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24/03/2010 | LUXEMBOURG | N°26339

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 mars 2010, 26339


Tribunal administratif Numéro 26339 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 novembre 2009 1re chambre Audience publique du 24 mars 2010 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 19, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 26339 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 novembre 2009 par Maître Olivier LANG, avoca

t à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ...

Tribunal administratif Numéro 26339 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 novembre 2009 1re chambre Audience publique du 24 mars 2010 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 19, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 26339 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 novembre 2009 par Maître Olivier LANG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Togo), de nationalité togolaise, demeurant actuellement à L-…, tendant, d’une part, à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 12 octobre 2009 portant refus de sa demande de protection internationale et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 janvier 2010 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Olivier LANG et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 8 mars 2010.

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En date du 22 septembre 2008, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection.

Il fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Monsieur … fut encore entendu le 13 octobre 2008 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 12 octobre 2009, expédiée par courrier recommandé le 14 octobre 2009, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration informa Monsieur … de ce que sa demande avait été rejetée, décision libellée comme suit :

« J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentée auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration en date du 22 septembre 2008.

En mains le rapport du Service de Police Judicaire du 22 septembre 2008 ainsi que le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration du 13 octobre 2008.

Il résulte de vos déclarations que vous seriez né à … où vous auriez vécu jusqu'en 2005, date à laquelle vous vous seriez installé au quartier … avec votre femme et vos enfants. Vous auriez travaillé en tant que cuisinier. Depuis 1999 vous seriez membre du parti politique UFC.

Vous seriez militant et vous auriez assisté à des meetings, le dernier en 2007 étant donné que votre travail vous aurait pris trop de temps. Vous n'auriez plus assisté à des réunions. Vous présentez une carte de membre de l'UFC établie le 13 octobre 1999.

Le 23, puis vous dites le 24 août 2008 vous auriez pris place à bord d'un taxi déjà occupé par plusieurs passagers dont un homme. Une discussion aurait eu lieu entre passagers sur le mauvais état des routes et la situation au Togo. Lors de la discussion vous auriez dit que le pouvoir devrait être donné à quelqu'un d'autre et que les élections seraient à chaque fois truquées, que le pouvoir serait donné à un faux vainqueur. Vous auriez également parlé d'un coup d'Etat militaire en Mauritanie ayant eu lieu sans bain de sang et vous auriez critiqué les militaires togolais qui n'en seraient pas capables. Arrivé à votre domicile, vous auriez demandé au chauffeur de s'arrêter et vous seriez descendu. L'homme, également impliqué dans la discussion, aurait fait de même. Il aurait continué le chemin avec vous et vous auriez discuté ensemble. Il vous aurait demandé où vous travailleriez et en entendant que vous seriez cuisinier il vous aurait fait savoir qu'il aurait comme projet d'ouvrir un fastfood et qu'il vous mettrait au courant.

Le lendemain de cette rencontre, vers midi alors que vous auriez été à votre domicile, vous auriez entendu crier votre nom. Vous seriez sorti et seriez tombé sur trois militaires qui vous auraient dit d'ouvrir la porte. Votre maison aurait été fouillée et les militaires auraient trouvé des foulards de l'UFC ainsi que des photos de leaders UFC sous la mousse de votre canapé. Ils auraient déchiré les photos et vous auraient demandé si vous seriez en possession d'une carte de membre ce que vous auriez nié. Les enfants auraient commencé à pleurer et les militaires auraient demandé à votre femme d'ouvrir la porte, ce qu'elle aurait refusé. Les militaires auraient alors enfoncé la porte et seraient entrés. Un autre militaire leur auraient dit de se retirer. Vous auriez été menotté et emmené au commissariat du 4ième arrondissement et mis dans un cachot.

Vous auriez été retenu pendant trois jours jusqu'au 26 août 2008. Vous dites avoir été interrogé à plusieurs reprises. Les militaires vous auraient fait peur en vous disant que vous alliez mourir dans le cachot si vous n'admettiez pas que l'UFC serait en train de préparer un coup d'Etat. Vous n'auriez pas été maltraité ou malmené durant votre détention. Vous dites être resté sans manger pendant une journée. Vous auriez refusé des sandwichs qui vous auraient été apportés les 25 et 26 août. Un militaire aurait menacé de vous tuer si vous ne disiez pas la vérité.

Vous auriez été libéré le 26 août et le militaire vous aurait dit de courir si vous ne voudriez pas vous faire tirer dessus, ce que vous auriez fait. Les militaires auraient alors rigolé.

Vous seriez rentré chez vous et le lendemain vous vous seriez rendu chez votre oncle à … .

En rentrant, le propriétaire de votre maison vous aurait remis une convocation non datée du « Service de recherche et d'investigation» vous invitant à vous présenter le 28 août 2008 à la gendarmerie sise au boulevard du 13 janvier « pour les nécessités d'une enquête judiciaire ».

