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18/03/2010 | LUXEMBOURG | N°25875

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 mars 2010, 25875


Tribunal administratif N° 25875 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 juillet 2009 2e chambre Audience publique du 18 mars 2010 Recours formé par Madame …, contre deux décisions de la secrétaire d’Etat à la Culture, à l’Enseignement supérieur et à la Recherche en matière de primes d’encouragement

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 25875 du rôle et déposée le 7 juillet 2009 au greffe du tribunal administratif par Maître Ludivine Peyrissaguet, avocat

à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, …, n...

Tribunal administratif N° 25875 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 juillet 2009 2e chambre Audience publique du 18 mars 2010 Recours formé par Madame …, contre deux décisions de la secrétaire d’Etat à la Culture, à l’Enseignement supérieur et à la Recherche en matière de primes d’encouragement

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 25875 du rôle et déposée le 7 juillet 2009 au greffe du tribunal administratif par Maître Ludivine Peyrissaguet, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, …, née le … à … (France), demeurant actuellement à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision énoncée comme émanant « du Ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche », mais émanant en fait de la secrétaire d’Etat à la Culture, à l’Enseignement supérieur et à la Recherche, du 24 novembre 2008 portant rejet de sa demande en obtention d’une prime d’encouragement, et de la décision confirmative de la secrétaire d’Etat du 7 avril 2009, prise sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 11 août 2009 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 15 octobre 2009 par Maître Ludivine Peyrissaguet pour le compte de la demanderesse ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 16 novembre 2009 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Sarah Moineaux, en remplacement de Maître Ludivine Peyrissaguet, et Monsieur le délégué du gouvernement Daniel Ruppert en leurs plaidoiries respectives.

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Le 27 juin 2008, Madame …, ressortissante française, présenta auprès du CEDIES du ministère de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, une demande d’attribution d’une prime d’encouragement de 3e cycle, telle que prévue par la loi modifiée du 22 juin 2000 concernant l’aide financière de l’Etat pour études supérieures, dénommée ci-après la « loi du 22 juin 2000 », en rapport avec l’obtention de son diplôme de master académique en droit européen, option contentieux européen, lui décerné par l’Université du Luxembourg le 18 juillet 2007.

Par courrier du 22 septembre 2008, le CEDIES informa Madame … que son dossier de demande était incomplet et la pria de lui faire parvenir un certificat d’affiliation au Centre Commun de la Sécurité sociale.

Par décision du 24 novembre 2008, la secrétaire d’Etat à la Culture, à l’Enseignement supérieur et à la Recherche, dénommée ci-après « la secrétaire d’Etat », refusa de faire droit à cette demande en les termes suivants :

« Madame, J’ai en main votre demande de prime d’encouragement du 8 octobre 2008.

L’article 2, point b) de la loi modifiée du 22 juin 2000 concernant les aides financières de l’Etat pour études supérieures stipule que, pour être bénéficiaire de l’aide financière de l’Etat luxembourgeois, un ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne autre que le Luxembourg, doit « tomber sous le champ d’application des dispositions des articles 7 et 12 du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté ». Il ressort de votre dossier que vous ne remplissez pas ce critère.

Par ailleurs, la directive No 93/96/CEE du 29 octobre 1993 relative au droit de séjour des étudiants, stipule à l’article 3 que : « La présente directive ne constitue pas le fondement d’un droit de paiement par l’Etat membre d’accueil, de bourses d’entretien aux étudiants bénéficiant du droit de séjour ». Etant donné que les primes d’encouragement sont considérées comme des bourses d’entretien, celles-ci ne peuvent donc vous être accordées.

Au vu de ce qui précède, il n’est donc pas possible au service des aides financières du Ministère de la Culture, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche de donner une suite favorable à votre demande. (…) » Contre cette décision, Madame … introduisit le 24 février 2009 un recours gracieux qui fut rejeté par la secrétaire d’Etat par une décision du 7 avril 2009 qui est libellée comme suit :

« Madame, J’ai en mains votre courrier du 26 février 2009 relatif au refus d’une prime d’encouragement et je vous en remercie.

Votre dossier a été réévalué et je puis que (sic !) confirmer le refus de prime d’encouragement qui vous a été notifié par courrier du 24 novembre 2008.

