Tribunal administratif N° 26048 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 septembre 2009 2e chambre Audience publique du 25 mars 2010 Recours formé par Madame …, contre une décision de la commission instituée sur base du règlement grand-ducal modifié du 23 juillet 1983 en matière d’aides au logement
________________________________________________________________________
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 26048 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 2 septembre 2009 par Maître Marc Thewes, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du 18 décembre 2008 de la commission instituée sur base du règlement grand-ducal modifiée du 23 juillet 1983 fixant les mesures d’exécution relatives aux primes et subventions d’intérêt en faveur du logement prévues par la loi modifiée du 25 février 1979 concernant l’aide au logement, portant invitation au remboursement des aides touchées à hauteur de … euros et, pour autant que de besoin, de la décision d’approbation du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 30 novembre 2009 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Pierre Goerens, en remplacement de Maître Marc Thewes, et Madame le délégué du gouvernement Betty Sandt en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 1er mars 2010 ;
Vu la pièce supplémentaire versée en cause ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Pierre Goerens, en remplacement de Maître Marc Thewes, et Madame le délégué du gouvernement Betty Sandt en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 8 mars 2010 à laquelle l’affaire a été refixée pour continuation des débats.
________________________________________________________________________
Par une décision du 18 décembre 2008, signée par Monsieur …, président, « pour la Commission », pourvue de la mention « Vu et approuvé - Pour le Ministres des Classes Moyennes, du Tourisme et du Logement – …, conseiller de Gouvernement 1ère classe », la commission instituée sur base du règlement grand-ducal modifié du 23 juillet 1983 fixant les mesures d’exécution relatives aux primes et subventions d’intérêt en faveur du logement prévues par la loi modifiée du 25 février 1979 concernant l’aide au logement, dénommée ci-après la « commission », réclama à Madame … le remboursement des aides indûment touchées d’un montant total de … euros, comprenant une prime d’acquisition de … euros, des intérêts de … euros et une subvention d’intérêt de … euros. A l’appui de sa décision, la commission fit valoir que la surface utile d’habitation du logement de Madame …, à la suite de « travaux d’agrandissement », dépassait avec 220,10 m2 la limite admissible telle que prescrite par l’article 7, alinéa 4 du règlement grand-ducal du 23 juillet 1983.
Par une lettre de son mandataire datée du 2 mars 2009, Madame … introduisit auprès du ministère des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement un recours gracieux à l’encontre de la décision précitée du 18 décembre 2008.
L’administration ayant gardé le silence sur ce recours gracieux pendant trois mois, Madame … a fait introduire, par requête déposée en date du 2 septembre 2009 au greffe du tribunal administratif, un recours en annulation contre la décision précitée de la commission du 18 décembre 2008 et, pour autant que de besoin, contre la décision d’approbation du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement, dénommé ci-après le « ministre ».
En ce qui concerne la décision d’approbation du ministre, il convient de relever que les décisions concernant l’octroi, le refus ou la restitution d’aides au logement relèvent de la compétence de la commission, le ministre ne disposant en la matière que d'un pouvoir tutélaire d'approbation. Il s’ensuit que si le recours contre la décision de la commission devait être retenu comme étant fondé, la décision d’approbation du ministre tomberait également.
Aucune disposition légale n’instaurant un recours au fond en la présente matière, le recours en annulation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, est à déclarer recevable.
A l’appui de son recours, la demanderesse fait exposer qu’à la suite de l’achat d’un appartement dans une maison en copropriété, divisée en deux lots, elle s’est vu accorder une prime d’acquisition ainsi qu’une subvention d’intérêts. L’autre appartement aurait été acquis le 25 octobre 2006 par Monsieur … qu’elle aurait épousé ensuite le 26 octobre 2007. Par contrat de mariage conclu par-devant notaire en date du 19 octobre 2007, les deux époux auraient adopté le régime de la communauté universelle, de sorte que le notaire aurait prévu une clause selon laquelle l’immeuble en copropriété est transformé en une maison unifamiliale. Elle précise qu’elle occuperait toujours son appartement ensemble avec son époux et leur enfant commun ainsi que ses deux enfants à elle, tandis que l’appartement de son époux serait occupé à titre gracieux par la mère de celui-ci et l’époux de celle-ci.
En droit, la demanderesse soutient qu’aucune transformation au sens de l’article 7 (4) du règlement grand-ducal du 23 juillet 1983 n’aurait eu lieu. Elle conteste ainsi que des « travaux d’agrandissement » aient été entrepris et donne à considérer que l’apport par Monsieur … de son appartement faisant partie du même immeuble dans le mariage ne saurait être considéré comme une transformation ayant pour objet de dépasser la limite maximale de surface au sens de l’article 7 (4) dudit règlement, d’autant plus que la surface utile d’habitation des deux appartements en question n’aurait pas changé. Elle en conclut que l’administration aurait fait une mauvaise application de la loi et de son règlement d’exécution, devant entraîner l’annulation de la décision.