Vous présentez cette convocation qui vous aurait été envoyée par votre oncle. Vous pensez que cette convocation serait en liaison de votre arrestation. Vous seriez alors retourné chez votre oncle qui vous aurait dit de vous cacher chez lui. Vous y seriez resté jusqu'au 20 septembre 2008.

Depuis votre arrestation votre femme serait allée avec vos enfants chez vos beaux-parents à ….

Votre oncle vous aurait reporté que le 15 et 18 septembre 2008 des militaires se seraient rendus à votre travail pour vous chercher.

Vous pensez avoir été arrêté parce que vous auriez parlé de coup d'Etat dans le taxi et que vous auriez critiqué le pouvoir en place et les militaires. Vous pensez être tombé dans un piège tendu par l'homme présent dans le taxi qui serait peut être un proche des autorités. Selon vos dires il faudrait être prudent au Togo quand on parle de politique, on ne pourrait pas parler librement de politique. Les partis d'opposition, surtout l'UFC seraient mal vus et souvent agressés par les militaires, notamment lors de réunions. Tel n'aurait pourtant pas été votre cas, mais vous auriez dû cacher votre carte de membre. Vous dites avoir été libéré parce qu'il n'y aurait pas de raison concrète de vous garder.

Vous ne faites pas état d'autres problèmes.

La reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d'asile qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève. Or, même à supposer les faits que vous alléguez comme établis, alors que vous n'apportez aucune preuve de ces derniers, ils ne sauraient, en eux-mêmes, constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, établir une crainte fondée d'être persécuté dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, vous faites état d'une seule arrestation du 24 au 26 août 2009 probablement après dénonciation d'un homme parce que vous auriez critiqué le pouvoir en place. Vous auriez été libéré, vous pensez parce qu'il n'y aurait pas de raison concrète de vous détenir. Par la suite vous auriez été convoqué à la gendarmerie « pour les nécessités d'une enquête judiciaire », mais vous ne vous seriez pas présenté. De même on vous aurait reporté que des militaires vous auraient cherché à votre lieu de travail. Or, même à supposer votre arrestation fondée sur des considérations politiques, ce fait isolé ne saurait suffire à lui seul et n'est pas d'une gravité telle pour fonder une demande en obtention d'une protection internationale, d'autant plus que vous auriez été libéré après quelques jours. Vous ne faites pas état d'autres problèmes.

Il n'est par ailleurs pas établi que votre convocation à la gendarmerie serait liée à votre arrestation, voire en raison de vos déclarations faites dans le taxi le 24 août 2008. Votre peur traduit plutôt un sentiment général d'insécurité qu'une crainte de persécution.

Or, un sentiment général d'insécurité ne constitue pas une crainte fondée de persécution au sens de la prédite Convention.

Enfin, en ce qui concerne votre adhésion à l'UFC et même si des activités dans un parti d'opposition peuvent justifier des craintes de persécutions, il n'en résulte pas automatiquement que tout membre d'un parti d'opposition risque des persécutions de la part du pouvoir en place.

Vous ne faites pas état de problèmes concrets liés à votre adhésion à ce parti politique. Vous parlez de problèmes que des opposants UFC auraient eu lors de leurs activités ou lors de réunions, mais personnellement vous ne faites pas état de tels problèmes, vous dites uniquement avoir dû cacher votre carte de membre, parce que les opposants seraient mal vus. Vous ajoutez également ne pas avoir participé à des réunions de l'UFC à partir de 2007 et que vous n'auriez pas confié à l'homme présent dans taxi et que vous pensez responsable de votre arrestation que vous seriez membre de l'UFC. Les militaires auraient trouvé des foulards de l'UFC et des photos de leaders, et lors de votre détention on vous aurait interrogé sur un éventuel coup d'Etat. En fin de compte, vous auriez été libéré.

Il y a également lieu de soulever que l'UFC a remporté 27 sièges de députés à l'Assemblée nationale aux élections d'octobre 2007. En raison du changement de la situation politique au Togo il n'est donc pas établi que vous seriez encore actuellement recherché. Notons dans ce contexte que la Cour administrative a estimé dans son arrêt rendu le 24 avril 2008 dans un dossier togolais que « c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que les faits relatés par Monsieur… ne paraissent plus de nature à fonder à l'heure actuelle une crainte fondée de persécution dans son chef eu égard à l'évolution de la situation politique au Togo après le décès en 2005 du président Gnassingbe Eyadema et du processus de réconciliation national amorcé par la signature de l'accord politique globale au mois d'août 2006. (…) de sorte que l'appelant n'établit pas de manière suffisamment précise que des menaces pèsent encore à son encontre à l'heure actuelle dans son pays d'origine».