L’article 2, b) de la loi modifiée du 22 juin 2000 stipule qu’un ressortissant d’un autre Etat membre de l’Union européenne peut bénéficier des aides financières pour études supérieures de l’Etat luxembourgeois à condition d’être résident sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg et de tomber sous le champ d’application du règlement CE 1612/68 relatif à la libre circulation des travailleurs.

En vertu de l’article 1 de la loi précitée, l’aide financière est allouée sous la forme de bourses, de prêts, avec ou sans charges d’intérêts, de subventions d’intérêts et de primes d’encouragement. Les primes d’encouragement font partie intégrante des aides financières et leur attribution est donc régie par l’article 2, b) ci-dessus.

En vertu de l’article 2, b), il est donc nécessaire que deux conditions soient remplies au moment de l’obtention du diplôme pour lequel la prime est demandée pour qu’un étudiant puisse bénéficier d’une prime d’encouragement.

Votre diplôme de master académique en droit européen option contentieux européen décerné par l’Université du Luxembourg est daté du 18 juillet 2007 ; selon le certificat de résidence émis par la Ville de Luxembourg, vous êtes résidente sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg depuis le 12 mars 2008. Au moment de l’obtention de votre diplôme, la condition de résidence n’était donc pas remplie.

Pour ce qui est de la deuxième condition, à savoir être travailleur au Luxembourg depuis au moins 6 mois au moment de l’obtention de votre diplôme, il n’y a pas de pièce à votre dossier prouvant votre statut de travailleur au moment de l’obtention de votre diplôme, de sorte que je ne puis réserver de suite favorable à votre demande de prime d’encouragement. (…) » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 7 juillet 2009, Madame … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation des décisions précitées du 24 novembre 2008 et du 7 avril 2009, attribuées au ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, mais ayant en fait été prises par la secrétaire d’Etat.

L’Etat conclut à l’irrecevabilité du recours en réformation en faisant valoir qu’un tel recours ne serait pas prévu en la présente matière.

Etant donné qu’aucun recours au fond n’est prévu en matière d’aides financières de l’Etat pour études supérieures, seul un recours en annulation a pu être introduit contre les décisions critiquées. Le tribunal doit partant se déclarer incompétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal. Le recours subsidiaire en annulation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, est partant recevable.

A l’appui de son recours, la demanderesse soutient que ce serait à tort que la secrétaire d’Etat lui aurait refusé l’octroi de la prime d’encouragement, alors qu’elle remplirait les conditions de l’article 2 de la loi du 22 juin 2000. Elle reproche ainsi à l’autorité ministérielle de lui avoir opposé le fait de ne pas avoir été « résidente » au Grand-Duché de Luxembourg au moment de l’obtention de son diplôme et partant de ne pas remplir la condition prescrite à l’article 2 b) de la loi du 22 juin 2000, alors que cette disposition n’érigerait pas la résidence administrative déclarée au Luxembourg en une condition d’attribution de la prime, mais exigerait d’avoir son domicile au Luxembourg.

Or, elle fait valoir qu’elle aurait effectivement été domiciliée à Luxembourg à partir du 1er février 2007, en produisant un contrat de bail conclu avec l’Université du Luxembourg.

En deuxième lieu, la demanderesse fait grief à la secrétaire d’Etat d’avoir fait application de la deuxième condition prévue à l’article 2 b) de la loi du 22 juin 2000, en ce qu’elle aurait retenu à tort que, pour bénéficier de l’aide financière en question, elle devrait tomber sous le champ d’application des articles 7 et 12 du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté, dénommé ci-après le « règlement (CEE) n° 1612/68 ». Elle fait valoir, en se référant à un jugement du tribunal administratif du 11 octobre 2006 (n° 20910 du rôle), que l’application de la prédite disposition conduirait à une discrimination fondée sur la nationalité entre les étudiants ressortissants d’Etats membres autres que le Luxembourg et les étudiants luxembourgeois, étant donné que cette condition ne s’appliquerait pas aux ressortissants luxembourgeois. Cette condition serait dès lors non conforme aux articles 12 et 18 du traité instituant la Communauté européenne, dénommé ci-après le « traité CE ».

