement consistant à protéger toute personne relevant de sa juridiction contre une situation irrémédiable de danger objectif de mauvais traitement, même si cette situation s'accomplit en dehors de sa juridiction.3. Or, comme le tribunal vient de retenir ci-avant que les demandeurs ne sont pas exposés à un risque de persécution, respectivement de traitements inhumains ou dégradants, un retour forcé dans leur pays d’origine ne saurait être contraire à l’article 3 de la Convention européenne des Droits de l’Homme.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en annulation, tel qu’introduit par les demandeurs est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours principal en annulation contre la décision ministérielle du 4 décembre 2009 en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, dit qu’il n’y a pas lieu d’examiner le recours subsidiaire en réformation, condamne les demandeurs aux frais.

3 Trib. adm. 4 février 2002 n°14209 du rôle, Pas. ad. 2009 V° Etrangers n°360 Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 avril 2010 par :

Marc Feyereisen, président Marc Sünnen, premier juge Thessy Kuborn, juge en présence du greffier Michèle Feit.

s. Michèle Feit s. Marc Feyereisen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 15 avril 2010 Le Greffier assumé du Tribunal administratif 10


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 26463
Date de la décision : 14/04/2010

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2010-04-14;26463 ?

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