De même, il ressort du Informations-Schnelldienst de juillet 2009 du Bundesamt für Migration und Flüchtlinge que « Für ehemalige exilpolitisch aktive Oppositionelle ist heute bei Rückkehr eine Gefahr politischer Verfolgung aufgrund nachträglich erheblicher und nicht nur vorübergehend geänderter Verhältnisse auf absehbare Zeit mit hinreichender Sicherheit ausgeschlossen. "Einscheidene, massgeblichen Verhältnisse ändernde Ereignisse waren der Tod des über Jahrzehnte herrschenden Staatspräsidenten Eyadéma am 05.02.2005 und die Parlamentswahlen am 14.10.2007, die von westlichen Wahlbeobachtern als im allgemeinen frei, fair transparent und friedlich beurteilt wurden (…); ein weiterer wesentlicher Aspekt ist die lange Zeitspanne ohne Verfolgungsmassnahmen gegen aus Europa zurückkehrende ehemalige oppositionelle Asylbewerber (…) ».

Enfin, la situation politique a nettement changé au Togo depuis ces dernières années.

D'abord en ce qui concerne la période post électorale d'avril 2005, il faut souligner qu'il résulte d'un rapport de l'UNHCR du 2 août 2005 intitulé « Position du HCR sur le traitement des demandeurs d'asile du Togo» que « le régime de Faure Gnassingbé s'efforce grandement de montrer sa disponibilité à la réconciliation, appelle au retour des réfugiés togolais, et fait preuve de beaucoup d'autres initiatives positives. Parmi les efforts entrepris par les autorités togolaises actuelles vers la réconciliation, il faut mentionner le Décret présidentiel du 25 mai 2005, qui crée une Commission indépendante d'enquête nationale-spéciale pour enquêter sur "les actes de violence et de vandalisme" qui ont troublé la période électorale». Le rapport continue en disant que «la création d'une Haute Commission pour le Rapatriement et la Réinsertion (HCRR) est un autre signe de cette atmosphère positive; cette dernière a pour mission de préparer le rapatriement et la réintégration des réfugiés togolais et de s'occuper des autres questions humanitaires correspondantes. La HCRR a déjà pris contact avec le HCR afin d'instaurer des relations de travail harmonieuses ». Selon des sources UNCHR plus de 5000 réfugiés togolais installés au Bénin ou au Ghana seraient retournés au Togo.

De même le prédit rapport indique que « les efforts des nouvelles autorités togolaises répondent aux attentes de la majorité des personnes concernées, y compris les réfugiés à l'étranger, de même que les quelques initiatives prises, notamment dans le contexte africain en vue de normaliser la situation au Togo. A cet égard, il convient de souligner que le 25 avril 2005, en vue de contrecarrer d'éventuelles manifestations violentes après la publication des résultats du scrutin, le Président Olusegun Obasanjo a, en sa qualité de Président de l'UA, négocié un accord entre Faure Gnassingbé et Gilchrist Olympio (leader du parti politique d'opposition UFC), afin de former un Gouvernement d'unité nationale, indépendamment des résultats de scrutin ». Par ailleurs, les restrictions de voyage prononcées contre le leader Gilchrist Olympio ont été levées et quelques 500 détenus, dont des détenus politiques ont été libérés.

Le 19 mai 2005, à l'invitation d'Olusegun Obasanjo, un mini-sommet a été organisé à Abuja pour discuter du processus devant mener à la réconciliation nationale et à la démocratie populaire au Togo. Outre les protagonistes de la crise togolaise, le Représentant spécial du Secrétaire général (SRSG) de l'ONU pour l'Afrique occidentale, le Président de la CEDEAO, le Secrétaire Exécutif de la CEDEAO, les chefs d'Etat de la CEDEAO concernés ainsi que le Président du Gabon ont assisté au mini-sommet. Le 21 juillet 2005 une rencontre entre Faure Gnassingbé et Gilchrist Olympio a eu lieu à Rome. D'après Radio France Internationale (RFI), les deux hommes ont appelé à la fin de la violence au Togo, au retour des 30.000 réfugiés et ont accepté de se revoir ultérieurement. Le chef du gouvernement togolais de l'époque, Monsieur Edern Kodjo a dans une lettre circulaire du 15 mars 2006 adressée aux responsables des forces de sécurité et aux autorités judiciaires donné des instructions pour l'arrêt de toutes poursuites judiciaires à l'encontre de toute personne présumée auteur d'infractions ou de délits étroitement liés à l'élection présidentielle d'avril 2005. Monsieur Kodjo a expliqué sa décision par un « souci d'apaisement total et de réconciliation nationale, afin de favoriser le retour des réfugiés et des personnes déplacées suite aux événements survenus avant, pendant et après l'élection ». Ainsi, selon le Country Report on Human Rights Practices, Togo du 6 mars 2007 du US Department of State « 77 persons imprisoned on their involvement in election violence were released in 2005 ».