La demanderesse soutient encore, qu’alors même que l’interdiction de toute discrimination en raison de la nationalité souffrirait des exceptions dans le domaine des étudiants citoyens de l’Union européenne, elle ne rentrerait pas elle-même dans les prévisions de ces exceptions. Elle fait valoir dans ce contexte que si la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, dénommée ci-après la « directive 2004/38/CE », permettait aux Etats membres, avant l’acquisition du droit de séjour permanent, de ne pas accorder des aides d’entretien aux études à des personnes autres que les travailleurs salariés, les travailleurs non salariés, les personnes qui gardent ce statut ou les membres de leur famille, cette disposition ne lui serait cependant pas applicable, étant donné qu’elle aurait sollicité une prime d’encouragement qui ne constituerait pas une aide d’entretien aux études, mais une prime tendant à récompenser les élèves méritants ayant été domiciliés au Luxembourg durant leurs études. Elle en déduit que la prime d’encouragement ne rentrerait pas dans les prévisions de la disposition dérogatoire au principe de non-discrimination de l’article 24, paragraphe 1 de la directive 2004/38/CE, et que les dispositions de l’article 2 de la loi du 22 juin 2000 ne seraient pas applicables en ce qui concerne les primes d’encouragement. La demanderesse conclut partant à l’annulation des décisions déférées pour violation des articles 12 et 18 du traité CE, respectivement pour mauvaise application de l’article 2 b) de la loi du 22 juin 2000.

Le délégué du gouvernement rétorque, en ce qui concerne la condition du domicile au Luxembourg posée par l’article 2 b) de la loi du 22 juin 2000, que celle-ci devrait être remplie par l’étudiant ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne au moment de l’obtention du diplôme, dès lors qu’en vertu de l’article 4, point 4 de la même loi, la prime d’encouragement serait déterminée par le diplôme obtenu. Or, en l’espèce, la demanderesse ne répondrait pas à cette condition, alors qu’elle aurait élu domicile au Luxembourg le 12 mars 2008, soit presque huit mois après l’obtention de son diplôme en date du 18 juillet 2007. S’il admet qu’au cours des deux années d’études à l’Université du Luxembourg, la demanderesse a bien résidé dans un logement loué auprès de l’Université, il donne toutefois à considérer qu’elle n’aurait pas déclaré son domicile à la Ville de Luxembourg, pour en déduire, sur la base de l’article 104 du Code civil, qu’elle n’aurait pas eu l’intention de fixer son principal établissement au Luxembourg et, par suite, qu’elle n’aurait pas été domiciliée au Luxembourg au moment de l’obtention de son diplôme.

En ce qui concerne la condition de devoir tomber sous le champ d’application des dispositions des articles 7 et 12 du règlement (CEE) n° 1612/68, le délégué du gouvernement soutient que cette condition devrait également être remplie au moment de l’obtention du diplôme. Il fait valoir qu’à cette date, soit le 18 juillet 2007, la demanderesse n’aurait été ni travailleur au Luxembourg, ni membre de la famille d’un travailleur au Luxembourg, puisque, selon le certificat d’affiliation du Centre commun de la Sécurité sociale du 1er octobre 2008, elle n’aurait été inscrite comme travailleur intellectuel qu’à partir du 7 avril 2008, donc plus de sept mois après l’obtention du grade académique pour lequel la prime est demandée. Il s’ensuivrait que la condition critiquée de l’article 2 b) de la loi du 22 juin 2000 n’aurait pas été remplie par la demanderesse.

Le délégué du gouvernement se prévaut ensuite de deux arrêts de la Cour administrative rendus en date du 8 mai 2007 en matière de primes d’encouragement, pour soutenir que la condition de l’article 2 b) de la loi du 22 juin 2000 de devoir relever du champ d’application des articles 7 et 12 du règlement (CEE) n° 1612/68 ne serait pas contraire au droit communautaire, même si elle aboutissait à une différence de traitement entre les étudiants luxembourgeois et les étudiants communautaires, dès lors que cette différence de traitement serait prévue par la directive 2004/38/CE. Il invoque également un jugement du tribunal administratif du 23 mai 2007 (n° 21784 du rôle) ayant retenu, en suivant les conclusions de la Cour administrative des deux arrêts précités, que la prime d’encouragement serait à qualifier d’aide d’entretien aux études. Il en déduit que les primes d’encouragement, de par leur nature, tomberaient sous les critères spécifiques dérogatoires au principe de l’égalité de traitement de l’article 24, paragraphe 2 de la directive 2004/38/CE.