En ordre subsidiaire, la demanderesse soutient que la commission aurait, à tort, fait application des dispositions relatives aux maisons unifamiliales, alors que l’immeuble en question figurerait toujours au cadastre comme « copropriété volontaire ». Il s’ensuivrait que les dispositions réglementaires sur les appartements seraient applicables et que la décision serait entachée d’une erreur de droit, sinon d’une erreur de fait.
En ordre plus subsidiaire, la demanderesse soulève l’inconstitutionnalité de l’article 7 du règlement grand-ducal du 23 juillet 1983 en ce qu’il violerait le principe constitutionnel d’égalité des citoyens devant la loi. Cette disposition opérerait ainsi une distinction entre les époux qui optent pour un régime de communauté universelle par rapport à ceux qui retiennent le régime légal ou un autre régime. Or, une telle différence de traitement ne serait pas objectivement justifiée et méconnaîtrait le principe de proportionnalité. Elle conclut partant à la nullité de la décision déférée pour défaut de base légale.
Le délégué du gouvernement rétorque que la commission aurait fait une application correcte de la loi et de son règlement d’exécution tout en insistant sur le fait que l’article 7 (4) du règlement grand-ducal du 23 juillet 1983 interdirait toute transformation apportée au logement qui aurait pour objet de dépasser la limite maximale de surface utile d’habitation, sans qu’une possibilité de dispense soit prévue. Or, en l’espèce, cette limite aurait été dépassée, ainsi que cela aurait été confirmé par les mesurages pris sur place par les agents du Service des aides au logement. Il conclut encore au rejet du moyen tiré de l’inconstitutionnalité de l’article 7 du règlement grand-
ducal, précité, en faisant valoir que cette disposition ne méconnaîtrait pas le principe d’égalité des citoyens devant la loi.
La décision litigieuse a été prise sur le fondement de la disposition de l’article 7 (4) du règlement grand-ducal du 23 juillet 1983 qui dispose que : « Sous peine de restitution des aides, aucune transformation ayant pour objet de dépasser la limite maximum de surface utile d’habitation ne peut être effectuée pendant un délai de dix ans à partir de l’occupation du logement ».
L’article 7 du règlement grand-ducal du 23 juillet 1983, qui a pour objet de réglementer les critères de surface utile d’habitation à respecter pour l’obtention des aides, précise en son alinéa (1) que la surface utile d’habitation pour une maison unifamiliale doit être de 65 m2 au moins et de 140 m2 au maximum, tandis que pour un logement en copropriété divise, les surfaces à respecter sont respectivement de 52 m2 et de 120 m2. Il est encore précisé à l’alinéa (2) de l’article 7 que ces surfaces sont augmentées de 16 m2 pour tout enfant à charge du bénéficiaire, à partir du troisième, et de 20 m2 pour tout ascendant vivant dans le ménage commun, sous certaines conditions.
Il résulte clairement de la disposition de l’article 7 (4) que celle-ci interdit, sous peine de restitution des aides reçues, toute transformation, durant une période de dix ans à partir de l’occupation du logement, qui aurait pour conséquence de dépasser la limite maximum de surface utile d’habitation. Il s’ensuit que sont visées par cette interdiction toutes les formes de transformations, sans distinction, qui ont pour conséquence que les critères de surface utile d’habitation ne sont plus respectés. En effet, en présence d’un texte réglementaire clair et précis, il n’appartient pas au tribunal d’insérer des distinctions qui n’y figurent pas.
En l’espèce, il ressort des éléments d’appréciation soumis au tribunal que Madame … a acheté le 13 septembre 2004 un logement dans un immeuble et qu’elle s’est vu accorder les aides au logement litigieuses dont le remboursement est actuellement réclamé, à partir du 1er juin 2006.
Sur question afférente du tribunal, le délégué du gouvernement a expliqué à l’audience du 8 mars 2010, à laquelle l’affaire avait été refixée pour continuation des débats, que Madame … ne s’est vu accorder les aides litigieuses qu’à partir du 1er juin 2006, pour la raison que ce n’est qu’à partir d’un acte de base reçu par devant notaire en date du 4 mai 2006 que l’immeuble en question a été soumis au statut de la copropriété de la loi modifiée du 16 mai 1975 portant statut de la copropriété des immeubles bâtis.
Il est encore constant, pour ressortir des pièces, que le futur époux de la demanderesse a acheté un logement dans le même immeuble en date du 25 octobre 2006.
En vertu d’un contrat de mariage du 19 octobre 2007, les futurs époux ont déclaré adopter le régime matrimonial de la communauté universelle et en conséquence ont déclaré mettre dans la communauté tous leurs biens meubles et immeubles. Par le même acte, les futurs époux ont déclaré vouloir transformer leur immeuble en copropriété, dont ils sont les seuls propriétaires, en une maison d’habitation unifamiliale, de sorte que l’acte de base précité du 4 mai 2006 sera annulé et l’immeuble inscrit au cadastre comme maison d’habitation.