Le 21 avril 2006 les représentants du parti politique au pouvoir et ceux des principaux partis politiques d'opposition togolais ainsi que des délégués de la société civile ont repris à Lomé le chemin du dialogue pour trouver une solution à la crise politique. L'ordre du jour et les objectifs du dialogue concernent essentiellement les engagements pris par le Togo envers l'Union européenne en avril 2004 pour la reprise de la coopération entre les deux parties, interrompues en 1993 après les violences électorales. Un gouvernement d'union nationale a été formé le 21 septembre au Togo. Ce gouvernement est composé de membres de l'opposition et de la mouvance présidentielle. Yawovi Agboyibo, leader du parti politique d'opposition Comité d'Action pour le Renouveau (CAR) a été nommé Premier Ministre. La formation de ce nouveau gouvernement fait partie des points essentiels de l'accord politique signé le mois dernier à l'issue du dialogue entre les différents protagonistes de la crise politique au Togo. Des élections législatives anticipées ont eu lieu le 14 octobre 2007 dans le calme. Ce scrutin a été marqué par la participation de tous les partis politiques d'opposition, notamment de l'Union des Forces de Changement. D'après un communiqué de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et des observateurs de l'UE présents au scrutin les élections étaient libres, justes et transparentes en dépit de quelques insuffisances. L'UFC est devenu premier parti politique d'opposition emportant 27 sièges à l'Assemblée nationale en devant ainsi deuxième parti politique national.

Il ressort d'un autre rapport de l'UNCHR du 7 août 2006 que « ln the 12 months since the position was issued the situation in Togo has stabilized and in a number of ways improved.

Leaders of the opposition who previously would have feared for their lives now feel sufficiently comfortable to live in the economic capital, Lome. Others have actually been included in the government of national unit y ». Le rapport indique également que « there have been positive developments in Togo. According to all observers, including the UN Country Team and the principal independent human rights organization in Togo, the 3,000 member Togolese League for Human Rights (Ligue Togolaise des Droits de l'Homme - LTDH), the security situation has improved ». Finalement, le rapport conclut que « UNHCR is of the view that while serious problems persist which warrant careful consideration of asylum claims submitted by Togolese nationals seeking international protection, serious and indiscriminate threats to life, physical integrity or freedom resulting from generalized violence or events seriously disturbing public order, no longer occur. UNHCR is therefore amending its position of 2 August 2005 in respect of international protection needs of Togolese asylum-seekers as follows: …4) For individuals found not to be in need of international protection following determination of their claims in fair and efficient procedures including a right of appeal, UNHCR does not object to their return to Togo on refugee protection grounds. Host States' non-refoulement obligations under applicable international human rights law remain unaffected. Compelling humanitarian reasons should also be given due consideration ».

Il ressort du « US Department of State 2008 Human Rights Report: Togo » que «The human rights situation in the country improved; however, serious human rights problems continued (…). During the year the government took significant steps to advance human and political rights, including the organization of a Truth, Justice, and Reconciliation consultation process meant to facilitate forgiveness and reconciliation, aid the fight against corruption and judicial impunity, and reinforce national unit y in the country. The government waived public primary school fees and more than doubled the minimum wage ».

À l'heure actuelle, la communauté internationale joue un rôle important en aidant le Gouvernement togolais à respecter ses obligations au regard du droit international des droits de l'homme. L'Union européenne a apporté au pays une aide technique et financière pour ses réformes dans le cadre des 22 engagements sur la démocratie et les droits de l'homme pris par le Gouvernement togolais en avril 2004. En 2007, la CEDEAO a fait pression sur le Gouvernement pour que ce dernier autorise des représentants de la société civile à observer le déroulement des élections parlementaires. Enfin, l'Organisation internationale de la francophonie (OIF), à travers son Observatoire des droits de l'homme et de la démocratie, suit la situation des droits de l'homme dans le pays. Le Togo vit donc une transition politique et, en conséquence, les perspectives de promotion et de protection des droits de l'homme s'améliorent. Les prochaines élections présidentielles sont prévues pour 2010.