Dans son mémoire en réplique, la demanderesse insiste sur ce que les conditions d’octroi de la prime d’encouragement devraient être appréciées au moment de l’introduction de la demande et non pas, comme le soutient la partie étatique, au moment de l’obtention du diplôme. A l’appui de son argumentation, la demanderesse invoque le jugement précité du tribunal administratif du 23 mai 2007 (n° 21874 du rôle) qui aurait retenu la même solution. Elle fait valoir qu’elle aurait obtenu son diplôme le 18 juillet 2007 et qu’elle aurait introduit sa demande d’allocation d’une prime d’encouragement dans la première quinzaine du mois de juillet 2008, soit dans le délai d’un an, tel que prescrit par l’article 2 du règlement grand-ducal du 5 octobre 2000 concernant l’aide financière de l’Etat pour études supérieures, de sorte qu’elle aurait satisfait aux conditions prévues à l’article 2 b) de la loi du 22 juin 2000. Concernant encore la condition du domicile, elle affirme avoir été domiciliée au Luxembourg et avoir été travailleur communautaire dans une étude d’avocats au moment de l’introduction de sa demande, de sorte à relever du champ d’application des dispositions des articles 7 et 12 du règlement (CEE) n° 1612/68.

En ordre subsidiaire, pour le cas où le tribunal devrait estimer que les conditions d’octroi de la prime d’encouragement seraient à apprécier au moment de l’obtention du diplôme, elle fait valoir que, contrairement à ce qui est soutenu par le délégué du gouvernement, elle aurait eu son domicile effectif et réel au Luxembourg au moment de l’obtention de son diplôme. En invoquant les articles 103 et 105 du Code civil, elle affirme, pièces à l’appui, dont un contrat de bail et deux attestations testimoniales, qu’elle aurait habité réellement au Luxembourg au moment de l’obtention de son diplôme, même si elle n’avait pas fait une déclaration de résidence auprès de l’administration communale du lieu de sa résidence.

Le délégué du gouvernement insiste encore dans son mémoire en duplique sur le caractère d’aide d’entretien aux études de la prime d’encouragement, en se prévalant de l’article 1er de la loi du 22 juin 2000 et des travaux parlementaires de ladite loi, pour en déduire que les conditions d’octroi d’une prime d’encouragement devraient être remplies au moment de l’examen final se soldant par l’obtention du diplôme. Il soutient que le délai d’un an pour introduire la demande, invoqué par la demanderesse, aurait été prévu par le législateur pour la raison que les universités tarderaient souvent à délivrer les diplômes. Enfin, il insiste sur le critère du lien de rattachement de l’étudiant étranger avec la société luxembourgeoise pour l’attribution de l’aide financière, en se référant aux deux jugements précités du tribunal administratif du 5 mai 2007.

Les décisions de refus litigieuses sont motivées par la considération que la demanderesse n’était, au moment de l’obtention du diplôme pour lequel la prime d’encouragement est sollicitée, ni domiciliée au Luxembourg, ni travailleur au Luxembourg de sorte à ne pas tomber dans le champ d’application des articles 7 et 12 du règlement (CEE) n° 1612/68.

Aux termes de l’article 2 de la loi du 22 juin 2000 : « Peuvent bénéficier de l’aide financière de l’Etat pour études supérieures, les étudiants admis à poursuivre des études supérieures et qui remplissent l’une des conditions suivantes :

a) être ressortissant luxembourgeois et être domicilié au Grand-Duché de Luxembourg, ou b) être ressortissant d’un autre Etat membre de l’Union Européenne, être domicilié au Grand-Duché de Luxembourg et tomber sous le champ d’application des dispositions des articles 7 et 12 du règlement (CEE) No 1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté ; (…) ».

Il est constant en cause que la demanderesse, en tant que ressortissante française, tombe sous le coup de la condition énoncée au point b) de l’article 2, précité.

Cette disposition subordonne l’octroi d’une aide financière de l’Etat pour études supérieures, pour les étudiants étrangers possédant la nationalité d’un Etat membre de l’Union européenne, à la double condition d’être domicilié au Grand-Duché de Luxembourg et de tomber sous le champ d’application des dispositions des articles 7 et 12 du règlement (CEE) n° 1612/68.