Au vu de ces éléments, le tribunal est amené à constater que si la demanderesse a pu bénéficier des aides pour un logement en copropriété divise, la transformation de l’immeuble en copropriété en une maison d’habitation unifamiliale, avant l’expiration du délai de 10 ans à compter de l’occupation du logement, a eu pour conséquence que la limite maximum de la surface utile d’habitation admissible pour une maison unifamiliale qui est de 140 m2, conformément aux termes de l’article 7 (1) du règlement grand-ducal du 23 juillet 1983, est dépassée, étant donné que la surface utile d’habitation, telle que retenue par la commission d’après des mesurages faits par le Service des aides au logement, est de 220,10 m2, surface qui n’a d’ailleurs pas été contestée par la demanderesse.
La commission, malgré l’emploi malencontreux de la notion de « travaux d’agrandissement », a partant fait valablement application de la disposition de l’article 7 (4) pour réclamer la restitution des aides dont a bénéficié la demanderesse, alors qu’elle ne respectait plus les critères de la surface utile d’habitation.
En ordre subsidiaire, la demanderesse fait encore valoir que l’immeuble en question serait toujours inscrit au cadastre comme copropriété volontaire, de sorte que l’administration n’aurait pas pu faire application des dispositions relatives aux maisons unifamiliales.
S’il est vrai que, d’après un extrait cadastral daté du 12 janvier 2009 versé en cause par la demanderesse, l’immeuble litigieux est inscrit au cadastre comme un immeuble en copropriété, ce constat est cependant sans incidence sur la légalité de la décision de la commission, étant donné que le simple fait que les données de l’administration du Cadastre et de la Topographie ne soient pas à jour, la dernière mise à jour de la documentation cadastrale remontant, en l’occurrence, à l’année 2007 suivant le prédit extrait cadastral, ne saurait rien changer au fait que par acte notarié du 19 octobre 2007, transcrit au bureau de la Conservation des hypothèques le 22 novembre 2007, la nature de l’immeuble a été changée d’immeuble en copropriété en maison unifamiliale, de sorte que la commission a valablement pu se référer aux dispositions réglementaires afférentes concernant les maisons unifamiliales. Le moyen afférent est partant à rejeter comme non fondé.
En ordre plus subsidiaire, la demanderesse invoque l’inconstitutionnalité de l’article 7 du règlement grand-ducal du 23 juillet 1983 en ce qu’il introduirait une différence de traitement entre les couples mariés ayant opté pour le régime de la communauté universelle et ceux ayant opté pour un autre régime, différence qu’elle juge incompatible avec le principe constitutionnel d’égalité des citoyens devant la loi.
En vertu de l’article 95 de la Constitution, le tribunal n’applique les arrêtés et règlements généraux et locaux qu’en tant qu’ils sont conformes aux lois.
Le principe constitutionnel de l’égalité devant la loi, tel qu’inscrit à l’article 10bis de la Constitution, suivant lequel tous les Luxembourgeois sont égaux devant la loi, applicable à tout individu touché par la loi luxembourgeoise si les droits de la personnalité, et par extension des droits extrapatrimoniaux sont concernés, ne s’entend pas dans un sens absolu, mais requiert que tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et droit soient traités de la même façon. Le principe d’égalité de traitement est compris comme interdisant le traitement de manière différente des situations similaires, à moins que la différenciation soit objectivement justifiée. Il appartient par conséquent aux pouvoirs publics, tant au niveau national qu’au niveau communal, de traiter de la même façon tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit. Par ailleurs, lesdits pouvoirs publics peuvent, sans violer le principe de l’égalité, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents, à condition que les différences instituées procèdent de disparités objectives, qu’elles soient rationnellement justifiées, adéquates et proportionnées à leur but (cf. trib. adm. 6 décembre 2000, n° 10019 du rôle, Pas. adm. 2009, V° Lois et règlements, n° 3).
Or, force est au tribunal de constater que l’article 7 du règlement grand-ducal du 23 juillet 1983 n’opère pas de distinction entre les couples mariés optant pour le régime de communauté universelle et les couples mariés optant pour un autre régime. En effet, s’il est vrai qu’en l’espèce, c’est la transformation de l’immeuble en copropriété en une maison d’habitation unifamiliale par l’effet de l’adoption du régime matrimonial de la communauté universelle en vertu du contrat de mariage, qui a eu pour conséquence le dépassement des critères de surface utile d’habitation, ce n’est toutefois pas le choix du régime matrimonial qui a déterminé la demande de remboursement des aides, mais le dépassement de la limite maximum de la surface utile d’habitation du fait. Il ne saurait partant être question de traitement discriminatoire entre les époux selon le régime matrimonial adopté par eux. Le moyen afférent laisse partant également d’être fondé.
Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent, que la décision déférée de la commission du 18 décembre 2008, telle qu’approuvée par le ministre, est à considérer comme légalement justifiée au regard des exigences inscrites à l’article 7 (4) du règlement grand-ducal du 23 juillet 1983, de sorte qu’il y a lieu de rejeter le recours en annulation comme non fondé.
Au vu de l’issue du litige, la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 1.000 euros, formulée par la demanderesse sur la base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, est également à rejeter.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure ;
condamne la demanderesse aux frais.
Ainsi jugé par:
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Martine Gillardin, vice-président, Annick Braun, juge, et lu à l’audience publique du 25 mars 2010 par le premier vice-président, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 25.03.2010 Le Greffier du Tribunal administratif 7