Il ressort d'un document A/HRC/10/44/Add.5 de l'Assemblée générale de l'ONU du 17 février 2009 et du « Suivi des recommandations du Rapporteur spécial faites dans le rapport de mission au Togo en avril 2007 (A/HRC/7/3/Add.5) » y rattaché que « Par lettre datée du 29 janvier 2009, le Gouvernement a fourni des informations détaillées concernant les mesures prises en application des recommandations du Rapporteur spécial (voire tableau ci-dessous). Le Rapporteur spécial a noté avec satisfaction que les élections d'octobre 2007 se sont déroulées dans le calme, ce qu'il considère comme une étape importante dans un pays où les élections précédentes avaient été éclipsées par des actes de violence de grande ampleur et de graves violations des droits de l'homme, y compris des actes de torture. Il se félicite de la récente adoption du projet de loi visant l'abolition de la peine de mort par le conseil des ministres et invite l'Assemblée nationale à entériner cette décision. Le Rapporteur spécial salue les étapes franchies vers la mise en place de la commission vérité, justice et réconciliation et espère que cette commission commencera rapidement son travail et mettra fin à l'impunité qui règne actuellement à l'égard de graves violations des droits de l'homme commises par le passé au Togo tout en rappelant l'importance de la mise en place dans les lieux de détention des mécanismes de plainte efficaces. Le Rapporteur spécial note le travail important de la CNDH (en coopération avec le bureau du HCDH au Togo), notamment les sessions de formation avec les magistrats et officiers de police judiciaire au sujet de l'interdiction et la prévention de la torture et de l'application de la détention préventive (article 112 du Code de procédure pénale), les audiences foraines, ainsi que les visites des prisons qui ont abouti à la libération de centaines de détenus. Il applaudit les initiatives du parquet et d'autres organes étatiques en matière d'inspection des lieux de détention et rappelle à cet égard l'importance d'envisager la ratification du Protocole facultatif à la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, qui prévoit l'établissement d'un mécanisme national de prévention mandaté d'effectuer des visites inopinées dans tous les lieux de détention. Concernant les conditions de détention dans les institutions pénitentiaires, il note la réhabilitation des prisons en cours appuyée par l'Union européenne et le décret portant la création d'un corps surveillant les établissements pénitentiaires, récemment adopté par le conseil des ministres. A cet égard, il souligne également l’'importance des mesures de substitution à l'emprisonnement et salue la révision du Code pénal en cours qui, selon le Gouvernement, prévoit l'introduction des peines alternatives non privatives de liberté pour les infractions mineures et érigera la torture en infraction pénale. Dans ce contexte, il invite le Gouvernement à accélérer la révision du Code de procédure pénale et à interdire explicitement l'utilisation des preuves obtenues sous torture dans toute procédure pénale ».

Par conséquent, vous n'alléguez aucune crainte fondée de persécutions en raison de vos opinions politiques, de votre race, de votre religion, de votre nationalité ou de votre appartenance à un groupe social et qui soit susceptible de vous rendre la vie intolérable dans votre pays.

En outre, vous n'invoquez pas non plus de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.

Les faits invoqués à l'appui de votre demande ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Etant donné que les faits invoqués à la base de votre demande de protection internationale ne sauraient être actuellement admises comme justifiant à suffisance une crainte de persécution; dès lors, et a fortiori, l'absence matérielle de crainte actuelle fondée s'impose également en ce qui concerne la demande tendant à obtenir la protection subsidiaire.

En effet, vous ne faites pas état d'un jugement ou d'un risque de jugement vous condamnant à la peine de mort. Par ailleurs, la peine de mort a été abolie au Togo en date du 24 juin 2009. Vous ne faites également pas état de risque réel de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants ou de risques réels émanant d'une violence aveugle résultant d'un conflit armé interne ou international. En s'appuyant sur les rapports cités la situation actuelle au Togo ne saurait être considérée comme conflit armé interne ou international.

Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 19§ 1 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.

La présente décision vaut ordre de quitter le territoire.

La décision de rejet de votre demande de protection internationale est susceptible d'un recours en réformation devant le Tribunal administratif. Ce recours doit être introduit par requête signée d'un avocat à la Cour dans un délai d'un mois à partir de la notification de la présente (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 16 novembre 2009, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision précitée du ministre du 12 octobre 2009, par laquelle il s’est vu refuser la reconnaissance d’un statut de protection internationale, et un recours tendant à l’annulation de la décision du même jour, incluse dans le même document, portant à son égard l’ordre de quitter le territoire.

A l’appui de son recours, Monsieur … expose les faits et rétroactes de sa demande en obtention d’une protection internationale, en insistant sur le fait qu’en sa qualité de membre du parti d’opposition UFC il aurait été arrêté, incarcéré pendant deux jours et interrogé par des militaires, pour être ensuite relâché. Ayant ensuite été convoqué par la gendarmerie, il aurait pris peur et aurait fuit son pays.