Elle distingue ainsi, en fonction de la nationalité des personnes, entre les ressortissants luxembourgeois et les ressortissants des autres Etats membres de l’Union européenne, en ce sens que seuls ces derniers sont soumis à la condition de devoir relever du champ d’application des articles 7 et 12 du règlement (CEE) n° 1612/68.

Aux termes de l’article 7, paragraphe 2 du règlement (CEE) n° 1612/68, le travailleur ressortissant d’un Etat membre bénéficie, sur le territoire d’un autre Etat membre, des mêmes avantages fiscaux et sociaux que les travailleurs nationaux, étant relevé que les aides financières à l’entretien en faveur des étudiants sont considérées par la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) comme un avantage social, lorsqu’elles sont versées à un travailleur migrant (cf. CJUE, 21 juin 1988, Lair, affaire 39/86, Rec. p. 3161). S’agissant de la disposition de l’article 12 dudit règlement, qui régit le cas des enfants d’un travailleur migrant, celle-ci n’est en tout état de cause pas pertinente en l’espèce, étant donné que la demanderesse ne revendique pas la qualité de membre de famille d’un travailleur ressortissant communautaire.

Il résulte partant de l’article 2 b) de la loi du 22 juin 2000, lu en combinaison avec les articles 7 et 12 du règlement (CEE) n° 1612/68 que, pour pouvoir bénéficier d’une aide financière à l’entretien, l’étudiant de nationalité étrangère possédant la nationalité d’un autre Etat membre de l’Union européenne doit répondre à la définition communautaire de travailleur migrant ou de membre de famille de celui-ci.

En ce qui concerne la question de la légitimité au vu du droit communautaire de la condition de devoir relever du champ d’application des articles 7 et 12 du règlement (CEE) n° 1612/68, telle que soulevée par la demanderesse, il convient de relever que si l’article 12 du traité CE interdit, dans le domaine d’application du traité, toute discrimination exercée en raison de la nationalité envers tout citoyen de l’Union européenne qui réside légalement sur le territoire d’un Etat membre d’accueil, cette interdiction n’est cependant pas absolue, mais reste sujette, conformément à l’article 18 du traité CE qui dispose que tout citoyen de l’Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, aux limitations et conditions prévues par le traité CE et par les dispositions prises pour son application.

Or, au titre des limitations et conditions prévues par le traité CE et par les dispositions prises pour son application, c’est à bon droit que le délégué du gouvernement a invoqué la directive 2004/38/CE qui dispose en son article 24, paragraphe 2 que, par dérogation au principe de l’égalité de traitement dont bénéficie le citoyen de l’Union européenne séjournant légalement dans un Etat membre, posé au paragraphe 1 de l’article 24, l’Etat membre d’accueil n’est pas « tenu, avant l’acquisition du droit de séjour permanent, d’octroyer des aides d’entretien aux études, y compris pour la formation professionnelle, sous la forme des bourses d’études ou de prêts, à des personnes autres que les travailleurs salariés, les travailleurs non salariés, les personnes qui gardent ce statut, ou les membres de leur famille », étant précisé que l’article 16 de la même directive réserve « le droit de séjour permanent » aux citoyens de l’Union ayant séjourné légalement pendant une période ininterrompue de cinq ans sur le territoire de l’Etat membre d’accueil.

Il s’ensuit que, l’Etat d’accueil n’étant « pas tenu » d’octroyer des aides à des personnes autres que les travailleurs salariés, les indépendants, les personnes qui gardent ce statut ou les membres de leurs familles, il y a lieu de retenir qu’en subordonnant le bénéfice des aides pour les étudiants ressortissants des autres Etats membres à la condition que ces derniers rentrent dans le champ d’application des articles 7 et 12 du règlement (CEE) n° 1612/68, alors même qu’aucune condition de cette nature ne s’applique aux ressortissants luxembourgeois, l’article 2 b) de la loi du 22 juin 2000 ne méconnaît pas les articles 12 et 18 du traité CE. En outre, il convient de relever qu’il s’agit d’une condition objective et d’ailleurs moins rigoureuse que ce qui pourrait se faire au vu de l’article 24 de la directive 2004/38/CE, étant donné qu’elle exige un lien de rattachement vérifiable au pays d’accueil sans exiger une durée de séjour déterminée (cf.

Cour adm. 8 mai 2007, n° 22173C, disponible sous www.jurad.etat.lu).

Cette conclusion est encore conforme à la jurisprudence communautaire qui, au vu de l’article 24 de la directive 2004/38/CE, conclut que l’octroi d’aides d’entretien à des étudiants relève de l’application du traité CE, pour concéder que « s’agissant d’une aide couvrant les frais d’entretien des étudiants, il est légitime pour un Etat membre de n’octroyer une telle aide qu’aux étudiants ayant démontré un certain degré d’intégration dans la société de cet Etat » (CJUE, 15 mars 2005, Bidar, affaire C-209/03, point 57).

Il y a encore lieu de vérifier si la prime d’encouragement litigieuse est à considérer comme aide d’entretien aux études au sens de la disposition de l’article 24, paragraphe 2 de la directive 2004/38/CE, précité, à défaut de quoi, elle ne tomberait pas dans le champ d’application de la possibilité dérogatoire au principe de l’égalité de traitement de l’article 24, paragraphe 2 de la directive précitée.

S’il est vrai, ainsi que le soutient la demanderesse, que la prime d’encouragement de 3e cycle est allouée aux étudiants ayant terminé avec succès et dans les délais prévus leurs études de 3e cycle, et qu’aux termes de l’article 4, point 4 de la loi du 22 juin 2000, l’allocation de la prime d’encouragement est déterminée par la seule obtention du diplôme, en l’occurrence le diplôme de 3e cycle, indépendamment de la situation financière ou sociale de l’étudiant ou de celle de ses parents, il échet toutefois d’examiner le caractère de la prime notamment en ce qui concerne sa finalité.

L’article 1er de la loi du 22 juin 2000 dispose qu’elle « a pour objet de faciliter l’accès aux études supérieures par l’allocation d’une aide financière sous la forme de bourses, de prêts, avec ou sans charge d’intérêts, de subventions d’intérêts et de primes d’encouragement ».

Il résulte de cette disposition que la prime d’encouragement s’inscrit dans l’ensemble des mesures prises afin de « faciliter l’accès aux études supérieures ». Il s’ensuit que la seule circonstance que la prime d’encouragement est accordée sans être subordonnée à des critères d’ordre social ou financier, mais seulement suivant le résultat d’examen obtenu, n’est pas de nature à lui enlever le caractère d’« aide à l’entretien ».

Au contraire, au vu des travaux préparatoires de la loi, le caractère d’aide est explicitement souligné par les considérations justificatives visant à « éviter que l’endettement de l’étudiant soit proportionnel à l’allongement de ses études » et par la circonstance que « pour tout étudiant ayant contracté un prêt garanti par l’Etat, les montants des primes d’encouragement sont utilisés pour le remboursement de son prêt » (exposé des motifs, doc. parl. 4562 n° 3 et 4 ; règlement d’exécution du 5 octobre 2000, article 7 (4)).

Ceci étant et bien que le commentaire de l’article parle « de récompenser l’étudiant méritant », la finalité de faciliter l’accès aux études fait que la prime d’encouragement a un impact sur la situation financière de l’étudiant et constitue dès lors une aide à l’entretien, même si elle n’est servie qu’après l’accomplissement du cycle d’études à laquelle elle se rapporte (cf. Cour adm. 8 mai 2007, n° 22173C, Pas. adm.

2009, V° Education Nationale, n° 58) .

Il s’ensuit que la prime d’encouragement rentre dans les prévisions dérogatoires au principe d’égalité de traitement, consacrées à l’article 24 de la directive 2004/38/CE, avec la conséquence que l’Etat membre d’accueil n’est pas tenu, avant l’acquisition d’un droit de séjour permanent, d’octroyer une aide de ce type à des personnes autres que les travailleurs salariés, les indépendants, les personnes qui gardent ce statut ou les membres de leur famille.