Prenant appui sur l’article 2 c) de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection, combiné aux articles 32, alinéa 1er et 32, alinéa 2 de la même loi, Monsieur … affirme mériter le statut de réfugié politique et sollicite en conséquence la réformation de la décision déférée Il fait valoir que le ministre aurait violé l’article 26 (4) de la loi modifiée du 5 mai 2006, suivant lequel l’existence ou la menace de persécutions ou de menaces graves dans le passé entraîneraient la présomption que ces persécutions se reproduiront ou que ces menaces se réaliseront, à moins qu’il n’existerait de bonnes raisons de penser qu’elles ne se reproduiront pas, tout en soutenant que la preuve de l’existence de telles bonnes raisons incomberait au ministre. Il donne à considérer qu’en l’espèce, il n’existeraient pas de bonnes raisons de penser que les menaces de persécution ne se réaliseront pas, respectivement que les persécutions d’ores et déjà subies ne se reproduiront pas, en citant à l’appui de son argumentation notamment un rapport du rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants relatif à la situation au Togo, présenté le 6 janvier 2008, et ce afin d’énerver les conclusions de la partie étatique relatives à la situation générale au Togo, ainsi que divers rapports d’AMNESTY INTERNATIONAL.

Le demandeur critique encore le ministre pour avoir basé sa décision notamment sur un avis du Bundesamt für Migration und Flüchtlinge de juillet 2009, le demandeur faisant valoir que le prédit rapport devrait être analysé avec circonspection, étant donné qu’il s’agirait d’un écrit émanant de l’administration allemande compétente pour les questions d’asile et d’immigration qui de surcroît ne reproduirait pas ses propres sources.

Concernant le volet de sa demande en obtention du statut de protection subsidiaire, Monsieur … estime remplir les conditions telles que prévues à l’article 37 de la loi modifiée du 5 mai 2006, en soutenant qu’il y aurait des motifs sérieux et avérés de croire qu’il serait exposé, en cas de retour dans son pays d’origine, à un risque réel de subir les atteintes graves définies au prédit article 37.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation de Monsieur …, en soulignant notamment le fait que le demandeur n’aurait mis en avant qu’un seul incident, à savoir son arrestation et sa détention par l’armée, le fait qu’il n’aurait pas occupé une fonction importante au sein de l’UFC et enfin l’évolution favorable de la situation au Togo, et ce en particulier du point de vue du respect des droits de l’Homme.

1.

Quant au recours visant la décision du ministre portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 19 (3) de la loi modifiée du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit, lequel est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a dès lors pas lieu d’analyser le recours en annulation, formulé à titre subsidiaire.

Aux termes de l’article 2 a) de la loi modifiée du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire, tandis que la notion de « réfugié » est définie par l’article 2 c) de la même loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays (…) ».

La reconnaissance de la protection internationale n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur de protection internationale qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

A ce sujet, le demandeur affirme en substance avoir, à la suite d’une conversation dans un taxi au cours de laquelle il aurait critiqué le pouvoir en place et l’armée et évoqué un coup d’Etat, été appréhendé par des militaires qui auraient fouillé sa chambre, pour ensuite le détenir et l’interroger pendant deux jours au sujet de l’UFC et d’un éventuel coup d’Etat. Après avoir été relâché par les militaires, il aurait été convoqué par la gendarmerie, tandis que des militaires se seraient rendus deux semaines plus tard sur son lieu de travail. La partie étatique, pour sa part, fait cependant plaider que cette arrestation à elle seule ne saurait suffire pour fonder une demande en obtention de la protection internationale, la simple qualité de membre d’un parti d’opposition n’étant d’ailleurs pas suffisante pour constituer seule un motif valable de reconnaissance du statut de réfugié.

Le tribunal ne saurait cependant suivre la partie étatique en ce point. En effet, s’il est certes vrai que la circonstance d’avoir eu des activités dans un parti d'opposition ou la simple qualité de membre ou de sympathisant d’un tel parti ne constituent pas à elles seules un motif valable de reconnaissance du statut de réfugié, cette conclusion n’est cependant pas à interpréter dans le sens que le statut de réfugié serait réservé en quelque sorte à des membres proéminents, plus importants ou particulièrement actifs de partis d’opposition, mais dans le sens que la seule qualité de membre d’un parti d’opposition, en-dehors de toute persécution concrète, n’est pas suffisante au sens des conditions énoncées par la Convention de Genève1.

Or en l’espèce, force est de constater que si le demandeur semble effectivement n’avoir été qu’un membre de base peu ou pas actif du parti UFC, il n’en demeure pas moins qu’il a été, conformément à son récit dont la crédibilité n’a pas été mise en doute par la partie étatique, arrêté, détenu et interrogé par l’armée, et ce tant à cause de propos tenus en public qu’à cause d’effets de l’UFC trouvés chez lui.