Il convient partant d’examiner si la demanderesse satisfait aux conditions posées par l’article 2 b) de la loi du 22 juin 2000. Tel que relevé à bon droit par les parties à l’instance, le texte ne précise pas à quel moment les conditions d’octroi doivent être remplies. Le tribunal ne saurait toutefois partager le raisonnement de la partie demanderesse suivant lequel il y aurait lieu de se placer au moment de l’introduction de la demande d’attribution de la prime d’encouragement pour vérifier le respect des conditions, à défaut de disposition afférente dans le texte légal sous examen.

Il convient, par contre, de s’en tenir à la finalité de la disposition de l’article 2 b) de la loi du 22 juin 2000 en ce que le législateur a entendu réserver le bénéfice des aides d’entretien aux étudiants ressortissants communautaires qui présentent un certain rattachement avec la société du pays d’accueil. L’existence d’un certain degré d’intégration peut être établi précisément à travers le fait d’avoir son domicile au Luxembourg et d’être ou d’avoir été travailleur migrant. Or, dans cette logique, le constat s’impose, pour ce qui concerne la prime d’encouragement, que les conditions doivent être remplies antérieurement à l’obtention du diplôme.

Cette conclusion n’est pas infirmée par la référence faite par la demanderesse à la disposition de l’article 2, alinéa 3 du règlement grand-ducal du 5 octobre 2000 qui prévoit que la demande d’attribution d’une prime d’encouragement peut être demandée dès l’obtention du diplôme et au plus tard une année après l’obtention du diplôme, étant donné qu’il s’agit simplement d’une modalité précisant les délais pour l’introduction de la demande.

En l’espèce, il ressort des pièces produites que la demanderesse a été inscrite à l’Université du Luxembourg à la 2e année du master en droit européen durant l’année académique 2006-2007, soit du 1er octobre 2006 au 31 juillet 2007, et qu’elle obtenu son diplôme le 18 juillet 2007, la demande d’attribution d’une prime d’encouragement de 3e cycle ayant été présentée au CEDIES en date du 27 juin 2008, ainsi que cela ressort du tampon officiel d’entrée du CEDIES apposé sur le formulaire servant de demande.

Il ressort par ailleurs des éléments en cause que la demanderesse n’est pas arrivée au Luxembourg en tant que travailleur migrant, ni d’ailleurs en tant que membre de famille d’un travailleur migrant, mais dans le but d’y poursuivre des études, de sorte qu’elle ne relève pas du champ d’application des articles 7 et 12 du règlement (CEE) n° 1612/68. Son contrat de collaboration signé avec une étude d’avocats luxembourgeoise le 12 février 2008 prenant effet le 7 avril 2008, n’a en effet été établi que postérieurement à l’obtention du diplôme, de sorte que cet élément ne saurait être pris en considération.

Quant à la condition du domicile au Luxembourg posée par l’article 2 b) de la loi du 22 juin 2000, s’il ressort certes des pièces du dossier, et notamment du contrat de bail pour une chambre meublée à Luxembourg-Ville, signé avec l’Université du Luxembourg le 12 février 2007, et prolongé dans ses effets par avenant du 24 juillet 2007, et de deux attestations testimoniales, que la demanderesse a résidé au Luxembourg pendant ses études, il n’en demeure pas moins que ces éléments ne sont pas suffisants pour établir l’intention de la demanderesse d’établir son principal établissement au Luxembourg, cette intention n’étant établie que par le certificat de résidence établi le 9 juin 2008 par l’administration communale de la Ville de Luxembourg et attestant le changement de résidence de la demanderesse en provenance de Strasbourg (F) depuis le 12 mars 2008. Il s’ensuit que conformément aux articles 103 à 105 du Code civil, la demanderesse n’a pas non plus rempli la condition du domicile au Luxembourg antérieurement à l’obtention du diplôme.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que la secrétaire d’Etat a refusé de faire droit à la demande d’attribution d’une prime d’encouragement de la demanderesse comme ne répondant pas aux conditions de la loi du 22 juin 2000, de sorte que le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Au vu de l’issue du litige, la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 1.000 euros, formulée par la demanderesse sur la base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, est également à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure :

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Martine Gillardin, vice-président, Annick Braun, juge, et lu à l’audience publique du 18 mars 2010 par le premier vice-président, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 18.03.2010 Le Greffier du Tribunal administratif 10


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 25875
Date de la décision : 18/03/2010

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2010-03-18;25875 ?

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