Cependant, le tribunal constate, d’une part, que si le demandeur a certes fait l’objet d’une arrestation et d’une détention, il n’a, hormis les conditions matérielles de détention, effectivement qualifiables de difficiles, pas fait l’objet de violences physiques et, d’autre part, qu’il a été relâché au bout de deux jours de l’initiative des militaires, le demandeur admettant que les militaires n’avaient pas de raison concrète de le garder.

Si le demandeur a certes craint pour sa vie, les militaires l’ayant d’ailleurs menacé de lui couper la tête, il s’avère cependant ex post que sa vie n’était pas menacée, sa libération spontanée en attestant.

1 Trib. adm. 7 mai 2008, n° 23618, Pas.adm. 2009, V° Etrangers, n° 110.

Or une perquisition suivie d’une arrestation et d’une détention uniques - encore que celles-ci aient eu lieu sur une toile de fond politique et aient été illégales et arbitraires - ne présentent pas le degré de gravité exigé par l’article 31 (1) a) de la loi modifiée du 5 mai 2006, lorsque le demandeur a comme en l’espèce été rapidement libéré sans avoir subi d’atteinte sérieuse à son intégrité physique ou mentale.

Quant à la convocation lui adressée prétendument par la police, outre que le tribunal ne saurait se départir d’un doute quant à l’authenticité de ce document, et ce notamment du fait de l’indication d’une adresse erronée et de la mention y figurant a priori contradictoire, sinon redondante « à se présenter : dès réception le 28/08/2008 », cette formule y ayant par ailleurs été inscrite en partie au moyen d’un cachet et en partie manuscritement, il y a lieu de relever que le seul fait de se voir adresser une telle convocation, à défaut de toute indication qu’elle recèlerait un risque grave pour le demandeur, n’est pas de nature à être retenue comme persécution ou risque de persécution au sens de la loi.

Il convient par ailleurs de constater que le demandeur lui-même ignore l’objet de cette convocation, mais qu’il ne s’y est pas présenté, pensant que cette convocation serait liée à son arrestation antérieure par des militaires et craignant apparemment de manière confuse pour sa vie (« En raison de la manière qu’ils m’ont traité la première fois, je savais qu’avec la gendarmerie se serait pire encore »). Force est dès lors de constater que le demandeur n’a personnellement subi ni menace, ni persécution, mais qu’il n’a fait état que d’une crainte hypothétique, la même conclusion s’imposant quant à la visite alléguée de militaires sur son lieu de travail.

Le tribunal relève par ailleurs que le demandeur, lors de sa détention par des militaires qui l’ont ensuite libéré, a été gardé emprisonné dans un commissariat : il semble a priori incohérent que le demandeur, emprisonné par des militaires dans un commissariat, soit relâché spontanément sans autres formalités pour être ensuite formellement convoqué par la gendarmerie afin de le soumettre, tel que le demandeur le craignait, à des sévices.

Il ressort de surcroît de l’audition du demandeur que si celui-ci a certes craint pour sa vie lors de sa détention, sa fuite ne semble pas, du moins au vu de ses déclarations telles qu’actées au le procès-verbal d’audition, avoir été justifiée par une peur virulente, le demandeur affirmant en effet s’être caché pour ensuite fuir le Togo sur les conseils de son oncle, le demandeur ne faisant pas état d’une crainte précise ou d’un risque effectif auquel il serait exposé en cas de retour dans son pays, mais d’un sentiment diffus d’insécurité au vu de la situation des droits de l’Homme (« Pour le moment il est difficile de retourner chez moi parce qu’il n’y a pas les droits de l’homme, tout est bafoué là-bas »).

Aussi, tous les incidents relatés par le demandeur, certes condamnables, ne revêtent cependant pas une gravité telle qu’ils justifieraient, dans le chef du demandeur, une crainte actuelle de persécution telle que sa vie serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine, conclusion encore confortée par le rôle mineur et inactif du demandeur au sein du parti d’opposition UFC.

S’il est certes exact, tel que le fait plaider le demandeur, que l’article 26, paragraphe 4 de la loi modifiée du 5 mai 2006 instaure une présomption - réfragable - en faveur de la victime qui a déjà été persécutée ou a déjà subi des atteintes graves, que sa crainte d’être à nouveau persécutée en cas de retour dans son pays d’origine est fondée, à moins qu’il existe de bonnes raisons de penser que cette persécution ou ces atteintes graves ne se reproduiront pas, la preuve de « telles bonnes raisons » appartenant au ministre, cette présomption repose cependant sur la prémisse que le demandeur ait auparavant déjà été exposé à des persécutions ou à des atteintes graves au sens de la loi : or, le tribunal vient de retenir que tel n’est pas le cas en l’espèce, de sorte qu’il n’y a pas lieu de faire bénéficier le demandeur de ladite présomption et d’analyser, au vu de la situation actuelle au Togo, l’absence ou l’existence de bonnes raisons permettant de conclure à l’absence d’un risque de persécutions en cas de retour du demandeur.

C’est partant à juste titre que le ministre, au terme de l’analyse de la situation personnelle de Monsieur …, a déclaré sa demande d’asile sous analyse comme étant non fondée.

En ce qui concerne le refus du ministre d’accorder au demandeur le bénéfice de la protection subsidiaire telle que prévue par la loi modifiée du 5 mai 2006, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 2, e) de la loi modifiée du 5 mai 2006 précitée, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire», « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 37 de la même loi énumère en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Force est à ce sujet de relever que le tribunal vient de retenir ci-avant que le demandeur -

encore que les incidents vécus s’inscrivent sur une toile de fond politique - n’est pas exposé à un risque grave, de sorte qu’il reste en défaut d’avancer un quelconque élément concret permettant au tribunal de retenir qu’il risquerait personnellement et actuellement de subir des atteintes graves au sens du prédit article 37.

Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

2.

Quant au recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 19 (3) de la loi modifiée du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée du 12 octobre 2009 a pu valablement être dirigé contre la décision ministérielle entreprise. Le recours en annulation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Monsieur … soutient en premier lieu que si la décision de refus d’octroi du statut de protection internationale encourt la réformation, il faudrait forcément annuler l’ordre de quitter contenu dans cette même décision.

A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où le tribunal ne ferait pas droit au recours en réformation, il fait valoir que l’ordre de quitter serait quand même à annuler, au motif qu’il violerait l’article 129 de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration.

Il soutient que l’ordre de quitter le territoire aurait encore été pris en violation de l’article 3 de la CEDH, au regard des mêmes considérations que celles ayant été développées sous l’aspect du volet du recours ayant trait à la réformation de la décision de refus de la protection internationale. Le demandeur souligne à cet égard, que ce ne serait pas parce qu’il serait débouté de sa demande de protection internationale qu’il ne serait pas exposé à un risque de traitements inhumains et dégradants en cas de retour au Togo. Il souligne que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme prendrait en compte des risques de mauvais traitements résultant de facteurs purement objectifs, indépendants des autorités ou des droits internes de l’Etat de destination, en matière d’éloignement des étrangers. Il conclut que le degré du risque de faire l’objet de mauvais traitements exigé pour obtenir la reconnaissance d’une protection internationale, serait beaucoup plus élevé que celui requis pour interdire l’éloignement de l’étranger vers le pays dans lequel ce risque existe, de sorte que le champ d’application de l’article 3 CEDH serait beaucoup plus large que celui des articles 2 c) et 2 e) de la loi modifiée du 5 mai 2006, et que l’on ne saurait automatiquement conclure qu’un demandeur de protection internationale débouté, ne puisse pas faire valablement état d’un risque de traitements inhumains et dégradants dans son pays d’origine, qui interdirait son éloignement vers ce pays. Il fait valoir qu’il aurait établi la réalité de ce risque grâce à un faisceau d’indices constitué par les exactions dont il aurait déjà été victime, à savoir par les « graves tortures » dont il aurait d’ores et déjà été victime au Togo. Enfin, il souligne que l’article 3 CEDH, combiné à l’article 129 de la loi du 29 août 2008 poseraient un principe absolu d’interdiction de refoulement vers un pays où la personne concernée risque de faire l’objet de traitements contraires à l’article 3 CEDH.

Aux termes de l’article 19 (1) de la loi modifiée du 5 mai 2006, une décision négative du ministre en matière de protection internationale vaut ordre de quitter le territoire.

Il découle de l’article 19 (1) de la loi modifiée du 5 mai 2006 que l’ordre de quitter le territoire constitue une conséquence légale et automatique de la décision de refus de protection internationale, de sorte à exclure tout pouvoir d’appréciation dans le chef du ministre et, a fortiori, du tribunal. Comme le tribunal vient de retenir que le demandeur ne remplit pas les conditions pour prétendre au statut conféré par la protection internationale et, en particulier qu’il ne risque pas de subir des persécutions ou atteintes graves en cas de retour au Togo, le tribunal ne saurait mettre en cause la légalité de la décision déférée.

Il s’ensuit que le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs ;

le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit en la forme le recours en réformation contre la décision ministérielle portant refus d’un statut de réfugié et d’une protection subsidiaire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu d’analyser le recours en annulation formulé à titre subsidiaire ;

reçoit en la forme le recours en annulation contre la décision déférée portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 24 mars 2010 par :

Marc Feyereisen, président, Marc Sünnen, premier juge, Thessy Kuborn, juge, en présence du greffier Arny Schmit.

s. Schmit s. Feyereisen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 24.3.2010 Le Greffier du Tribunal administratif 14


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 26339
Date de la décision : 24/03/2010

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2010-03-24;26339 ?

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